CJCE, n° C-5/08, Arrêt de la Cour, Infopaq International A/S contre Danske Dagblades Forening, 16 juillet 2009

  • Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale·
  • Caractère transitoire de l'acte de reproduction·
  • Notion ) 2. rapprochement des législations·
  • 1. rapprochement des législations·
  • Droit d'auteur et droits voisins·
  • Rapprochement des législations·
  • Libre prestation des services·
  • Exceptions et limitations·
  • Liberté d'établissement·
  • Reproduction partielle

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

16 juillet 2009 ( *1 )

«Droits d’auteur — Société de l’information — Directive 2001/29/CE — Articles 2 et 5 — Œuvres littéraires et artistiques — Notion de ‘reproduction’ — Reproduction ‘en partie’ — Reproduction de courts extraits d’oeuvres littéraires — Articles de presse — Reproductions provisoires et transitoires — Procédé technique consistant en une numérisation par balayage des articles suivie d’une conversion en fichier texte, d’un traitement électronique de la reproduction, de la mise en mémoire d’une partie de cette reproduction et de son impression»

Dans l’affaire C-5/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Højesteret (Danemark), par décision du 21 décembre 2007, parvenue à la Cour le 4 janvier 2008, dans la procédure

Infopaq International A/S

contre

Danske Dagblades Forening,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. T. von Danwitz, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis et J. Malenovský (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 novembre 2008,

considérant les observations présentées:

pour Infopaq International A/S, par Me A. Jensen, advokat,

pour la Danske Dagblades Forening, par Me M. Dahl Pedersen, advokat,

pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

pour la Commission des Communautés européennes, par MM. H. Krämer et H. Støvlbæk, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 février 2009,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte, d’une part, sur l’interprétation de l’article 2, sous a), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10), et, d’autre part, sur les conditions d’exemption des actes de reproduction provisoires au sens de l’article 5 de cette directive.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Infopaq International A/S (ci-après «Infopaq») à la Danske Dagblades Forening (ci-après la «DDF») au sujet du rejet de sa demande tendant à ce qu’il soit reconnu qu’elle n’était pas tenue d’obtenir le consentement des titulaires des droits d’auteur pour les actes de reproduction d’articles de presse au moyen d’un procédé automatisé consistant en la numérisation par balayage et la conversion de ceux-ci en fichier numérique suivie du traitement électronique de ce fichier.

Le cadre juridique

Le droit international

3

Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, figurant à l’annexe 1 C de l’accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, qui a été approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1):

«Les Membres se conformeront aux articles premier à 21 de la Convention de Berne (1971) et à l’Annexe de ladite Convention. […]»

4

L’article 2 de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979 (ci-après la «convention de Berne»), est libellé comme suit:

«1) Les termes ‘œuvres littéraires et artistiques’ comprennent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression, telles que: les livres, brochures et autres écrits; […]

[…]

5) Les recueils d’œuvres littéraires ou artistiques tels que les encyclopédies et anthologies qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles sont protégés comme telles, sans préjudice des droits des auteurs sur chacune des œuvres qui font partie de ces recueils.

[…]

8) La protection de la présente [c]onvention ne s’applique pas aux nouvelles du jour ou aux faits divers qui ont le caractère de simples informations de presse.»

5

Selon l’article 9, premier alinéa, de la convention de Berne, les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques protégés par cette convention jouissent du droit exclusif d’autoriser la reproduction de ces œuvres, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit.

Le droit communautaire

6

L’article 1er de la directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (JO L 122, p. 42), énonçait:

«1. Conformément aux dispositions de la présente directive, les États membres protègent les programmes d’ordinateur par le droit d’auteur en tant qu’œuvres littéraires au sens de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. […]

[…]

3. Un programme d’ordinateur est protégé s’il est original, en ce sens qu’il est la création intellectuelle propre à son auteur. Aucun autre critère ne s’applique pour déterminer s’il peut bénéficier d’une protection.»

7

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données (JO L 77, p. 20), dispose:

«Conformément à la présente directive, les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées comme telle par le droit d’auteur. Aucun autre critère ne s’applique pour déterminer si elles peuvent bénéficier de cette protection.»

