Cour de cassation, Chambre sociale, 3 octobre 2018, 16-23.075, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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www.invictae-avocat.com · 4 mars 2022

Les faits Un salarié est engagé le 17 juillet 2000 par une société d'expertise comptable et de commissariat aux comptes en tant qu'assistant. Après avoir obtenu son diplôme d'expert comptable et de commissaire aux comptes, un nouveau contrat de travail est signé le 19 mai 2009, avec effet rétroactif au 5 janvier 2009. Le 3 février 2011, le salarié alerte son employeur sur une situation de conflit d'intérêts, par courrier recommandé. Il lui précise qu'en l'absence de possibilité de discuter sur la situation, il n'aura d'autre choix que de saisir la compagnie régionale des …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 3 oct. 2018, n° 16-23.075
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-23.075
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 29 juin 2016, N° 13/08845
Textes appliqués :
Article 4 du code de procédure civile.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000037495524
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:SO01353
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Texte intégral

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 3 octobre 2018

Cassation partielle

M. X…, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 1353 F-D

Pourvoi n° N 16-23.075

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Olivier Y…, domicilié […] ,

contre l’arrêt rendu le 30 juin 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 6 – chambre 8), dans le litige l’opposant à la société Diagnostic et investissement (D&I), société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 4 septembre 2018, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z…, conseiller rapporteur, Mme Richard, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Z…, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Y…, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Diagnostic et investissement, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Y… a été engagé à compter du 17 juillet 2000 en qualité d’assistant par la société d’expertise comptable et de commissariat aux comptes Diagnostic et investissement (la société) ; qu’à la suite de l’obtention de son diplôme d’expert-comptable et de commissaire aux comptes, le salarié a conclu un nouveau contrat de travail le 19 mai 2009, avec effet rétroactif au 5 janvier 2009 ; que par lettre recommandée du 3 février 2011, le salarié a alerté son employeur sur une situation de conflit d’intérêts concernant la société entre ses missions d’expert-comptable et de commissaire aux comptes ; que dans cette même lettre, le salarié indiquait qu’à défaut de pouvoir discuter de cette question avec son employeur, il en saisirait la Compagnie régionale des commissaires aux comptes, ce qu’il a fait, en l’absence de réponse, par lettre du 14 avril 2011 ; que le salarié a été licencié pour faute grave le18 mars 2011 ; que contestant ce licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale pour faire juger que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement d’indemnités liées à la rupture et d’un rappel de salaires sur primes ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter les demandes du salarié, l’arrêt retient

