Cour administrative d'appel de Versailles, 4 juin 2013, n° 12VE02852

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 4 juin 2013, n° 12VE02852
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 12VE02852
Décision précédente : Tribunal administratif de Versailles, 20 juin 2012, N° 1006370

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE VERSAILLES

N° 12VE02852


M. Y X


M. Formery

Président


M. Coudert

Rapporteur


Mme Dioux-Moebs

Rapporteur public


Audience du 21 mai 2013

Lecture du 4 juin 2013

__________

Code PCJA : 01-02-01-03-01

26-055-01-08

26-07-01-02

Code Lebon : C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Versailles

1re Chambre

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2012, présentée pour M. Y X, demeurant XXX à Ballancourt-sur-Essonne (91610), par Me Le Moigne, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1° d’annuler le jugement n° 1006370 du 21 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 10 août 2010 par laquelle le préfet de l’Essonne a refusé de renouveler sa carte nationale d’identité ;

2° d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision en litige ;

3° d’enjoindre au préfet de l’Essonne, à titre principal, de rendre effectif le renouvellement de sa carte nationale d’identité en lui délivrant ladite carte dans un délai de quinze jours à compter de l’arrêt à intervenir, sous une astreinte qu’il plaira à la Cour de fixer ou, à titre subsidiaire, de reprendre l’instruction de sa demande de renouvellement de sa carte nationale d’identité et de statuer sur celle-ci dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir, sous la même condition d’astreinte ;

4° de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, en ce comprise la somme de 35 euros acquittée au titre de la contribution pour l’aide juridique ;

Il soutient :

— sur la recevabilité : que sa requête d’appel est recevable ;

— sur la régularité du jugement attaqué : que, d’une part, un jugement est irrégulier si la motivation est entachée de contradiction que ce soit entre les motifs ou entre les motifs et le dispositif ; que tel est le cas en l’espèce ; que, d’autre part, la motivation du jugement contesté est insuffisante ;

— sur la légalité de la décision en litige :

— en ce qui concerne la légalité de l’article 5 du décret du 22 octobre 1955 : que le pouvoir réglementaire était incompétent pour adopter ces dispositions et ceci tant au regard des droits fondamentaux et des libertés publiques qu’au regard de la protection des données personnelles ; que les garanties fondamentales accordées au citoyen pour l’exercice des libertés publiques sont manifestement insuffisantes ; que le groupe des commissaire nationaux en charge de la protection des données institué par l’article 29 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 a exprimé des réserves sur la conservation des données biométriques telles que les empreintes digitales à des fins de contrôle ultérieurs des immigrants illégaux ; que le relevé systématique des empreintes digitales des citoyens en dehors de toute infraction pénale pour constituer un fichier de police est contraire au principe de respect de la dignité humaine qualifiée d’inviolable à l’article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; que l’article 5 du décret susmentionné est également contraire à l’article 8 de cette même Charte ; que le système issu des dispositions en cause constitue une violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qu’il permet la collecte des empreintes digitales des personnes sollicitant la délivrance ou le renouvellement de la carte nationale d’identité et la conservation de ces données de manière permanente et sans limite de temps ; que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la conservation d’empreintes digitales et de données ADN constitue en soi une ingérence au sens de l’article 8 de la convention et a condamné la législation britannique en tant qu’elle permet la conservation des données susmentionnées pour une durée illimitée ; que les dispositions de l’article 5 du décret sont contraires aux objectifs de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 et notamment son article 6 ;