8

La directive 2001/29 énonce à ses quatrième, sixième, neuvième à onzième, vingtième à vingt-deuxième, trente et unième ainsi que trente-troisième considérants:

«(4)

Un cadre juridique harmonisé du droit d’auteur et des droits voisins, en améliorant la sécurité juridique et en assurant dans le même temps un niveau élevé de protection de la propriété intellectuelle, encouragera des investissements importants dans des activités créatrices et novatrices, notamment dans les infrastructures de réseaux […]

(6)

En l’absence d’harmonisation à l’échelle communautaire, les processus législatifs au niveau national, dans lesquels plusieurs États membres se sont déjà engagés pour répondre aux défis technologiques, pourraient entraîner des disparités sensibles en matière de protection et, partant, des restrictions à la libre circulation des services et des marchandises qui comportent des éléments relevant de la propriété intellectuelle ou se fondent sur de tels éléments, ce qui provoquerait une nouvelle fragmentation du marché intérieur et des incohérences d’ordre législatif. L’incidence de ces disparités législatives et de cette insécurité juridique se fera plus sensible avec le développement de la société de l’information, qui a déjà considérablement renforcé l’exploitation transfrontalière de la propriété intellectuelle. Ce développement est appelé à se poursuivre. Des disparités et une insécurité juridiques importantes en matière de protection sont susceptibles d’entraver la réalisation d’économies d’échelle pour les nouveaux produits et services protégés par le droit d’auteur et les droits voisins.

[…]

(9)

Toute harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins doit se fonder sur un niveau de protection élevé, car ces droits sont essentiels à la création intellectuelle. […]

(10)

Les auteurs ou les interprètes ou exécutants, pour pouvoir poursuivre leur travail créatif et artistique, doivent obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres […]

(11)

Un système efficace et rigoureux de protection du droit d’auteur et des droits voisins est l’un des principaux instruments permettant de garantir à la création et à la production culturelles européennes l’obtention des ressources nécessaires et de préserver l’autonomie et la dignité des créateurs et interprètes.

[…]

(20)

La présente directive se fonde sur des principes et des règles déjà établis par les directives en vigueur dans ce domaine, notamment les directives [91/250] […] et [96/9]. Elle développe ces principes et règles et les intègre dans la perspective de la société de l’information. Les dispositions de la présente directive doivent s’appliquer sans préjudice des dispositions desdites directives, sauf si la présente directive en dispose autrement.

(21)

La présente directive doit définir le champ des actes couverts par le droit de reproduction en ce qui concerne les différents bénéficiaires, et ce conformément à l’acquis communautaire. Il convient de donner à ces actes une définition large pour assurer la sécurité juridique au sein du marché intérieur.

(22)

Une promotion adéquate de la diffusion de la culture ne peut conduire à sacrifier la protection rigoureuse des droits et à tolérer les formes illégales de mise en circulation d’œuvres culturelles contrefaites ou piratées.

[…]

(31)

Il convient de maintenir un juste équilibre en matière de droits et d’intérêts entre les différentes catégories de titulaires de droits ainsi qu’entre celles-ci et les utilisateurs d’objets protégés. […]

[…]

(33)

Le droit exclusif de reproduction doit faire l’objet d’une exception destinée à autoriser certains actes de reproduction provisoires, qui sont transitoires ou accessoires, qui font partie intégrante et essentielle d’un processus technique et qui sont exécutés dans le seul but de permettre soit une transmission efficace dans un réseau entre tiers par un intermédiaire, soit une utilisation licite d’une œuvre ou d’un autre objet protégé. Les actes de reproduction concernés ne devraient avoir par eux-mêmes aucune valeur économique propre. Pour autant qu’ils remplissent ces conditions, cette exception couvre les actes qui permettent le survol (browsing), ainsi que les actes de prélecture dans un support rapide (caching), y compris ceux qui permettent le fonctionnement efficace des systèmes de transmission, sous réserve que l’intermédiaire ne modifie pas l’information et n’entrave pas l’utilisation licite de la technologie, largement reconnue et utilisée par l’industrie, dans le but d’obtenir des données sur l’utilisation de l’information. Une utilisation est réputée être licite lorsqu’elle est autorisée par le titulaire du droit ou n’est pas limitée par la loi.»

9

Aux termes de l’article 2, sous a), de la directive 2001/29:

«Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie:

a)

pour les auteurs, de leurs œuvres».

10

L’article 5 de la même directive énonce:

«1. Les actes de reproduction provisoires visés à l’article 2, qui sont transitoires ou accessoires et constituent une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique et dont l’unique finalité est de permettre:

a)

une transmission dans un réseau entre tiers par un intermédiaire, ou

b)

une utilisation licite

d’une œuvre ou d’un objet protégé, et qui n’ont pas de signification économique indépendante, sont exemptés du droit de reproduction prévu à l’article 2.

