Tribunal de grande instance de Nanterre, 28 mai 2019, n° 19/119

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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, 28 mai 2019, n° 19/119
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 19/119

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE

Pôle Famille 3ème section Patrimoine de la Famille

ORDONNANCE DE MISE EN ETAT

Rendue le 28 Mai 2019

A l’audience du 29 Mars 2019,

N° RG 18/01502 – N° Portalis Nous, E BRUN-LALLEMAND, Première Vice-Présidente DB3R-W-B7C-TOKL assistée de BX ANASSI, Greffier présent lors des débats, et de Pauline SUGIER, Greffier présent lors du prononcé N° Minute : 19/119

DEMANDEURS AFFAIRE Madame D X 16 rue des Grands Augustins D X 75006 PARIS C X Représentée par Maître Hervé TEMIME de l’ASSOCIATION TEMIME, C/ avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C1537 Maître AS-Olivier SUR de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC H I veuve SUR & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0147, X Maître AO RAVANAS de la SELEURL ERAVANAS – AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D1318, Z X (mineur) Maître Geneviève CLAOUE LAFARGE, avocat au barreau de A X (mineur) HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 29 Représentante légale : Madame H I épouse X Monsieur C CK CL X 7 avenue Princesse Grace Société BANK OF 98000 MONACO AMERICA NA Représenté par Maître Aurélie LEPINE-BERGES de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN1701, Maître Carine PICCIO de la SELARL ASTON, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B0989, Maître AS-B DOUVIER de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 701, Copies délivrées le : Maître Geneviève CLAOUE LAFARGE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 29

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DÉFENDERESSES

Madame H BK CM I veuve X CC CD, […]

Représentée par Maître Ardavan CE CF de la SELARL COHEN CE-CF, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0038, Maître CM MARGUET LE BRIZAULT de la SCP MARGUET-LE BRIZAULT-REBOUL, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire:726

Madame Z X (mineur) Représentant légal : Madame H BK CM I veuve X CC CD, […]

Représentée par Maître Ardavan CE CF de la SELARL COHEN CE-CF, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0038, Maître CM MARGUET LE BRIZAULT de la SCP MARGUET-LE BRIZAULT-REBOUL, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire:726

Madame A X (mineur) Représentant légal : Madame H BK CM I épouse X CC CD, […]

Représentée par Maître Ardavan CE CF de la SELARL COHEN CE-CF, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0038, Maître CM MARGUET LE BRIZAULT de la SCP MARGUET-LE BRIZAULT-REBOUL, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 726

Société BANK OF AMERICA NA 1221 McKinney Street, […], […]

Représentée par Maître Véronique JULLIEN de l’AARPI DROITFIL, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 49, Maître Alexis WERL de la SELEURL Alexis WERL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R011

Avons entendu les avocats des parties puis avons mis en délibéré la décision au 28 mai 2019 ;

Le 28 mai 2019, avons rendu la décision suivante, par décision publique, rendue en premier ressort, contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions de l’article 776 du code de procédure civile, et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats :

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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

B-BT X, né le […] à Paris, est décédé le […] à l’âge de 74 ans, à Marnes-la-Coquette (92).

L’intéressé, connu sous le nom de P J (ci-après P J) est décrit par la presse comme “l’Elvis français”, l’un des artistes français majeurs du 20ème siècle. La longévité de sa carrière de chanteur de rock, au cours de laquelle il a multiplié les disques de diamant, d’or et de platine, est exceptionnelle. Il a été la personnalité préférée des Français pendant de nombreuses années, et l’une des plus présentes sur la durée dans le paysage médiatique français.

Un hommage national, suivi par 15 millions de téléspectateurs, lui a été rendu à Paris le 9 décembre 2017 en présence de près d’un million de personnes. Le chanteur a été inhumé le 11 décembre suivant sur l’île de Saint-Barthélemy (97), où il disposait de biens immobiliers.

Selon la loi française, il laisse pour lui succéder :

– son fils C X, dit C J (ci-après C J), né le […] à Boulogne-Billancourt (92), de son union avec sa première épouse la chanteuse K L ;

– sa fille D X, née le […] à Neuilly-sur-Seine (92), de sa relation avec son ex-compagne, la comédienne M N ;

– son conjoint survivant H I veuve X, dite H J (ci-après H J), née le […] à […], avec laquelle il s’est BK le 25 mars 1996 en cinquièmes noces sous le régime de la séparation de biens aux termes d’un contrat de mariage reçu le même jour par Maître CN CO-CP, notaire à Paris 17ème (75) ;

– ses deux filles adoptées plénièrement avec sa dernière épouse, H J :

• Z X, née le […],

• A X, née le […].

Son patrimoine connu se compose notamment :

– de ses droits d’artiste-interprète sur près de 1.160 œuvres répertoriées par la SACEM, P J n’étant ni l’auteur, ni le compositeur des titres qu’il interprétait, exception faite d’une centaine d’entre eux ;

– des biens immobiliers suivants :

• une propriété située à Marnes-la-Coquette (92), détenue par la société civile immobilière SLJ dans laquelle il détenait une participation de 99,98 % ;

• une propriété située sur l’île de Saint-Barthélémy (97), acquise en indivision pour moitié avec son épouse H J ;

• une propriété située dans le quartier de Pacific Palisades à AA AB (Etats-Unis), dans laquelle il détenait une participation de 50 %, l’autre partie étant détenue par son épouse H J ;

• une résidence située à Santa Monica (Etats-Unis), 3019 Linda Lane, détenue dans les mêmes proportions entre les époux ;

– de prises de participation dans deux sociétés propriétaires de villas à Saint-Barthélémy (33 % de la société civile de construction vente Gabriel 49 % de la société par actions simplifiée Immo 5).

Le 9 février 2019, Maître Thierry Assant-Lechevalier, notaire à Paris, a dressé un acte de dépôt au rang de ses minutes de l’ouverture de deux testaments olographes qui “se trouvaient dans le coffre-fort de l’office notarial”.Le 23 février suivant, il a dressé un acte complémentaire mentionnant que ces “testaments avaient été remis par le testateur sous pli ouvert au notaire soussigné respectivement les 25 juin 1997 et 3 avril 2014".

Le testament olographe du 3 avril 2014 comporte les dispositions suivantes :

“Ceci est mon testament qui révoque toutes dispositions antérieures. Je soussigné B-BT CT X, né à […]) le […] demeurant à Pacific Palisades CA 90272 (États-Unis) 789, Amalfi drive, entend léguer l’intégralité de ma succession à mon épouse H BK CM I, née le […] à […]. Cette dernière recevra donc, conformément à la loi californienne, l’ensemble de mes biens, en ce compris la totalité de mes droits artistiques. En cas de prédécès de mon épouse, ou de décès concomitant de cette dernière avec le mien, l’intégralité de ma succession reviendra à mes deux filles Z et A par part égale. Fait à Marnes la Coquette, le 3 avril 2014".

Les testaments antérieurs avaient préalablement cantonné les droits des deux enfants aînés, en ne leur attribuant que leur part de réserve prévue par le droit français (pour ceux du 17 juin 1997 et du 20 janvier 2006) ou suisse (pour celui du 9 mai 2007). Le testament du 23 janvier 2006 comprenait la disposition spécifique suivante, non reprise postérieurement : “si elle le souhaite,

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mon épouse pourra se faire attribuer préférentiellement ma propriété de Marnes-la-Coquette, ainsi que l’ensemble du mobilier la garnissant”.

L’existence d’autres dispositions, en date du 3 janvier 2011, intitulées “contrat de mariage et pacte successoral” ont été établies postérieurement. Dans cet acte reçu par devant notaire en Suisse, les époux X indiquent être domiciliés à Gstaad, en Suisse, et soumettre leurs successions au droit suisse.

