CJUE, n° C-488/21, Conclusions de l'avocat général de la Cour, GV contre Chief Appeals Officer e.a, 16 février 2023

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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CJUE · 16 février 2023

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 33/23 Luxembourg, le 16 février 2023 Conclusions de l'avocate générale dans l'affaire C-488/21 | Chief Appeals Officer e.a. Avocate générale Ćapeta : la mère d'un travailleur mobile de l'Union peut demander une prestation sociale sans que cette demande remette en question son droit de séjour Le principe d'égalité de traitement s'oppose à ce qu'un tel parent soit considéré comme une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État de résidence GV est une ressortissante roumaine et la mère d'AC, citoyenne roumaine séjournant et travaillant en …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 16 févr. 2023, C-488/21
Numéro(s) : C-488/21
Conclusions de l'avocat général Mme T. Ćapeta, présentées le 16 février 2023.#GV contre Chief Appeals Officer e.a.#Demande de décision préjudicielle, introduite par la Court of Appeal.#Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union européenne – Articles 21 et 45 TFUE – Droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres – Travailleur ayant acquis la nationalité de l’État membre d’accueil tout en conservant sa nationalité d’origine – Directive 2004/38/CE – Article 3 – Bénéficiaires – Article 2, point 2, sous d) – Membre de la famille – Ascendants directs à la charge d’un travailleur citoyen de l’Union – Article 7, paragraphe 1, sous a) et d) – Droit de séjour de plus de trois mois – Conservation du statut de personne à charge dans l’État membre d’accueil – Article 14, paragraphe 2 – Maintien du droit de séjour – Règlement (UE) no 492/2011 – Article 7, paragraphe 2 – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Prestations d’assistance sociale – Charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.#Affaire C-488/21.
Date de dépôt : 10 août 2021
Précédents jurisprudentiels : 11 novembre 2014, Dano ( C-333/13, EU:C:2014:2358 ) dans celui du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld ( C-181/19, EU:C:2020:794
17 février 1993, Poucet et Pistre ( C-159/91 et C-160/91, EU:C:1993:63
21 décembre 2011, Ziolkowski et Szeja ( C-424/10 et C-425/10, EU:C:2011:866
31 mai 1979, Even et ONPTS ( 207/78, EU:C:1979:144
50 Voir arrêt du 30 septembre 1975, Cristini ( 32/75, EU:C:1975:120
51 Voir arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld ( C-181/19, EU:C:2020:794
52 Voir arrêts du 27 mai 1993, Schmid ( C-310/91, EU:C:1993:221
54 Voir arrêt du 11 avril 1973, S. ( 76/72, EU:C:1973:46
61 Voir arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld ( C-181/19, EU:C:2020:794
62 Voir arrêt du 11 novembre 2014, Dano ( C-333/13, EU:C:2014:2358, point 69
63 Arrêt du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas ( C-542/09, EU:C:2012:346
64 Ibidem. Voir, également, arrêts du 20 juin 2013, Giersch e.a. ( C-20/12, EU:C:2013:411
69 Voir arrêt du 1er août 2022, Familienkasse Niedersachsen-Bremen ( C-411/20, EU:C:2022:602
6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld ( C-181/19, EU:C:2020:794
78 Arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk ( C-184/99, EU:C:2001:458
80 Arrêt du 11 novembre 2014, Dano ( C-333/13, EU:C:2014:2358
83 Voir arrêt du 1er août 2022, Familienkasse Niedersachsen-Bremen ( C-411/20, EU:C:2022:602
Banger ( C-89/17, EU:C:2018:570
Bidar ( C-209/03, EU:C:2005:169
Bressol e.a. ( C-73/08, EU:C:2010:181
C-11/06 et C-12/06, EU:C:2007:626
( C-129/18, EU:C:2019:248
C-168/20, EU:C:2021:907
C-22/08 et C-23/08, EU:C:2009:344
C-22/21, EU:C:2022:683
C-451/19 et C-532/19, EU:C:2022:354
C-523/11 et C-585/11, EU:C:2013:90
( C-802/18, EU:C:2020:269
Carpenter ( C-60/00, EU:C:2002:434
Coman e.a. ( C-673/16, EU:C:2018:385
Commission/Allemagne ( C-206/10, EU:C:2011:283
Commission/Allemagne ( C-269/07, EU:C:2009:527
Cour EDH, 4 mars 2013, Butt c. Norvège ( CE:ECHR:2012:1204JUD004701709
Depesme e.a ( C-401/15 à C-403/15
Digi ( C-77/21, EU:C:2022:805
Familienkasse Niedersachsen-Bremen ( C-411/20, EU:C:2022:602
Förster ( C-158/07, EU:C:2008:630
Hoop ( C-224/98, EU:C:2002:432, point 39 ), du 23 mars 2004, Collins ( C-138/02, EU:C:2004:172
Lounes ( C-165/16, EU:C:2017:862
Martens ( C-359/13, EU:C:2015:118
McCarthy ( C-434/09, EU:C:2011:277
Meeusen ( C-337/97, EU:C:1999:284 ), du 17 septembre 2002, Baumbast et R ( C-413/99, EU:C:2002:493
Metock e.a. ( C-127/08, EU:C:2008:449
Metock e.a. ( C-127/08, EU:C:2008:449 ), du 12 mars 2014, O. et B. ( C-456/12, EU:C:2014:135
PF e.a. ( C-830/18, EU:C:2020:275
Schmid ( C-310/91, EU:C:1993:221
Seeberger ( C-523/11 et C-585/11, EU:C:2013:524
Singh e.a. ( C-218/14, EU:C:2015:476 ), du 30 juin 2016, NA ( C-115/15, EU:C:2016:487 ), du 14 novembre 2017, Lounes ( C-165/16
Thiele Meneses ( C-220/12, EU:C:2013:683
Tijani ( C-529/11, EU:C:2013:290 ), du 20 juin 2013, Giersch e.a. ( C-20/12, EU:C:2013:411 ), du 16 janvier 2014, Reyes ( C-423/12
Zambrano ( C-34/09, EU:C:2011:124
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62021CC0488
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2023:115
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Sur les parties

Texte intégral

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME TAMARA ĆAPETA

présentées le 16 février 2023 ( 1 )

Affaire C-488/21

GV

contre

Chief Appeals Officer,

Social Welfare Appeals Office,

Minister for Employment Affairs and Social Protection,

Irlande,

The Attorney General

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (Cour d’appel, Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Membre de la famille dépendant d’un travailleur de l’Union – Droit de séjour sur le territoire des États membres et droit aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif – Cercle des bénéficiaires – Droit de séjour de l’ascendant direct sous réserve qu’il continue à être dépendant – Charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre concerné – Égalité de traitement des membres de la famille du citoyen de l’Union travailleur mobile »

I. Introduction

1.

En droit de l’Union, certains membres de la famille, y compris les parents dépendants, peuvent rejoindre un travailleur mobile de l’Union dans l’État membre dans lequel celui-ci vit et travaille. Si ce parent demande des prestations sociales dans l’État membre d’accueil, perd-il un droit de séjour fondé sur le droit de l’Union ? Les États membres peuvent-ils considérer un tel parent comme une charge déraisonnable pour leurs systèmes d’assistance sociale ? En outre, que signifie, d’emblée, le fait, pour un parent, de dépendre d’un travailleur mobile de l’Union ?

2.

Telles sont, en substance, les principales questions soulevées dans la demande de décision préjudicielle adressée à la Cour par la Court of Appeal (Cour d’appel, Irlande).

3.

Si la Cour a eu plusieurs fois l’occasion de préciser les droits dont bénéficient les parents dépendants en vertu du droit de l’Union et les circonstances dans lesquelles ces droits naissent, la plupart de ces affaires concernaient des descendants directs ( 2 ) ou des conjoints dépendants ( 3 ). La présente affaire offre donc à la Cour l’occasion de développer l’interprétation des droits des ascendants directs qui dépendent du travailleur mobile de l’Union.

II. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

4.

GV est une ressortissante roumaine et la mère d’AC, citoyenne roumaine séjournant et travaillant en Irlande. AC a par ailleurs été naturalisée irlandaise. GV a rejoint sa fille en Irlande en 2017 et y séjourne depuis lors. Il est constant que GV séjourne légalement en Irlande en tant que parent dépendant d’un travailleur mobile de l’Union.

5.

GV a séjourné en Irlande à plusieurs reprises, y compris entre 2009 et 2011, après quoi elle est retournée en Roumanie. Au cours de la période allant de 2011 à 2016, elle s’est déplacée entre l’Irlande, la Roumanie et l’Espagne, où vit son autre fille. La requérante est séparée de son époux depuis quinze ans, période au cours de laquelle elle a été financièrement dépendante de sa fille qui lui envoyait périodiquement de l’argent.

6.

Au cours de l’année 2017, GV a souffert de déformations dégénératives dans son arthrite. Le 28 septembre 2017, GV a introduit une demande d’allocation d’invalidité au titre du Social Welfare Consolidation Act 2005 (loi consolidée de 2005 sur la protection sociale, du 27 novembre 2005), telle qu’amendée (ci-après la « loi de 2005 »).

7.

La juridiction de renvoi explique que l’allocation d’invalidité demandée par GV vise à protéger contre la pauvreté. Elle constitue une prestation d’assistance sociale financée par le budget général, sans que l’intéressé ait à verser de cotisation de sécurité sociale. En d’autres termes, la prestation est financée par la fiscalité générale. L’allocation d’invalidité est qualifiée de « prestation spéciale en espèces à caractère non contributif » au sens du règlement (CE) no 883/2004 ( 4 ). Elle ne peut donc être demandée que dans l’État membre de résidence ( 5 ), ce qui signifie que GV ne pouvait pas demander une telle prestation auprès de l’État dont elle est ressortissante, puisqu’elle réside en Irlande.

8.

Il ressort de la décision de renvoi que, pour bénéficier de l’allocation d’invalidité en Irlande, l’intéressé doit remplir certains critères relatifs à l’âge, au handicap et aux ressources. En particulier, l’allocation ne peut être accordée qu’aux personnes n’ayant pas atteint l’âge général de départ à la retraite ( 6 ). Les autres critères d’éligibilité comprennent des critères médicaux et une condition de ressources. Cette condition de ressources comprend tout revenu qu’une personne reçoit d’un membre de sa famille.

9.

Plus précisément encore, la législation irlandaise s’oppose au versement de l’allocation d’invalidité à une personne qui ne réside pas habituellement en Irlande ( 7 ). Une des conditions de la résidence habituelle est qu’une personne bénéficie d’un droit de séjour dans cet État membre.

10.

Par décision du 27 février 2018, la demande de GV a été rejetée. Le recours contre cette décision a été rejeté le 12 février 2019. Dans les deux cas, la raison avancée pour le rejet de la demande était que GV ne disposait pas d’un droit de séjour en Irlande.

11.

À la suite d’une demande introduite au nom de GV par une organisation non gouvernementale, la décision de rejet du 12 février 2019 a fait l’objet d’un réexamen.

12.

Par décision du 2 juillet 2019, l’Appeals Officer (agent en charge des recours, Irlande) a conclu que GV, en tant qu’ascendant direct dépendant d’une citoyenne de l’Union employée en Irlande, bénéficiait d’un droit de séjour, mais ne pouvait pas bénéficier de l’assistance sociale.

13.

Une demande de révision de cette décision a été introduite devant le Chief Appeals Officer (directeur de l’office des recours en matière de protection sociale, Irlande), première partie défenderesse devant la juridiction de renvoi, qui a confirmé, par décision du 23 juillet 2019, que GV n’avait pas droit à l’allocation d’invalidité. Il a justifié sa décision en faisant valoir que, au titre du droit irlandais transposant la directive 2004/38/CE ( 8 ), GV ne devait pas devenir une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale national.

14.