qu’il ressort des pièces versées aux débats que l’envoi de la lettre du 3 février 2011 n’est en réalité pas daté, le recommandé annexé à la copie de cette lettre étant illisible et que la saisine de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes par lettre du 21 avril 2011, est effectivement postérieure à l’initiative de la procédure disciplinaire et même au licenciement prononcé et que dès lors, aucun élément pertinent ne corrobore les assertions du salarié selon lesquelles les motifs ayant fondé son licenciement ne seraient pas ceux retenus dans la lettre de licenciement ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’employeur ne contestait pas dans ses conclusions reprises oralement à l’audience, que la lettre du 3 février 2011 avait été reçue avant l’engagement de la procédure de licenciement, la cour d’appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l’article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement d’un rappel de primes pour les années 2009, 2010 et 2011 et les congés payés afférents, l’arrêt retient que le salarié sollicite ce rappel, se référant, sans en préciser un quelconque fondement juridique, aux années passées 2006, 2007 et 2008 et aux situations des autres collaborateurs, qu’iI ressort du contrat de travail du 5 janvier 2009, qui « annule et remplace » celui signé en 2000, que la rémunération brute annuelle est constituée par un salaire fixe et une prime d’intéressement, que le salarié, lui-même, dans le cadre de ses écritures, indique que le rappel de prime sollicité ne concerne pas l’intéressement prévu dans le cadre du contrat de travail, que faute de fondement juridique et d’éléments supplémentaires relatifs à cette demande, alors même que la relation de travail est régie par le nouveau contrat de travail signé par les parties, le salarié doit être débouté de sa demande de rappel de prime ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le salarié invoquait un usage, la cour d’appel qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette la demande de M. Y… en paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés afférents, l’arrêt rendu le 30 juin 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Diagnostic et investissement aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Diagnostic et investissement à payer à M. Y… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Y….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement déféré en ce qu’il avait débouté Monsieur Y… de ses demandes tendant à voir constater que les fautes invoquées par la société sont prescrites par application de l’article L. 1332-4 du Code du travail, qu’en toute hypothèse, la société n’a pas fait la preuve qui lui incombe de la faute grave alléguée à son encontre et que par surcroît le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse et à voir en conséquence condamner la société DIAGNOSTIC ET INVESTISSEMENT à lui verser diverses sommes à titre de salaire de mise à pied, congés payés afférents, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dommages et intérêts pour préjudice moral lié aux conditions vexatoires de la rupture du contrat et de l’avoir condamné à verser à la société DIAGNOSTIC ET INVESTISSEMENT une somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Tout licenciement pour motif personnel doit avoir une cause réelle et sérieuse (article L 1232-1 du Code du Travail). La faute grave est définie comme un manquement du salarié à ses obligations tel que la rupture immédiate du contrat est justifiée. Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu’il invoque. Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. En application de l’article L 1232-6 du Code du Travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La très longue lettre de licenciement en date du 18 mars 2011 retient les griefs suivants, qualifiés de faute grave, à l’égard d’Olivier Y… : – défaut d’exécution des tâches et des missions qui lui incombent, – absence de suivi des dossiers, avec délégation des tâches aux collaborateurs même celles relevant de sa responsabilité, harcèlement des collaborateurs par des courriels incessants, – désinvolture et désintérêt à l’égard des clients, attitude susceptible de remettre en cause la relation du cabinet avec ces clients et d’engager la responsabilité du cabinet, – attitude méprisante et discourtoise à l’égard des collaborateurs, du cabinet et du Pôle audit, expliquant plusieurs départs, et à l’égard du responsable du cabinet, A la fin de la lettre de licenciement, la Société DIAGNOSTIC & INVESTISSEMENT évoque également l’activité personnelle libérale de Monsieur Y… qui représente un volume plus important que celui évoqué dans le cadre de l’engagement de ce salarié. Monsieur Y…, en premier lieu, soutient que la mesure de licenciement prise à son encontre, est fondée non les faits évoqués dans la lettre en date du 18 mars 2011 mais sur la dénonciation qu’il a faite de situations de conflits d’intérêt contraires aux règles déontologiques. Il affirme avoir adressé un courrier à son employeur le 3 février 2011 à ce sujet et soutient que ce courrier est à l’origine de la décision de le licencier. L’employeur indique que les accusations de Monsieur Y… sont postérieures au licenciement contrairement à ce qu’il prétend, relevant de surcroît d’une part que ce contentieux ne relève pas des juridictions de droit social et d’autre part que Monsieur Y… a exercé ses fonctions et les