[…]

5. Les exceptions et limitations prévues aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 ne sont applicables que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou autre objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit.»

11

Aux termes de l’article 6 de la directive 2006/116/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (JO L 372, p. 12):

«Les photographies qui sont originales en ce sens qu’elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées conformément à l’article 1er [qui précise la durée des droits de l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique au sens de l’article 2 de la convention de Berne]. Aucun autre critère ne s’applique pour déterminer si elles peuvent bénéficier de la protection. Les États membres peuvent prévoir la protection d’autres photographies.»

Le droit national

12

Les articles 2 et 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29 ont été transposés dans l’ordre juridique danois par les articles 2 et 11 bis, paragraphe 1, de la loi no 395 sur le droit d’auteur (lov no 395 om ophavsret), du 14 juin 1995 (Lovtidende 1995 A, p. 1796), telle que modifiée et codifiée, notamment, par la loi no 1051 (lov no 1051 om ændring af ophavsretsloven), du 17 décembre 2002 (Lovtidende 2002 A, p. 7881).

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13

Infopaq exerce des activités dans le domaine de la veille et de l’analyse de la presse écrite qui consistent, en substance, à établir des synthèses d’une sélection d’articles tirés de la presse quotidienne danoise et de divers périodiques. Cette sélection des articles est effectuée en fonction des thèmes choisis par les clients et elle est réalisée par un procédé dit d’«acquisition de données». Les synthèses sont envoyées aux clients par courrier électronique.

14

La DDF est un syndicat professionnel des quotidiens danois, qui a notamment pour objet d’assister ses membres pour toutes les questions concernant le droit d’auteur.

15

Au cours de l’année 2005, il a été porté à la connaissance de la DDF qu’Infopaq procédait au traitement, à des fins commerciales, d’articles tirés de publications sans le consentement des titulaires des droits d’auteur sur ces articles. Estimant qu’un tel consentement est nécessaire pour un traitement d’articles au moyen du procédé en cause, la DDF a averti Infopaq de sa position.

16

Le procédé d’acquisition de données comporte les cinq phases suivantes qui aboutissent, selon la DDF, à quatre actes de reproduction d’articles de presse.

17

Premièrement, les publications concernées font l’objet d’un enregistrement manuel dans une base de données électronique par les collaborateurs d’Infopaq.

18

Deuxièmement, il est procédé à la numérisation par balayage de ces publications, après que le dos de celles-ci a été découpé de telle sorte que toutes les feuilles soient volantes. La partie de la publication à traiter est sélectionnée dans la base de données avant l’insertion de la publication dans le numériseur à balayage (scanneur). L’opération permet de générer un fichier au format TIFF («Tagged Image File Format») de chaque page de la publication. Après la fin de cette opération, le fichier TIFF est transféré sur un serveur OCR («Optical Character Recognition») (reconnaissance optique des caractères).

19

Troisièmement, ce serveur OCR convertit le fichier TIFF en données pouvant faire l’objet d’un traitement numérique. Au cours de ce procédé, l’image de chaque caractère est convertie en code numérique qui indique à l’ordinateur le type du caractère. Par exemple, l’image des lettres «TDC» est transformée en une information que l’ordinateur pourra traiter comme les lettres «TDC» et les convertir en un format de texte qui peut être reconnu par le système de l’ordinateur. Ces données sont sauvegardées sous la forme de fichiers texte qui peuvent être lus par n’importe quel logiciel de traitement de texte. Le procédé OCR se termine par la suppression du fichier TIFF.

20

Quatrièmement, le fichier texte est analysé pour rechercher les mots clés prédéfinis. À chaque occurrence, un fichier est généré indiquant le titre, la section et le numéro de la page de la publication où figure le mot clé ainsi qu’une valeur, exprimée en pourcentage de 0 à 100, pour indiquer la position de ce mot clé dans le texte, facilitant ainsi la lecture de l’article. Pour en améliorer encore le repérage lors de la lecture de l’article, le mot clé est rapporté avec les cinq mots qui le précèdent et les cinq mots qui le suivent (ci-après l’«extrait composé de onze mots»). Le procédé se termine par la suppression du fichier texte.

21

Cinquièmement, le procédé d’acquisition de données s’achève par l’édition d’une fiche de suivi pour chaque page de la publication où figure le mot clé. Une fiche de suivi peut se présenter sous la forme suivante:

«4 novembre 2005 — Dagbladet Arbejderen, page 3:

TDC: 73 % ‘prochaine cession du groupe de TDC, qui devrait être racheté par’».