Par acte du 13 février 2018, dont la régularité est contestée dans le cadre du présent incident, D et C X ont fait assigner H J et ses filles Z et A, devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin de solliciter la nullité du testament du 3 avril 2014. Ils font valoir à cette fin que la désignation de la loi californienne est interdite par les règles du droit international privé français, telles qu’elles sont issues du Règlement européen (UE) n°650/2012 du 4 juillet 2012 et demandent qu’il soit dit que la succession de leur père est réglée selon le droit successoral français, en vertu duquel chaque descendant doit recevoir sa part de réserve, à savoir 3/16èmes en pleine propriété de la masse successorale.

Parallèlement, le 16 février 2018, ils ont saisi la juridiction des référés de ce tribunal, sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile, afin d’être autorisés à prendre des mesures conservatoires face au risque de gestion par leur belle-mère du patrimoine artistique du de cujus et de liquidation des actifs dépendant de la succession.

Le 19 février 2018, leur conseil a été destinataire d’un cinquième testament, daté et signé le 11 juillet 2014, rédigé en langue anglaise et comprenant les dispositions suivantes (traduction libre) :

“Je soussigné, B-BT X, résidant et domicilié dans le comté de AA AB, Californie, États-Unis d’Amérique, fait de ce document mon testament, révoquant tous les testaments et codicilles précédents. […] Je ne prends expressément aucune disposition dans le présent testament ou dans tout autre document de planification successorale concernant mes enfants C X et D X, à qui j’ai effectué des donations par le passé. Je donne l’ensemble de mes biens et de mon patrimoine, de quelque nature que ce soit où qu’ils se trouvent aux États-Unis, en France ou ailleurs ou qu’ils soient détenus sur des comptes situés aux États-Unis, en France ou ailleurs, au trustee en titre du JPS Trust établi en vertu de la déclaration de trust en date des présentes, que j’ai signée à cette date en tant que constituant, afin qu’ils soient intégrés et qu’il augmentent les biens alors détenus en trust aux termes des présentes, et afin qu’ils soient détenus et administrés par ledit trustee conformément aux termes dudit trust tels que précisés dans ladite déclaration de trust, y compris toute modification apportée avant ma mort. Les biens ajoutés audit trust doivent être intégrés au trust établi par ladite déclaration de trust, étant précisé que cette disposition ne constitue pas de trust testamentaire aux termes de ce testament”.

Cet écrit dactylographié désigne comme exécuteur testamentaire Madame H X et, subsidiairement Monsieur Q I son frère, et encore plus subsidiairement Madame R I, sa grand-mère.

Des pièces complémentaires transmises le 9 mars 2018, il ressort que P J était de son vivant trustee et unique bénéficiaire de deux trusts, le “JPS Foreign Assets Trust”, détenant tous ses biens corporels, meubles et immeubles, situés en France et le “JPS Trust”, détenant tous ses biens situés en dehors de la France. Ces trusts ont pour bénéficiaire le conjoint survivant et au décès de celle-ci, ses deux filles, Z et A, pour les actifs existant à cette date.

Il résulte également de ces actes que le protector, à savoir la personne chargée de surveiller et de contrôler la bonne exécution des obligations du trustee, est le frère de son épouse, Monsieur Q I étant observé cependant que le 21 février 2018, H J a mis fin aux fonctions de l’intéressé et désigné un nouveau protector en la personne de Madame S G.

Par ordonnance du 13 avril 2018, dont il n’a pas été interjeté appel, le juge des référés de Nanterre a :

– fait droit à la demande de mise sous séquestre des revenus tirés de l’exploitation des droits de B-BT X formulée auprès de l’ADAMI, la SPEDIDAM et la SACEM ;

– fait interdiction à Mme H X agissant personnellement et/ou pour le compte de ses filles mineures, de vendre ou de disposer des biens immobiliers de Marnes-la-Coquette et de Saint-Barthélémy dépendant de la succession de B-BT X ;

– rejeté la demande de communication de l’album d’œuvres posthumes de B-BT X.

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Le 7 août 2018, la Bank of America, désignée entre temps un nouveau trustee du JPS Trust, a fait notifier à C et D X une requête présentée le 12 juillet 2018 devant la Cour Supérieure de Californie pour le Comté de AA AB afin de solliciter le transfert au JPS Trust de :

– cent actions de la société américaine Bornrocker Music Inc., représentant 50% du capital de cette société ;

– un compte épargne dans la banque SunTrust Bank ;

– trois voitures de luxe de marque Lamborghini, Bentley Bentayga et Cobra Superformance ;

[…] ;

– l’ensemble des redevances devant être perçues par B-BT X à l’occasion de l’exploitation par les sociétés Warner Music France et Sony Music des albums qu’elles ont produits, y compris les redevances dues directement ou indirectement à l’intéressé en vertu des contrats n°014421, n°004002 et n°4019807.

Cette affaire, dont l’audience devait initialement se tenir le 25 septembre 2018, a fait l’objet de plusieurs renvois, la prochaine audience étant fixée au 30 avril 2019.

Le 12 octobre 2018, C et D X ont fait assigner en référé devant le président du tribunal de grande instance de Paris, pour une audience fixée au 27 novembre 2018, JPS Trust, représenté par son trustee, la Bank of America et les trois maisons de disques qui se partagent le catalogue du défunt, aux fins de solliciter le gel et la mise sous séquestre de 75% de l’intégralité des sommes dues à B-BT X et ses ayant droits depuis le 1 janvier 2018, jusqu’à ceer qu’il soit statué autrement ou accord.

Le 18 décembre 2018, la juge des référés de Paris a :

– débouté la Bank of America de sa demande de mise hors de cause, au motif qu’elle avait démissionné de son rôle de trustee quelques jours avant l’audience, alors qu’elle est toujours gardien des actifs du JPS Trust, conservant notamment « la mission de percevoir les loyers et autres revenus du JPS Trust » selon les explications qu’elle a fournies ;

– constatant le dommage imminent caractérisé par la procédure engagée devant la juridiction californienne par le trustee pour obtenir le transfert d’un certain nombre d’actifs dans le trust, ordonné le gel et la conservation par Warner Music France, Universal Music France et Sony Music Entertainment de 37,7% de l’intégralité des sommes dues à B-BT X et à la société Bornrocker Music Inc depuis le 1er janvier 2018.

Au cours de l’instruction de la présente affaire et par conclusions signifiées le 6 juillet 2018, H J, agissant en son nom et au nom de ses filles mineures, a saisi le juge de la mise en état d’un incident aux fins de :

– voir prononcer la nullité des assignations qui lui ont été délivrées, ainsi qu’à ses deux enfants ;

– subsidiairement, dire que la dernière résidence habituelle du défunt était située à AA AB, aux Etats-Unis et en conséquence, se déclarer incompétent au profit des juridictions américaines.

Par acte du 25 octobre 2018, C et D X ont fait assigner en intervention forcée le trustee, la Bank of America, sise à Houston (Texas), représentant le JPS Trust, afin de lui rendre commun la décision à intervenir dans la présente instance, JPS Trust étant légataire aux termes du dernier testament de B-BT X. Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 18/20608 puis jointe à la présente instance par ordonnance en date du 22 novembre 2018.

Eu égard aux règles particulières aux notifications internationales, la mise en la cause de cette nouvelle partie sur le fondement de l’article 331 du code de procédure civile a entraîné, en accord avec toutes les parties, le report au 29 mars 2019 de la plaidoirie de l’incident sur la compétence des juridictions françaises pour connaître du litige.