missions désormais litigieuses pendant de nombreux mois sans difficulté et sans jamais exercer son droit de retrait. Il ressort des pièces versées aux débats concernant ces points que l’envoi de la lettre en date du 3 février 2011 n’est en réalité pas daté, le recommandé annexé à la copie du courrier étant illisible et que la saisine de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes par lettre en date du 21 avril 2011, est effectivement postérieure à l’initiative de la procédure disciplinaire et même au licenciement prononcé. Dès lors, aucun élément pertinent ne corrobore les assertions de Monsieur Y… selon lesquelles les motifs ayant fondé son licenciement ne seraient pas ceux retenus dans la lettre de licenciement. Ensuite, si Monsieur Y… prétend que les griefs retenus sont prescrits, force est de constater que l’ensemble des éléments retenus ont été portés à la connaissance ou se sont passés dans les deux mois précédant le début de la procédure disciplinaire. Il s’ensuit qu’aucun des griefs énoncés n’est couvert par la prescription. Concernant le désintérêt et le défaut d’exécution des tâches imparties à Monsieur Y…, il ressort tant des courriers adressés par les clients du cabinet, notamment celui émanant du client ARES DIFFUSION en date du 24 février 2011, que ces derniers déplorent une attitude désinvolte et un manque d’investissement de la part de Monsieur Y… lors des missions au sein de leurs entreprises, employant les termes « dilettantisme » et un « conseiller [qui] « lanterne » ». Il y est mentionné que ce dernier délègue les tâches, au risque qu’elles soient réalisées de manière insatisfaisante et qu’il adopte une attitude discourtoise. Le Directeur administratif et financier du groupe Babilou s’étonne, dans un courrier en date du 25 février, de l’attitude « méprisante » de Monsieur Y… dans le cadre d’une réunion et ajoute qu’un tel comportement, de nature à démontrer l’existence de dysfonctionnements, pourrait remettre en cause les mandats de commissariat aux comptes octroyés. Les attestations, précises et circonstanciées des anciens collaborateurs de Monsieur Y…, font état de comportements similaires, décrivant « une attitude déplorable », le refus de Monsieur Y… de communiquer des informations importantes dans le cadre des missions, « des travaux excessifs [à réaliser] en vue de se prémunir de tout risque d’attaque sur le fond de ses travaux » ou la nécessité de terminer en urgence un rapport pour pallier une carence de Monsieur Y… et limiter le mécontentement d’un client. Concernant l’attitude discourtoise et méprisante, comme le harcèlement incessant reproché, il ressort précisément des mêmes attestations des collaborateurs et des courriers des clients versés aux débats par la Société DIAGNOSTIC & INVESTISSEMENT. Enfin, l’attitude de dénigrement à l’égard du responsable du Cabinet est mentionnée par l’ensemble des pièces produites aux débats, en des termes précis, réitérés et concordants. Si Monsieur Y… conteste l’ensemble de ces griefs et affirme, outre que les attestations versées sont de pure complaisance sans verser d’élément de nature à étayer cette affirmation, et produit aux débats quelques mails, tableaux d’évaluation et courriers dont il ne peut qu’être relevés qu’ils sont tous largement antérieurs à la mesure de licenciement, étant en date des années 2009 essentiellement et parfois de 2010. Monsieur Y… explique également qu’il effectuait des compte-rendus réguliers auprès de Monsieur A…, le responsable du Cabinet, et verse à cet égard des mails ponctuels, là encore datant de 2009 ou de novembre 2010. Concernant le dernier grief évoqué, l’exercice d’une activité libérale personnelle dont l’employeur déplore l’opacité, Monsieur Y… refusant de transmettre des informations transparentes sur ce point, il n’est démenti par aucune pièce produite par Monsieur Y…, ce dernier versant des mails anciens démontrant que ce sujet a été un point d’achoppement au moment des négociations afférentes au nouveau contrat de travail signé en 2009. Ainsi, il apparaît que l’ensemble des griefs retenus par l’employeur est caractérisé et que leur gravité, au regard des tâches dévolues à Monsieur Y… et de sa place dans le cabinet, constituent des manquements justifiant la rupture immédiate de la relation de travail. Le jugement est confirmé. Par conséquent, le licenciement de Monsieur Y… pour faute grave étant justifié, le salarié est débouté de l’ensemble de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail (rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, congés payés afférents, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse). Compte-tenu de ce qui précède, et faute d’élément versé aux débats relatifs au préjudice moral allégué par Monsieur Y…, ce dernier est débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre. Le jugement est confirmé sur ce point. L’équité commande qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner Monsieur Y… au paiement de la somme de 2000 euros à ce titre » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Considérant, à titre liminaire, la saisine par Monsieur Y… de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes ; considérant que celui-ci objecte à l’égard de son ancien employeur des manquements déontologiques. Mais, attendu que les litiges relatifs à des problématiques déontologiques relèvent des seules instances ordinales, le Conseil dit qu’il n’est pas compétent en la matière.