22

Infopaq a contesté qu’une telle activité nécessite le consentement des titulaires des droits d’auteur et il a saisi l’Østre Landsret d’un recours dirigé contre la DDF, en demandant qu’il soit ordonné à cette dernière de reconnaître qu’Infopaq a le droit d’utiliser le procédé susmentionné sans le consentement de ce syndicat professionnel ou de ses membres. L’Østre Landsret ayant rejeté ce recours, Infopaq a interjeté appel devant la juridiction de renvoi.

23

Selon cette dernière, il est constant que le consentement des titulaires des droits d’auteur n’est pas exigé pour exercer une activité de veille de la presse et de rédaction de synthèses pour autant qu’elle consiste en la lecture physique par l’homme de chaque publication, la sélection des articles pertinents sur la base des mots clés prédéfinis ainsi qu’en la transmission à l’auteur de la synthèse d’une fiche de résultat rédigée manuellement, avec l’indication du mot clé dans un article et la position de cet article dans la publication. De même, les parties au principal s’accordent sur le fait que, en elle-même, la rédaction d’une synthèse est licite et n’exige pas le consentement du titulaire desdits droits.

24

Il n’est pas davantage contesté que ledit procédé d’acquisition de données consiste en deux actes de reproduction, à savoir la création de fichiers TIFF lors de la numérisation par balayage des articles imprimés et la création de fichiers texte résultant de la conversion des fichiers TIFF. En outre, il est constant que ce procédé entraîne la reproduction de parties des articles numérisés dès lors que l’extrait composé de onze mots est mis en mémoire informatique et que ces onze mots font l’objet d’une fiche imprimée sur un support en papier.

25

Cependant, les parties au principal sont en désaccord sur la question de savoir si les deux derniers actes susmentionnés constituent des actes de reproduction visés à l’article 2 de la directive 2001/29. De même, ils s’opposent sur le point de savoir si l’ensemble des actes en cause au principal sont, le cas échéant, couverts par l’exemption du droit de reproduction prévue à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive.

26

Dans ces conditions, le Højesteret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le fait de mettre en mémoire, puis d’imprimer, un extrait d’un article tiré d’une publication, extrait constitué d’un mot clé, des cinq mots qui le précèdent et des cinq mots qui le suivent, peut-il être considéré comme étant un acte de reproduction bénéficiant de la protection prévue à l’article 2 de la directive [2001/29]?

2)

Les circonstances dans lesquelles intervient un acte de reproduction sont-elles à prendre en considération pour que ledit acte puisse être qualifié de ‘transitoire’ au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29?

3)

Un acte de reproduction provisoire peut-il être qualifié de ‘transitoire’ si la reproduction fait l’objet d’un traitement, par exemple, si un fichier texte est créé sur la base d’un fichier image ou si des séquences de mots sont recherchées à partir d’un fichier texte?

4)

Un acte de reproduction provisoire peut-il être qualifié de ‘transitoire’ quand une partie de la reproduction, qui consiste en un ou plusieurs extraits de textes comprenant onze mots, est mise en mémoire?

5)

Un acte de reproduction provisoire peut-il être qualifié de ‘transitoire’ quand une partie de la reproduction, qui consiste en un ou plusieurs extraits de textes comprenant onze mots, fait l’objet d’une impression?

6)

Pour qu’un acte de reproduction puisse être considéré comme constituant ‘une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique’, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29, faut-il tenir compte du stade du procédé technique auquel il intervient?

7)

Un acte de reproduction peut-il être considéré comme constituant ‘une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique’ s’il consiste en la numérisation par balayage de l’intégralité d’articles de publications, opération effectuée manuellement et par laquelle lesdits articles, informations imprimées, sont convertis en données numérisées?

8)

Un acte de reproduction provisoire peut-il être considéré comme constituant ‘une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique’ s’il consiste en l’impression d’une partie de la reproduction comprenant un ou plusieurs extraits de textes composés de onze mots?

9)

La notion d’‘utilisation licite’ de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29 vise-t-elle toute forme d’utilisation ne nécessitant pas le consentement du titulaire des droits d’auteur?