Comme l’explique la juridiction de renvoi, le droit irlandais pertinent est les European Communities (Free Movement of Persons) Regulations 2015 (S.I No 548 of 2015) [règlement relatif aux Communautés européennes (libre circulation des personnes) de 2015, ci-après le « règlement de 2015 »]. L’article 11, paragraphe 1, du règlement de 2015 prévoit le maintien d’un droit de séjour en Irlande dans les termes suivants :

« Une personne séjournant dans l’État en vertu des articles 6 ( 9 ), 9 ou 10 a le droit de continuer d’y séjourner tant qu’elle satisfait aux dispositions pertinentes de l’article concerné et qu’elle ne devient pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État. »

15.

GV a introduit une demande de contrôle juridictionnel de la décision du 23 juillet 2019 devant la High Court (Haute Cour, Irlande). Par jugement du 29 mai 2020, cette juridiction a annulé la décision litigieuse. Elle a estimé que la législation irlandaise, en ce qu’elle subordonne le droit de séjour d’un membre de la famille d’un citoyen de l’Union à la condition que ce membre de la famille ne devienne pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État, n’était pas conforme à la directive sur la citoyenneté. Ainsi, selon cette même juridiction, s’il est établi, au moment où le membre de la famille rejoint le travailleur de l’Union, que le membre de la famille dépend de ce dernier, il n’est pas exigé que le membre de la famille continue à dépendre du travailleur de l’Union pour continuer à jouir d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil.

16.

Le directeur de l’office des recours en matière de protection sociale et le Minister for Employment Affairs and Social Protection (ministre de l’Emploi et de la Protection sociale, Irlande) ont interjeté appel de ce jugement devant la Court of Appeal (Cour d’appel), juridiction de renvoi dans la présente affaire.

17.

D’une part, selon le ministre de l’Emploi et de la Protection sociale, la définition de la notion de « membre de la famille » figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive sur la citoyenneté comporte l’exigence que le membre de la famille continue de dépendre du citoyen de l’Union tant que le droit de séjour dérivé est invoqué. Ainsi, lorsque la relation de dépendance cesse, ce membre de la famille ne peut plus bénéficier d’un tel droit de séjour. Si GV se voyait octroyer l’allocation d’invalidité, sa dépendance à l’égard de sa fille prendrait fin, de sorte que GV ne pourrait plus bénéficier d’un droit de séjour dérivé au titre de la directive sur la citoyenneté.

18.

D’autre part, GV fait valoir, en substance, qu’il convient d’invalider l’article 11, paragraphe 11, du règlement de 2015, en ce qu’il impose une condition selon laquelle les membres de la famille d’un citoyen de l’Union ne peuvent pas devenir une « charge déraisonnable », alors que cette condition ne figure pas à l’article 7 de la directive sur la citoyenneté. Selon GV, la jurisprudence de la Cour relative à la notion de « dépendance » confirme sa position. En outre, elle fait valoir que la thèse défendue par le ministre de l’Emploi et de la Protection sociale est contraire au droit à l’égalité de traitement qui lui est reconnu par l’article 24, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté.

19.

Nourrissant des doutes quant à la conformité de la législation irlandaise avec la directive sur la citoyenneté, la Court of Appeal (Cour d’appel) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Le droit de séjour dérivé qu’un ascendant direct d’un citoyen de l’Union travailleur salarié tire de l’article 7, paragraphe 2, de la directive [sur la citoyenneté] est-il subordonné au maintien de la dépendance de ce parent vis-à-vis du travailleur salarié ?

2)

La directive [sur la citoyenneté] empêche-t-elle un État membre d’accueil de limiter l’accès au bénéfice d’une prestation d’assistance sociale en faveur d’un membre de la famille d’un citoyen de l’Union travailleur salarié qui bénéficie d’un droit de séjour dérivé fondé sur sa dépendance vis-à-vis de ce travailleur salarié lorsque l’accès à cette prestation impliquerait qu’il cesse de dépendre du travailleur salarié ?

3)

La directive [sur la citoyenneté] empêche-t-elle un État membre d’accueil de limiter l’accès au bénéfice d’une prestation d’assistance sociale en faveur d’un membre de la famille d’un citoyen de l’Union travailleur salarié qui bénéficie d’un droit de séjour dérivé fondé sur sa dépendance vis-à-vis de ce travailleur salarié, au motif que le paiement de la prestation aura pour effet de faire du membre de la famille en cause une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État ? »

20.

GV a présenté des observations écrites à la Cour, tout comme le directeur de l’office des recours en matière de protection sociale, le Social Welfare Appeals Office (office des recours en matière de protection sociale, Irlande), l’Attorney General (procureur général, Irlande), (ci-après les « parties défenderesses »), les gouvernements irlandais, tchèque, danois et allemand, ainsi que la Commission européenne. Une audience s’est tenue le 18 octobre 2022, au cours de laquelle GV, les parties défenderesses, les gouvernements irlandais, tchèque, danois et allemand, ainsi que la Commission ont présenté des observations orales.

III. Le droit de l’Union pertinent

A. La directive sur la citoyenneté

21.

Aux termes de l’article 2, point 2, de la directive sur la citoyenneté :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

2)

“membre de la famille” :

a)

le conjoint ;

b)

le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d’un État membre, si, conformément à la législation de l’État membre d’accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l’État membre d’accueil ;

c)

les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) ;

d)

les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b). »

22.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté dispose :

« Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

a)

s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil, ou

b)

s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil ; ou,

c)

s’il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l’État membre d’accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et

s’il dispose d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil et garantit à l’autorité nationale compétente, par le biais d’une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu’il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de leur période de séjour ;ou

d)

si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c). »

23.

L’article 24 de la directive sur la citoyenneté énonce :

« 1. Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent.

2. Par dérogation au paragraphe 1, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ou, le cas échéant, pendant la période plus longue prévue à l’article 14, paragraphe 4, point b), ni tenu, avant l’acquisition du droit de séjour permanent, d’octroyer des aides d’entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d’études ou de prêts, à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut, et les membres de leur famille. »

B. Le règlement travailleurs

24.

L’article 7 du règlement (UE) no 492/2011 ( 10 ) dispose, en sa partie pertinente :

« 1. Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

[…] »

IV. Analyse

A. Les questions préliminaires

25.

L’un des aspects examinés par les participants à la présente affaire portait sur le fait que la directive sur la citoyenneté, dont la juridiction de renvoi a demandé l’interprétation, n’est pas applicable en tant que telle aux faits de l’espèce. Bien que je me rallie aux arguments des participants sur ce point, j’expliquerai brièvement pourquoi l’interprétation de cette directive est néanmoins utile pour la juridiction de renvoi.

26.

Selon l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, celle-ci s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille qui l’accompagnent ou le rejoignent.

27.

Cette directive ne régit donc pas les droits dérivés des membres de la famille d’un citoyen de l’Union au sein d’un État membre dont ce citoyen est ressortissant.

28.

Étant donné qu’AC a acquis la citoyenneté irlandaise, la directive sur la citoyenneté a cessé de s’appliquer aux droits dont sa mère jouit en Irlande à compter du moment de sa naturalisation.

29.

Toutefois, même si la directive sur la citoyenneté n’est pas applicable en elle-même à la situation qui a donné lieu au litige en cause dans l’affaire au principal, la Cour a déjà considéré qu’elle est applicable « par analogie » à des situations similaires ( 11 ).

30.

Le droit de séjour dérivé d’un membre de la famille d’un citoyen de l’Union peut naître directement sur le fondement de l’article 21, paragraphe 1, TFUE. Ainsi que la Cour l’a précisé, un ressortissant d’un État membre, qui s’est rendu et séjourne dans un autre État membre, ne saurait se voir refuser le droit de mener une vie familiale dans cet État, tel que garanti par le droit de l’Union, du seul fait que ce citoyen acquiert ensuite la nationalité de ce dernier État membre ( 12 ).

31.

Afin d’éviter que les citoyens de l’Union ayant exercé leur liberté de circulation et qui se sont intégrés dans la société de l’État membre d’accueil au point d’acquérir la nationalité de cet État soient traités, en ce qui concerne leur vie familiale, de manière moins favorable que les citoyens de l’Union ayant également exercé leurs droits de circulation, mais qui n’ont conservé que la nationalité de leur État d’origine, la directive sur la citoyenneté établit le contenu minimal des droits dérivés dont jouissent les membres de la famille des citoyens naturalisés.

32.

La directive sur la citoyenneté influence l’interprétation de l’article 21, paragraphe 1, TFUE qui est applicable dans la présente affaire, en façonnant son contenu minimal.

33.

L’interprétation de la directive sur la citoyenneté par la Cour sera utile à la juridiction de renvoi afin d’apprécier si, par sa décision, le directeur de l’office des recours en matière de protection sociale a violé les droits dont AC et GV bénéficient toutes deux en vertu de l’article 21, paragraphe 1, TFUE. Par conséquent, la Cour peut répondre aux questions préjudicielles portant sur l’interprétation de la directive sur la citoyenneté.

34.

En outre, je considère que le règlement travailleurs est également indirectement applicable au litige au principal. Ce règlement façonne le contenu minimal du droit fondamental de circuler librement dont disposent les travailleurs mobiles de l’Union qui ont acquis, par naturalisation, la nationalité de l’État membre d’accueil dans lequel ils se sont rendus ( 13 ). Le fait que la juridiction de renvoi a limité ses questions à l’interprétation de la directive sur la citoyenneté ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent lui être utiles pour statuer ( 14 ).

35.

Pour cette raison, je proposerai une interprétation de l’article 45, paragraphe 2, TFUE façonné par le règlement travailleurs, dans la mesure où j’estime que celui-ci est utile dans la présente affaire, en particulier pour l’examen de la troisième question préjudicielle. Partant, je proposerai également à la Cour de reformuler cette question afin d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi.

B. Sur le fond

36.

L’élément déclencheur principal dans la présente affaire est le règlement de 2015, mesure réglementaire par laquelle l’Irlande a transposé la directive sur la citoyenneté en droit interne. Cet acte transpose presque textuellement les définitions des membres de la famille ( 15 ), ainsi que les règles relatives au droit de séjour des membres de la famille ( 16 ) telles qu’établies par la directive sur la citoyenneté.

37.

Le règlement de 2015 régit également le maintien du droit de séjour, y compris pour les membres de la famille. L’article 11, paragraphe 1, de ce règlement (voir point 14 des présentes conclusions) subordonne en substance le maintien du droit de séjour d’un ascendant direct à deux conditions : premièrement, que l’ascendant direct dépende du citoyen de l’Union mobile ( 17 ) et, deuxièmement, que cet ascendant ne devienne pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État.

38.

Si l’ascendant direct ne bénéficie pas d’un droit de séjour en Irlande, il ne peut pas prétendre à l’allocation d’invalidité. Les deux arguments, à savoir le fait de ne plus être dépendant du citoyen de l’Union mobile, et le fait d’être une charge pour le système d’assistance sociale, ont été invoqués dans les différentes décisions rejetant la demande d’allocation d’invalidité de GV.

39.

Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi cherche à savoir si chacune de ces deux conditions auxquelles est subordonné le maintien du droit de séjour est autorisée par le droit de l’Union.

40.

Afin de répondre à ces questions, je procéderai de la manière suivante. J’analyserai les questions dans l’ordre dans lequel elles ont été posées. Toutefois, la première question soulève nécessairement une autre interrogation, qui est également pertinente pour répondre à la deuxième question : que revêt la notion de dépendance ? Après avoir exposé ma position sur la première question, j’examinerai donc cette problématique supplémentaire, avant d’aborder les deuxième et troisième questions.

1. Sur la première question préjudicielle : faut-il continuer à satisfaire à la condition de dépendance pour bénéficier du droit de séjour ?

41.

Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche essentiellement à savoir si, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, façonné par l’article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive sur la citoyenneté ( 18 ), il suffit que l’ascendant direct ait été dépendant au moment où il a rejoint le travailleur mobile de l’Union dans l’État d’accueil, ou si la dépendance doit être maintenue pour bénéficier du droit de séjour dérivé dans cet État.

42.

