Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 22 mars 2018, 415852, Publié au recueil Lebon

  • A) détermination des règles en vigueur à prendre en compte·
  • 3) suspension de l'autorisation (ii de l'article l·
  • Recours contre une autorisation environnementale·
  • Divers régimes protecteurs de l`environnement·
  • Pouvoirs du juge de plein contentieux·
  • 181-18 du code de l'environnement)·
  • Autorisation environnementale·
  • Pouvoirs et devoirs du juge·
  • Nature et environnement·
  • Pouvoirs du juge (art

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’article L. 181-18 du code de l’environnement précise les pouvoirs dont dispose le juge de l’autorisation environnementale. D’une part, le I prévoit que le juge peut, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l’autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d’être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d’instruction. D’autre part, le II permet au juge de prononcer la suspension de l’exécution de parties non viciées de l’autorisation environnementale.,,,1) Le 2° du I de l’article L. 181-18 permet au juge, lorsqu’il constate un vice qui entache la légalité de la décision mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant-dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation. Ces dispositions peuvent trouver à s’appliquer que le vice constaté entache d’illégalité l’ensemble de l’autorisation environnementale ou une partie divisible de celle-ci. Rien ne fait par ailleurs obstacle à un sursis à statuer dans le cas où le vice n’affecte qu’une phase de l’instruction, dès lors que ce vice est régularisable. Dans tous les cas, le sursis à statuer a pour objet de permettre la régularisation de l’autorisation attaquée. Cette régularisation implique l’intervention d’une décision complémentaire qui corrige le vice dont est entachée la décision attaquée. S’il constate que la régularisation a été effectuée, le juge rejette le recours dont il est saisi…. ,,2) En tant qu’il prévoit l’annulation d’une partie de l’autorisation environnementale, le 1° du I de l’article L. 181-18 a pour objet de rappeler la règle générale selon laquelle le juge administratif, lorsqu’il constate une illégalité qui n’affecte qu’une partie divisible de la décision qui lui est déférée, se borne à annuler cette partie. Elle permet de prononcer des annulations limitées soit à une ou plusieurs des anciennes autorisations désormais regroupées dans l’autorisation environnementale, soit à certains éléments de ces autorisations à la condition qu’ils en soient divisibles. Les dispositions du même alinéa qui prévoient l’annulation d’une phase de l’instruction trouvent à s’appliquer lorsque le juge constate un vice de procédure affectant la légalité de la décision et qui concerne une des trois phases de l’instruction de la demande définies à l’article L. 181-9 du code de l’environnement. Elles n’ont pas pour objet de dispenser le juge, s’il n’estime pas pouvoir surseoir à statuer en vue d’une régularisation de prononcer l’annulation, selon le cas, de l’autorisation dans son ensemble ou d’une partie divisible de celle-ci, mais elles l’invitent à indiquer expressément dans sa décision quelle phase doit être regardée comme viciée, afin de simplifier la reprise de la procédure administrative en permettant à l’administration de s’appuyer sur les éléments non viciés pour prendre une nouvelle décision. Dans les deux cas, le texte prévoit que le juge peut demander à l’administration de reprendre l’instruction. Cette nouvelle instruction devra déboucher sur une nouvelle décision portant, en cas d’annulation totale, sur l’ensemble de la demande d’autorisation environnementale et, en cas d’annulation d’un élément divisible, sur ce seul élément…. ,,3) Le II de l’article L. 181-18 prévoit que le juge, en cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties non viciées de celle-ci. Il en résulte que lorsque le juge prononce l’annulation d’une partie divisible de l’autorisation, il peut suspendre l’exécution des parties non annulées dans l’attente de la nouvelle décision que l’administration devra prendre sur la partie annulée. Il en résulte également, d’une part, que le juge qui sursoit à statuer pour permettre la régularisation de l’autorisation a la faculté de suspendre l’exécution de celle-ci et, d’autre part, que lorsque le vice qui motive le sursis ne concerne qu’une partie divisible de l’autorisation, cette faculté concerne à la fois cette partie et les parties non viciées. Lorsque le juge prononce l’annulation de l’autorisation dans son ensemble, y compris en ne se fondant que sur un vice n’affectant qu’une phase de la procédure mais entachant d’illégalité l’ensemble de l’autorisation environnementale, le II de l’article L. 181-18 est sans objet puisque l’autorisation attaquée n’existe plus. Par ailleurs, lorsqu’il prononce l’annulation, totale ou partielle, d’une autorisation environnementale, le juge de pleine juridiction des autorisations environnementales a toujours la faculté, au titre de son office, d’autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions complémentaires qu’il fixe lui-même et pour un délai qu’il détermine, la poursuite de l’exploitation, des activités ou des travaux en cause dans l’attente de la délivrance d’une nouvelle autorisation par l’autorité administrative. Les dispositions de l’article L. 181-18 n’ont ni pour objet ni pour effet de lui retirer ce pouvoir. Dans tous les cas, que ce soit pour suspendre l’exécution de l’autorisation attaquée ou pour délivrer une autorisation provisoire, il appartient au juge de prendre en compte, pour déterminer l’opportunité de telles mesures, l’ensemble des éléments de l’espèce, notamment la nature et la portée de l’illégalité en cause, les considérations d’ordre économique et social ou tout autre motif d’intérêt général pouvant justifier la poursuite de l’exploitation, des activités ou des travaux et l’atteinte éventuellement causée par ceux-ci aux intérêts visés par les articles L. 181-3 et L. 181-4 du code l’environnement ou à d’autres intérêts publics et privés.,,,4) a) Lorsque le juge a sursis à statuer afin de permettre la régularisation d’un vice de forme ou de procédure affectant la légalité de l’autorisation, il appartient à l’autorité compétente de procéder à cette régularisation en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle la décision attaquée a été prise. En revanche, lorsque la régularisation concerne un vice de fond, l’autorité compétente y procède en faisant application des règles en vigueur à la date de la décision complémentaire. Par ailleurs, quand le juge a annulé la décision, que ce soit pour un vice de forme ou de procédure ou un vice de fond, la nouvelle décision doit être prise conformément aux dispositions en vigueur à la date à laquelle elle intervient.,,,b) Cas d’un vice entachant le dossier de l’enquête publique…. … La circonstance que les règles de composition du dossier de demande aient évolué, en l’espèce dans un sens favorable au demandeur, ne dispense pas ce dernier de l’obligation de régulariser le vice de procédure affectant la légalité de l’autorisation attaquée. S’il est établi que l’autorité administrative compétente a reçu, postérieurement à l’autorisation, les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières qui manquaient au dossier de demande initialement déposé, cet élément de la régularisation peut être regardé par le juge comme ayant été accompli. Il demeure néanmoins nécessaire de compléter l’information du public si le caractère incomplet du dossier d’enquête publique a affecté la légalité de la décision. Le juge peut alors fixer des modalités de régularisation adaptées permettant l’information du public, qui n’imposent pas nécessairement de reprendre l’ensemble de l’enquête publique.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 15DA01535 du 16 novembre 2017, enregistré le 21 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la cour administrative d’appel de Douai, avant de statuer sur la requête de l’association Novissen et autres tendant à l’annulation du jugement n° 1400298 du 30 juin 2015 par lequel le tribunal administratif d’Amiens a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 1er février 2013 par lequel le préfet de la Somme a accordé à la société civile d’exploitation agricole (SCEA) Côte de la Justice l’autorisation d’exploiter un élevage bovin de 500 vaches laitières auquel sont associés un méthaniseur et une unité de cogénération de 1,338 MW électriques et 1,747 MW thermiques de puissance, sur le territoire des communes de Buigny-Saint-Maclou et de Drucat-Le-Plessiel, dans le département de la Somme, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) La combinaison des dispositions du 1° et du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement permet-elle à la juridiction administrative d’ordonner le sursis à statuer en vue d’une régularisation lorsque le vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation ou ces dispositions sont-elles exclusives l’une de l’autre '