10)

Le fait pour une entreprise de procéder à la numérisation par balayage de l’intégralité des articles de publications, opération suivie d’un traitement de la reproduction, de la mise en mémoire et, éventuellement, de l’impression d’une partie de la reproduction consistant en un ou plusieurs extraits de textes comprenant onze mots, impressions utilisées pour l’activité de rédaction de synthèses de cette entreprise, peut-il entrer dans la notion d’‘utilisation licite’ figurant à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29, même si les titulaires des droits d’auteur n’ont pas donné leur consentement à ces actes?

11)

Selon quels critères peut-on apprécier si des actes de reproduction provisoires ont une ‘signification économique indépendante’, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29, pour autant que les autres conditions de cette disposition sont réunies?

12)

Les gains de productivité réalisés par l’utilisateur lors d’actes de reproduction provisoires doivent-ils être pris en compte pour l’appréciation de la question de savoir si les actes ont une ‘signification économique indépendante’ au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29?

13)

Le fait pour une entreprise de procéder à la numérisation par balayage de l’intégralité des articles de publications, opération suivie d’un traitement de la reproduction, de la mise en mémoire et, éventuellement, de l’impression d’une partie de la reproduction consistant en un ou plusieurs extraits de textes comprenant onze mots, sans le consentement des titulaires des droits d’auteur, peut-il être considéré comme relevant de ‘certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale’ desdits articles qui ‘ne causent [pas] un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit’, au sens de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29?»

Sur les questions préjudicielles

Observation liminaire

27

À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition de droit communautaire qui, telles celles de l’article 2 de la directive 2001/29, ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme (voir, notamment, arrêts du 6 février 2003, SENA, C-245/00, Rec. p. I-1251, point 23, et du 7 décembre 2006, SGAE, C-306/05, Rec. p. I-11519, point 31).

28

Ces exigences s’imposent tout particulièrement en ce qui concerne la directive 2001/29, compte tenu des termes de ses sixième et vingt et unième considérants.

29

En conséquence, le gouvernement autrichien ne peut utilement soutenir qu’il revient aux États membres de donner la définition de la notion de «reproduction en partie» figurant à l’article 2 de la directive 2001/29 (voir en ce sens, s’agissant de la notion de «public» prévue à l’article 3 de la même directive, arrêt SGAE, précité, point 31).

Sur la première question

30

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si la notion de «reproduction en partie» au sens de la directive 2001/29 doit être interprétée en ce sens qu’elle englobe des actes de mise en mémoire informatique d’un extrait composé de onze mots et d’impression d’un tel extrait sur un support en papier.

31

Force est de relever que la directive 2001/29 ne définit ni la notion de «reproduction» ni celle de «reproduction en partie».

32

Dans ces conditions, ces notions doivent être définies au regard des termes et du contexte des dispositions de l’article 2 de la directive 2001/29 où elles figurent ainsi qu’à la lumière tant des objectifs de l’ensemble de cette directive que du droit international (voir, en ce sens, arrêt SGAE, précité, points 34 et 35 ainsi que jurisprudence citée).

33

L’article 2, sous a), de la directive 2001/29 prévoit que les auteurs disposent du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction en tout ou en partie de leurs œuvres. Il en découle que la protection du droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction dont jouit l’auteur a pour objet une «œuvre».

34

Or, à cet égard, il ressort de l’économie générale de la convention de Berne, notamment de son article 2, cinquième et huitième alinéas, que la protection de certains objets en tant qu’œuvres littéraires ou artistiques présuppose qu’ils constituent des créations intellectuelles.

35

De même, conformément aux articles 1er, paragraphe 3, de la directive 91/250, 3, paragraphe 1, de la directive 96/9 et 6 de la directive 2006/116, des œuvres telles que des programmes d’ordinateur, des bases de données ou des photographies ne sont protégées par le droit d’auteur que si elles sont originales en ce sens qu’elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur.

36

En établissant un cadre juridique harmonisé du droit d’auteur, la directive 2001/29 est fondée, ainsi qu’il ressort de ses quatrième, neuvième à onzième et vingtième considérants, sur le même principe.

37

Dans ces conditions, le droit d’auteur au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2001/29 n’est susceptible de s’appliquer que par rapport à un objet qui est original en ce sens qu’il est une création intellectuelle propre à son auteur.

38

En ce qui concerne les parties d’une œuvre, il y a lieu de constater que rien dans la directive 2001/29 ou dans une autre directive applicable en la matière n’indique que ces parties sont soumises à un régime différent de celui de l’œuvre entière. Il s’ensuit qu’elles sont protégées par le droit d’auteur dès lors qu’elles participent, comme telles, à l’originalité de l’œuvre entière.