[

]Attendu que l’article L. 1235-1 du code du travail dispose que : « En cas de litige, le juge, à gui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties […]. Si un doute subsiste, il profite au salarié. » Attendu que, de jurisprudence constante, la lettre de licenciement fixe les termes du litige. Attendu qu’il est constant que la faute grave doit résulter d’un fait ou d’un ensemble de faits directement imputables au salarié et qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié 'dans l’entreprise pendant la durée du préavis ; que la faute est d’une gravité telle que l’employeur doit se séparer -immédiatement du salarié pour ne pas entraver la bonne marche de son entreprise ; qu’il appartienne l’employeur qui entend se prévaloir de la faute grave du salarié d’en apporter seul la preuve. Considérant ce qui ressort des pièces et conclusions qui ont été déposées à l’audience ainsi que des explications fournies à la barre par les parties lors des débats. Que Monsieur Y… a mené une campagne de dénigrement à l’encontre de Monsieur A… comme de ses collaborateurs. Que, ayant acquis un statut et une autorité particulière au sein du cabinet DIAGNOSTIC & INVESTISSEMENT, en sa qualité de responsable du pôle Audit et Commissariat aux comptes, Monsieur Y… s’est abstenu d’effectuer les tâches et les fonctions qui lui incombaient. Considérant que la lettre de licenciement précise : « Vous déléguez à vos Collaborateurs les missions qui vous sont confiées de manière systématique, y compris des tâches relevant de votre seule responsabilité, vous les harcelez d’ailleurs de courriels à ce titre en leur demandant en plus des travaux qui seraient les vôtres, d’exécuter des tâches parfois subalternes, le plus souvent inutiles… » Considérant, notamment, l’attestation de Monsieur B… : « Monsieur Y… distribuait à longueur de journées les tâches les plus insignifiantes aux uns et aux autres par mails, par exemple la rédaction des mails qu’il renvoyait par la suite avec sa signature. J’ai pour ma part dû rappeler à M. Y… que je n’étais pas sous ses ordres, quand il a pris l’initiative de m’attribuer certaines tâches liées à ses dossiers de travail, ou bien me demandant de lui apporter son café. » Attendu que cette attestation est corroborée par plusieurs autres attestations de salariés du pôle Audit et Commissariat aux comptes, le Conseil constate la réalité du comportement déplacé, désinvolte et non professionnel de Monsieur Y… dans l’exécution de son contrat de travail. Considérant que Monsieur Y… n’a répondu que de façon très lacunaire voire faussée, et même mensongère, aux obligations de reporting (saisie des temps de travail effectués sur chaque dossier, de manière à connaître par client et par dossier le nombre d’heures « chargeables » par mois) mises en place et demandées par Monsieur A…. Considérant les griefs invoqués par les clients du cabinet DIAGNOSTIC & INVESTISSEMENT qui ont relevé : le dilettantisme de Monsieur Y… lors de sa présence effective chez eux, retardant ainsi la clôture de l’exercice ; qu’il confiait l’exécution des travaux lui incombant à un stagiaire, Monsieur Dominique C… ; que cette attitude causait des dysfonctionnements subséquents de par son refus d’effectuer ses tâches en raison de sa présence limitée. Attendu qu’en l’espèce, dans la lettre de licenciement, il est reproché à Monsieur Y… que « les heures passées sur les dossiers sont sans commune mesure avec le volume des travaux effectués » ; que, ce faisant, celui-ci faussait les données de facturation. Le Conseil dit qu’un tel comportement du salarié nuit à la bonne marche de la Société. Considérant de surcroît que la lecture de la pièce adverse 53 montre que Monsieur Y… évitait toute communication avec Monsieur A…, son supérieur hiérarchique. Considérant le comportement discourtois de Monsieur Y… vis-à-vis de ses collaborateurs ; comportement attesté de façon convergente par plusieurs d’entre eux, montrant que Monsieur Y… refusait toute communication et tout échange avec eux et demeurait sciemment dans une attitude d’obstruction permanente face à leurs demandes, créant ainsi un climat pesant. Attendu qu’un tel comportement constitue un abus d’autorité de la part de Monsieur Y… qui, de son côté, ainsi qu’il a été montré, ne remplissait pas ses obligations envers son employeur. Attendu que, en qualité de commissaire aux comptes, Monsieur Y… avait l’obligation de veiller à ce que ses collaborateurs disposent des compétences appropriées à la bonne exécution des tâches qu’il leur confie et à ce qu’ils reçoivent et maintiennent un niveau de formation approprié ; que, par son attitude d’opposition et d’obstruction et son refus de communication avec ses subordonnés, Monsieur Y… a contrevenu sciemment à l’article 7 du code de déontologie de la profession. Considérant que, dans un même espace de temps, les 24 et 25 février 2011, Monsieur A… a reçu trois courriers de clients très mécontents de l’attitude de Monsieur Y…, que ce soit la société ARES, dans le cadre de la mission d’arrêté des comptes 2008 et 2009 ; la société SON-VIDEO.COM lors de la mission de commissaire aux comptes des sociétés INOVADIS et SON-VIDEO ; ou encore le groupe BABILOU. Attendu que la cour de cassation (22 septembre 2010, n° 09-40.619) a jugé que le licenciement pour faute grave d’un salarié, persistant à refuser d’exécuter les tâches qui lui étaient confiées, s’en déchargeant sur ses collègues de travail et passant ses journées sans rien faire, est justifié, le Conseil dit que le manque de professionnalisme dans l’exécution des missions incombant à Monsieur Y… procède de son attitude d’opposition et d’obstruction persistantes tant à l’encontre de son employeur que de ses collaborateurs ; que ce comportement relève d’une exécution gravement fautive du contrat de travail ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, le licenciement pour faute grave de Monsieur Y… est de ce fait justifié. » ;