À cet égard, GV et la Commission font valoir que la dépendance ne doit exister qu’au moment où un parent rejoint un travailleur mobile dans l’État d’accueil. Pour étayer cette position, elles invoquent les arrêts Jia ( 19 ) et Reyes ( 20 ). Dans ces arrêts, la Cour a confirmé qu’un membre de la famille d’un citoyen de l’Union ayant exercé son droit à la libre circulation (ou du conjoint du citoyen de l’Union ayant exercé ce droit) doit être dépendant dans le pays d’origine avant d’acquérir le droit de séjour dans l’État d’accueil ( 21 ).

43.

Les parties défenderesses et les autres gouvernements intervenants font au contraire valoir que GV ne peut bénéficier du droit de séjour dérivé que tant qu’elle dépend de sa fille. Ainsi, la dépendance est une condition qui se maintient dans le temps au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive sur la citoyenneté, et elle prendrait fin dès l’octroi de l’allocation d’invalidité par les autorités irlandaises.

44.

Dans les arrêts Jia et Reyes, sur lesquels s’appuie la requérante au principal, la Cour était invitée à se prononcer sur la légalité des conditions pour acquérir un permis de séjour lors de l’arrivée dans l’État d’accueil. Aucune de ces affaires ne portait sur les conditions pour conserver un droit de séjour. En outre, à la différence de ces deux affaires, dans lesquelles les requérants se sont vu refuser des titres de séjour, GV dispose en l’espèce déjà d’un droit de séjour en Irlande. Dès lors, les constatations de la Cour dans les arrêts Jia et Reyes ne permettent pas de résoudre la question dans la présente affaire.

45.

Ces deux affaires ne s’opposent donc pas à la conclusion selon laquelle la dépendance, en ce qu’elle fonde un droit de séjour dérivé, doit exister tout au long de la durée du séjour du parent dans l’État d’accueil, comme le font valoir les parties défenderesses et les gouvernements intervenants.

46.

Je suis encline à accepter cette dernière position.

47.

Il est incontestable que le droit de séjour dérivé n’est pas un droit autonome dont bénéficient les ascendants directs. Ils bénéficient d’un tel droit, à la lecture combinée de l’article 7, paragraphe 1, sous d), et de l’article 7, paragraphe 2, sous d), de la directive sur la citoyenneté, parce qu’ils sont des ascendants directs dépendants. Un tel droit de séjour se distingue du droit de séjour direct qu’une telle personne pourrait également acquérir ( 22 ), étant donné qu’il porte sur le fait qu’un citoyen mobile de l’Union, en l’occurrence un travailleur, exerce son droit de circulation et qu’il dépend de cet exercice. Il me paraît donc logique que le membre de la famille direct qui rejoint un citoyen de l’Union dans l’État d’accueil doit rester dépendant de ce citoyen.

48.

En outre, il ressort clairement de l’article 14, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté, qui réglemente le maintien du droit de séjour, que les membres de la famille conservent des droits au titre de l’article 7 de cette directive pour autant qu’ils remplissent les conditions énoncées à cette disposition. Puisque cette disposition se réfère aux membres de la famille au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté, elle peut être comprise comme suggérant qu’il existe un droit de séjour tant que la personne reste dépendante.

49.

Enfin, c’est précisément la circonstance qu’un ascendant direct dépende de son enfant qui justifie le droit de ce dernier d’être présent dans l’État d’accueil. Ainsi que la Cour l’a expliqué, la directive sur la citoyenneté a pour objectif de faciliter et de renforcer l’exercice du droit fondamental de circuler librement ( 23 ). Le droit de séjour dérivé d’un ascendant direct contribue ainsi à l’exercice du droit à la libre circulation du travailleur mobile de l’Union.

50.

Je propose donc à la Cour de répondre à la première question posée par la juridiction de renvoi que l’article 21, paragraphe 1, TFUE, façonné par l’article 2, paragraphe 2, sous d), et l’article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive sur la citoyenneté, doit être interprété en ce sens que la condition relative à la dépendance de l’ascendant direct à l’égard d’un travailleur mobile de l’Union est exigée aussi longtemps que le droit de séjour de cet ascendant découle du droit de circulation exercé par ce travailleur.

51.

Toutefois, la question de savoir si le dépôt d’une demande d’allocation d’invalidité signifie que l’ascendant n’est plus dépendant est une question différente. Cette question nécessite tout d’abord d’interpréter la notion de dépendance.

2. Sur la notion de dépendance

52.

Une lecture combinée de l’article 2, paragraphe 2, sous d), et de l’article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive sur la citoyenneté indique clairement que seuls les ascendants directs dépendants bénéficient du droit de séjour dérivé ( 24 ).

53.

La directive sur la citoyenneté ne clarifie toutefois pas plus en détail la notion de « dépendance » des ascendants directs ( 25 ). En effet, il existe une divergence entre les différentes versions linguistiques de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive sur la citoyenneté. Pour en citer quelques-unes, la version en langue anglaise utilise le terme de « dépendant », la version en langue française utilise l’expression « à charge », la version en langue allemande « Unterhalt gewährt wird », la version en langue italienne « a carico », la version en langue croate « uzdržavanici », la version en langue néerlandaise « te hunnen laste », la version en langue polonaise « utrzymaniu » et la version en langue roumaine « în întreținere ».

54.

Bien qu’il semble que certaines versions linguistiques suggèrent seulement une dépendance financière ou matérielle, il y a des raisons de s’interroger sur le point de savoir si la directive sur la citoyenneté concerne uniquement une telle dépendance. En d’autres termes, une personne n’est-elle dépendante au sens de cette directive que lorsqu’elle a besoin d’un soutien financier de la part d’une autre personne ? Ou bien la dépendance inclut-elle au contraire également d’autres besoins, tels que la nécessité d’un soutien physique ou affectif ?

55.

Les travaux préparatoires de la directive sur la citoyenneté ne semblent pas offrir de réponse à cette question. La définition des membres de la famille à l’article 2, paragraphe 2, de cette directive résulte de la reproduction dans cet acte législatif du libellé essentiellement identique de l’article 10, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) no 1612/68 ( 26 ). Cette disposition se référait aux « ascendants […] qui sont à sa charge » ( 27 ), mais la raison pour laquelle cette expression était utilisée n’était pas expliquée, ni dans l’acte ni dans la jurisprudence y afférente. Dans la proposition initiale de la Commission concernant la directive sur la citoyenneté, cette expression ne figurait pas à l’article 2, paragraphe 2, sous d), de cette directive, qui se référait simplement aux « ascendants directs » ( 28 ). Toutefois, au cours de la procédure législative, le libellé tel qu’il figurait dans le règlement no 1612/68 a été rétabli en ajoutant de nouveau l’expression « à charge » ( 29 ). Les raisons qui ont motivé ce changement ne ressortent pas de manière évidente des travaux préparatoires et, de ce fait, on ne peut que spéculer sur l’intention du législateur.

56.

Les parties défenderesses au principal, comme les gouvernements intervenants, comprennent que la notion de dépendance se rapporte uniquement à la dépendance financière. Par conséquent, ils font valoir que GV cessera d’être dépendante de sa fille en cas d’octroi de l’allocation d’invalidité. Selon eux, elle dépendra alors de l’État, et non plus de sa fille.

57.

En effet, dans les affaires portant sur le droit de séjour dérivé des membres de la famille en ligne directe, la Cour a confirmé que le besoin d’un soutien financier signifie que la personne est dépendante au sens de la directive sur la citoyenneté ( 30 ). Toutefois, dans ces affaires, la Cour n’a pas été invitée à préciser la notion de dépendance. En d’autres termes, il existait une telle forme de dépendance dans les faits en cause dans chacune de ces affaires ( 31 ).

58.

Dès lors, cette jurisprudence ne saurait être comprise comme établissant que seule une dépendance financière est pertinente pour bénéficier des droits de séjour dérivés au titre de la directive sur la citoyenneté. À mon sens, plusieurs raisons conduisent à conclure différemment, à savoir que la dépendance au sens de la directive sur la citoyenneté est une notion plus large, qui inclut également les besoins affectifs et physiques.

59.

Premièrement, la dépendance matérielle ou financière constitue selon moi la raison la moins importante pour permettre à un travailleur mobile de l’Union de faire venir ses parents dans l’État d’accueil où il réside et travaille. S’il s’agissait uniquement d’un soutien financier, un tel soutien pourrait également être apporté aux parents qui restent dans leur pays d’origine. Il n’est pas nécessaire de les faire venir dans l’État d’accueil pour leur fournir un logement ou un soutien financier pour l’achat de nourriture ou de vêtements. Il pourrait même être plus économique de fournir un tel soutien dans le pays d’origine des parents, dans lequel le coût de la vie est éventuellement moins élevé que dans l’État d’accueil. Au contraire, offrir un soutien affectif et physique à un parent est, dans la plupart des circonstances, impossible si le parent ne vit pas à proximité de ses enfants.

60.

Deuxièmement, il résulte clairement des travaux préparatoires de la directive sur la citoyenneté que la raison sous-tendant la reconnaissance des droits dérivés des membres de la famille était de permettre de jouir effectivement du droit à la vie familiale ( 32 ). Ce droit fondamental, reconnu par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ( 33 ), comprend l’existence de liens affectifs entre les membres de la famille ( 34 ).

61.

Troisièmement, une interprétation aussi large de la notion de « dépendance » est conforme à l’objectif de la directive sur la citoyenneté qui est de contribuer au droit de circulation des travailleurs mobiles de l’Union. Si GV a besoin de la compagnie de sa fille et que celle-ci s’occupe d’elle, mais qu’elle ne peut pas la rejoindre dans l’État membre dans lequel elle vit et travaille, il est probable (au moins jusqu’à l’invention de la téléportation) que sa fille soit contrainte de quitter l’État d’accueil pour rejoindre sa mère dans son État d’origine ( 35 ). Le droit d’AC de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres s’en trouverait entravé. Un travailleur mobile de l’Union, enfant d’un parent ressortissant d’un pays tiers qui a besoin d’un tel type de soutien, pourrait être forcé de quitter le territoire de l’Union européenne.

62.

Sur ce point précis, la jurisprudence de la Cour reconnaît l’importance d’assurer la protection de la vie familiale afin d’éliminer les obstacles à l’exercice des libertés fondamentales garanties par les traités ( 36 ).

63.

Enfin, la jurisprudence comporte des indications selon lesquelles la Cour comprend la notion de dépendance telle qu’elle est envisagée dans la directive sur la citoyenneté dans un sens plus large que concernant les seuls besoins financiers. Tout d’abord, la Cour a considéré que l’article 2, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté devrait être interprété largement ( 37 ).

64.

En outre, la jurisprudence récente relative à l’article 3, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté, qui concerne les membres de la famille plus éloignés, a admis une conception plus large de la notion de dépendance ( 38 ). Même si les droits que l’article 3, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté reconnaît aux membres de la famille sont plus limités par rapport au droit de séjour automatique accordé aux membres de la famille qui relèvent du champ d’application de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive sur la citoyenneté, il n’y a aucune raison d’interpréter différemment la notion de « personne dépendante » tout au long de cette directive ni, d’ailleurs, dans les différents actes juridiques régissant les droits des membres de la famille des travailleurs mobiles ( 39 ).

65.

Pour les raisons qui précèdent, je propose à la Cour d’adopter une conception large de la dépendance, une personne étant considérée comme dépendante dès qu’elle a besoin d’un soutien matériel, financier, physique ou affectif d’un membre de la famille. Par conséquent, à supposer même que GV n’ait plus besoin du soutien financier de sa fille, elle pourrait néanmoins toujours satisfaire à la condition de dépendance sur laquelle est fondé le droit de séjour dérivé.

3. Sur la deuxième question préjudicielle – L’accès à des prestations sociales peut-il mettre fin au droit de séjour dérivé de l’ascendant dépendant d’un travailleur mobile de l’Union ?

66.