39

Compte tenu des considérations énoncées au point 37 du présent arrêt, les différentes parties d’une œuvre bénéficient ainsi d’une protection au titre de l’article 2, sous a), de la directive 2001/29 à condition qu’elles contiennent certains des éléments qui sont l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur de cette œuvre.

40

S’agissant de l’étendue d’une telle protection de l’œuvre, il résulte des neuvième à onzième considérants de la directive 2001/29 que l’objectif principal de cette dernière est d’instaurer un niveau élevé de protection en faveur, notamment, des auteurs, permettant à ceux-ci d’obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres, y compris à l’occasion des reproductions de celles-ci, afin de pouvoir poursuivre leur travail créatif et artistique.

41

Dans la même perspective, le vingt et unième considérant de la directive 2001/29 exige que les actes couverts par le droit de reproduction soient entendus au sens large.

42

Cette exigence d’une définition large desdits actes est d’ailleurs présente également dans le libellé de l’article 2 de ladite directive, qui emploie des expressions telles que «directe ou indirecte», «provisoire ou permanente», «par quelque moyen» et «sous quelque forme que ce soit».

43

Par conséquent, la protection conférée par l’article 2 de la directive 2001/29 doit avoir une portée large.

44

En ce qui concerne les articles de presse, la création intellectuelle propre à leur auteur, visée au point 37 du présent arrêt, résulte régulièrement de la manière dont est présenté le sujet, ainsi que de l’expression linguistique. Par ailleurs, dans l’affaire au principal, il est constant que les articles de presse constituent, en tant que tels, des œuvres littéraires visées par la directive 2001/29.

45

S’agissant des éléments de telles œuvres sur lesquels porte la protection, il convient de relever que celles-ci sont composées de mots qui, considérés isolément, ne sont pas en tant que tels une création intellectuelle de l’auteur qui les utilise. Ce n’est qu’à travers le choix, la disposition et la combinaison de ces mots qu’il est permis à l’auteur d’exprimer son esprit créateur de manière originale et d’aboutir à un résultat constituant une création intellectuelle.

46

Les mots en tant que tels ne constituent donc pas des éléments sur lesquels porte la protection.

47

Cela étant, compte tenu de l’exigence d’une interprétation large de la portée de la protection conférée par l’article 2 de la directive 2001/29, il ne saurait être exclu que certaines phrases isolées, ou même certains membres de phrases du texte concerné, soient aptes à transmettre au lecteur l’originalité d’une publication telle qu’un article de presse, en lui communiquant un élément qui est, en soi, l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur de cet article. De telles phrases ou de tels membres de phrase sont donc susceptibles de faire l’objet de la protection prévue à l’article 2, sous a), de ladite directive.

48

Au regard de ces considérations, la reprise d’un extrait d’une œuvre protégée qui, tels ceux en cause au principal, comprend onze mots consécutifs de celle-ci, est susceptible de constituer une reproduction partielle, au sens de l’article 2 de la directive 2001/29, si — ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier — un tel extrait contient un élément de l’œuvre qui, en tant que tel, exprime la création intellectuelle propre à l’auteur.

49

Par ailleurs, il convient de relever que le procédé d’acquisition de données utilisé par Infopaq permet la reprise d’extraits multiples des œuvres protégées. En effet, ce procédé reproduit un extrait composé de onze mots chaque fois qu’un mot clé apparaît dans l’œuvre concernée et, en outre, il opère souvent en fonction de plusieurs mots clés puisque certains clients demandent à Infopaq d’établir des synthèses multicritères.

50

Ce faisant, ledit procédé accroît la probabilité qu’Infopaq effectue des reproductions partielles au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2001/29, car l’accumulation desdits extraits peut entraîner la reconstitution de fragments étendus qui sont aptes à refléter l’originalité de l’œuvre concernée de sorte qu’ils contiennent un nombre d’éléments qui sont de nature à exprimer une création intellectuelle propre à l’auteur de cette œuvre.

51

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question qu’un acte effectué au cours d’un procédé d’acquisition de données, qui consiste à mettre en mémoire informatique un extrait d’une œuvre protégée composé de onze mots ainsi qu’à imprimer cet extrait, est susceptible de relever de la notion de reproduction partielle au sens de l’article 2 de la directive 2001/29, si — ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier — les éléments ainsi repris sont l’expression de la création intellectuelle propre à leur auteur.