ALORS en premier lieu QUE l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en l’espèce, la société DIAGNOSTIC ET INVESTISSEMENT, qui indiquait dans ses conclusions que Monsieur Y… avait adressé à Monsieur A… « un nouveau courrier recommandé avec avis de réception le 3 février 2011, faisant état de problématiques déontologiques [

] et menaçant ce dernier de saisir la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes », ne contestait pas avoir reçu ce courrier avant l’engagement de la procédure de licenciement de Monsieur Y… ; que malgré cela, la Cour d’appel a retenu que l’employeur aurait indiqué que les accusations de Monsieur Y… étaient postérieures au licenciement et que l’envoi de la lettre du 3 février 2011 n’était en réalité pas datée et en a déduit l’absence de tout élément pertinent corroborant le fait que les motifs ayant fondé le licenciement de Monsieur Y… ne seraient pas ceux retenus dans la lettre de licenciement ; qu’en statuant ainsi alors que les dates d’envoi et de réception du courrier du 3 février 2011 n’étaient pas discutées par les parties, la Cour d’appel a modifié les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

ALORS en toute hypothèse QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce, pour considérer qu’aucun élément pertinent ne corroborait les assertions de Monsieur Y… selon lesquelles les motifs ayant fondé son licenciement ne seraient pas ceux retenus dans la lettre de licenciement, la Cour d’appel a considéré qu’il ressortait des pièces versées aux débats que l’envoi de la lettre en date du 3 février 2011 n’était en réalité pas daté, le recommandé annexé à la copie du courrier étant illisible ; qu’en statuant ainsi alors que la preuve de dépôt et l’avis de réception de l’envoi recommandé annexés à la copie de ce courrier versé aux débats par Monsieur Y… (pièce n° 13) mentionnaient de façon tout à fait lisible une date d’envoi au 4 février 2011 et une date de distribution au 7 février 2011, la Cour d’appel a dénaturé la pièce susvisée en violation de l’article 1134 du Code civil dans sa version applicable au litige ;

ALORS encore QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce, pour considérer qu’aucun élément pertinent ne corroborait les assertions de Monsieur Y… selon lesquelles le véritable motif de son licenciement serait la dénonciation qu’il a faite d’une situation de conflit d’intérêts contraire aux règles déontologiques de la profession, la Cour d’appel a retenu, en substance, qu’il n’était pas établi que cette dénonciation soit antérieure au licenciement du salarié ; qu’en statuant ainsi alors que la lettre de licenciement mentionnait les « menaces [du salarié] de saisir la Compagnie des Commissaires aux Comptes pour un prétendu conflit d’intérêts contraire à nos règles déontologiques », ce dont il se déduisait que la dénonciation en cause était bien intervenue antérieurement au licenciement du salarié, la Cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de licenciement en violation de l’article 1134 du Code civil dans sa version applicable au litige ;