Ainsi que l’explique la juridiction de renvoi, le droit irlandais s’oppose au versement de l’allocation d’invalidité à une personne qui n’a pas sa résidence habituelle dans cet État. La résidence habituelle ne peut exister que si la personne dispose d’un droit de séjour en Irlande. Les citoyens irlandais ne sauraient, sur le fondement du droit international, se voir refuser le droit de séjourner légalement en Irlande. Toutefois, les ressortissants des autres pays doivent se prévaloir d’un fondement juridique reconnu par le droit irlandais pour bénéficier d’un droit de séjour. Parmi ces fondements juridiques figure l’article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive sur la citoyenneté.

67.

C’est cette situation juridique qui a donné lieu à la deuxième question de la juridiction de renvoi. Par cette question, cette juridiction demande, en substance, si l’article 21, paragraphe 1, TFUE, façonné par la directive sur la citoyenneté, doit être interprété en ce sens que le versement de l’allocation d’invalidité à l’ascendant direct d’un travailleur citoyen de l’Union met un terme à la dépendance de cet ascendant à l’égard de ce travailleur et met ainsi fin à son droit de séjour dérivé.

68.

Si la Cour suit ma proposition de réponse à la première question, à savoir qu’il faut continuer à être une personne dépendante pour que le droit de séjour d’un ascendant direct soit justifié en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive sur la citoyenneté, il s’ensuit que la cessation de la dépendance d’un ascendant direct vis-à-vis du citoyen mobile de l’Union conduit à mettre fin au droit de séjour dérivé de cet ascendant sur le fondement de cette disposition.

69.

Cela ne signifie cependant pas que, s’il demande une prestation sociale, l’ascendant direct ne dépendra plus du citoyen mobile de l’Union.

70.

En premier lieu, et dans la mesure où la Cour suit ma proposition et interprète la dépendance de manière large, l’octroi de l’allocation d’invalidité pourrait couvrir la dépendance financière (du moins en partie), mais ne permettra probablement pas de satisfaire à d’autres besoins des ascendants en matière de soutien ( 40 ). Les autorités étatiques irlandaises pourraient difficilement remplacer l’attention prodiguée par un enfant à son parent et son soutien affectif.

71.

Ainsi, même si l’État d’accueil couvre une partie, voire la totalité, des coûts financiers du parent vivant dans cet État, ce parent resterait dépendant du citoyen mobile de l’Union duquel il tire des droits de séjour, dans l’hypothèse où il continue à avoir besoin d’un soutien matériel, affectif ou physique.

72.

En second lieu, même si le fait d’être dépendant ne porte que sur le besoin d’un soutien matériel ou financier, une demande d’allocation d’invalidité ne saurait automatiquement conduire à conclure que, en cas d’octroi de la prestation, il serait mis fin au droit de séjour sur le fondement de la directive sur la citoyenneté.

73.

Comme l’a suggéré la Commission, une telle conclusion entraînerait une boucle infinie, ce qui ne saurait être accepté : cette conclusion conduirait à un scénario dans lequel une fois que le membre de la famille se voit octroyer une prestation sociale, son droit de séjour prend fin, l’empêchant alors de bénéficier d’une prestation sociale. Toutefois, sans cette prestation sociale, le membre de la famille est de nouveau dépendant du citoyen mobile de l’Union, ce qui signifie qu’il bénéficie d’un droit de séjour dérivé et remplit une des conditions préalables pour demander la prestation sociale. Et ainsi de suite, à l’infini.

74.

Pour sortir d’une telle boucle absurde, il convient d’y mettre un terme à un moment donné. Par conséquent, la qualité de membre de la famille dépendant d’un travailleur devrait être appréciée indépendamment de l’octroi d’une allocation déterminée.

75.

La Cour a déjà admis une telle approche dans l’arrêt Lebon, qui portait sur le droit d’une fille dépendante d’un citoyen de l’Union mobile à demander l’octroi d’une allocation sociale belge, dénommée minimex.

76.

Dans cet arrêt, la Cour a considéré qu’« une demande de minimex présentée par un membre de la famille du travailleur migrant à la charge de ce dernier ne saurait affecter cette qualité de membre de la famille à charge. En décider autrement reviendrait, en effet, à admettre que l’octroi du minimex pourrait faire perdre à l’intéressé sa qualité de membre de la famille à charge, et justifier, par conséquent, soit le retrait du minimex lui-même, soit, même, la perte du droit de séjour. Une telle solution interdirait, en pratique, au membre de la famille à charge de demander le minimex et porterait atteinte, de ce fait, à l’égalité de traitement reconnue au travailleur migrant. Il convient donc d’apprécier la qualité de membre de la famille à charge, abstraction faite de l’octroi du minimex » ( 41 ). Si l’arrêt Lebon concernait un descendant direct, rien ne s’oppose à ce que la même logique soit appliquée aux ascendants directs ( 42 ).

77.

Ainsi, même s’il est considéré que la dépendance ne s’entend que comme la nécessité de recevoir un soutien financier (ce qui constitue selon moi une interprétation trop étroite de cette notion), le versement de l’aide financière par l’État membre ne met pas fin à la dépendance de la personne qui reçoit le soutien.

78.

Le fait d’être éligible à l’allocation d’invalidité (pour l’octroi de laquelle, en droit irlandais, il convient de satisfaire à certaines conditions médicales et financières) confirme, plutôt qu’infirme, qu’il existe une situation de dépendance. En effet, si les autorités étatiques ne soutenaient pas le membre de la famille dépendant, la personne qui s’en occupe en premier chef, le travailleur mobile de l’Union, devrait couvrir les coûts nécessaires à son soutien.

79.

Dès lors, l’octroi d’une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif, telle que l’allocation d’invalidité, ne saurait avoir d’incidence sur la dépendance du demandeur.

80.

Pour ajouter un argument supplémentaire à la conclusion qui précède, il convient de relever que ni le point a) ni le point d) de l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté ne contiennent d’exigence selon laquelle le travailleur ou le membre de sa famille doivent être autosuffisants afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil ( 43 ). Seul l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de cette directive impose l’autosuffisance comme condition de l’obtention du droit de séjour. Je reviendrai sur ce point lorsque je me pencherai sur l’argument selon lequel un membre de la famille peut devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil ( 44 ).

81.

En outre, ainsi que le fait valoir la Commission, les mesures prises par un membre de la famille dépendant pour renforcer son autonomie dans l’État membre d’accueil ne devraient aucunement pouvoir le priver d’un droit de séjour.

82.

Si tel était le cas, cela signifierait que seules les personnes n’ayant pas besoin d’une prestation non contributive seraient éligibles à cette prestation. L’interprétation de la législation ne saurait conduire à un résultat aussi absurde ( 45 ).

83.

Par conséquent, je propose à la Cour de répondre à la deuxième question de la juridiction de renvoi en expliquant que l’article 21, paragraphe 1, TFUE, façonné par l’article 2, paragraphe 2, sous d), et l’article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive sur la citoyenneté, doit être interprété en ce sens qu’une demande de prestation spéciale en espèces à caractère non contributif formée par l’ascendant direct d’un travailleur mobile citoyen de l’Union n’entraîne pas la fin de la dépendance de ce dernier vis-à-vis du travailleur et ne modifie donc pas son droit de séjour dérivé.

4. Sur la troisième question préjudicielle : le droit à l’égalité de traitement et les préoccupations budgétaires des États membres

84.

Ainsi que je l’ai exposé dès le début des présentes conclusions ( 46 ), le droit irlandais prévoit qu’un ascendant direct peut conserver le droit de séjour dérivé à deux conditions : premièrement, s’il dépend du citoyen mobile de l’Union, et, deuxièmement, s’il ne représente pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État. Ainsi, même si l’ascendant continue à être dépendant, il perdra son droit de séjour s’il devient une charge déraisonnable.

85.

Sur cette base, le directeur de l’office des recours en matière de protection sociale, dans la décision faisant l’objet du recours devant la juridiction de renvoi, a considéré que, même si GV dispose d’un droit de séjour, elle n’est pas en droit de réclamer l’allocation d’invalidité, car elle deviendrait alors une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale, ce qui entraînerait la perte de son droit de séjour.

86.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union s’oppose à limiter l’accès d’un ascendant direct d’un travailleur mobile de l’Union à l’allocation d’invalidité dans l’État d’accueil, au motif que le versement d’une telle prestation a pour conséquence que l’ascendant dépendant devient une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État.

87.

Il convient de rappeler d’emblée que le droit de l’Union n’accorde pas de droit à une assistance sociale aux citoyens de l’Union mobiles et aux membres de leur famille. L’organisation de l’État social relève, en principe, des compétences conservées par les États membres. Ces compétences comprennent le choix des types de prestations d’assistance sociale ainsi que les conditions pour en bénéficier.

88.

Dès lors, la question n’est pas de savoir si GV a droit à l’allocation d’invalidité. Cette question relève du droit irlandais. Toutefois, le droit de l’Union devient applicable par l’entremise du principe d’égalité de traitement en raison de la nationalité ( 47 ). Il interdit que les États membres traitent les ressortissants d’autres États membres de l’Union de manière discriminatoire par rapport à leurs propres ressortissants. Même s’il opère directement sur la base du traité, le principe d’égalité de traitement en raison de la nationalité trouve son expression spécifique dans divers actes de droit dérivé de l’Union, notamment à l’article 24 de la directive sur la citoyenneté et à l’article 7 du règlement travailleurs.

89.

Par conséquent, GV peut demander l’accès au bénéfice de l’allocation d’invalidité en invoquant le principe d’égalité de traitement. Si les ressortissants irlandais peuvent se voir octroyer une telle allocation, GV devrait également y avoir accès.

90.

En l’espèce, je pense qu’il existe deux personnes dont le droit à l’égalité de traitement pourrait servir de fondement au droit de GV à demander l’allocation d’invalidité.

91.

La première personne est GV elle-même : en tant qu’ascendante directe dépendante d’une citoyenne mobile de l’Union, elle doit, en vertu de l’article 24 de la directive sur la citoyenneté, être traitée de la même manière que les citoyens irlandais en ce qui concerne son accès à l’allocation d’invalidité.

92.

La seconde personne est sa fille, AC. En refusant à sa mère dépendante l’accès à l’allocation d’invalidité, elle se retrouve dans une situation moins avantageuse que celle dans laquelle se trouvent les travailleurs irlandais dont le parent dépendant peut demander l’allocation d’invalidité. L’interdiction de discrimination à l’égard d’AC peut être fondée non seulement sur son statut de citoyenne de l’Union séjournant dans l’État d’accueil en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive sur la citoyenneté, mais également, comme le suggère la Commission, au titre de sa qualité de travailleur ayant fait usage de son droit à la libre circulation en vertu de l’article 45 TFUE, façonné par le règlement travailleurs. Ce règlement reflète, à son article 7, le principe d’égalité de traitement.

93.

La juridiction de renvoi a souligné, dans sa décision de renvoi et dans le cadre de la question examinée ici, que la personne s’occupant à titre principal de GV dans la présente affaire est un travailleur mobile. Il est donc impossible d’ignorer l’éventuelle discrimination envers ce travailleur dans la présente affaire.

94.

Par conséquent, je propose à la Cour de prendre en compte ces deux perspectives.

95.

J’examinerai tout d’abord comment la demande d’allocation d’invalidité de GV peut être indirectement fondée sur le droit d’AC à l’égalité de traitement (a) et, ensuite, comment elle peut être directement fondée sur son propre droit à l’égalité de traitement tel que prévu par la directive sur la citoyenneté (b) ( 48 ). Enfin, j’évaluerai si de tels droits peuvent être limités en raison des inquiétudes liées au fait que, en recevant des prestations sociales, un ascendant devient une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil (c).

a) L’égalité de traitement d’AC pour fonder la demande d’allocation d’invalidité de GV

96.

À mon avis, le droit de GV de prétendre à l’allocation d’invalidité peut découler du droit à l’égalité de traitement dont bénéficie AC en tant que travailleur ayant fait usage de son droit à la libre circulation.

97.