2°) Les dispositions du II de l’article L. 181-18 du code de l’environnement concernant les cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant « une partie seulement de l’autorisation environnementale » sont-elles applicables lorsque le juge met en oeuvre les dispositions du 1° en limitant la portée de l’annulation qu’il prononce à la « phase de l’instruction » viciée ' Dans le cas où ces dispositions ne seraient pas applicables dans un tel cas, peut-on faire application de la règle posée par la décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux du 15 mai 2013 ARF n° 353010 concernant l’office du juge lorsqu’il annule une autorisation relative à l’exploitation d’une installation classée '

3°) Dans l’hypothèse où la juridiction administrative se plaçant sur le terrain du 1° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, prononce une annulation limitée à une phase de l’instruction de la demande et enjoint à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase de l’instruction ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité, cette autorité administrative doit-elle nécessairement prendre une nouvelle décision à l’issue de cette procédure ' La juridiction peut-elle le lui ordonner '

4°) Lorsque la mise en service de l’installation a eu lieu à la date à laquelle la juridiction administrative statue, y a-t-il encore lieu, au regard notamment des dispositions du 3° du I de l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement, d’exiger la régularisation de cette phase de l’instruction alors que l’autorité administrative compétente est réputée avoir reçu, au plus tard à la date de cette mise en service, les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières qui auraient pu manquer initialement au dossier ' Si une telle régularisation doit continuer à être exigée, y a-t-il lieu d’ordonner une nouvelle enquête publique si le défaut d’information se situait à ce stade de la phase d’instruction '

Des observations, enregistrées le 26 décembre 2017, ont été présentées par le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Des observations, enregistrées le 28 décembre 2017, ont été présentées par la SCEA Côte de la justice et la société Ramery.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code de l’environnement, notamment son article L. 181-18 ;

 – l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Ramery.