ALORS par ailleurs QU’il appartient au juge, tenu de motiver sa décision, d’analyser au moins sommairement les éléments de preuve produits sur lesquels il fonde cette décision ; qu’en l’espèce, Monsieur Y… faisait valoir que la lettre de licenciement énonçait des griefs non datés dont aucun ne se situait dans les mois ayant précédé la procédure de licenciement et en déduisait qu’ils étaient prescrits en application de l’article L. 1332-4 du Code du travail ; que pour considérer qu’aucun des griefs énoncés n’était couvert par la prescription, la Cour d’appel s’est contentée d’affirmer que « force est de constater que l’ensemble des éléments retenus ont été portés à la connaissance ou se sont passés dans les deux mois précédant le début de la procédure disciplinaire » ; qu’en statuant ainsi sans préciser ni, a fortiori, analyser, même sommairement, les éléments de preuve produits sur lesquels elle se fondait, la Cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS enfin QU’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu’il invoque ; qu’en l’espèce pour considérer que le grief tiré du développement par Monsieur Y… d’une activité libérale représentant un volume plus important que celui auquel s’était engagé le salarié, la Cour d’appel a retenu que ce grief n’était démenti par aucune pièce produite par Monsieur Y… ; qu’en faisant ainsi peser la charge de la preuve sur l’exposant, la Cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement déféré en ce qu’il avait débouté Monsieur Y… de ses demandes tendant à voir condamner la société DIAGNOSTIC ET INVESTISSEMENT à lui verser diverses sommes à titre de rappels de primes pour les années 2009, 2010 et 2011 et au titre des congés payés y afférents et de l’avoir condamné à verser à la société DIAGNOSTIC ET INVESTISSEMENT une somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur Y… sollicite un rappel de primes au titre des années 2009,2010 et 2011, se référant, sans en préciser un quelconque fondement juridique, aux années passées (2006,2007 et 2008) et aux situations des autres collaborateurs. Il ressort du contrat de travail en date du 5 janvier 2009, qui « annule et remplace » celui signé en 2000, que la rémunération brute annuelle est constituée par un salaire fixe et une prime d’intéressement. Monsieur Y…, lui-même, dans le cadre de ses écritures indique que le rappel de prime sollicité ne concerne pas l’intéressement prévu dans le cadre du contrat de travail. La Cour en conclut donc, faute de fondement juridique et d’éléments supplémentaires relatifs à cette demande, alors même que la relation de travail est régie par le nouveau contrat de travail en date du 5 janvier 2009 signées par les parties, que Monsieur Y… doit être débouté de sa demande de rappel de prime. Le jugement est confirmé sur ce point. »

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Considérant que Monsieur Y… sollicite de façon supplémentaire : la fixation de son salaire de référence à hauteur de 6.923,35 euros ; un rappel de primes exceptionnelles et des congés payés afférents ; des rappels de salaires pour les années 2009 et 2010 et les congés payés afférents ; un rappel d’heures supplémentaires ; le paiement de ses cotisations ordinales ; une indemnité compensatrice de congés payés pour le mois de mars 2011 ; un remboursement au titre de la CSG/CRDS 2007-2010 ; un remboursement au titre des frais de transport pour le mois de mars 2011 ; un paiement au titre des intérêts au taux légal et des intérêts de retard sur le rappel de primes, les heures supplémentaires et le rappel de salaires. Le Conseil, après avoir examiné les pièces et conclusions qui ont été déposées à l’audience et après avoir entendu les explications fournies à la barre par les parties lors des débats, dit que, Monsieur Y… échouant dans la justification de ses autres demandes, en sera débouté » ;

ALORS QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les conclusions des parties ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions d’appel, Monsieur Y… sollicitait le paiement de rappels de primes biannuelles pour les années 2009 à 2011 en faisant valoir que, compte tenu de sa constance, de sa généralité et de sa fixité le versement de ces primes caractérisait un usage qui, n’ayant jamais été dénoncé, obligeait l’employeur et ajoutait qu’en toute hypothèse, le versement de ces primes aux autres salariés faisait présumer une violation du principe d’égalité ; qu’en rejetant néanmoins cette demande au motif que Monsieur Y… n’en précisait pas le fondement juridique, la Cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de l’exposant et, ce faisant, méconnu les termes du litige, en violation des dispositions de l’article 4 du Code de procédure civile ;

ET ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée ; qu’en l’absence de toute précision dans les écritures d’une partie sur le fondement de sa demande, le juge doit examiner les faits, sous tous leurs aspects juridiques, conformément aux règles de droit qui leur sont applicables et statuer en explicitant le fondement juridique de la demande dont il est saisi ; qu’en déboutant en l’espèce, Monsieur Y… de sa demande de rappel de prime au motif qu’il ne précisait pas le fondement juridique de sa demande, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 12 du Code de procédure civile.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 3 octobre 2018, 16-23.075, Inédit