Il convient de rappeler que l’article 45, paragraphe 2, TFUE prévoit que la libre circulation des travailleurs « implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail ».

98.

La différence de traitement du parent du travailleur mobile de l’Union par rapport aux parents de travailleurs ressortissants de l’État d’accueil peut-elle être considérée comme une discrimination interdite par l’article 45, paragraphe 2, TFUE ?

99.

Cette disposition du traité a été mise en application et précisée de manière plus détaillée par le règlement travailleurs. L’article 7, paragraphe 2, de ce règlement prévoit que le travailleur citoyen de l’Union « bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux » dans un autre État membre ( 49 ).

100.

Cela conduit à s’interroger sur le point de savoir si un avantage social reçu par le parent d’un travailleur peut être considéré comme un avantage social profitant à ce travailleur.

101.

Il y a lieu de répondre par l’affirmative à cette question pour les raisons suivantes. Premièrement, la Cour a retenu une conception large de la notion d’« avantage social » figurant dans le règlement travailleurs ( 50 ). Cette notion vise « tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleur ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs ressortissants d’autres États membres apparaît dès lors comme apte à faciliter leur mobilité à l’intérieur de l’Union et, partant, leur intégration dans l’État membre d’accueil » ( 51 ).

102.

La jurisprudence de la Cour a déjà confirmé que cette notion pourrait inclure une prestation sociale telle que l’allocation d’invalidité ( 52 ). Elle a également confirmé que la notion d’« avantages sociaux », au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement travailleurs, peut inclure des prestations qui relèvent en même temps du champ d’application du règlement no 883/2004, telles que l’allocation d’invalidité en cause en l’espèce ( 53 ).

103.

Deuxièmement, une prestation sociale, telle que l’allocation d’invalidité, relève également de la notion d’« avantage social » du travailleur lorsqu’elle est octroyée au parent d’un travailleur et non pas au travailleur lui-même.

104.

À l’origine, la Cour limitait l’expression « avantage social » uniquement aux prestations octroyées aux travailleurs eux-mêmes ( 54 ), mais la jurisprudence a changé après l’arrêt Lebon. Il découle de cet arrêt qu’une prestation octroyée à un descendant direct pourrait constituer un « avantage social » du travailleur si ce descendant est assisté par le travailleur ( 55 ).

105.

Je suis d’avis que la même logique est applicable aux ascendants dépendants. GV dépend d’AC. Ce qu’elle n’obtient pas de la part de l’assistance publique sera nécessairement fourni par AC. En d’autres termes, si GV reçoit l’allocation d’invalidité, ce paiement facilitera également la situation dans laquelle se trouve AC ( 56 ). Si, au contraire, les autorités irlandaises refusent de fournir une telle assistance à sa mère, AC serait désavantagée par rapport aux travailleurs irlandais se trouvant dans une situation similaire.

106.

Pour apprécier si elle est placée dans une situation désavantageuse, AC doit être comparée aux travailleurs qui sont des ressortissants irlandais. De tels travailleurs peuvent également avoir des parents citoyens de l’Union, mais non irlandais, qui pourraient se voir refuser des prestations d’invalidité s’ils résidaient dans cet État depuis moins de cinq ans ( 57 ). Toutefois, dans la plupart des cas, les parents des travailleurs irlandais seront également des ressortissants irlandais et, partant, en droit de demander l’allocation d’invalidité. À cet égard, la discrimination d’AC résultant du fait que sa mère ne peut pas demander à bénéficier de l’allocation d’invalidité pourrait être qualifiée de discrimination indirecte en matière d’avantages sociaux dont bénéficient les travailleurs nationaux.

107.

Enfin, une jurisprudence constante confirme que les membres de famille dépendants bénéficient indirectement de l’égalité de traitement reconnue aux travailleurs mobiles de l’Union au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement travailleurs ( 58 ). La Cour a déjà inclus les ascendants directs dans ce groupe de bénéficiaires indirects ( 59 ).

108.

Même s’ils sont seulement bénéficiaires indirects du droit à l’égalité de traitement du travailleur, les parents dépendants peuvent demander des prestations sociales en leur nom propre ( 60 ). Ainsi, les arguments soulevés par les parties défenderesses et les gouvernements des États membres intervenants, selon lesquels le droit à l’égalité de traitement d’AC est dénué de pertinence dès lors que GV a introduit la demande en son nom propre, sont dépourvus de pertinence.

109.

L’interprétation proposée de l’article 7, paragraphe 2, du règlement travailleurs favorise la libre circulation des travailleurs, dans la mesure où elle permet, ainsi que l’a récemment rappelé la Cour, de créer des conditions optimales pour l’intégration des membres de la famille des citoyens de l’Union qui ont fait usage de cette liberté et ont exercé une activité professionnelle dans l’État membre d’accueil ( 61 ).

110.

Pour conclure, les ascendants directs dépendants d’un travailleur mobile de l’Union tirent ainsi le droit de demander des prestations, qui peuvent être considérées comme un avantage social pour le travailleur de l’Union dont ils dépendent, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement travailleurs.

111.

Dès lors, compte tenu du fait que GV dépend d’AC, GV peut se prévaloir de l’article 45, paragraphe 2, TFUE façonné par l’article 7, paragraphe 2, du règlement travailleurs pour demander, en tant que bénéficiaire indirect du droit à l’égalité de traitement dont jouit sa fille, une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif, telle que l’allocation d’invalidité dans la présente affaire.

112.

Partant, la libre circulation des travailleurs et le règlement travailleurs permettent déjà de répondre à la question soulevée dans le litige au principal. Néanmoins, j’examinerai maintenant s’il est possible de répondre à la question de la juridiction de renvoi au regard de la directive sur la citoyenneté.

b) Sur l’égalité de traitement de GV en tant que fondement d’un droit à l’octroi d’une allocation d’invalidité

113.

L’article 24, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté dispose que tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de cette directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité.

114.

La jurisprudence a précisé qu’un citoyen de l’Union peut réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil si son séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil respecte les conditions de la directive sur la citoyenneté ( 62 ).

115.

Dès lors que GV est l’ascendante dépendante d’un travailleur mobile de l’Union, ainsi qu’il a été exposé dans la première partie des présentes conclusions, elle satisfait aux conditions énoncées par la directive sur la citoyenneté et bénéficie donc d’un droit de séjour dérivé en Irlande. Elle a, par conséquent, droit à l’égalité de traitement.

116.

Le droit de GV à l’égalité de traitement au titre du règlement travailleurs est un droit dérivé fondé sur le droit direct de sa fille à l’égalité de traitement. Cependant, GV bénéficie de son propre droit direct à l’égalité de traitement sur le fondement de l’article 24, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté. Dès lors qu’elle dispose d’un droit de séjour dérivé, elle acquiert un droit direct propre à recevoir le même traitement que les citoyens irlandais. Elle devrait ainsi pouvoir prétendre à l’allocation d’invalidité dans les mêmes conditions que les citoyens irlandais.

117.

Or, les parties défenderesses au principal ainsi que les gouvernements tchèque, danois et allemand estiment qu’un État membre n’est pas obligé d’accorder une telle allocation si le demandeur devient une charge déraisonnable pour le système de sécurité sociale.

c) La question de la « charge déraisonnable »

118.

L’allégation selon laquelle GV pourrait représenter une charge déraisonnable pour le système de sécurité sociale de l’État (ci-après l’« argument de la charge déraisonnable ») a été utilisée dans la présente affaire pour exprimer trois types de préoccupations différentes. La première a trait à l’effet restrictif que l’ouverture de l’accès aux prestations sociales pourrait avoir sur les choix de politique sociale des États membres. La deuxième concerne la solidarité. La troisième, liée aux précédentes, porte sur les craintes relatives au « tourisme social ». J’analyserai tour à tour ces trois types de préoccupations, avant de conclure que des arguments fondés sur ces préoccupations ne sauraient être invoqués en vue de limiter le droit de GV à l’égalité de traitement, que ce soit en tant que droit indirect fondé sur le droit direct de sa fille à l’égalité de traitement dont elle jouit comme travailleur mobile ou en vertu de son propre droit direct à l’égalité de traitement, que GV a acquis grâce à son droit de séjour dérivé.

1) La charge déraisonnable en tant que source de préoccupation pour les systèmes d’assistance sociale

119.

Il ne fait aucun doute que les préoccupations portant sur la pérennité des politiques sociales nationales doivent être prises au sérieux.

120.

En matière de libre circulation des travailleurs, la Cour a reconnu que « des considérations d’ordre budgétaire peuvent être à la base des choix de politique sociale d’un État membre et influencer la nature ou l’étendue des mesures de protection sociale qu’il souhaite adopter » ( 63 ). Toutefois, la Cour a exclu que de telles considérations puissent justifier une discrimination au détriment des travailleurs migrants de l’Union ( 64 ).

121.

Dès lors que l’argument de la charge déraisonnable ne saurait servir de justification pour limiter les droits à l’égalité de traitement dont bénéficient les travailleurs mobiles de l’Union, il ne saurait non plus être utilisé pour limiter le droit dérivé à l’égalité de traitement de l’ascendant dépendant de ce travailleur, dont le droit de demander des prestations sociales constitue un avantage social pour le travailleur concerné.

122.

L’Irlande ne saurait, dès lors, considérer GV comme une charge déraisonnable pour son système d’assistance sociale lorsque sa demande d’allocation d’invalidité est appréciée sur la base du droit de sa fille à être traitée de la même manière que les travailleurs nationaux.

123.

La réponse est, selon moi, identique si l’on considère que le statut juridique de GV est celui d’un ascendant direct d’un travailleur mobile de l’Union jouissant d’un droit direct à l’égalité de traitement en vertu de l’article 24, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, sur la base de son droit de séjour dérivé au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous d), de cette directive.

124.

Je m’explique : le droit primaire accorde des droits à la libre circulation (dont font partie le droit de séjour et le droit à l’égalité de traitement) à tous les citoyens de l’Union, mais il permet de soumettre ces droits à des conditions énoncées par le droit dérivé de l’Union ou par le droit national. La directive sur la citoyenneté met en place un cadre fixant les conditions acceptables pour régir les droits de libre circulation. Reconnaissant les préoccupations des États membres, il a été envisagé dans cette directive que les droits de séjour des citoyens de l’Union puissent être soumis à certaines conditions afin d’éviter qu’ils ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil ( 65 ). Elle a donc permis aux États membres de limiter les droits de séjour de certaines catégories de citoyens expressément envisagées (mais pas d’autres), en acceptant la justification tirée de l’argument de la charge déraisonnable.

125.

Cette justification n’est toutefois possible que dans des situations expressément énoncées et uniquement en ce qui concerne certains groupes de citoyens de l’Union économiquement non actifs. De telles situations concernent, tout d’abord, les citoyens dont les droits de circulation sont fondés sur la présomption qu’ils disposent de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles [article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive sur la citoyenneté] et les étudiants [article 7, paragraphe 1, sous c), de cette directive]. L’argument de la charge déraisonnable ne saurait être invoqué en dehors de ces situations.

126.

J’irai même plus loin et j’ajouterai que, même en ce qui concerne les limitations aux droits de séjour de catégories nommément désignées de citoyens, de telles limitations ne sauraient être automatiques. Bien qu’il existe dans la doctrine un certain nombre de critiques quant à la clarté de la jurisprudence de la Cour s’agissant de ces limitations ( 66 ), il me paraît clair qu’un État souhaitant se prévaloir d’un tel argument devrait d’abord démontrer la présence de menaces systémiques pesant sur son système d’assistance sociale ( 67 ) et montrer en outre que de telles menaces justifient de limiter le droit d’une personne déterminée dans une affaire concrète. Ainsi, lorsqu’ils choisissent d’invoquer l’argument de la charge déraisonnable admis par la réglementation de l’Union, les États membres doivent toujours respecter le principe de proportionnalité ( 68 ).

127.

