Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2019, 18-16.162, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

SOC.

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 18 décembre 2019

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 1726 F-D

Pourvoi n° Q 18-16.162

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Vale Nouvelle Calédonie, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , et ayant un établissement secondaire sis […] ,

contre l’arrêt rendu le 5 mars 2018 par la cour d’appel de Nouméa (chambre sociale), dans le litige l’opposant à M. L… F…, domicilié […] ,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 20 novembre 2019, où étaient présents : M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, Mme Rémery, avocat général, Mme Lavigne, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP […], […] et […], avocat de la société Vale Nouvelle Calédonie, de la SCP […], avocat de M. F…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nouméa, 5 mars 2018), statuant en référé, que M. F…, engagé le 19 août 2007 en qualité de […], statut cadre, par la société Goro nickel, aux droits de laquelle se trouve la société Vale Nouvelle-Calédonie (Vale NC), et qui a démissionné le 22 janvier 2016, a saisi le tribunal du travail à l’effet d’obtenir paiement, notamment, de dommages-intérêts provisionnels pour non paiement au titre de l’année 2015 de la gratification prévue par l’article 33 des accords collectifs de branche ou d’entreprise industrie de Nouvelle-Calédonie ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner au paiement d’une provision à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé au salarié par le non-paiement de la gratification annuelle prévue par les accords collectifs de branche ou d’entreprise industrie de Nouvelle-Calédonie, alors, selon le moyen :

1°/ que l’article 33 de l’accord de branche industrie dont l’application annuelle est obligatoire, prévoit une gratification annuelle dont le mode de calcul, librement déterminé par l’employeur selon des critères objectifs et non-discriminatoires, peut aboutir au versement d’une prime d’un montant nul ; qu’en considérant, pour retenir que le mode de calcul de la gratification annuelle retenu par l’employeur pour l’année 2015 était contraire à l’accord de branche, que le caractère obligatoire et d’ordre public de la gratification imposait à l’employeur de faire en sorte qu’elle ne soit pas de valeur nulle et soit payée chaque année, la cour d’appel a violé l’article 33 de l’accord de branche industrie ;

2°/ que dans ses conclusions d’appel, la société Vale Nouvelle-Calédonie soutenait, pour démontrer l’opposabilité au salarié des modalités de calcul de la gratification annuelle, que dès le début de l’année 2015, M. F… avait été informé par les représentants du personnel du coefficient multiplicateur retenu pour calculer la gratification annuelle 2015, puis le 25 novembre 2015, soit plus de deux mois avant la date de son versement en février 2016, de l’absence de gratification annuelle 2015 pour les cadres, et n’avait pas contesté ce résultat négatif ; qu’en se bornant à considérer que le mode de calcul de la prime était contraire aux dispositions de l’article 33 de l’accord précité, sans répondre à ce moyen opérant destiné à établir le consentement du personnel de l’entreprise aux modalités de calcul de la gratification annuelle, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

Mais attendu que la cour d’appel, après avoir exactement retenu le caractère obligatoire de la gratification instituée par l’article 33 des accords collectifs de branche ou d’entreprise industrie de Nouvelle-Calédonie, prévoyant que « Les Ingénieurs et Cadres percevront une gratification annuelle dont le mode de calcul, de répartition ainsi que la période de versement seront déterminés au sein de chaque entreprise », et constaté, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans être tenue de répondre à un moyen inopérant, que l’employeur avait ajouté au mode de calcul de la gratification due pour l’année 2015 un coefficient fondé sur les résultats de Vale Groupe qu’il savait mauvais, ce qui aboutissait à la possibilité d’une gratification d’un montant nul, a caractérisé l’exécution déloyale par l’employeur de l’accord conventionnel ; qu’elle a, par ces seuls motifs, justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Vale Nouvelle-Calédonie aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Vale Nouvelle-Calédonie à payer à M. F… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP […], […] et […], avocat aux Conseils, pour la société Vale Nouvelle Calédonie

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Vale Nouvelle-Calédonie fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamnée à régler à M. F… la somme de 846.904,308 francs CFP au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;

AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l’article Lp. 241-2 du code du travail, « le salarié qui, au cours de l’année de référence, justifie avoir travaillé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d’un mois de travail effectif a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail ; que la durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ; que sauf dispositions contraires, la même règle de preuve s’applique aux congés d’origine légale ou conventionnelle ; qu’en l’espèce la société Vale Nouvelle Calédonie ne produit aucun élément permettant d’établir qu’elle a mis le salarié en mesure de prendre l’ensemble des jours de congés acquis en 2012 et 2013 ; qu’en effet, il résulte du dernier bulletin de salaire de M. F… et du solde de tout compte que celui-ci bénéficiait d’un solde disponible de congé de 57 jours et non 66 comme indiqué par M. F… et un droit en cours de 4,16, sur lequel 2 jours ont été pris au mois de mars 2013, de sorte que la société Vale Nouvelle-Calédonie aurait dû régler à M. F… 59,08 jours ; que la preuve de la prise de congés de M. F… ne saurait s’évincer du seul extrait du logiciel congés « People Soft » et du courriel du chef de service de M. F…, M. J… en date du 11 mars 2016 qui indique que M. F… a pris ses congés :

— du 23 novembre 2012 au 10 janvier 2013,

— le 18 juin 2013,

— du 26 mai au 30 mai 2013,

— du 21 au 23 mai 2013, alors même que ces prises de ces congés n’ont pas été reportées sur les bulletins de salaire des mois concernés de novembre, décembre 2012, janvier 2013, mai et juin 2013 ; que le jugement doit donc être infirmé de ce chef et la société Vale Nouvelle Calédonie condamnée à régler à M. F… la différence entre les 36 jours d’indemnité réglés et les 59,08 jours dont elle est redevable, soit 23,08 jours représentant la somme de 846 904,308 F CFP ;

1°) ALORS QUE le juge des référés ne peut trancher une contestation sérieuse ; qu’en retenant, pour condamner la société Vale Nouvelle-Calédonie à payer au salarié une indemnité compensatrice de congés payés, que celui-ci n’établissait pas les dates de prise de congés, tout en constatant, d’une part, que dans son courriel du 11 mars 2016, le chef de service de la société, M. J…, indiquait que le salarié avait pris ses congés du 23 novembre 2012 au 10 janvier 2013, le 18 juin 2013, puis du 26 mai au 30 mai 2013 et du 21 au 23 juin 2013, d’autre part, que l’employeur produisait un extrait du logiciel « People Soft » corroborant ces dates de congés, et enfin, que les congés payés pris n’étaient pas reportés sur les bulletins de paie des mois concernés, ce dont il résultait nécessairement, dans un régime de liberté de la preuve, qu’une contestation sérieuse existait sur la prise des congés payés par le salarié, la cour d’appel a violé l’article 885-2 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, ensemble le principe de la liberté de la preuve ;

2°) ALORS QUE subsidiairement, en l’absence de contestation sérieuse, le juge des référés n’a le pouvoir que d’accorder une provision ; qu’en condamnant la société Vale Nouvelle Calédonie à régler à M. F… la somme de 846.904,308 francs CFP au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, la cour d’appel, saisie en référé, a excédé ses pouvoirs, en violation de l’article 885-2 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Vale Nouvelle-Calédonie fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamnée à régler à M. F… la somme 778.321 francs CFP à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation de son préjudice causé par le non paiement de la gratification obligatoire telle que prévue par les dispositions de l’article 33 de la convention collective industrie ;