Sur les deuxième à douzième questions

52

À supposer que les actes en cause au principal relèvent de la notion de reproduction partielle d’une œuvre protégée, au sens de l’article 2 de la directive 2001/29, il ressort des articles 2 et 5 de ladite directive qu’il ne peut être procédé à une telle reproduction sans le consentement de l’auteur concerné, à moins que cette reproduction remplisse les conditions énoncées à l’article 5 de cette directive.

53

Dans ce contexte, par ses deuxième à douzième questions, la juridiction de renvoi demande en substance si les actes de reproduction effectués au cours d’un procédé d’acquisition de données, tel que celui en cause au principal, remplissent les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et, partant, si ce procédé peut être réalisé sans le consentement des titulaires des droits d’auteur concernés, dès lors qu’il vise à permettre la rédaction d’une synthèse d’articles de presse et consiste en la numérisation par balayage de l’intégralité de ces articles, la mise en mémoire d’un extrait de onze mots et l’impression de cet extrait.

54

Selon l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29, un acte de reproduction n’est exempté du droit de reproduction prévu à l’article 2 de celle-ci que s’il remplit cinq conditions, à savoir lorsque:

cet acte est provisoire;

il est transitoire ou accessoire;

il constitue une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique;

l’unique finalité de ce procédé est de permettre une transmission dans un réseau entre tiers par un intermédiaire ou une utilisation licite d’une œuvre ou d’un objet protégé, et

ledit acte n’a pas de signification économique indépendante.

55

Il y a lieu tout d’abord de relever que ces conditions sont cumulatives en ce sens que le non-respect d’une seule d’entre elles a pour conséquence que l’acte de reproduction n’est pas exempté, au titre de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29, du droit de reproduction prévu à l’article 2 de celle-ci.

56

Pour l’interprétation de ces conditions, une par une, il convient ensuite de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les dispositions d’une directive qui dérogent à un principe général établi par cette même directive doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêts du 29 avril 2004, Kapper, C-476/01, Rec. p. I-5205, point 72, et du 26 octobre 2006, Commission/Espagne, C-36/05, Rec. p. I-10313, point 31).

57

Tel est le cas de l’exemption prévue à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29 qui constitue une dérogation au principe général établi par cette directive, à savoir l’exigence d’une autorisation du titulaire du droit d’auteur pour toute reproduction d’une œuvre protégée.

58

Il en va d’autant plus ainsi que cette exemption doit être interprétée à la lumière de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29, selon lequel ladite exemption n’est applicable que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou de l’autre objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit.

59

Conformément aux quatrième, sixième et vingt et unième considérants de la directive 2001/29, les conditions énoncées par l’article 5, paragraphe 1, de celle-ci doivent être également interprétées à la lumière de l’exigence de sécurité juridique des auteurs en ce qui concerne la protection de leurs œuvres.

60

Dans la présente affaire, Infopaq soutient que les actes de reproduction en cause au principal remplissent la condition relative au caractère transitoire, puisqu’ils sont effacés à l’issue du processus de recherche électronique.

61

À cet égard, il convient de constater, à la lumière de la troisième condition rappelée au point 54 du présent arrêt, qu’un acte de reproduction provisoire et transitoire vise à permettre la réalisation d’un procédé technique dont il doit faire partie intégrante et essentielle. Dans ces conditions, compte tenu des principes énoncés aux points 57 et 58 du présent arrêt, lesdits actes de reproduction ne sauraient excéder ce qui est nécessaire pour le bon fonctionnement de ce procédé technique.

62

La sécurité juridique des titulaires de droits d’auteur impose en outre que la conservation et la suppression de la reproduction ne soient pas tributaires d’une intervention humaine discrétionnaire, notamment celle de l’utilisateur des œuvres protégées. En effet, dans un tel cas, il ne serait nullement garanti que la personne concernée procède effectivement à la suppression de la reproduction créée ou, en tout état de cause, qu’elle supprime celle-ci dès lors que son existence ne se justifie plus au regard de sa fonction visant à permettre la réalisation d’un procédé technique.

63

Une telle conclusion est confirmée par le trente-troisième considérant de la directive 2001/29 qui énumère, à titre d’exemples caractéristiques des actes visés à l’article 5, paragraphe 1, de celle-ci, les actes qui permettent le survol («browsing») ainsi que les actes de prélecture dans un support rapide («caching»), y compris ceux qui permettent le fonctionnement efficace des systèmes de transmission. De tels actes sont, par définition, créés et supprimés automatiquement et sans intervention humaine.