Toutes les personnes bénéficiant d’un droit de séjour sur le fondement de la directive sur la citoyenneté doivent être traitées par l’État d’accueil de la même manière que ses propres ressortissants. Les seules dérogations à ce principe sont expressément prévues à l’article 24, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté. En tant que dérogation au principe de l’égalité de traitement, cette disposition doit faire l’objet d’une interprétation stricte ( 69 ).

128.

Les ascendants directs des travailleurs mobiles de l’Union ne relèvent pas du champ d’application de l’article 24, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté.

129.

Pour résumer, on ne saurait limiter ni les droits de séjour des ascendants directs dépendants en s’appuyant sur la justification selon laquelle ils constituent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale d’un État ni le droit à l’égalité de traitement qui découle du droit de séjour, pour quelque raison que ce soit.

130.

À mon sens, c’est ce qui résulte du consensus législatif au niveau de l’Union sur l’équilibre acceptable entre les intérêts liés à la libre circulation et les préoccupations relatives aux systèmes de protection sociale des États membres. Ainsi que l’a relevé la Commission, les préoccupations légitimes des États membres pour leur système d’assistance sociale ont été prises en considération au cours du processus législatif ayant mené à l’adoption de la directive sur la citoyenneté.

131.

Ce consensus législatif a abouti à la présente situation, dans laquelle ni les travailleurs mobiles de l’Union ni leurs ascendants directs dépendants ne peuvent être considérés comme une charge déraisonnable par l’État d’accueil. En d’autres termes, ces membres de la famille constituent une charge (dé)raisonnable dans la même mesure que les ressortissants nationaux constituent une charge (dé)raisonnable.

132.

À cet égard, les États membres sont libres d’organiser leur système d’assistance sociale comme ils le souhaitent. Ils peuvent choisir les types d’allocations proposées, ou décider de supprimer une allocation existante ou de diminuer son montant. Toutefois, lorsqu’ils effectuent ces choix, les États membres doivent tenir compte des membres de la famille dépendants des travailleurs mobiles de l’Union résidant sur leur territoire en tant que facteurs influençant leurs décisions politiques.

133.

Par conséquent, l’Irlande ne saurait considérer GV comme une charge déraisonnable pour son système d’assistance sociale lorsque sa demande d’allocation d’invalidité est examinée sur la base de son droit direct à l’égalité de traitement résultant de son droit de séjour dérivé.

2) La charge déraisonnable en tant que question de solidarité

134.

Une autre manière d’aborder l’argument de la charge déraisonnable est sous l’angle de la solidarité, considérée comme la volonté de participer à la répartition des charges. Une telle solidarité repose en général sur l’appartenance à une communauté, qu’elle soit nationale, professionnelle, familiale ou européenne ( 70 ), ce qui permet d’exclure ceux qui ne sont pas membres de la communauté, étant donné que procéder à une répartition des charges avec ces personnes est vu comme déraisonnable ( 71 ).

135.

À cet égard, les parties défenderesses font valoir que les ascendants directs dépendants ne devraient bénéficier de prestations sociales telles que l’allocation d’invalidité que lorsqu’ils obtiennent le droit de séjour permanent, mais non au cours des cinq premières années de leur séjour dans l’État d’accueil. Selon elles, cela se reflète dans la structure de la directive sur la citoyenneté, qui effectue une distinction entre les séjours de courte durée dans le pays pouvant aller jusqu’à trois mois ( 72 ), les séjours de plus de trois mois ( 73 ) et, enfin, le droit de séjour permanent, qui peut être obtenu après cinq ans de séjour dans l’État d’accueil ( 74 ). Selon ces parties défenderesses, pendant les cinq premières années, les travailleurs mobiles de l’Union devraient rester responsables des membres de la famille qui les ont rejoints dans l’État d’accueil et ils ne devraient pas faire supporter aux contribuables de cet État les coûts liés à ces membres de la famille.

136.

En effet, les droits reconnus par la directive sur la citoyenneté sont organisés selon un système graduel en fonction de la durée de séjour dans l’État d’accueil ( 75 ). Toutefois, ils ne reflètent pas l’échelle du degré de solidarité. Cette directive n’envisage pas que les droits des parents directs dépendants des citoyens de l’Union mobiles puissent être limités après qu’ils ont séjourné trois mois dans l’État d’accueil ( 76 ).

137.

Traiter les ascendants directs de manière égale en ce qui concerne leur accès aux prestations sociales favorise en réalité leur propre intégration progressive dans la société de l’État membre d’accueil ( 77 ).

138.

La directive sur la citoyenneté ainsi que le règlement travailleurs reflètent ainsi une « certaine solidarité financière des ressortissants de cet État avec ceux des autres États membres », que la Cour a reconnue dans son arrêt de principe dans l’affaire Grzelczyk ( 78 ).

139.

Enfin, il ne faut pas oublier que, au titre de l’article 70, paragraphe 4, du règlement no 883/2004, une prestation telle que l’allocation d’invalidité ne peut être demandée que dans l’État membre de résidence (voir point 7 des présentes conclusions). En d’autres termes, si ce type de prestation spéciale à caractère non contributif existait en Roumanie, GV ne pourrait pas demander à cet État de la lui octroyer, dans la mesure où elle réside en Irlande.

140.

L’Irlande ne saurait, dès lors, considérer GV comme une charge déraisonnable pour son système d’assistance sociale au motif qu’elle ne faisait pas partie de sa société depuis suffisamment longtemps pour mériter la solidarité.

3) Sur la charge déraisonnable et le tourisme social

141.

Enfin, je me dois de répondre à une préoccupation supplémentaire exprimée par les gouvernements des États membres participant à la présente procédure, mais qui occupe également une certaine place dans la vie politique de l’Union, ainsi que dans la doctrine. Cette préoccupation porte sur la crainte du « tourisme social ». Les États membres, en particulier ceux ayant des niveaux plus élevés de protection sociale, ont vigoureusement exprimé leurs inquiétudes concernant les citoyens de l’Union qui choisissent de se déplacer vers ces pays dans le seul but de bénéficier de leur système d’assistance sociale ( 79 ). Cette pratique, considérée souvent comme un abus du droit à la libre circulation, a été abordée dans l’arrêt Dano ( 80 ). Dans cet arrêt, la Cour a établi que les citoyens de l’Union économiquement inactifs ayant exercé leur liberté de circulation dans le seul but d’obtenir le bénéfice de l’aide sociale dans l’État d’accueil ne sauraient bénéficier de l’égalité de traitement sur le fondement de la directive sur la citoyenneté ( 81 ).

142.

Peut-on considérer qu’il y a un tel abus lorsque le citoyen de l’Union économiquement inactif tire son droit de séjour et son droit à l’égalité de traitement de la circulation d’un travailleur de l’Union mobile, citoyen économiquement actif ? On pourrait imaginer une situation dans laquelle un citoyen de l’Union déciderait d’exercer une activité salariée (ou non salariée) dans un État membre différent de son État membre d’origine uniquement afin de permettre à son ou ses ascendants directs de demander une assistance sociale dans l’État d’accueil. Même dans cette hypothèse improbable ( 82 ), le citoyen de l’Union dont le droit est à l’origine du statut de bénéficiaire du parent direct dépendant serait un travailleur dans l’État d’accueil. Le déplacement d’un citoyen vers un autre État membre afin de travailler ne saurait être considéré comme un abus, mais plutôt comme l’exercice d’un droit fondamental fondé sur le traité. Si une personne entre dans l’État d’accueil seulement en tant que demandeur d’emploi, l’article 24, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté autorise l’État membre à exclure cette personne ainsi que les membres de sa famille du bénéfice de certaines prestations d’assistance sociale, mais pas nécessairement de toutes les prestations, telles que les prestations de sécurité sociale ( 83 ). Toutefois, lorsque les droits des membres de la famille sont fondés sur les droits d’un travailleur mobile de l’Union, je ne vois pas comment on peut prétendre que ce travailleur s’est déplacé dans le seul but de bénéficier d’une aide sociale.

143.

Même si j’ai des difficultés à l’imaginer, je ne peux cependant pas totalement exclure la possibilité d’un abus. L’article 35 de la directive sur la citoyenneté, adopté spécifiquement pour prévenir le risque d’abus, ainsi que la jurisprudence Dano pourraient être utilisés dans de telles situations, afin d’empêcher que de tels risques se concrétisent.

144.

La situation en l’espèce ne semble pas susciter de telles préoccupations. AC travaille et réside en Irlande depuis déjà longtemps. Elle a établi des liens étroits avec la société irlandaise, ce qui ressort de manière évidente du fait qu’elle a obtenu la nationalité irlandaise le 17 juillet 2015 ( 84 ). Il est difficile de penser qu’elle aurait planifié tout cela uniquement en vue d’amener sa mère en Irlande afin qu’elle y demande une prestation sociale ( 85 ).

145.

Les arguments qui précèdent, pris ensemble ou séparément, conduisent à considérer que, lorsque les conditions relatives à l’égalité de traitement sont réunies ( 86 ), un État membre ne saurait licitement se fonder sur la notion de « charge déraisonnable » pour le système d’assistance sociale pour refuser l’accès à des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif aux ascendants directs dépendants de travailleurs mobiles de l’Union.

146.

Par conséquent, je considère que l’article 45, paragraphe 2, TFUE, façonné par l’article 7, paragraphe 2, du règlement travailleurs et l’article 21, paragraphe 1, TFUE, façonné par l’article 24, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui limite l’accès au bénéfice d’une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif en faveur d’un ascendant direct d’un travailleur mobile de l’Union, qui bénéficie d’un droit de séjour dérivé fondé sur sa dépendance vis-à-vis de ce travailleur, et qui réside légalement depuis plus de trois mois dans l’État de résidence, au motif que le paiement de cette prestation aura pour effet de faire du membre de la famille en cause une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État.

V. Conclusion

147.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par la Court of Appeal (Cour d’appel, Irlande) de la manière suivante :

1)

L’article 21 TFUE, façonné par l’article 2, paragraphe 2, sous d), et l’article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE,

doit être interprété en ce sens que :

la condition relative à la dépendance de l’ascendant direct à l’égard d’un travailleur mobile de l’Union est exigée aussi longtemps que le droit de séjour de cet ascendant découle du droit à la libre circulation exercé par ce travailleur.

2)

L’article 21, TFUE, façonné par l’article 2, paragraphe 2, sous d), et l’article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive 2004/38,

doit être interprété en ce sens que :

une demande de prestation spéciale en espèces à caractère non contributif formée par l’ascendant direct d’un travailleur mobile citoyen de l’Union n’entraîne pas la fin de la dépendance de ce dernier vis-à-vis du travailleur et ne modifie donc pas son droit de séjour dérivé.

3)

L’article 45, paragraphe 2, TFUE, façonné par l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, et l’article 21, paragraphe 1, TFUE, façonné par l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à une réglementation nationale qui limite l’accès au bénéfice d’une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif en faveur d’un ascendant direct d’un travailleur mobile de l’Union qui bénéficie d’un droit de séjour dérivé fondé sur sa dépendance vis-à-vis de ce travailleur, et qui réside légalement depuis plus de trois mois dans l’État de résidence, au motif que le paiement de cette prestation aura pour effet de faire du membre de la famille en cause une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Voir, par exemple, arrêts du 18 juin 1987, Lebon (316/85, ci-après l’« arrêt Lebon », EU:C:1987:302), du 26 février 1992, Bernini (C-3/90, EU:C:1992:89), du 8 juin 1999, Meeusen (C-337/97, EU:C:1999:284), du 17 septembre 2002, Baumbast et R (C-413/99, EU:C:2002:493), du 8 mai 2013, Alarape et Tijani(C-529/11, EU:C:2013:290), du 20 juin 2013, Giersch e.a. (C-20/12, EU:C:2013:411), du 16 janvier 2014, Reyes (C-423/12, ci-après l’« arrêt Reyes », EU:C:2014:16), du 15 décembre 2016, Depesme e.a (C-401/15 à C-403/15, ci-après l’« arrêt Depesme », EU:C:2016:955), ainsi que du 26 mars 2019, SM (Enfant placé sous kafala algérienne) (C-129/18, EU:C:2019:248).