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives sur incident signifiées, suivant le calendrier de procédure fixé en accord avec les parties, les demanderesses à l’incident, H J et ses deux filles mineures Z et A, qu’elle représente, sollicitent du juge de la mise en état, de :

– dire que les assignations qui leur ont délivrées sont nulles ; En conséquence,

– débouter Madame D X et Monsieur C X de leurs demandes ;

– A titre subsidiaire, vu l’article 4 du règlement européen sur les successions du 4 juillet 2012 (n°650/2012),

– dire que la résidence habituelle du défunt dans les années précédant son décès n’était pas en France mais à AA AB (Etats-Unis) ;

– en conséquence, se déclarer incompétent au profit des juridictions américaines, En conséquence,

– condamner les intéressés à leur payer la somme de 5.000 euros chacune au titre des

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dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamner aux entiers dépens de l’instance.

Dans leurs dernières conclusions distinctes mais convergentes, signifiées par la voie électronique le 13 mars 2019, D et C X sollicitent du juge de la mise en état, au visa des articles 4 et 10 du règlement européen du 4 juillet 2012, de débouter les demanderesses à l’incident et de : A titre liminaire,

– dire que les assignations qu’ils ont fait délivrer le 13 février 2018 à Madame H X ainsi qu’à Z et A X, à leur domicile de Marnes-la-Coquette (92), ont été régulièrement signifiées et ne comportent aucun vice de forme ;

– les débouter en conséquence de leur demande de nullité de ces assignations ;

– dire que le trustee du JPS Trust, la Bank of America, a été valablement et régulièrement assignée ;

– dire que que la démission de ce trustee est sans incidence sur la poursuite de la procédure en cours ;

– dire que le jugement à intervenir lui sera opposable ; A titre principal,

– juger que la résidence habituelle de B-BT X au sens de l’article 4 du règlement européen n°650/2012 du 4 juillet 2012 est en France ;

– en conséquence, déclarer le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour statuer sur l’ensemble de la succession de B-BT X ; A titre subsidiaire,

– dire que le tribunal de grande instance de Nanterre est compétent sur le fondement de l’article 10 du règlement européen n°650/2012 du 4 juillet 2012 pour statuer sur l’ensemble de la succession de B-BT X ; En tout état de cause, condamner Madame H X à verser tant à Madame D X qu’à Monsieur C X une somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 22 mars 2019, la Bank of America a constitué avocat, mais n’a pas conclu. A l’audience, son conseil a, par brèves observations, indiqué qu’il n’était pas habilité à prendre position. Il a ajouté qu’un nouveau trustee avait été désigné, T U, que l’ensemble des parties en ont été informées et que la Bank of America, qui sollicitera le moment venu sa mise hors de cause, a pris le soin d’informer le conseil de T U de la présente procédure.

La seule pièce versée par les parties s’agissant de ce nouveau trustee est un courrier du 27 mars 2019 produit par l’avocat postulant de H J. Il s’agit d’une lettre en anglais du conseil californien de l’intéressée à Maître CE-CF, qui indique “Notre cabinet représente T U Fiduciary Trust Company en tant que trustee du JPS Trust”et évoque l’audience de procédure du 19 mars 2019 devant la cour supérieure du comté de AA AB. Cette entité aurait, selon la formule du conseil de D X dans sa plaidoirie du 29 mars 2019, fait en l’état

le choix tactique de ne pas intervenir” dans la procédure française.

Il y a lieu, pour un exposé détaillé des moyens des parties, de se reporter à leurs dernières écritures signifiées, comme le permet l’article 455 du code de procédure civile.

A l’issue de l’audience de plaidoiries du 29 mars 2019, la décision a été mise en délibéré au 28 mai 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

En procédure écrite, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer par voie d’incident sur les exceptions de procédure soulevées, qu’il appartient aux parties d’invoquer avant toute défense au fond. Trois questions ayant été mises au débat, il y sera répondu successivement.

I- Les questions de procédure soulevées in limine litis

1.1 La régularité de la signification en France des assignations délivrées à H J, ainsi qu’à ses deux enfants, Z et A

En application de l’article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d’huissier est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

L’article 114 du code de procédure civile édicte qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas

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d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public, et dans tous les cas, à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité alléguée.

En l’espèce, H J conclut à la nullité des assignations qui lui sont délivrées le 18 février 2018 à Marnes-la-Coquette (92), au motif d’une part, que le procès-verbal de recherches infructueuses ne relaterait aucune des démarches qui s’imposaient à l’huissier pour dresser valablement un tel procès-verbal, et d’autre part, que l’acte de signification lui aurait été signifié de mauvaise foi par les demandeurs à son adresse française afin de “créer un for de toute pièce” tentant ainsi d’établir que la résidence de la famille X serait en France.

Il convient de constater que le motif de la nullité invoqué ne relève pas d’une des causes de nullité de fond limitativement énumérées par l’article 117 du code de procédure civile. L’irrégularité alléguée relève donc le cas échéant d’un vice de forme régi par les dispositions de l’article 114 précité.

Ainsi qu’il sera détaillé ultérieurement, il n’est pas contesté que la famille X a résidé de façon ininterrompue en France les huit mois précédant le décès du chanteur, les intéressés, après avoir quitté le France métropolitaine pour passer le mois d’août, comme chaque été, aux Antilles françaises, dans leur propriété sise à Saint-Barthélémy (97), étant retournés dans la maison de Marnes-la-Coquette où P J est décédé en décembre 2017.

Il est en outre établi que H J a répondu dès le 1 février à un courrier recommandé,er que lui a adressé le 31 janvier 2018, à cette adresse, D X. Si elle met certes en tête de sa réponse une adresse aux Etats-Unis, elle y confirme néanmoins qu’elle a bien reçu le courrier du 31 janvier, qu’elle vise expressément. Elle a, dans les mêmes conditions, répondu le 12 février 2018, au courrier que D et C X lui ont adressé le 7 février 2018 à son adresse de Marnes-la-Coquette (92).

L’huissier instrumentaire a constaté pour sa part, ainsi qu’il ressort de son procès-verbal de signification dressé le 13 février 2018, que lorsqu’il s’est présenté à l’adresse de Marnes-la- Coquette (92), l’employée de maison, lui “indique qu’elle va se renseigner puis me tend son téléphone”. Le procès-verbal se poursuit ainsi qu’il suit : “J’indique à mon interlocutrice mes nom, prénom, qualité et l’objet de ma mission. Après quelques instants, mon interlocutrice, en la personne de V W, secrétaire de Madame H X, d’après les indications de l’employé de maison, me déclare que l’intéressée n’habite pas à cette adresse mais aux Etats- Unis. Elle ajoute que cette dernière vient rarement à la résidence de Marnes-la-Coquette et refuse que je laisse un avis de passage”. L’huissier précise en outre aux termes de son acte : “De retour à l’étude, mes recherches à l’aide de l’annuaire électronique ne m’ont pas permis d’obtenir un quelconque renseignement”.

Même s’il peut être observé qu’il était, comme justement souligné par H J, de notoriété publique que le chanteur disposait d’une maison à AA AB, aux Etats-Unis, il doit être relevé que l’article de l’hebdomadaire Paris Match qu’elle produit, intitulé “H, la vie sans P” et dans lequel il est précisé en ces termes : “Voila un mois que H et ses filles sont de retour dans la grande CC d’Amalfi Drive, à AA AB”, n’est daté que du 15 février 2018 et n’était donc pas encore publié lorsque l’huissier de justice a délivré les actes.

Il doit en être déduit que l’huissier qui a établi un procès-verbal sur le fondement de l’article 659 du code de procédure civile a accompli un certain nombre de diligences aux fins de rechercher s’il pouvait faire signifier l’acte à personne. Les vérifications auxquelles il a procédé étaient adaptées à la situation, étant observé par ailleurs qu’il relate qu’il lui a été dit que Madame H X résidait aux USA mais qu’il peut être relevé qu’aucune précision supplémentaire ne lui a été communiquée.