64

Eu égard à ce qui précède, il convient de constater qu’un acte ne peut être qualifié de «transitoire», au sens de la deuxième condition énoncée à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29, que si sa durée de vie est limitée à ce qui est nécessaire pour le bon fonctionnement du procédé technique concerné, étant entendu que ce procédé doit être automatisé de sorte qu’il supprime cet acte d’une manière automatique, sans intervention humaine, dès que sa fonction visant à permettre la réalisation d’un tel procédé est achevée.

65

Dans l’affaire au principal, il ne saurait être d’emblée exclu que les deux premiers actes de reproduction en cause au principal, à savoir la création de fichiers TIFF ainsi que de fichiers texte résultant de la conversion des fichiers TIFF, puissent être qualifiés de transitoires dès lors qu’ils sont effacés automatiquement de la mémoire informatique.

66

S’agissant du troisième acte de reproduction, à savoir la mise en mémoire informatique de l’extrait composé de onze mots, les éléments soumis à la Cour ne permettent pas d’apprécier si le procédé technique est automatisé de sorte que ce fichier est effacé de la mémoire informatique sans intervention humaine et dans un laps de temps réduit. Ainsi, il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si sa suppression dépend de la volonté de l’utilisateur de la reproduction et si ce fichier ne risque pas de rester sauvegardé après l’accomplissement de sa fonction de réalisation du procédé technique concerné.

67

Il est cependant constant que, par le dernier acte de reproduction du procédé d’acquisition de données, Infopaq réalise une reproduction en dehors de la sphère informatique. Il procède à une impression des fichiers contenant les extraits composés de onze mots et il reproduit ainsi ces extraits sur un support en papier.

68

Or, dès lors qu’elle est fixée sur un tel support matériel, cette reproduction ne disparaît que lors de la destruction de ce support.

69

Par ailleurs, comme le procédé d’acquisition de données n’est pas, à l’évidence, susceptible de détruire lui-même un tel support, la suppression de ladite reproduction dépend de la seule volonté de l’utilisateur d’un tel procédé, dont il n’est nullement certain qu’il veuille s’en défaire, ce qui a pour conséquence que ladite reproduction risque de subsister pendant une période prolongée en fonction des besoins de l’utilisateur.

70

Dans ces conditions, il convient de constater que le dernier acte du procédé d’acquisition de données en cause au principal, au cours duquel Infopaq imprime les extraits composés de onze mots, ne constitue pas un acte transitoire au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29.

71

En outre, il ne ressort pas du dossier transmis à la Cour et il n’a pas non plus été soutenu qu’un tel acte soit susceptible d’avoir un caractère accessoire.

72

Il découle de ce qui précède que ledit acte ne remplit pas la deuxième condition énoncée à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et, partant, un tel acte ne saurait être exempté du droit de reproduction prévu à l’article 2 de celle-ci.

73

Il s’ensuit que le procédé d’acquisition de données en cause au principal ne peut être réalisé sans le consentement des titulaires des droits d’auteur et, dès lors, il n’est pas nécessaire d’examiner si les quatre actes constituant ce procédé respectent les autres conditions énoncées audit article 5, paragraphe 1.

74

En conséquence, il convient de répondre aux deuxième à douzième questions que l’acte d’impression d’un extrait composé de onze mots, qui est effectué au cours d’un procédé d’acquisition de données tel que celui en cause au principal, ne remplit pas la condition relative au caractère transitoire énoncée à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et, partant, ce procédé ne peut être réalisé sans le consentement des titulaires des droits d’auteur concernés.

Sur la treizième question

75

Compte tenu de la réponse donnée aux deuxième à douzième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la treizième question.

Sur les dépens

76

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)

Un acte effectué au cours d’un procédé d’acquisition de données, qui consiste à mettre en mémoire informatique un extrait d’une œuvre protégée composé de onze mots ainsi qu’à imprimer cet extrait, est susceptible de relever de la notion de reproduction partielle au sens de l’article 2 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, si — ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier — les éléments ainsi repris sont l’expression de la création intellectuelle propre à leur auteur.

2)

L’acte d’impression d’un extrait composé de onze mots, qui est effectué au cours d’un procédé d’acquisition de données tel que celui en cause au principal, ne remplit pas la condition relative au caractère transitoire énoncée à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et, partant, ce procédé ne peut être réalisé sans le consentement des titulaires des droits d’auteur concernés.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le danois.

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CJCE, n° C-5/08, Arrêt de la Cour, Infopaq International A/S contre Danske Dagblades Forening, 16 juillet 2009