( 3 ) Voir, par exemple, arrêts du 17 avril 1986, Reed (59/85, EU:C:1986:157), du 30 mars 2006, Mattern et Cikotic (C-10/05, EU:C:2006:220), du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C-127/08, EU:C:2008:449), du 12 mars 2014, O. et B. (C-456/12, EU:C:2014:135), du 16 juillet 2015, Singh e.a. (C-218/14, EU:C:2015:476), du 30 juin 2016, NA (C-115/15, EU:C:2016:487), du 14 novembre 2017, Lounes (C-165/16, ci-après l’arrêt « Lounes », EU:C:2017:862), du 5 juin 2018, Coman e.a. (C-673/16, EU:C:2018:385), ainsi que du 12 juillet 2018, Banger (C-89/17, EU:C:2018:570).

( 4 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1). Selon l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, ces prestations présentent trois caractéristiques principales. Elles 1) sont destinées à garantir des moyens d’existence à des personnes ne pouvant assurer leur subsistance ; 2) font l’objet d’un financement non contributif par l’impôt ; 3) sont énumérées à l’annexe X de ce règlement.

( 5 ) Voir article 70, paragraphe 4, du règlement no 883/2004.

( 6 ) Voir article 210, paragraphe 1, sous a), de la loi de 2005.

( 7 ) Voir article 210, paragraphe 9, de la loi de 2005.

( 8 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, ci-après la « directive sur la citoyenneté »).

( 9 ) L’article 6 du règlement de 2015 concerne le droit de séjour d’une durée supérieure à trois mois. Il transpose l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, y compris le point d) de ce paragraphe, en droit irlandais.

( 10 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO 2011, L 141, p. 1, ci-après le « règlement travailleurs »).

( 11 ) Voir, en ce sens, arrêt Lounes (point 61 et jurisprudence citée).

( 12 ) Voir arrêt Lounes (points 52 et 53).

( 13 ) Le règlement travailleurs régit notamment l’égalité de traitement d’un travailleur qui est ressortissant d’un État membre, mais travaille dans un autre État membre, différent de celui dont il a la nationalité. À l’instar de la directive sur la citoyenneté, il ne s’applique donc pas aux droits des travailleurs au sein de l’État dont ils sont ressortissants. Ainsi, ce règlement ne saurait régir les droits d’AC, qui possède la nationalité irlandaise, sur le territoire irlandais. Toutefois, selon la même logique, comme je l’ai expliqué en ce qui concerne la directive sur la citoyenneté, les droits d’une personne qui a fait usage de sa liberté de circulation afin d’exercer un emploi dans un État membre différent de celui de sa nationalité d’origine, qui découlent directement de l’article 45 TFUE et de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, ne sauraient être limités du seul fait que cette personne a également acquis la nationalité de l’État membre d’accueil.

( 14 ) Voir, par exemple, arrêts du 5 mai 2011, McCarthy (C-434/09, EU:C:2011:277, point 24), et du 20 octobre 2022, Digi (C-77/21, EU:C:2022:805, point 50 et jurisprudence citée).

( 15 ) Voir article 3, paragraphe 5, sous b), du règlement de 2015 qui définit les membres reconnus de la famille de la même manière (presque mot pour mot) que l’article 2, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté.

( 16 ) Voir article 6, paragraphe 3, sous a), du règlement de 2015, qui transpose l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur la citoyenneté, relatif au droit de séjour pour toute durée de plus de trois mois.

( 17 ) Il impose cette obligation en énonçant qu’une personne conserve un droit de séjour tant qu’elle satisfait aux dispositions pertinentes servant de base au droit de séjour, parmi lesquelles figure celle transposant l’article 7, paragraphe 1, sous d), de la directive sur la citoyenneté.

( 18 ) Tous les participants ayant déposé des observations écrites devant la Cour s’accordent à considérer que, dans la mesure où l’affaire au principal concerne un citoyen de l’Union et non un ressortissant d’un État tiers, la référence à l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur la citoyenneté doit être considérée comme une erreur de plume et que la question doit être comprise comme se référant à l’article 7, paragraphe 1, sous d), de cette directive.

( 19 ) Arrêt du 9 janvier 2007, Jia (C-1/05, ci-après l’« arrêt Jia », EU:C:2007:1, point 37).

( 20 ) Arrêt Reyes (point 30 et jurisprudence citée).

( 21 ) L’arrêt Jia concernait une demande de permis de séjour formée par les parents, ressortissants d’États tiers, du conjoint d’une citoyenne de l’Union qui faisait usage de la liberté de circulation. L’arrêt Reyes concernait une demande de permis de séjour du descendant, ressortissant d’un État tiers, du conjoint d’un citoyen de l’Union qui faisait usage de son droit de circulation.

( 22 ) Cette même personne pourrait acquérir un droit de séjour direct, par opposition au droit de séjour dérivé fondé sur la dépendance, en vertu d’autres dispositions de la directive sur la citoyenneté. Tel peut être le cas, par exemple, après cinq années de séjour dans l’État membre d’accueil (article 16 de cette directive), ou si ce membre de la famille devient économiquement actif en exerçant une activité salariée ou non salariée dans l’État membre d’accueil [article 7, paragraphe 1, sous a), de ladite directive].

( 23 ) Voir arrêt du 26 mars 2019, SM (Enfant placé sous kafala algérienne) (C-129/18, EU:C:2019:248, point 53 et jurisprudence citée).

( 24 ) C’est aussi vrai pour les descendants directs.

( 25 ) S’agissant des descendants directs, la directive sur la citoyenneté [article 2, paragraphe 2, sous c)] considère qu’ils sont automatiquement dépendants lorsqu’ils sont âgés de moins de 21 ans, tout en laissant la possibilité qu’ils restent dépendants après cet âge.

( 26 ) Règlement du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO 1968, L 257, p. 2).

( 27 ) C’est moi qui souligne.

( 28 ) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres [COM(2001) 257 final] (JO 2001, C 270 E, p. 150).

( 29 ) Position commune (CE) no 6/2004, du 5 décembre 2003, arrêtée par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 du traité instituant la Communauté européenne, en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, C 54 E, p. 12). L’article 2, paragraphe 2, sous d), de cette version du texte se lit alors « les ascendants directs à charge », sans autre explication supplémentaire.

( 30 ) La plupart de ces affaires concernaient des descendants directs. Par exemple, l’affaire Lebon concernait la fille d’un travailleur mobile de l’Union, qui était elle-même citoyenne de l’Union. L’affaire Reyes concernait la fille (ressortissante d’un pays tiers) d’un travailleur mobile de l’Union. L’affaire Depesme concernait les enfants de conjoints ou de partenaires reconnus de plusieurs travailleurs frontaliers mobiles. L’affaire Jia, qui portait sur des parents dépendants, constitue l’exception.

( 31 ) La seule question relative à la notion de « personne dépendante » expressément clarifiée par la Cour dans ces affaires était que la qualité de membre de la famille dépendant résulte d’une situation de fait. Voir, à cet égard, arrêts Lebon (point 22), Jia (point 35) et Depesme (point 58).

( 32 ) Voir, à cet égard, proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres [COM(2001) 257 final] (JO 2001, C 270 E, p. 150), point 2.4. Voir, également, Meduna, M., Stockwell, N., Geyer, F., Adamo, C., Nemitz, P., « Institutional Report », Neergaard, U., Jacqueson, C. et Holst-Christensen, N. (éd.), Union Citizenship : Development, Impact and Challenges, The XXVI FIDE Congress in Copenhagen, 2014, Congress Publications, Copenhague, vol. 2, 2014, p. 247.

( 33 ) Article 7 de la Charte.

( 34 ) Voir, à cet égard, Cour EDH, 4 mars 2013, Butt c. Norvège (CE:ECHR:2012:1204JUD004701709, notamment § 76), dans lequel cette juridiction a statué sur l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, qui correspond à l’article 7 de la Charte.

( 35 ) Voir, par analogie, arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C-34/09, EU:C:2011:124, points 42 et 43), dans lequel, bien que la situation n’ait pas comporté de circulation, le droit de séjour d’un parent a été reconnu parce que, dans le cas contraire, l’enfant, citoyen sédentaire de l’Union, serait contraint de quitter le territoire de l’Union. Voir également, plus récemment, arrêt du 5 mai 2022, Subdelegación del Gobierno en Toledo (Séjour d’un membre de la famille – Ressources insuffisantes) (C-451/19 et C-532/19, EU:C:2022:354, point 45), qui se fonde sur la même logique.

( 36 ) Voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2002, Carpenter (C-60/00, EU:C:2002:434, point 38), ainsi que du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C-127/08, EU:C:2008:449, point 56 et jurisprudence citée).

( 37 ) Voir, par exemple, arrêt Reyes (point 23) ou arrêt du 26 mars 2019, SM (Enfant placé sous kafala algérienne) (C-129/18, EU:C:2019:248, point 53 et jurisprudence citée).

( 38 ) Voir arrêt du 15 septembre 2022, Minister for Justice and Equality (Ressortissant de pays tiers cousin d’un citoyen de l’Union) (C-22/21, EU:C:2022:683, points 23 et 27). Les besoins de soutien pris en considération, autres que la nécessité d’un soutien financier, étaient en lien avec un état de santé ou des liens personnels étroits et stables, résultant, par exemple, du fait que les personnes résident dans le même foyer.

( 39 ) La directive 2014/54/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative à des mesures facilitant l’exercice des droits conférés aux travailleurs dans le contexte de la libre circulation des travailleurs (JO 2014, L 128, p. 8), prévoit, à son considérant 1, que l’expression « membres de leur famille » devrait être comprise comme ayant la même signification, aux fins du règlement travailleurs, que l’expression définie à l’article 2, point 2, de la directive sur la citoyenneté. C’est ce que la Cour a confirmé ultérieurement dans l’arrêt Depesme, points 51 à 55, et dans l’arrêt du 2 avril 2020, Caisse pour l’avenir des enfants (Enfant du conjoint d’un travailleur frontalier) (C-802/18, EU:C:2020:269, point 51).

( 40 ) En effet, lors de l’audience, les États membres intervenants ont admis que les aspects physiques, matériels et affectifs de la situation de dépendance entre AC et GV se poursuivront, indépendamment du versement de l’allocation d’invalidité.

( 41 ) Point 20 de l’arrêt Lebon.

( 42 ) Pour les références pertinentes, voir jurisprudence mentionnée au point 107 des présentes conclusions.

( 43 ) Le juge Garrett Simons, qui siège à la High Court (Haute Cour) a également avancé cet argument dans le jugement de première instance rendu dans l’affaire au principal. Le juge Simons a considéré qu’« il n’existait pas d’exigence d’autosuffisance au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous a) ou d), [de la directive sur la citoyenneté] dans le cas d’un travailleur salarié et d’un membre de la famille à sa charge ». Arrêt du 29 mai 2020, High Court (Haute Cour), GV c. Chief Appeals Officer, Social Welfare Appeals Office, [2020], IEHC 258, point 76.

( 44 ) Sur ce point, voir points 118 et suiv. des présentes conclusions.

( 45 ) Voir, par exemple, MacCormick, N., Rhetoric and the Rule of Law : A Theory of Legal Reasoning, Oxford University Press, Oxford, 2005, p. 138.

( 46 ) Voir point 37 des présentes conclusions.

( 47 ) Cette interdiction de discrimination en raison de la nationalité fait partie des fondements du droit de l’Union. Elle est énoncée aujourd’hui à l’article 18 TFUE et s’applique à l’ensemble des dispositions du traité relatives aux libertés fondamentales. Elle est également reproduite à l’article 21, paragraphe 2, de la Charte.