Il convient d’observer, par ailleurs, que les défenderesses ont constitué avocat le 22 mars 2018, qu’elles sont donc valablement représentées dans le cadre de l’instance au fond et qu’elles ont été en mesure de présenter leur défense, puisque qu’elles sont demanderesses à l’incident.

Dans ces circonstances, H J ne démontre pas que C et D X auraient agi de mauvaise foi ou dans une intention malicieuse à son égard en la faisant citer à l’adresse de Marnes-la-Coquette (92). Elle manque ainsi à établir, tant à titre personnel qu’es qualité, l’existence d’un grief que lui aurait causé l’irrégularité alléguée des actes de procédure en cause.

La demande de Laerticia J de nullité de la signification des assignations qui lui ont été délivrées en France, pour elle-même et ses filles Z et A X, sera en conséquence rejetée.

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1.2 L’incidence de la démission du trustee

Ainsi qu’il a déjà été exposé, l’établissement bancaire de droit américain Bank of America, assigné en intervention forcée le 25 octobre 2018 selon les formes requises pour les notifications internationales, a démissionné de ses fonctions de trustee du JPS Trust le 21 novembre 2018.

Aux termes des consultations juridiques d’avocats américains produites aux débats par les défendeurs à l’incident, et qui n’ont été critiquées ni par H J, ni par la Bank of America, cette démission est sans incidence sur la régularité de la mise en cause de cette dernière, qui, en sa qualité de trustee démissionnaire, est néanmoins “cusodian” (gardien) des actifs du JPS Trust jusqu’à ce qu’un nouveau trustee soit nommé, accepte cette nomination et reçoive la propriété des actifs du trust.

Il convient d’en déduire que la démission de la Bank of America de ses fonctions de trustee du JPS Trust ne fait pas obstacle à la poursuite de la présente procédure. Ayant été régulièrement et valablement attraite à cette instance, il est nécessaire que les décisions qui seront rendues dans le cadre de la présente procédure au fond lui soient rendues opposables.

Il sera en conséquence fait droit aux demandes convergentes de D et C X que ceci soit mentionné au dispositif.

II – La compétence des juridictions françaises pour connaître du règlement de la succession de P J

2.1 – Les circonstances de droit et de fait gouvernant la solution à donner au litige

2.1.1 – Le droit applicable en matière de succession internationale

Le litige présentant divers éléments d’extranéité, il convient de mettre en œuvre les règles de conflit de compétences applicables en France, État du juge saisi, afin de déterminer la juridiction compétente pour statuer sur la demande.

. Compétence fondée sur l’article 4 du Règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012

En l’absence de conventions internationales applicables, il y a lieu, comme au demeurant les parties en conviennent, d’appliquer les règles de conflit prévues par le Règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de successions (ci-après le Règlement).

En effet, le Règlement est applicable à la fois :

– ratione materiae, puisqu’il s’applique aux successions à cause de mort (article 1, § 1) ;

ratione loci, puisqu’il est directement applicable en France, État membre de l’Union européenne, et qu’il présente un caractère universel (l’article 20 précise que “la loi désignée dans le présent règlement s’applique même si cette loi n’est pas celle d’un État membre”), aucune loi étrangère ne pouvant donc l’écarter ;

ratione temporis, puisqu’il “ s’applique aux successions des personnes qui décèdent après le 17 août 2015" (article 83, § 1).

Son article 4 dispose : “sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès”, instaurant un critère unique et ce, quel que soit la nature et le lieu de situation des biens lui appartenant.

La solution du présent litige dépend donc de la détermination de la résidence habituelle du de cujus.

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. Notion de résidence habituelle au sens du Règlement

Dans son préambule, le Règlement est venu préciser dans ses considérants n°23 et n°24 ce qu’il entend par la notion de « résidence habituelle » :

“(23) Afin de déterminer la résidence habituelle, l’autorité chargée de la succession devrait procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi déterminée devrait révéler un lien étroit et stable avec l’État concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du présent Règlement.

(24) Dans certains cas, il peut s’avérer complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt. Un tel cas peut se présenter, en particulier, lorsque, pour des raisons professionnelles ou économiques, le défunt était parti vivre dans un autre État pour y travailler, parfois pendant une longue période, tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son État d’origine. Dans un tel cas, le défunt pourrait, en fonction des circonstances de l’espèce, être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son État d’origine, dans lequel se trouvait le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale. D’autres cas complexes peuvent se présenter lorsque le défunt vivait de façon alternée dans plusieurs États ou voyageait d’un État à un autre sans s’être installé de façon permanente dans un État. Si le défunt était ressortissant de l’un de ces États ou y avait l’ensemble de ses principaux biens, sa nationalité ou le lieu de situation de ces biens pourrait constituer un critère particulier pour l’appréciation globale de toutes les circonstances de fait”.

Toutes les parties, faisant aussi référence à l’analyse doctrinale des auteurs en ce sens, s’accordent à considérer que la localisation de la résidence habituelle, au sens du considérant n°23 du Règlement, suppose tout à la fois un élément objectif relatif à la durée et la régularité de la présence du défunt, mais dépend aussi, voire essentiellement, de conditions subjectives fondées sur les conditions et les raisons de cette présence.

H J estime devoir développer, au titre du lien étroit et stable du considérant n°23, la question du centre des intérêts de la vie privée et familiale du défunt. Davis J fait valoir en réplique que cette question est à aborder dans le cadre des critères particuliers visés au considérant n°24, en même temps que deux autres critères prépondérants énumérés, la nationalité du défunt et la localisation de principaux biens. Il relève aussi que le critère de la vie privée et familiale est, dans ce considérant, évoqué s’agissant d’une hypothèse particulière, la situation du travailleur détaché qui a laissé sa famille dans son pays d’origine, ce qui n’est en aucune manière la situation de fait présente.

Il convient de retenir cette analyse, qui repose sur la lettre du texte.

2.1.2 Les positions respectives des parties

. Les arguments de H J en faveur d’une résidence habituelle de P J à AA AB

Au titre de l’élément subjectif, H J fait valoir, que son mari avait la volonté de fixer le centre habituel de ses intérêts à AA AB. Elle relève que le chanteur avait développé une fascination pour les États-Unis depuis son plus jeune âge et s’y était installé de façon permanente, notamment dans les années 1970 puis définitivement à AA AB avec sa famille en 2007. Elle argue que leur fille Z y a été scolarisée à cette date et A à partir de 2011, qu’il a obtenu sa Green Card le 23 avril 2014 et qu’il souhaitait, dès qu’il en aurait eu légalement la possibilité, soit en 2019, acquérir la nationalité américaine. Elle fait référence à l’appui de son argumentaire à des interviews qu’il a données à la presse et à des documents qu’il a signés ainsi qu’à l’achat de deux biens immobiliers en Californie, alors même qu’il tentait parallèlement de se séparer de sa résidence française de Marnes-la-Coquette (92).

Au titre de l’élément objectif, elle évoque l’ouverture de comptes bancaires aux Etats-Unis, la possession de la Social security card, la détention d’un permis de conduire délivré par l’État de Californie, l’existence de soins prodigués aux Etats-Unis, mais également le vote de P J au consulat français de AA AB en mai 2017 pour l’élection présidentielle française ainsi que l’établissement de leur résidence fiscale en Californie.

