CEDH, A.L. c. FRANCE et 1 autre affaire, 8 décembre 2021, 44715/20;47930/21

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 8 déc. 2021, n° 44715/20;47930/21
Numéro(s) : 44715/20, 47930/21
Type de document : Affaire communiquée
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Affaire communiquée
Identifiant HUDOC : 001-214862
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Texte intégral

Publié le 3 janvier 2022

CINQUIÈME SECTION

Requêtes nos 44715/20 et 47930/21
A.L. contre la France
et E.J. contre la France
introduites respectivement
le 5 octobre 2020 et le 20 septembre 2021
communiquées le 8 décembre 2021

OBJET DE L’AFFAIRE

Dans le cadre d’une procédure pénale visant le réseau de communication crypté « EncroChat », le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille autorisa, par cinq ordonnances prises entre le 30 janvier et le 31 mars 2020, la mise en place, sur un serveur situé en France, d’un dispositif technique permettant de capter des données à distance, sur le fondement de l’article 706-102-1 du code de procédure pénale.

Le 1er avril 2020, des enquêteurs spécialisés en cybercriminalité s’introduisirent dans le réseau Encrochat. Leur attaque informatique permit d’infecter plusieurs dizaines de milliers de téléphones connectés à ce réseau et localisés dans une centaine de pays différents. Les enquêteurs procédèrent ensuite à la captation des données stockées et échangées avec les appareils concernés, à leur copie, ainsi qu’à leur analyse.

L’autorisation de captation fut prolongée par le juge des libertés et de la détention puis, après l’ouverture d’une information judiciaire, par le juge d’instruction. La mesure cessa le 2 juillet 2020.

En exécution d’une décision d’enquête européenne émise par le Royaume-Uni, les autorités judiciaires françaises transmirent à leurs homologues britanniques les données relatives aux appareils localisés sur leur territoire à partir du 3 avril 2020.

Les présentes requêtes ont été déposées par deux détenus britanniques. Tous deux allèguent avoir été interpellés et poursuivis pénalement au Royaume-Uni sur la foi de données transmises par les autorités françaises. Ils contestent l’imputation des données qui leur auraient été opposées.

Le premier requérant (no 44715/20) indique avoir été arrêté le 18 juin 2020. Il fut mis en accusation devant la Crown Court à Snarebrook pour association de malfaiteurs en vue de l’importation illicite et de la détention aux fins de revente d’héroïne et de cocaïne.

Le second requérant (no 47930/21) dit avoir été arrêté le 16 juin 2020. Il fut mis en accusation devant la Crown Court à Liverpool pour association de malfaiteurs en vue de la distribution de cocaïne et d’héroïne et en vue de la commission de trois meurtres.

Sous l’angle de l’article 8 de la Convention, les requérants se plaignent de l’intrusion des autorités françaises dans le réseau crypté EncroChat, de l’accès, de la saisie et de la copie des données de ses utilisateurs et de leur partage avec les autorités britanniques. Ils contestent la légalité, la nécessité et la proportionnalité de ces ingérences.

Invoquant les articles 6 et 13 de la Convention, les requérants soutiennent qu’ils ne disposaient d’aucun recours effectif devant les juridictions françaises.

QUESTIONS AUX PARTIES

1.  Les faits dont se plaignent les requérants relèvent-ils de la juridiction de la France ?

2.  Dans la mesure où les requérants ne se présentent pas comme des utilisateurs d’EncroChat et où ils allèguent que des données issues de la captation litigieuse leur auraient été opposées par l’accusation dans le cadre des poursuites pénales les concernant, peuvent-il se dire « victimes » d’une violation de l’article 8 de la Convention, au sens de l’article 34 (voir Roman Zakharov c. Russie [GC], no 47143/06, §§ 164‑179, CEDH 2015 et jurisprudence citée) ?

3.  Les requérants ont-ils épuisé les voies de recours internes, comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention ?

4.  Les requérants ont-ils introduit leur requête dans le délai de six mois prévu à l’article 35 § 1 de la Convention ? Quel serait le point de départ de ce délai en l’espèce ?

5.  À supposer les présentes requêtes recevables, la captation de données, leur traitement et/ou leur partage avec les autorités britanniques ont-ils porté atteinte au droit des requérants au respect de leur vie privée et de leur correspondance, au sens de l’article 8 § 1 de la Convention ?

Dans l’affirmative, ces ingérences étaient-elle « prévues par la loi » et « nécessaires », au sens de l’article 8 § 2 (Weber et Saravia c. Allemagne (déc.), no 54934/00, §§ 93 et suivants, 29 juin 2006, et Roman Zakharov, précité, §§ 228‑234) ? En particulier, y a-t-il lieu d’apprécier la légalité de ces ingérences selon les critères dégagés par la Cour en matière d’interception en masse (cf., notamment, Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni [GC], nos 58170/13 et 2 autres, §§ 332-364, 25 mai 2021) ? Comment s’articule sur ce point les garanties découlant de la Convention et les règles du droit de l’Union européenne applicables en la matière ?

6.  Le droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 § 1 de la Convention a-t-il été violé en l’espèce ?

7.  Les requérants avaient-ils à leur disposition, comme l’exige l’article 13 de la Convention, un recours interne effectif au travers duquel ils auraient pu formuler leur grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 ?

8.  Le gouvernement défendeur est invité à soumettre les renseignements suivants :

-          Combien d’appareils ont-ils été concernés par la captation de données litigieuse ?

-          Quelle est la nature des données qui ont pu être ainsi collectées ?

-          Quelles garanties contre l’arbitraire et les risques d’abus ont été prévues et mises en œuvre au stade :

  1. de l’examen, de la sélection, de l’utilisation et de la conservation des données captées ?
  2. de la transmission de ces données à des tiers ?
  3. de la destruction, en temps utile, des données captées et des documents d’analyse et des actes judiciaires relatifs à leur exploitation ?

-          Les personnes suspectant une surveillance de leurs données disposaient-elles d’un droit d’accès aux données les concernant ou à être informées de l’existence d’une telle mesure ? Un mécanisme de notification ultérieure était-il prévu ? Des recours auprès d’un organisme indépendant ou de tribunaux étaient-ils ouverts en cas d’abus ?

9.  Les requérants sont invités à produire tous documents ou pièces de procédure permettant d’établir que l’usage d’un ou plusieurs appareils EncroChat leur est imputé dans le cadre des poursuites engagées à l’encontre et la nature des données qui leur sont opposées.

La production des décisions judiciaires prises depuis leur mise en accusation est également sollicitée. À ce titre, dans le cadre de la requête no 47930/21, le requérant est notamment prié de fournir :

-          La décision rendue le 4 janvier 2021 par la Crown Court dans cette affaire ;

-          Une version non anonymisée de la décision rendue le 5 février 2021 par la Court of Appeal (Criminal Division) ou, à défaut, tout document permettant à la Cour de s’assurer que la décision produite concerne bien le requérant ;

-          La décision du 11 mars 2021 rejetant la demande du requérant tendant à être autorisé à saisir la Cour suprême ;

-          La décision rendue par la High Court of Justice (Divisional Court) dans l’affaire R (C) v. Director of Public Prosecutions [2020] EWHC 2967 Admin.


ANNEXE

Liste des requêtes

No.

Requête No

Nom de l’affaire

Introduite le

Requérant
Nationalité

Représenté par

1.

44715/20

A.L. c. France

05/10/2020

A.L.
britannique

Bambos TSIATTALOU

2.

47930/21

E.J. c. France

20/09/2021

E.J.
britannique

Bambos TSIATTALOU

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure pénale
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