REND L’AVIS SUIVANT :

1. Les articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement, issus de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, instituent une autorisation environnementale dont l’objet est de permettre qu’une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu’ils précisent. L’article L. 181-9 prévoit que cette décision unique fait l’objet d’une seule procédure d’instruction, qui comprend une phase d’examen, une phase d’enquête publique et une phase de décision. En vertu de l’article L. 181-17, l’autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction.

2. L’article L. 181-18 du code de l’environnement, créé par l’article 1er de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale dispose que : " I. – Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ; / 2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II. En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de l’autorisation non viciées. "

3. Ces dispositions précisent les pouvoirs dont dispose le juge de l’autorisation environnementale. D’une part, les dispositions du I prévoient que le juge peut, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l’autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d’être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d’instruction. D’autre part, les dispositions du II permettent au juge de prononcer la suspension de l’exécution de parties non viciées de l’autorisation environnementale.

Sur le sursis à statuer en vue d’une régularisation de l’autorisation :

4. Les dispositions du 2° du I de l’article L. 181-18 permettent au juge, lorsqu’il constate un vice qui entache la légalité de la décision mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation.

5. Ces dispositions peuvent trouver à s’appliquer que le vice constaté entache d’illégalité l’ensemble de l’autorisation environnementale ou une partie divisible de celle-ci. Rien ne fait par ailleurs obstacle à un sursis à statuer dans le cas où le vice n’affecte qu’une phase de l’instruction, dès lors que ce vice est régularisable. Il y a lieu de répondre en ce sens à la première question posée par la cour administrative d’appel de Douai.

6. Dans tous les cas, le sursis à statuer a pour objet de permettre la régularisation de l’autorisation attaquée. Cette régularisation implique l’intervention d’une décision complémentaire qui corrige le vice dont est entachée la décision attaquée. S’il constate que la régularisation a été effectuée, le juge rejette le recours dont il est saisi.

Sur l’annulation partielle de l’autorisation environnementale :

7. En tant qu’elles prévoient l’annulation d’une partie de l’autorisation environnementale, les dispositions du 1° du I de l’article L. 181-18 ont pour objet de rappeler la règle générale selon laquelle le juge administratif, lorsqu’il constate une illégalité qui n’affecte qu’une partie divisible de la décision qui lui est déférée, se borne à annuler cette partie. Elles permettent de prononcer des annulations limitées soit à une ou plusieurs des anciennes autorisations désormais regroupées dans l’autorisation environnementale, soit à certains éléments de ces autorisations à la condition qu’ils en soient divisibles.

8. Les dispositions du même alinéa qui prévoient l’annulation d’une phase de l’instruction trouvent à s’appliquer lorsque le juge constate un vice de procédure affectant la légalité de la décision et qui concerne une des trois phases de l’instruction de la demande définies à l’article L. 181-9 du code de l’environnement. Elles n’ont pas pour objet de dispenser le juge, s’il n’estime pas pouvoir surseoir à statuer en vue d’une régularisation ainsi qu’indiqué au point 5, de prononcer l’annulation, selon le cas, de l’autorisation dans son ensemble ou d’une partie divisible de celle-ci, mais elles l’invitent à indiquer expressément dans sa décision quelle phase doit être regardée comme viciée, afin de simplifier la reprise de la procédure administrative en permettant à l’administration de s’appuyer sur les éléments non viciés pour prendre une nouvelle décision.

9. Dans les deux cas, le texte prévoit que le juge peut demander à l’administration de reprendre l’instruction. Cette nouvelle instruction devra déboucher sur une nouvelle décision portant, en cas d’annulation totale, sur l’ensemble de la demande d’autorisation environnementale et, en cas d’annulation d’un élément divisible, sur ce seul élément. Il y a lieu de répondre en ce sens à la troisième question posée par la cour administrative d’appel de Douai.

Sur la suspension de l’autorisation :

10. Les dispositions du II de l’article L. 181-18 prévoient que le juge, en cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties non viciées de celle-ci.

11. Il résulte de ces dispositions que lorsque le juge prononce l’annulation d’une partie divisible de l’autorisation, il peut suspendre l’exécution des parties non annulées dans l’attente de la nouvelle décision que l’administration devra prendre sur la partie annulée. Il en résulte également, d’une part, que le juge qui sursoit à statuer pour permettre la régularisation de l’autorisation a la faculté de suspendre l’exécution de celle-ci et, d’autre part, que lorsque le vice qui motive le sursis ne concerne qu’une partie divisible de l’autorisation, cette faculté concerne à la fois cette partie et les parties non viciées.