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Elle estime encore que AA AB était le lieu de l’établissement du domicile conjugal et le centre des relations sociales et familiales du défunt. Elle fait valoir que leur couple y avait constitué, au fil des années, un cercle d’amis et de connaissances proches. C’était aussi, selon elle, un lieu où leurs amis français venaient les voir régulièrement. Elle note que c’était l’endroit où P J avait ses habitudes quotidiennes, sa routine.

De son point de vue, le choix de vivre aux États-Unis relevait d’une intention pérenne et élective résultant d’une aspiration profonde de l’intéressé, qui ne venait en France que pour les besoins de sa carrière ou pour les vacances. Elle estime que la reconnaissance du public français ne participe pas du lien étroit et stable avec un pays, d’une part, et la circonstance d’autre part, qu’il soit décédé en France est, sans incidence puisque son mari est resté sur le territoire national pour tester un nouveau traitement.

Elle ajoute que ce n’est qu’en raison de la dégradation de son état de santé qu’il n’a pu repartir aux Etats-Unis comme il l’escomptait.

. La position développée par C J quant à la résidence habituelle de P J en France

En réplique, C J fait observer qu’il ne peut être utilement allégué que son père s’était installé en Californie en 2007, puisque jusqu’en 2011, il a signé plusieurs documents importants indiquant être domicilié à Gstaad, en Suisse.

Il produit en outre un tableau de géo-localisation Instagram des époux X de 2012 à 2017 et observe que les parties s’accordent sur une durée de séjour en France a minima de 151 jours en 2015 et 168 jours en 2016. Il ajoute que le chanteur a sans discontinuité été présent en France les huit mois précédant son décès en décembre 2017.

Il note que la vie personnelle de P J s’articulait avec sa vie professionnelle en France, ce qui lui semble assez logique, puisque sa carrière artistique était exclusivement française, et que la totalité de ses intimes, famille comprise, y résidait. Il considère que les publications Instagram dévoilent de véritables moments de l’intimité du couple J et ne sauraient être réduits à la seule vie professionnelle du chanteur.

Il estime pour sa part que son père a toujours considéré la France comme sa patrie et Marnes-la- Coquette (92) comme sa véritable maison, étant observé en outre qu’il passait toutes ses vacances sur le sol français, essentiellement sur l’île de Saint-Barthélémy, où il exprimait depuis dix ans le souhait d’être enterré. Selon l’expression de son conseil lors des plaidoiries du 29 mars 2019, “tout ramène toujours à la France”.

C J considère qu’une confusion est entretenue entre la fascination de son père pour la musique, les costumes, les motos et les paysages américains et son installation aux USA, étant observé en outre que l’intéressé n’a pas pu percer aux États-Unis, où il n’est pas connu, sa carrière étant uniquement française. Il estime que le montage organisé quant à la supposée résidence habituelle avait en fait un double objectif, contourner les règles juridiques françaises de la réserve héréditaire des quatre enfants et mettre en place un déplacement de l’assujettissement à l’impôt en France de revenus exclusivement français aux États-Unis.

Au titre du lien étroit et stable, C J évoque la carrière de son père et la reconnaissance du public français, le maintien de l’adhésion de l’intéressé aux sociétés françaises de gestion collective des droits et la consécration de P J au rang d’icône nationale.

S’agissant des critères particuliers du considérant n°24, il souligne que B-BT X était français et n’a jamais acquis d’autre nationalité au cours de sa vie. Il fait valoir que quatre de ses six biens immobiliers sont situés en France et que son patrimoine artistique est exclusivement français, ses enregistrements étant produits et exploités en France.

. L’analyse de D X quant à la résidence habituelle de P J en France

D X estime que les posts Instagram versés aux débats par son frère démontrent que la présence de leur père en France s’explique tant par des raisons professionnelles, du fait de sa carrière artistique en France, que par des raisons personnelles pour dîner et voir ses nombreux amis et sa famille ou prendre des vacances en famille.

Elle considère que P J a séjourné par intermittence en Californie en lien avec l’obtention du statut de résident fiscal dans cet Etat, de même qu’il avait auparavant obtenu le statut

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de résident suisse mais que pour autant, c’est en France qu’il a choisi de se faire soigner et d’y être enterré. Elle souligne qu’il était inscrit sur la liste électorale de la commune de Marnes-la-Coquette (92) et avait tous ses proches et amis en France. Elle les énumère, relevant que H J ne verse pour sa part que six témoignages de prétendus voisins ou proches du couple à AA AB, dont aucun ne semble avoir fait partie du cortège, parmi les intimes du couple, lors des funérailles du chanteur.

Elle fait valoir que le centre des intérêts privés et familiaux de son père s’est toujours situé en France, que ce soit ses unions avec K L et H I, sa relation avec M N, les naissances de ses deux enfants et l’adoption de Z et A. Elle relève que H J a, dans une interview au Point le 12 avril 2018, dit “j’ai épousé la France, la tour Eiffel” en même temps que P, étant observé que l’intéressé s’est produit en concert au cours de sa vie 2.831 fois en France, qu’il y a tourné une quarantaine de films et séries télévisées, que ses obsèques ont rassemblé à Paris près d’un million de personnes et qu’à son décès, le président AP et de nombreuses personnalités, dont les deux anciens présidents Sarkozy et Hollande, lui ont rendu hommage.

2.1.3 – Rappel des règles gouvernant le droit de la preuve

En application de l’article 1358 du code civil, la preuve, hors des cas où la loi en dispose autrement, peut être apportée par tout moyen. La résidence habituelle de P J étant un fait juridique, elle peut ainsi être établie par tout mode de preuve légalement admis.

L’article 6 du code de procédure civile dispose que les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à fonder leur prétention. L’article 9 du même code édicte qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Si le juge a la faculté de considérer comme constants des éléments qui ne sont pas contestés par les parties, il entre dans son office, lorsqu’il tranche des points soumis à contestation, d’examiner les éléments de preuve produits à l’appui et d’en tirer toute conséquence. La charge de la preuve incombant à celui qui allègue le fait nécessaire au succès de sa prétention, est donc dénuée de portée, sur le plan judiciaire, toute affirmation par une partie qui n’est pas étayée par un nombre suffisant d’éléments justifiés.

Ces règles probatoires de droit commun trouvent à s’appliquer dans toute affaire portée devant un juge et elles s’imposent donc également dans le cadre du présent incident qui implique, l’évaluation d’ensemble des circonstances de la vie de P J qui permettent de déterminer sa résidence habituelle au moment de son décès.

2.2 – Examen d’ensemble des circonstances de la vie de P J au cours des années précédant son décès et au moment de son décès

2.2.1 Les données spatio-temporelles utiles

C, D et H J s’opposent dans leurs écritures sur des événements très anciens, ainsi par exemple, sur la nature et la durée des séjours passés en Californie par P J dans les années 1970, K L attestant notamment en procédure que son ex-mari venait rendre visite à leur fils C à AA AB mais n’y vivait pas, se consacrant à sa carrière en France.

Les parties analysent aussi de façon différente certains choix, faisant valoir que c’est à Las Vegas que le chanteur s’est remarié avec AC AD, mais que c’est en France que le divorce a été prononcé ou encore que P J a rencontré H I à Miami, mais s’est BK avec elle à Neuilly-sur-Seine (92).

Il y a lieu d’estimer que ces éléments sont sans portée utile, l’article 4 du Règlement visant “la résidence habituelle au moment du décès” et le considérant n°23 les “années précédant son décès et au moment de son décès”.

Une période de dix ans précédant le décès pourrait aussi, in abstracto, être considérée dans ces conditions comme trop importante. Dans le cas présent, il convient cependant d’évoquer certaines données des années 2007 et suivantes, chacune des parties estimant, dans ses conclusions, qu’elles méritent attention.