— en ce qui concerne l’atteinte à la liberté de circulation : qu’à défaut de renouvellement de sa carte nationale d’identité, non seulement il se voit interdire de circuler au sein de l’Union européenne mais encore même sur le territoire national il se voit menacé d’être retenu abusivement pendant 4 heures par les forces de l’ordre, dans le cadre d’une mesure de garde à vue ou d’une rétention douanière ; que le fait qu’il dispose d’un passeport est indifférent ; que le préfet était tenu de lui délivrer sa carte nationale d’identité dès lors qu’il a la qualité de citoyen français ; que le préfet ne pouvait donc exiger qu’il complète son dossier de demande de carte nationale d’identité par la prise d’empreinte digitale ; que le refus de renouveler sa carte nationale d’identité porte donc atteinte à ses droits de citoyen européen en l’empêchant de circuler librement sur le territoire des Etats membres avec ce seul document ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la mise en demeure adressée le 30 novembre 2012 au ministre de l’intérieur, en application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2012, présenté par le ministre de l’intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre fait valoir que le jugement attaqué n’est pas entaché d’irrégularité dès lors qu’il ne comporte aucune contradiction de motifs et est suffisamment motivé ; que le requérant n’est pas fondé à invoquer les stipulations de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dès lors que le présent litige ne concerne pas la mise en œuvre d’une politique de l’Union européenne ; que le décret du 22 octobre 1955 n’a pas pour objet de fixer une ou des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques au sens de l’article 34 de la Constitution et ne fixe pas davantage de condition à la délivrance de la carte nationale d’identité ; que ce décret n’est donc pas contraire à l’article 34 de la Constitution ; que, dans son arrêt du 26 octobre 2011, le Conseil d’Etat a expressément reconnu que le renforcement contre la fraude documentaire est une des finalités qui est au nombre de celles qui justifient qu’il puisse être porté, par la création d’un traitement centralisé de données à caractère personnel, atteinte au droit des individus à la vie privée ; que, de même, l’identification certaine d’une personne dans le cadre d’une procédure judiciaire ne saurait être considérée comme une finalité illégitime du relevé d’empreinte ; que l’invocation par l’appelant de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-652 DC du 22 mars 2012 est inopérante dès lors que l’article 5 du décret du 22 octobre 1955 ne crée aucun traitement de données à caractère personnel ; qu’il doit être indiqué que la CNIL a rendu un avis favorable sur le relevé d’une empreinte digitale à l’occasion d’une demande de carte nationale d’identité ; que la conservation dans un dossier papier en préfecture de l’empreinte digitale est respectueuse de la liberté individuelle et du droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance et ce d’autant que la conservation est limitée dans le temps puisqu’à l’issue des dix années de validité du titre, l’empreinte est détruite ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sera écarté ; qu’il en est de même du moyen tiré de la méconnaissance de l’article 6 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 ; que la décision du préfet de l’Essonne ne méconnaît pas la liberté de circulation ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 6 mai 2013, présenté pour M. X, qui persiste dans les conclusions de la requête par les mêmes moyens et soutient en outre qu’il ressort d’un arrêt récent de la Cour européenne des droits de l’homme qu’il appartient au seul législateur d’instituer une réglementation ayant pour effet de conserver et de créer une base de données nationale portant sur les empreintes digitales ; que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est invocable en l’espèce dans l’ordre juridique national ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 34 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le traité sur l’Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Vu la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

Vu la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

Vu le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955, modifié notamment par le décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 mai 2013 :

— le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

— les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

— et les observations de Me Le Moigne, pour M. X ;

Considérant que M. X a sollicité, le 24 juin 2010, le renouvellement de sa carte nationale d’identité ; que, par décision du 23 juillet 2010, confirmée le 10 août 2010, le préfet de l’Essonne a rejeté sa demande au motif que son dossier était incomplet, l’intéressé ayant refusé d’apposer son empreinte digitale sur le formulaire ; que M. X relève régulièrement appel du jugement du 21 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 10 août 2010 par laquelle le préfet de l’Essonne a refusé de renouveler sa carte nationale d’identité ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés. » ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. X a soutenu devant le Tribunal administratif de Versailles que la décision par laquelle le préfet de l’Essonne a refusé de renouveler sa carte nationale d’identité portait atteinte à sa liberté de circulation sur le territoire de l’Union européenne et qu’elle l’exposait, sur le territoire national, au risque d’être retenu par les services de police ou de gendarmerie aux fins de contrôler son identité ; que, compte-tenu de l’argumentation dont ils étaient saisis, les premiers juges, en se bornant à indiquer « qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée a porté atteinte, d’une part, au droit de M. X à la libre circulation sur le territoire français et sur le territoire de l’Union européenne prévu aux articles 17 et 18 du Traité de Rome, à l’article 2 du Protocole n° 4 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à l’article 45 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, d’autre part, au droit à la liberté prévu aux articles 1er, 2 et 9 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, à l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à l’article 6 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », n’ont pas suffisamment motivé leur jugement ; qu’il suit de là que M. X est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d’irrégularité et qu’il doit être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sur la légalité de la décision portant refus de renouvellement de la carte nationale d’identité de M. X :

En ce qui concerne le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision :

Considérant que la décision par laquelle le préfet de l’Essonne a rejeté la demande de M. X tendant au renouvellement de sa carte nationale d’identité, a été signée par Mme A B, chef de section du bureau des titres d’identité de la direction des polices administratives et des titres de la préfecture de l’Essonne, qui bénéficiait, en vertu d’un arrêté du 30 juin 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l’Etat dans l’Essonne, d’une délégation de signature à cette fin ; que le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision attaquée doit, dès lors, être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de l’article 5 du décret du 22 octobre 1955 :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret du 22 octobre 1955 susvisé : « Il est institué une carte nationale certifiant l’identité de son titulaire (…) » ; qu’aux termes de l’article 2 dudit décret : « La carte nationale d’identité est délivrée sans condition d’âge par les préfets et sous-préfets à tout Français qui en fait la demande (…). Elle est renouvelée dans les mêmes conditions. » ; qu’enfin aux termes de l’article 5 de ce même décret : « Lors de la constitution du dossier de demande de carte nationale d’identité, il est procédé au relevé d’une empreinte digitale de l’intéressé. Conservée au dossier par le service gestionnaire de la carte, l’empreinte digitale ne peut être utilisée qu’en vue : / 1° De la détection des tentatives d’obtention ou d’utilisation frauduleuse d’un titre d’identité ; / 2° De l’identification certaine d’une personne dans le cadre d’une procédure judiciaire. » ;

Considérant que les dispositions précitées de l’article 5 du décret du 22 octobre 1955, dans leur rédaction issue de l’article 6 du décret du 25 novembre 1999, reprenant les dispositions figurant auparavant aux articles 1er et 2 du décret n° 87-179 du 19 mars 1987, prévoient la collecte d’une empreinte digitale lors des demandes de carte nationale d’identité ; que ces dispositions, qui se bornent à définir les pièces et informations à fournir à l’appui de ces demandes, n’ont ni pour objet ni pour effet de poser des conditions à la délivrance de ce document d’identité ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. X, ni les dispositions de l’article 5 en cause, ni aucune autre disposition de ce décret, n’autorise la création d’un fichier centralisé des empreintes digitales recueillies à l’occasion des demandes de cartes nationales d’identité, ou le versement de ces empreintes au « fichier automatisé des empreintes digitales » institué par le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant : / – les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; (…) / – la nationalité, l’état et la capacité des personnes (…) ; – (…) la procédure pénale (…) » ;

Considérant, qu’ainsi qu’il vient d’être dit, les dispositions de l’article 5 du décret du 22 octobre 1955 ne posent aucune condition à la délivrance des cartes nationales d’identité ; que ces dispositions ne peuvent donc être regardées comme fixant des règles relatives aux droits civiques et aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; qu’elles ne fixent pas davantage de règles concernant la nationalité ou la procédure pénale ; que, dès lors, M. X n’est pas fondé à soutenir qu’en application des dispositions de l’article 34 de la Constitution, les dispositions en cause relevaient du domaine de la loi ; qu’à cet égard, le requérant n’est pas fondé à se prévaloir d’un arrêt du 18 avril 2013 de la Cour européenne des droits de l’homme dès lors que l’utilisation par cette dernière du terme de « loi » doit s’entendre comme visant les textes, tant législatifs que réglementaires, pris en conformité avec les dispositions des articles 34 et 37 de la Constitution ; qu’il suit de là que le moyen tiré de l’incompétence du pouvoir réglementaire pour édicter les dispositions en litige doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ; qu’aux termes de l’article 6 de la directive du 24 octobre 1995 susvisée : « 1. Les États membres prévoient que les données à caractère personnel doivent être : (…) b) collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. (…) / c) adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement ; / (…) e) conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement. (…) » ;

Considérant que l’ingérence dans l’exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée que constituent la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d’informations personnelles nominatives, ne peut être légalement autorisée que si elle répond à des finalités légitimes et que le choix, la collecte et le traitement des données sont effectués de manière adéquate et proportionnée au regard de ces finalités ;