12. Lorsque le juge prononce l’annulation de l’autorisation dans son ensemble, y compris en ne se fondant que sur un vice n’affectant qu’une phase de la procédure mais entachant d’illégalité l’ensemble de l’autorisation environnementale, les dispositions du II de l’article L. 181-18 sont sans objet puisque l’autorisation attaquée n’existe plus.

13. Par ailleurs, lorsqu’il prononce l’annulation, totale ou partielle, d’une autorisation environnementale, le juge de pleine juridiction des autorisations environnementales a toujours la faculté, au titre de son office, d’autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions complémentaires qu’il fixe lui-même et pour un délai qu’il détermine, la poursuite de l’exploitation, des activités ou des travaux en cause dans l’attente de la délivrance d’une nouvelle autorisation par l’autorité administrative. Les dispositions de l’article L. 181-18 n’ont ni pour objet ni pour effet de lui retirer ce pouvoir.

14. Dans tous les cas, que ce soit pour suspendre l’exécution de l’autorisation attaquée ou pour délivrer une autorisation provisoire, il appartient au juge de prendre en compte, pour déterminer l’opportunité de telles mesures, l’ensemble des éléments de l’espèce, notamment la nature et la portée de l’illégalité en cause, les considérations d’ordre économique et social ou tout autre motif d’intérêt général pouvant justifier la poursuite de l’exploitation, des activités ou des travaux et l’atteinte éventuellement causée par ceux-ci aux intérêts mentionnés aux articles L. 181-3 et L. 181-4 du code l’environnement ou à d’autres intérêts publics et privés.

15. Il y a lieu de répondre en ce sens à la deuxième question de la cour administrative d’appel.

Sur les modalités de la régularisation de l’autorisation attaquée :

16. Lorsque le juge a sursis à statuer afin de permettre la régularisation d’un vice de forme ou de procédure affectant la légalité de l’autorisation, il appartient à l’autorité compétente de procéder à cette régularisation en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle la décision attaquée a été prise. En revanche, lorsque la régularisation concerne un vice de fond, l’autorité compétente y procède en faisant application des règles en vigueur à la date de la décision complémentaire mentionnée au point 6. Par ailleurs, quand le juge a annulé la décision, que ce soit pour un vice de forme ou de procédure ou un motif de fond, la nouvelle décision doit être prise conformément aux dispositions en vigueur à la date à laquelle elle intervient.

17. Ainsi, s’agissant de la quatrième question posée par la cour, les dispositions de l’article R. 512-3 du code de l’environnement applicables à la date de délivrance de l’autorisation attaquée exigeaient que le dossier de demande comporte, en vertu du 5° de ce dernier article, « les capacités techniques et financières de l’exploitant ». Les éléments du dossier de demande devaient par ailleurs figurer dans le dossier soumis à enquête publique en vertu des articles L. 512-1 et R. 123-6. Une telle insuffisance du dossier de demande entraîne, au regard de ces règles de droit, un défaut d’information du public, qui est susceptible d’entacher la légalité de la décision. Il appartient aux juges du fond de déterminer si, dans les circonstances de l’espèce, elle a eu un tel effet.

18. Les règles de composition du dossier ont été modifiées par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale, qui a créé l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement, en vertu duquel le dossier comprend une description des capacités techniques et financières dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d’autorisation, les modalités prévues pour les établir. Il précise que dans ce dernier cas, l’exploitant adresse au préfet les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l’installation.

19. En application des règles rappelées ci-dessus, la circonstance que les règles de composition du dossier de demande aient évolué, en l’espèce dans un sens favorable au demandeur, ne dispense pas ce dernier de l’obligation de régulariser le vice de procédure affectant la légalité de l’autorisation attaquée. S’il est établi que l’autorité administrative compétente a reçu, postérieurement à l’autorisation, les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières qui manquaient au dossier de demande initialement déposé, cet élément de la régularisation peut être regardé par le juge comme ayant été accompli. Il demeure néanmoins nécessaire de compléter l’information du public si le caractère incomplet du dossier d’enquête publique a affecté la légalité de la décision. Le juge peut alors fixer des modalités de régularisation adaptées permettant l’information du public, qui n’imposent pas nécessairement de reprendre l’ensemble de l’enquête publique.

20. Il y a lieu de répondre en ce sens à la quatrième question de la cour administrative d’appel.

Le présent avis sera notifié à la cour administrative d’appel de Douai, à l’association Novissen, premier requérant dénommé, à la société civile d’exploitation agricole Côte de la Justice, à la société anonyme Ramery et au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire. Il sera publié au Journal officiel de la République française.

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