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Il est rappelé, pour mémoire, que H J ne conteste pas avoir initialement eu avec son mari pour résidence habituelle la maison de Marnes-la-Coquette (92). Mais dès son premier jeu de conclusions du 6 juillet 2018, elle évoque la vie du chanteur et sa famille à compter de 2007 à AA AB dans le quartier de Beverly Glenn, Z étant inscrite sans discontinuité depuis au lycée français de AA AB.

Cette installation y est présentée comme “stable tout au long de l’année”, P J, qui a alors 64 ans, “s’installant définitivement à AA AB avec sa famille en 2007", étant observé que “ses filles y sont scolarisées depuis 2007 pour Z et 2011 pour A”,et “[qu']en 2009, P J et sa famille ont déménagé dans un autre quartier de AA AB dans une maison située à Pacific Palisades”. Cette position est réitérée dans ses écritures du 18 février 2019, le chanteur étant décrit comme “s’installant pour de bon en juin 2007" à AA AB.

Or il est établi qu’à la même époque, P J se disait résident suisse. Il a notamment pris des dispositions testamentaires par acte authentique du 9 mai 2007 dans lequel il se domiciliait à Gstaad en Suisse et dans lequel il indiquait :“étant maintenant résident suisse, j’entends que ma succession soit liquidée entièrement et exclusivement selon le droit suisse”.

Il ressort dans le même sens du contrat de mariage et pacte successoral signé devant notaire le 3 janvier 2011, que les époux X indiquent être domiciliés à Gstaad depuis le 1er novembre 2006 et soumettre leur succession au droit suisse.

Il est aussi mentionné, dans le pouvoir consenti par B-BT X le 14 avril 2010 de constituer pour son compte la société de droit français Gabriel, qu’il est domicilié au chalet Z à Gstaad, chalet dont il peut être constaté par ailleurs qu’il n’a été revendu qu’en mai 2015, le contrat de travail des deux employés de maison qui y travaillaient étant rompu le 31 juillet 2015.

C J fait observer utilement, s’agissant de cette période où P J se prévalait de la qualité de résident suisse, que l’argument d’une résidence alléguée pour des raisons fiscales n’est pas recevable dès lors que pour bénéficier d’un forfait en Suisse, il faut y avoir son principal lieu d’établissement, ses proches, ses intérêts. Il n’est pas possible de se dire résident en Suisse et de vivre dans un autre pays, autrement qu’en infraction avec la législation.

S’agissant de la période courant à compter de 2012, soit les six dernières années, C J produit (pièce n°22-11) des tableaux de géo-localisation Instagram des époux X, en soulignant qu’ils ne présentent pas un caractère exhaustif, puisque lorsqu’il s’écoule peu de temps entre deux post géo-localisés en France, il serait possible d’en déduire, au surplus, que le couple se trouvait toujours sur le sol français entre ces deux posts.

Il fait valoir avoir procédé à un examen systématique de ces publications, 2012 étant la date où les époux X ont tous les deux ouvert un compte Instagram. Il argue qu’il y a été contraint en raison d’une asymétrie totale d’information, H J ne communiquant que peu d’éléments probants, qu’elle détient logiquement un grand nombre de données utiles.

H J produit en réplique des tableaux de présence pour deux années, 2016 et 2017, retenant quatre rubriques : “jour de travail identifiés en France”, “jour de vacances Saint Barth”,

“jour identifiés au domicile de AA AB”, “jour de vacances hors de France”.

Sur les trois dernières années, il convient de constater qu’il ressort du décompte fait par C J, à partir de sources publiques, que son père a indiscutablement été présent en France en 2015 a minima 151 jours.

Selon H J, il y a en réalité passé 158 jours.

En 2016, les jours de présence en France de l’intéressé s’élèvent a minima à 168 selon C J, chiffre également retenu par H J.

En 2017, il est constant que P J est resté sur le sol français les huit mois précédent son décès.

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2.2.2 L’élément objectif : la durée et la régularité de la présence de P J dans chacun des deux pays

Il ressort des tableaux fournis par C J, dont il peut être observé qu’ils ne divergent pas dans leurs grandes lignes de ceux produits en réplique de H J, que la famille du chanteur parait avoir partagé sa vie entre la France et les Etats-Unis, étant rappelé que l’intéressé possédait dans les deux pays une maison d’habitation et un personnel affecté à l’année. L’élément le plus constant semble être un séjour à Saint-Barthélémy au mois d’août, qui peut être constaté tant en 2015 qu’en 2016 et en 2017.

Il n’est pas possible, au-delà de ce constat de portée très limitée, de déceler à partir des pièces produites un mode de vie particulier en ce qu’il manifesterait une certaine routine, ou du moins une saisonnalité, en lien ou non notamment avec des vacances scolaires.

En 2015, la famille J semble ainsi avoir passé la majeure partie du premier semestre aux Etats-Unis, alors qu’en 2016 leur présence y est peu signalée à la même époque, leur séjour y étant observé en revanche à compter de septembre 2016. L’année 2017, ainsi qu’il a déjà été relevé, se traduit par ailleurs par une présence ininterrompue en France de mai à décembre.

. La position des parties quant aux éléments pertinents complémentaires à prendre en compte

H J, au titre des éléments attestant de la réalité de leur vie en Californie dans les années précédant le décès de son époux, fait valoir que P J était détenteur d’un permis de conduire délivré par l’État de Californie et qu’ils satisfaisaient à leurs obligations fiscales. Elle reconnaît que ces documents administratifs et la résidence fiscale ne suffisent pas en soi, mais considère qu’ils attestent de la volonté du chanteur de fixer le centre de ses intérêts aux Etats-Unis.

Tant D que C X contestent cette analyse, soulignant que les décomptes établis à partir d’Instagram témoignent bien au contraire et de façon objective de la durée et de la régularité de la présence en France des époux X ces dernières années, alors que le temps passé en Californie est par comparaison peu documenté, si bien qu’il peut en être déduit que P J n’y séjournait de fait que par intermittence.

Ils dénient en premier lieu toute force probante aux réservations de billet d’avion versées aux débats ainsi qu’aux extraits, au contenu en partie tronqué, d’un compte bancaire américain détenu par B-BT X à la banque Merrill Lynch.

Il convient d’observer, à cet égard, qu’il ressort des relevés du compte bancaire “B-BT L X and” litigieux que les paiements faits en dollars sont d’un montant peu significatif en comparaison des montants des virements réalisés en euros. Il peut en outre être noté que les 26 et 29 octobre 2015 des achats ont lieu sur le sol américain, similaires à ceux constatés tout au long des relevés, alors que les parties s’accordent sur la présence en France du de cujus à ces dates. Il peut en être déduit que ces moyens de paiement sont vraisemblablement en possession du personnel de la maison de Pacific Résidence.

S’agissant en outre des justificatifs de réservation de billets d’avions Paris/AA AB, il est fait observé que ceux-ci ne peuvent constituer la preuve suffisante que le chanteur a effectivement embarqué à ces dates.

C J relève aussi que H J verse aux débats copie de la Social security card de P J et de leurs deux enfants, justifiant qu’il était couvert par une mutuelle américaine, qu’il a obtenu des rendez-vous au Cedars Sinaï et que certaines factures ont été réglées en 2015. Le défendeur observe que sa belle-mère s’abstient cependant de produire des factures de soins de santé réglées par la mutuelle américaine ou par la sécurité sociale américaine à d’autres dates et surtout correspondant à des frais de santé exposés dans les deux pays, en France et aux États-Unis.