Considérant que le relevé de l’empreinte digitale effectué à l’occasion d’une demande de carte nationale d’identité a pour finalités, selon les termes mêmes de l’article 5 du décret du 22 octobre 1955, la détection des tentatives d’obtention ou d’utilisation frauduleuse d’un titre d’identité, d’une part, et l’identification certaine d’une personne dans le cadre d’une procédure judiciaire, d’autre part ; qu’ainsi qu’il a été dit, les empreintes digitales ainsi collectées, conservées au dossier par le service gestionnaire de la carte, ne font l’objet d’aucune numérisation ni d’aucune centralisation ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient M. X, elles ne peuvent être utilisées pour l’identification d’une personne à partir de ses seules empreintes digitales ; que le recueil d’une empreinte digitale lors des demandes de carte nationale d’identité répond ainsi à des finalités déterminées, explicites et légitimes ; que ce relevé d’une empreinte digitale est également adapté, pertinent et non excessif au regard des finalités poursuivies ; qu’à supposer que l’empreinte ainsi recueillie soit conservée sans limitation de durée, ce que, du reste, le ministre conteste, cette circonstance n’apparaît, en tout état de cause, ni incompatible avec les finalités de cette collecte, une telle conservation permettant de garantir les conditions du renouvellement du titre d’identité quelle que soit la date à laquelle ce renouvellement est sollicité, ni, compte-tenu des caractéristiques susrappelées de la conservation de cette empreinte, excessive ; qu’il résulte de ce qui précède que M. X n’est pas fondé à soutenir que les dispositions de l’article 5 du décret du 22 octobre 1955 prévoyant le relevé d’une empreinte digitale lors des demandes de cartes nationales d’identité, porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou que ces dispositions méconnaîtraient les objectifs de l’article 6 précité de la directive du 24 octobre 1995 ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X ne peut utilement se prévaloir, au soutien de son moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de l’article 5 du décret du 22 octobre 1955, d’un avis rendu le 11 août 2004 par le groupe des commissaires nationaux en charge de la protection des données institué par l’article 29 de la directive du 24 octobre 1995 susvisée, ledit avis étant dépourvu de toute force juridique ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article 51 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « 1. Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux Etats membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. (…) » ; que les moyens tirés de la méconnaissance des articles 1er, 7 et 8 de cette Charte ne peuvent être accueillis, dès lors que les dispositions réglementaires contestées ne mettent pas en œuvre le droit de l’Union ;

Considérant, en dernier lieu, que si M. X soutient que l’article 5 du décret du 22 octobre 1955 méconnaît les dispositions de l’article 126 de l’accord de Schengen, il n’assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de l’article 5 du décret du 22 octobre 1955 doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la décision portant refus de carte nationale d’identité porterait atteinte au droit de M. X à la liberté et à la liberté d’aller et venir :

Considérant, d’une part, que s’il résulte de l’article 2 du décret du 22 octobre 1955 que tout citoyen français est en droit de se voir délivrer une carte nationale d’identité, ces dispositions n’interdisait pas au pouvoir réglementaire, dans ce même décret, de déterminer les pièces et informations à produire à l’appui d’une demande de délivrance ou de renouvellement d’une carte nationale d’identité ; que, dès lors, le préfet de l’Essonne était fondé à rejeter la demande de renouvellement de la carte nationale d’identité de M. X au motif que celle-ci ne comportait pas l’empreinte digitale requise par l’article 5 de ce même décret ;

Considérant, d’autre part, que la carte nationale d’identité ne constitue pas le seul document permettant de circuler librement sur le territoire de l’Union européenne ou de prouver son identité ; que, dès lors et en tout état de cause, en refusant de renouveler la carte nationale d’identité de M. X, le préfet de l’Essonne ne saurait être regardé comme ayant porté à son droit de circuler librement sur le territoire de l’Union européenne une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que la décision contestée n’a pas davantage porté une atteinte disproportionnée au droit à la liberté de M. X ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 17 et 18 du Traité de Rome, de l’article 2 du Protocole n° 4 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que des articles 1er, 2 et 9 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

Considérant, enfin, que la décision en litige ne mettant pas en œuvre le droit de l’Union, M. X ne peut se prévaloir au soutien de sa contestation des articles 6 et 45 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle le préfet de l’Essonne a refusé de renouveler sa carte nationale d’identité ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette les conclusions de M. X tendant à l’annulation de la décision attaquée, n’appelle aucune mesure d’exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d’injonction sous astreinte présentées par l’intéressé doivent être rejetées ;

Sur les dépens :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser la contribution pour l’aide juridique à la charge de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1006370 du 21 juin 2012 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y X et au ministre de l’intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l’Essonne.

Délibéré après l’audience du 21 mai 2013, où siégeaient :

M. Formery, président ;

M. Huon, premier conseiller ;

M. Coudert, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 4 juin 2013.

Le rapporteur, Le président,

B. COUDERT S. FORMERY

Le greffier,

C. FOURTEAU

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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