Conseil d'État, 1ère / 6ème SSR, 23 octobre 2015, 386649

  • 1) condition du caractère provisoire de la mesure·
  • Procédures instituées par la loi du 30 juin 2000·
  • 521-1 du code de justice administrative)·
  • Pouvoirs et devoirs du juge·
  • Prononcé d'une injonction·
  • Référé suspension (art·
  • Irrégularité·
  • Procédure·
  • Justice administrative·
  • Haute-normandie

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

) Le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA), ne peut, sans excéder sa compétence, ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l’exécution par l’autorité administrative d’un jugement annulant la décision administrative contestée.,,,2) Juge des référés ayant suspendu l’exécution du refus, par une autorité administrative, de faire procéder à l’enquête prévue par l’article 5-7 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982. En enjoignant à l’administration de faire procéder à cette enquête dans un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance, le juge des référés a ordonné une mesure qui, ayant en tous points des effets identiques à ceux qui résulteraient de l’exécution par l’administration de la décision par laquelle le juge de l’excès de pouvoir viendrait, le cas échéant, à prononcer l’annulation de la décision de refus litigieuse, ne présentait pas un caractère provisoire. Il a ainsi méconnu l’étendue des pouvoirs qu’il tient des articles L. 511-1 et L. 521-1 du CJA.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat départemental CGT des agents DIRECCTE 76, le syndicat SUD Travail-Affaires sociales, M. F… A… C…, Mme I… J…, M. B… G…, Mme E… D… et M. H… K… ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’une part, d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision du 21 septembre 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Haute-Normandie a refusé de faire procéder au sein de l’unité de contrôle Rouen-Sud à l’enquête prévue à l’article 5-7 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ainsi que de la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par M. A… C… contre cette décision, d’autre part, d’enjoindre à ce directeur régional, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre principal, de faire procéder à l’enquête précitée ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de la demande des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail tendant à ce que cette enquête soit diligentée.

Par une ordonnance n° 1404013 du 4 décembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a ordonné la suspension de l’exécution de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Haute-Normandie du 21 septembre 2014 et lui a enjoint de faire procéder, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l’ordonnance, à l’enquête prévue à l’article 5-7 du décret du 28 mai 1982.


Procédure devant le Conseil d’Etat

Par un pourvoi, enregistré le 23 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rouen du 4 décembre 2014 ;

2°) réglant l’affaire au titre de la procédure de référé, de rejeter la demande du syndicat départemental CGT des agents DIRECCTE 76 et des autres requérants de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Denis Rapone, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

1. Considérant que les écritures du syndicat départemental CGT des agents DIRECCTE 76, du syndicat SUD Travail-Affaires sociales, de MM. A… C…, G… et K… et L… D… etJ…, qui ont été présentées sans le ministère d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, bien que les intéressés aient été informés de l’obligation de recourir à ce ministère, doivent être écartées des débats ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

3. Considérant, d’autre part, que l’article 5-7 du décret du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique dispose que : « Le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un agent, en alerte immédiatement le chef de service ou son représentant (…) / Le chef de service procède immédiatement à une enquête avec le représentant du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier. Il informe le comité des décisions prises. / En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, notamment par arrêt du travail, de la machine ou de l’installation, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail compétent est réuni d’urgence, dans un délai n’excédant pas vingt-quatre heures (…) » ;

4. Considérant que, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a suspendu l’exécution du refus opposé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Haute-Normandie à la demande, présentée par plusieurs membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de cette direction régionale, tendant à ce qu’il soit procédé, au sein de l’unité de contrôle Rouen-Sud, à l’enquête prévue par le deuxième alinéa de l’article 5-7 du décret du 28 mai 1982 ; qu’il a assorti son ordonnance d’une injonction au directeur régional d’y faire procéder dans un délai de huit jours ;

Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :

5. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 522-11 du code de justice administrative : « L’ordonnance du juge des référés porte les mentions définies au chapitre 2 du titre IV du livre VII (…) »  ; que les dispositions du chapitre 2 du titre IV du livre VII du même code prévoient seulement, à l’article R. 742-2, que les ordonnances mentionnent la date à laquelle elles ont été signées, mais, par dérogation à l’article R. 741-2, ne rangent pas la date de l’audience, lorsqu’elle a eu lieu, au nombre des mentions obligatoires de la décision ; que, par suite, le ministre n’est pas fondé à soutenir que l’ordonnance attaquée serait irrégulière faute de faire apparaître la date à laquelle s’est tenue l’audience de référé ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu’il appartient au juge des référés, afin, notamment, de mettre le juge de cassation en mesure d’exercer son contrôle, de faire apparaître les raisons de droit et de fait pour lesquelles, soit il considère que l’urgence justifie la suspension de l’acte attaqué, soit il estime qu’elle ne la justifie pas ; que le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a estimé que l’urgence était caractérisée par l’intérêt qui s’attachait à ce que soit levée l’incertitude existant quant à la réalité de la dégradation des conditions de travail au sein du service et des risques psychosociaux qui en découlaient, dans la mesure où cette incertitude affectait la sérénité des relation du travail et le fonctionnement normal du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la direction régionale ; qu’il a ainsi mis le juge de cassation à même d’exercer un contrôle sur les motifs qui justifiaient que l’urgence à suspendre la décision attaquée soit reconnue ; qu’il suit de là que le ministre n’est pas fondé à soutenir que l’ordonnance attaquée serait insuffisamment motivée quant à la justification de l’urgence à suspendre l’exécution de la décision en litige ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, pour ordonner la suspension de l’exécution de la décision du 21 septembre 2014 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Haute-Normandie, le juge des référés a relevé que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 5-7 du décret du 28 mai 1982 était propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ; qu’il a ainsi désigné avec précision le moyen qui lui paraissait de nature à justifier la suspension demandée ; que, dans ces conditions, il a suffisamment motivé son ordonnance sur ce point ;

Sur le bien-fondé de l’ordonnance attaquée, en tant qu’elle fait droit à la demande de suspension :

8. Considérant que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’en estimant que l’incertitude qui prévalait quant à la dégradation des conditions de travail des agents de l’unité de contrôle Rouen-Sud et aux risques psycho-sociaux en découlant était préjudiciable à la sérénité des relations de travail comme au fonctionnement du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et en en déduisant que l’urgence justifiait que soit suspendue l’exécution de la décision refusant de procéder à une enquête sur les tensions invoquées, le juge des référés a porté une appréciation souveraine sur les faits de l’espèce, qui est exempte de dénaturation, et n’a pas commis d’erreur de droit ;

Sur le bien-fondé de l’ordonnance attaquée, en tant qu’elle enjoint au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Haute-Normandie de faire procéder à l’enquête prévue à l’article 5-7 du décret du 28 mai 1982 :

9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (…) » ;

10. Considérant que, dans le cas où les conditions posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative sont remplies, le juge des référés peut non seulement suspendre l’exécution d’une décision administrative, même de rejet, mais aussi assortir cette suspension d’une injonction, s’il est saisi de conclusions en ce sens, ou de l’indication des obligations qui en découleront pour l’administration ; que, toutefois, les mesures qu’il prescrit ainsi, alors qu’il se borne à relever l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige, doivent présenter un caractère provisoire ; qu’il suit de là que le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, ne peut, sans excéder sa compétence, ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l’exécution par l’autorité administrative d’un jugement annulant la décision administrative contestée ;

11. Considérant qu’en enjoignant au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Haute-Normandie de faire procéder à l’enquête prévue à l’article 5-7 du décret du 28 mai 1982 dans un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance, le juge des référés a ordonné une mesure qui, ayant en tous points des effets identiques à ceux qui résulteraient de l’exécution par le directeur régional de la décision par laquelle le juge de l’excès de pouvoir viendrait, le cas échéant, à prononcer l’annulation de la décision de refus litigieuse, ne présentait pas le caractère d’une mesure provisoire ; qu’il a ainsi méconnu l’étendue des pouvoirs qu’il tient des articles L. 511-1 et L. 521-1 du code de justice administrative ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée en tant seulement qu’elle a prononcé l’injonction contestée ;

13. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande d’injonction présentée au titre de la procédure de référé par le syndicat départemental CGT des agents DIRECCTE 76 et autres, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

14. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l’introduction de la demande, l’enquête prévue à l’article 5-7 du décret du 28 mai 1982 a été diligentée au sein de l’unité de contrôle Rouen-Sud ; que, par suite, la demande tendant à ce que soit enjoint au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Haute-Normandie de faire procéder à une telle enquête est désormais privée d’objet  ; qu’il n’y a, dès lors, pas lieu d’y statuer ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L’article 2 de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rouen du 4 décembre 2014 est annulé.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’injonction présentée au titre de la procédure de référé par le syndicat départemental CGT des agents DIRECCTE 76 et les autres requérants de première instance.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, au syndicat départemental CGT des agents DIRECCTE 76, au syndicat SUD Travail-Affaires sociales, à MM. F… A… C…, B… G… et H… K… et à Mmes E… D… et I… J….

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