Or, il ressort des données publiques et notamment de l’interview de l’intéressée au magazine Le Point le 12 avril 2018, que le chanteur a subi une première opération en France en 2009, qu’il y a ensuite été suivi dans le cadre de lourds traitements (opérations diverses, cimentoplastie, chimiothérapie, radiothérapie, transfusions sanguines…) et a été hospitalisé en France en 2017, H J faisant référence notamment à un suivi au sein de l’hôpital de la Pitié- Salpétrière, de la clinique Hartmann et de la clinique Bizet dans l’interview.

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Le défendeur à l’incident souligne encore que l’adhésion de son père au Soho House, en qualité de membre Evry House, n’atteste pas de son encrage américain, puisque ce club permet un accès à des services dans le monde entier, la clientèle visée ainsi qu’il résulte clairement des pièces qu’il verse étant les voyageurs internationaux.

Il note aussi qu’ont seulement été produits, au titre de la scolarisation de Z et A, que deux certificats de scolarité en date du 4 janvier 2018 aux termes desquels elles “sont inscrites au lycée français de AA AB depuis 2007/2011 et élèves à plein temps en CM1 et 5e pour l’année scolaire 2017-2018", ce qui signifie, en l’absence d’autres éléments fournis et étant entendu que l’existence de précepteurs n’est pas contestée, que jusqu’au décès de leur père, Z et A étaient élèves aux États-Unis une partie de l’année scolaire seulement.

Il relève que H J ne verse aux débats pour rapporter la preuve de la résidence américaine du chanteur que six témoignages, desquels il ressort au vu des éléments consignés, qu’il s’agit selon la formule de son conseil « de relations d’opportunité » (voisins, propriétaire de l’enseigne Bartel’s Harley Davidson à AA AB, commerciale ayant vendu plusieurs voitures au défunt, médecin américain de Z et A…).

Il observe enfin qu’est dénué de valeur probante l’écrit de l’employé de maison, Monsieur AE AF, compte tenu du lien de subordination, étant relevé par ailleurs que l’intéressé a été embauché en janvier 2017 seulement et que le document ne répond pas aux règles de forme de l’article 202 du code de procédure civile.

. L’évaluation d’ensemble à l’issue du débat contradictoire

Considération prise de l’ensemble des éléments qui viennent d’être exposés, il y a lieu d’estimer que C et D X s’opposent de façon fondée à la position de H J selon laquelle le chanteur ne pouvait résider en France dès lorsqu’il s’était installé à AA AB et y vivait de façon habituelle.

Ainsi qu’il a déjà été exposé, le décompte des temps de présence en France du chanteur a été établi par les défendeurs à l’incident à partir des seules données publiques (posts Instagram, agenda professionnel et médiatique de l’intéressé). Ces éléments, par hypothèse non exhaustifs, attestent de la durée et de la régularité de la présence en France de P J ces dernières années.

Il appartenait à H J, dès lors que les pièces dont elle justifiait étaient critiquées et décrites comme insuffisantes, de produire à l’appui de sa position tous éléments complémentaires de nature probante.

Il en sera déduit, au vu des pièces parcellaires produites, qu’il ne peut être considéré comme établi que P J “passait le plus clair de son temps” à AA AB, comme l’a plaidé le conseil de H J, ni même qu’il a passé 188 jours à AA AB en 2015 et 195 jours en 2016, comme allégué dans ses dernières écritures.

Un examen attentif des calendriers de géo-localisation Instagram versés aux débats permet d’observer, par exemple, que H J poste le 15 mai 2016 une photographie de la Tour Eiffel avec le commentaire “Bye bye #Paris” et le 16 mai 2016 une photographie où elle est à l’aéroport et embrasse ses filles intitulée Lax, alors que selon le tableau de temps de présence 2016 qu’elle produit, le départ de France aurait eu lieu le 9 mai. Il peut être constaté également que le 1er mars 2015 et le 22 décembre 2016, H J poste exactement la même photo du chanteur avec une voiture de luxe, intitulée en 2015 “#downtown #LA” et en 2016 “Sunset in #LA. Ces distorsions ne sont que de faible importance et peuvent avoir plusieurs explications, mais elles permettent de relativiser la précision mathématique, en l’état des pièces produites, du décompte allégué s’agissant de la partie américaine.

Après examen des éléments de preuve fournis de part et d’autre, il y a en conséquence lieu d’estimer que l’élément objectif de la résidence habituelle au sens du Règlement, à savoir la durée et la régularité de la présence du de cujus, est caractérisé en France au cours des années précédant son décès et au moment de son décès.

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2.2.3 L’élément subjectif : les conditions et raisons de la présence de P J dans chacun des deux pays

. La position des parties quant aux éléments pertinents relatifs à la France

C J souligne que son père sillonnait la France pour y tenir des concerts et que, pour reprendre la formule de son conseil lors de l’audience de plaidoirie du 29 mars 2019, “on ne peut pas dissocier l’artiste de l’homme”.

Il considère que la consultation des posts Instagram des époux X offre une véritable photographie de leur rythme de vie durant les dernières années du chanteur. Les posts depuis la France évoquent un dîner au restaurant entre amis, le“Noël des amis”, un “dimanche en famille”, une “chasse aux œufs dans le jardin du Palais Royal” notamment ceux des 13 octobre, 8 novembre, 18 décembre 2015, 24 mars 2016 ou encore celui du 10 juillet 2016, “lhallyday Touchée par la grâce de ma ville #Paris sur les toits de l’Opéra”.

D’autres posts permettent de constater que la famille X voyait régulièrement des proches en France, ainsi AG AH, AI AJ le 11 octobre 2015, ou encore lors du séjour dans le Gers, en juillet 2015, chez AK AL et son conjoint.

Ces publications évoquent aussi l’anniversaire sur le thème discoparty de H J en France le 19 mars 2016, les vingt ans de mariage des époux X au restaurant parisien Apicius aux cotés leurs deux filles le 26 mars suivant, ou encore l’anniversaire de AM AN le 6juillet 2016 dans la propriété de Marnes-la-Coquette (92), en présence notamment de E et AO AP.

C J souligne à cet égard que dans son interview dans l’hebdomadaire Le Point du 12 avril 2018, J relate cet événement par ces mots “J’avais organisé un anniversaire pour AM AN à la maison”, terme ayant une connotation particulière et qui observe-t-il n’est pas utilisé pour une simple résidence secondaire. Ceci fait écho au post du3 novembre 2012 par lequel P publie une photographie de la maison de Marnes-la-Coquette (92), sous la légende

Home”.

Il cite aussi le film Rock’n Roll de AQ AR sorti en 2017, dans lequel P et H J interprètent leur propre rôle. Ce film est tourné en France, et plus particulièrement dans la propriété de Marnes-la-Coquette (92), où les époux X sont présentés comme chez eux. Il observe qu’alors que le tournage du film s’achève aux États-Unis, il peut être constaté que la séquence dans laquelle le chanteur tourne n’a pas été réalisée dans sa résidence américaine.

Il fait aussi valoir que AS AT, un ami très proche, atteste de la présence de P à Marnes- la-Coquette (92) et des habitudes qu’ils y avaient ensemble. Dans une interview au journal Le Parisien du 27 mars 2018 l’intéressé, qui précise que le chanteur l’appelait “mon frère”, indique que “P vivait à 2 à l’heure. On adorait se poser pour regarder des trucs affreux, les feuilletons du matin ou le téléshopping. Il avait la carte de crédit sur la table, prêt à commander….On voulait faire un resto ensemble, le Station Café, une sorte de Hard Rock Café aux Invalides…”.

Le défendeur à l’incident évoque aussi le dîner qui s’est tenu à Marnes-La-Coquette le 30 novembre 2017 et dont la presse s’est fait l’écho. Ce qui s’est révélé être le “dernier dîner de P J” a réuni ses amis les plus proches et a donné lieu à la projection de leur dernier road trip à moto entre AA AB et La Nouvelle Orléans.