AUX MOTIFS QUE selon les accords collectifs de branche ou d’entreprise Industries Nouvelle Calédonie, article 33 : Prime de Fin d’Année : « les ingénieurs et cadres percevront une gratification annuelle dont le mode de calcul, de répartition ainsi que la période de versement seront déterminés au sein de chaque entreprise » ; que la gratification annuelle ou prime de fin d’année prévue par l’accord de branche est distincte de la prime de performance ; que la première revêt un caractère obligatoire pour tous les salariés et s’impose à l’employeur, la seconde prévue au contrat de travail présente un caractère facultatif, son attribution étant fonction des performances accomplies par chacun des salariés susceptibles de la percevoir ; que la société Vale Nouvelle-Calédonie ne peut valablement s’exonérer du paiement de la gratification annuelle en prétendant avoir satisfait à son obligation par le fait qu’elle aurait versé une seule et même prime soumise à des objectifs déterminés par la branche d’activité du groupe alors que la prime de performance et la gratification annuelle sont distinctes par leur nature et leur objet, la prime de fin d’année ayant une origine conventionnelle et visant à compenser des sujétions particulières de travail en cas notamment de risques spécifiques liés au travail et la prime de performance étant exclusivement liée à la réalisation des objectifs déterminés avec les salariés ; que c’est par une juste motivation que la cour adopte que le tribunal a retenu que les dispositions conventionnelles rappelées ci-dessus, ne peuvent être interprétées en ce sens qu’elles auraient pour objet, ou pour effet de laisser au chef d’entreprise la possibilité de ne pas conclure d’accord d’entreprise pour que les salariés ne bénéficient de cette prime ou de définir les modalités lui permettant de manière discrétionnaire de ne pas verser la prime ; qu’il est en l’espèce constant pour le personnel cadre de la Vale Nouvelle-Calédonie que la gratification annuelle obligatoire telle que prévue par la convention collective correspond à la prime de performance déterminée par « l’Annuel Incentive Plan (AIP) » ; que dans ces conditions, cette prime étant obligatoire, il appartient à la société Vale Nouvelle-Calédonie de faire en sorte qu’elle ne soit pas de valeur nulle et qu’elle soit payée chaque année ; qu’en ajoutant pour la prime de performance 2015, versée en février 2016, un coefficient fondé sur les résultats Vale Groupe qu’elle savait mauvais, compte tenu de la conjoncture minière dégradée, la société Vale Nouvelle-Calédonie a accru l’aléa de la prime de sorte que celle-ci pouvait être nulle, en violation du caractère obligatoire de la gratification annuelle résultant de l’accord conventionnel ; que la société Vale Nouvelle-Calédonie reconnaît que tout le personnel cadre n’a pas perçu de gratification annuelle pour l’année 2015, compte tenu du fait que ce nouveau coefficient était égal à 0, ce qui contrevient aux dispositions de l’article 33 de la convention collective ; qu’il s’en déduit que le salarié est fondé à soutenir que l’exécution déloyale de l’accord conventionnel l’a privé d’une prime de fin d’année conforme aux voeux des cocontractants, ce qui a entraîné pour lui un préjudice que l’on peut fixer conformément à la jurisprudence en la matière à un mois de salaire ; que l’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a condamné la société Vale Nouvelle-Calédonie à régler à M. F… la somme de 778 312 F CFP à titre de dommages-intérêts provisionnels ;

1°) ALORS QUE l’article 33 de l’accord de branche industrie dont l’application annuelle est obligatoire, prévoit une gratification annuelle dont le mode de calcul, librement déterminé par l’employeur selon des critères objectifs et non-discriminatoires, peut aboutir au versement d’une prime d’un montant nul ; qu’en considérant, pour retenir que le mode de calcul de la gratification annuelle retenu par l’employeur pour l’année 2015 était contraire à l’accord de branche, que le caractère obligatoire et d’ordre public de la gratification imposait à l’employeur de faire en sorte qu’elle ne soit pas de valeur nulle et soit payée chaque année, la cour d’appel a violé l’article 33 de l’accord de branche industrie ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions d’appel (pp. 15 et 18), la société Vale Nouvelle Calédonie soutenait, pour démontrer l’opposabilité au salarié des modalités de calcul de la gratification annuelle, que dès le début de l’année 2015, M. F… avait été informé par les représentants du personnel du coefficient multiplicateur retenu pour calculer la gratification annuelle 2015, puis le 25 novembre 2015, soit plus de deux mois avant la date de son versement en février 2016, de l’absence de gratification annuelle 2015 pour les cadres, et n’avait pas contesté ce résultat négatif ; qu’en se bornant à considérer que le mode de calcul de la prime était contraire aux dispositions de l’article 33 de l’accord précité, sans répondre à ce moyen opérant destiné à établir le consentement du personnel de l’entreprise aux modalité de calcul de la gratification annuelle, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2019, 18-16.162, Inédit