( 48 ) J’ai choisi de procéder dans cet ordre parce que, depuis l’introduction de la citoyenneté de l’Union dans les traités, la libre circulation des travailleurs peut être comprise comme son expression spécifique. Comme l’a expliqué la Cour, « l’article 21, paragraphe 1, TFUE, qui énonce de manière générale le droit, pour tout citoyen de l’Union, de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, trouve une expression spécifique dans l’article 45 TFUE relatif à la liberté de circulation des travailleurs […] ». Arrêt du 11 novembre 2021, MH et ILA (Droits à pension en cas de faillite) (C-168/20, EU:C:2021:907, point 61 et jurisprudence citée).

( 49 ) L’article 7, paragraphe 2, du règlement travailleurs correspond à l’article 7, paragraphe 2, de son prédécesseur, le règlement no 1612/68. Ainsi, la jurisprudence concernant ce règlement est pertinente pour comprendre la notion d’« avantages sociaux » dans le règlement actuellement en vigueur. En ce sens, voir arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld (C-181/19, EU:C:2020:794, point 34).

( 50 ) Voir arrêt du 30 septembre 1975, Cristini (32/75, EU:C:1975:120, point 12).

( 51 ) Voir arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld (C-181/19, EU:C:2020:794, point 41 et jurisprudence citée). Il s’agit d’une phrase consacrée, reprise dans la jurisprudence de la Cour depuis l’arrêt du 31 mai 1979, Even et ONPTS (207/78, EU:C:1979:144, point 22).

( 52 ) Voir arrêts du 27 mai 1993, Schmid (C-310/91, EU:C:1993:221, point 18), ainsi que du 5 mai 2011, Commission/Allemagne (C-206/10, EU:C:2011:283, point 34).

( 53 ) Voir, en ce sens, arrêts du 27 mai 1993, Schmid (C-310/91, EU:C:1993:221, point 17), et du 2 avril 2020, Caisse pour l’avenir des enfants (Enfant du conjoint d’un travailleur frontalier) (C-802/18, EU:C:2020:269, points 45 et 46).

( 54 ) Voir arrêt du 11 avril 1973, S. (76/72, EU:C:1973:46, point 9).

( 55 ) Toutefois, dans cette affaire, la Cour a conclu le contraire, à savoir que la prestation en cause ne constituait pas un avantage pour un travailleur, car le père du demandeur n’assurait plus le soutien de son descendant. Voir arrêt Lebon, point 13.

( 56 ) Spaventa, E. (éd.), Rennuy, N., Minderhoud, P., The legal status and rights of the family members of EU mobile workers, Commission européenne, Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, Direction E – Mobilité des travailleurs et relations internationales, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2022, p. 17.

( 57 ) C’est d’ailleurs le cas d’AC depuis sa naturalisation. Toutefois, il pourrait également y avoir des ressortissants irlandais qui ont acquis cette nationalité à la naissance, mais dont les parents ne sont pas des ressortissants irlandais.

( 58 ) À l’égard d’un descendant dépendant d’un travailleur migrant, voir arrêt Lebon, point 12, arrêts du 26 février 1992, Bernini (C-3/90, EU:C:1992:89, point 26), et du 2 avril 2020, PF e.a. (C-830/18, EU:C:2020:275, point 26). Voir, à l’égard du conjoint d’un travailleur migrant, arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Allemagne (C-269/07, EU:C:2009:527, point 65).

( 59 ) Voir arrêts du 12 juillet 1984, Castelli (261/83, EU:C:1984:280, point 10) ; du 6 juin 1985, Frascogna (157/84, EU:C:1985:243, point 23), et du 9 juillet 1987, Frascogna (256/86, EU:C:1987:359, point 6).

( 60 ) Voir point 13 de l’arrêt Lebon.

( 61 ) Voir arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld (C-181/19, EU:C:2020:794, point 51 et jurisprudence citée).

( 62 ) Voir arrêt du 11 novembre 2014, Dano (C-333/13, EU:C:2014:2358, point 69).

( 63 ) Arrêt du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas (C-542/09, EU:C:2012:346, point 57).

( 64 ) Arrêt du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas (C-542/09, EU:C:2012:346, point 57). Voir, également, arrêts du 20 juin 2013, Giersch e.a. (C-20/12, EU:C:2013:411, points 51 et 52), et du 24 octobre 2013, Thiele Meneses (C-220/12, EU:C:2013:683, point 43).

( 65 ) Considérant 10 de la directive sur la citoyenneté.

( 66 ) Voir, par exemple, Verschueren, H., « Free Movement or Benefit Tourism : The Unreasonable Burden of Brey », European Journal of Migration and Law, vol. 16, 2014, p. 147 à 179 ; Thym, D., « The Elusive Limits of Solidarity : Residence Rights of and Social Benefits for Economically Inactive Union Citizens », CML Rev, vol. 52, 2015, p.17 à 50, p. 28.

( 67 ) Pour qu’un tel argument puisse être pris en considération en tant que justification possible de limites imposées aux droits de circulation, l’État membre qui invoque l’argument de la charge déraisonnable devrait étayer l’existence d’une menace réelle pour son système d’assistance sociale en présentant des données solides et cohérentes à cet égard. Voir, par exemple, arrêt du 13 avril 2010, Bressol e.a. (C-73/08, EU:C:2010:181, point 71). Voir, également, conclusions de l’avocate générale Sharpston dans les affaires jointes Prinz et Seeberger (C-523/11 et C-585/11, EU:C:2013:90, points 61 à 64).

( 68 ) Voir Dougan, M., « The constitutional scope to the Jurisprudence of Union Citizenship », E.L.Rev, vol. 31 (5), 2006, p. 613 à 641.

( 69 ) Voir arrêt du 1er août 2022, Familienkasse Niedersachsen-Bremen (C-411/20, EU:C:2022:602, point 50 et jurisprudence citée).

( 70 ) Supiot, A. (dir.), La Solidarité. Enquête sur un principe juridique, Odile Jacob, Paris, 2015, p. 12 ; De Witte, F., Justice in the EU, The Emergence of Transnational Solidarity, Oxford University Press, Oxford, 2015, chapitre 4 (qui plaide spécifiquement pour une approche communautaire s’agissant des prestations de subsistances minimales, telles que les prestations spéciales à caractère non contributif), p. 151 à 155.

( 71 ) Une telle interprétation de l’argument de la charge déraisonnable peut, à mon sens, expliquer la jurisprudence reconnaissant qu’il est justifié d’exiger qu’il existe un lien réel ou un certain degré d’intégration dans la société de l’État d’accueil afin d’acquérir des droits de séjour et les droits à l’assistance sociale correspondants. Voir, par exemple, concernant des demandeurs d’emploi, arrêts du 11 juillet 2002, D’Hoop (C-224/98, EU:C:2002:432, point 39), du 23 mars 2004, Collins (C-138/02, EU:C:2004:172, points 67 à 69), et du 4 juin 2009, Vatsouras et Koupatantze (C-22/08 et C-23/08, EU:C:2009:344, points 38 et 39). S’agissant des étudiants, voir, par exemple, arrêts du 15 mars 2005, Bidar (C-209/03, EU:C:2005:169, points 62 et 63), du 23 octobre 2007, Morgan et Bucher (C-11/06 et C-12/06, EU:C:2007:626, points 43 et 44), du 18 novembre 2008, Förster (C-158/07, EU:C:2008:630, point 54), du 18 juillet 2013, Prinz et Seeberger (C-523/11 et C-585/11, EU:C:2013:524, points 36 et 37), du 24 octobre 2013, Thiele Meneses (C-220/12, EU:C:2013:683, points 35 et 36), et du 26 février 2015, Martens (C-359/13, EU:C:2015:118, points 36 à 39).

( 72 ) Article 6 de la directive sur la citoyenneté.

( 73 ) Article 7 de la directive sur la citoyenneté.

( 74 ) Chapitre IV de la directive sur la citoyenneté.

( 75 ) Ce système reprend, en substance, les étapes et les conditions du droit de séjour prévues par les différents instruments du droit de l’Union ainsi que par la jurisprudence antérieure à cette directive. Le fait d’appartenir à une certaine communauté peut ainsi aboutir au droit de séjour permanent. Arrêts du 21 décembre 2011, Ziolkowski et Szeja (C-424/10 et C-425/10, EU:C:2011:866, point 38), et du 1er août 2022, Familienkasse Niedersachsen-Bremen (C-411/20, EU:C:2022:602, point 30).

( 76 ) Même pendant cette période, seules les prestations spéciales en espèces à caractère non contributif peuvent être exclues, et non les autres prestations de sécurité sociale. Sur ce point, voir arrêt du 1er août 2022, Familienkasse Niedersachsen-Bremen (C-411/20, EU:C:2022:602, point 53).

( 77 ) Voir, par exemple, arrêt Lounes (point 56).

( 78 ) Arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C-184/99, EU:C:2001:458, point 44). Sur le principe de solidarité et les régimes de sécurité sociale, voir arrêt du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C-159/91 et C-160/91, EU:C:1993:63).

( 79 ) Par exemple, en mai 2013, les ministres de quatre États membres, la République d’Autriche, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume des Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont dénoncé les « fraudes et abus systématiques en lien avec la liberté de circulation ». Voir, par exemple, Blauberger, M., et Schmidt, S. K., « Welfare migration ? Free movement of EU citizens and access to social benefits », Research and Politics, octobre-décembre 2014, p. 1 à 7. Voir, également, Pascouau, Y., « Strong attack against the freedom of movement of EU citizens : Turning back the clock », commentaire sur le site Internet du European Policy Centre du 30 avril 2013.

( 80 ) Arrêt du 11 novembre 2014, Dano (C-333/13, EU:C:2014:2358).

( 81 ) Voir, à cet égard, interprétation de l’arrêt du 11 novembre 2014, Dano (C-333/13, EU:C:2014:2358) dans celui du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld (C-181/19, EU:C:2020:794, point 68).

( 82 ) Une étude commandée par la Commission en 2016 n’a trouvé aucun fondement permettant de considérer que les prestations constitueraient une motivation à circuler pour les citoyens de l’Union. Voir, par exemple, « A fact finding analysis on the impact on the Member States’ social security systems of the entitlements of non-active intra-EU migrants to special non-contributory cash benefits and healthcare granted on the basis of residence », rapport final présenté par ICF GHK en association avec Milieu Ltd., DG Emploi, Affaires sociales et Inclusion au moyen du contrat-cadre de la DG Justice, 2013. Voir, également, Mantu, S., et Minderhoud, P., « Exploring the limits of social solidarity : welfare tourism and EU citizenship », UNIO – EU Law Journal, vol. 2(2), 2016, p. 4 à 19.

( 83 ) Voir arrêt du 1er août 2022, Familienkasse Niedersachsen-Bremen (C-411/20, EU:C:2022:602, point 53).

( 84 ) Ainsi que l’ont précisé clairement les avocats de la requérante lors de l’audience. Conformément à l’Irish Nationality and Citizenship Act 1956 (loi de 1956 sur la nationalité et la citoyenneté irlandaises) dans sa version consolidée modifiée, les critères suivants sont ceux qu’un adulte, résident de l’EEE non marié, devrait satisfaire afin d’être naturalisé (article 15) : a) être âgé de plus de 18 ans ; b) être de bonne moralité ; c) avoir résidé de manière continue dans l’État pendant une durée d’un an avant la demande et, au cours des huit années précédant immédiatement cette période, avoir résidé dans l’État pendant au total quatre ans ; d) avoir l’intention, de bonne foi, de continuer à résider dans l’État après la naturalisation ; et e) être disposé à participer à la cérémonie de citoyenneté et à prononcer une déclaration de loyauté.

( 85 ) À propos d’un débat portant sur l’influence des faits à l’origine des affaires sur lesquelles la Cour est invitée à se prononcer, voir Davies, G., « Has the Court changed, or have the cases ? The deservingness of litigants as an element in Court of Justice citizenship adjudication », Journal of European Public Policy, vol. 25, 2018, p. 1442 à 1460.

( 86 ) Ce qui correspond, en substance, à une situation dans laquelle les conditions de séjour sont remplies.

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CJUE, n° C-488/21, Conclusions de l'avocat général de la Cour, GV contre Chief Appeals Officer e.a, 16 février 2023