Ce jour-là, ainsi que le rapporte Paris Match, “aucun des protagonistes, sauf les deux guides et le photographe Dimitri Costes, qui vivent aux États-Unis, ne manque à l’appel”.Étaient notamment présents le restaurateur AU AV, “son ami depuis plus de quarante ans”, BU, “le roi des nuits parisiennes”, AS AT, “quasi inséparable de P depuis 1972", la productrice AK AL, “et F, son compagnon, ponte de l’immobilier, très proche du chanteur ces dernières années ». C J observe que les amis les plus proches de son père, parmi lesquels “la bande des sept bikers”, seront d’ailleurs tous présents “autour du cercueil”.

Il note que Paris Match raconte qu'une bouteille à la main, la bande des potes se présente à la porte du bureau. P ne quitte pratiquement plus cet antre, peuplé de souvenirs, de guitares, de disques d’or, où si souvent il les a entraînés”. Est relaté aussi dans l’article que “P avait confié [à C. AV] qu’il venait d’acheter deux nouvelles voitures. Elles dormaient là, dans le

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garage, à Marnes. Il m’a dit [rapporte P. AT] : “Va les voir, elles sont super”.

C J constate par ailleurs que lorsque les époux X ne sont pas en vacances aux Antilles françaises sur l’île de St-Barthélémy, c’est vers des destinations françaises qu’ils choisissent quasi systématiquement de se rendre. En juillet 2013, ils vont ainsi passer du temps à Marseillan (34), puis en Bretagne, comme l’attestent les photographies prises à la plage, avant la participation du chanteur au tournage du film de AU AW, à Megève. En novembre 2014, un post de P indique qu’il se trouve en Bretagne “pour un petit break”. En avril et mai 2016, les époux X se rendent en Polynésie française (Bora Bora, Tetiaora, Tahiti notamment) et en Nouvelle Calédonie. En juillet 2016, après sa tournée, P et H séjournent à Arcachon (33) et dans le sud de la France.

C J souligne également qu’au fil des dernières années, les époux X participent à des événements officiels d’importance, tels que les soirées organisées le 7 juillet 2015 par la Fondation Vogue, le 8 juillet 2015 par le Musée des Arts Décoratifs de Paris ou encore le 14 octobre 2015 à la remise d’une décoration en l’honneur de l’acteur Harvey Keitel, par le Ministère de la Culture. Le chanteur se rend aussi, par exemple, aux obsèques de AX AY le 1er septembre 2017.

Il relève enfin que c’est également en France que H J a choisi de fonder avec la chef étoilée AZ BA l’association La bonne étoile a une activité internationale dans le domaine de l’enfance. a secrétaire de cette association, Madame BB BC, qui vit en France, gère depuis la France l’activité de cette association, Etats-Unis compris. C’est à l’occasion d’une collecte de fonds pour cette association qu’apparaît dans un post Instagram du 9 mai 2016, ce qui est exceptionnel dans la story de P, une célébrité américaine, BD BE, mais à l’occasion cependant d’une collecte de fonds intervenue en France, à l’hôtel parisien Georges V.

En réplique, H J fait valoir que son mari ne venait en France que pour les besoins de sa carrière ou pour les vacances, ce qui, selon la formule utilisée par son conseil dans sa plaidoirie du 29 mars 2019 “n’atteste pas d’un attachement spécialement à la France”.Elle justifie qu’un mandat de vente de l’hôtel particulier de Marnes-la-Coquette (92) au prix de 25 millions d’euros avait été consenti le 29 mai 2013 à l’agence Sotheby’s de la rue Saint Honoré (75) pour une durée de six mois renouvelable un an. Elle relève que les dates de la tournée du chanteur “Rester vivant”, au cours de laquelle plus de 90 concerts étaient programmés, coïncident parfaitement avec ses dates de présence en France métropolitaine. Elle souligne aussi qu’il s’est rendu en Polynésie française ou en Nouvelle Calédonie en mai 2016 parce qu’il devait donner des concerts dans ces lieux à l’occasion de cette tournée.

Elle considère que la popularité d’un artiste dans un pays donné ne saurait en lui-même constituer un critère pour déterminer le lien étroit et stable dudit artiste avec le pays en question. Selon elle, peu importe la reconnaissance dont la personne bénéficie du public dans un pays donné, étant observé que P J était populaire en Belgique, qu’il n’avait pas développé sa carrière en France par choix et, comme il l’a confié dans un interview, qu’il “aurait évidemment bien aimé faire carrière” aux États-Unis.

Elle affirme, par ailleurs, que son mari n’a pas choisi de mourir en France. Son arrivée en mai 2017 correspond selon elle à “l’exécution d’obligations professionnelles, à savoir le démarrage de la tournée de 2017 des Vieilles Canailles”. Elle ajoute qu’il était soigné depuis novembre 2016 pour son cancer à l’hopital Cedars Sinaï à AA AB et a commencé à suivre pendant la tournée en France un nouveau traitement qui semblait lui réussir. Elle allègue qu’il a décidé fin août 2017 de continuer celui-ci pour quelques mois en France directement avec le Pr C BF, qui exerce à Paris et que le chanteur n’est resté en France après les vacances que pour les besoins de ce nouveau traitement. Quelques semaines après, son état de santé s’est rapidement détérioré et il n’était plus en état de voyager, encore moins à l’international. Il a été hospitalisé de multiples fois pour des complications dues à son état de santé, jusqu’à son décès le […], raisons pour lesquelles il n’est pas reparti à AA AB.

Elle en déduit que le chanteur est resté en France pour des raisons indépendantes de sa volonté, étant observé souligne-t-elle qu’il n’avait pas, de son vivant, demandé d’hommage national ou populaire en France s’il venait à mourir. Elle estime qu’en “ rédigeant son testament aux États- Unis et se déclarant dans ce document résidant à AA AB, P J imaginait finir sa vie là- bas”.

D X réplique, s’agissant de la décision de se rendre à Paris à la fin du mois d’août 2017, que, depuis Saint-Barthélémy, la question des distances respectives avec la cote ouest des États- Unis et avec la France metropolitaine n’est pas déterminante et que le choix d’un voyage retour

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vers la maison de Marnes-la-Coquette (92) et non vers celle de Pacific Palisades a du sens.“ On reste dans le pays dont on est proche”, a observé son conseil dans sa plaidoirie du 29 mars 2019.

. La position des parties quant aux éléments pertinents relatifs aux États-Unis

H J souligne qu’il est faux de prétendre que son époux n’aurait eu aucune vie sociale en dehors de la France. Elle produit, ainsi qu’il a déjà été exposé, les écrits de cinq personnes ayant

“constitué au fil des années un cercle d’amis et de connaissance proches” et souligne par exemple, que les époux X sont les parrains des enfants de Madame BG BH.

Elle indique qu’ils aimaient recevoir, que les portes de leur maison de AA AB étaient toujours ouvertes à tous leurs amis et qu’ils se faisaient un plaisir d’héberger leurs invités. Elle justifie, sur la période 2013 à 2017 d’un total de 25 photos, prises à Santa Fe, Palm Springs, Coachella, New York mais aussi, pour 15 d’entre elles, à AA AB. Elle observe que figurent sur ces clichés notamment AK AL, CG CH, B-BI BJ, BK BL, B- AU CQ, B BM, BN BO, BP BQ, AU AV, BR BS, AS AT, BT BU, C BV et AI AJ. Elle produit aussi la facture à Bronrocker Music Inc., d’un montant d’un peu plus de 70.000 dollars, relative à un déplacement en jet privé jusqu’à New York pour fêter son anniversaire le 23 mars 2015 avec presque tous leurs amis.

Elle se réfère également à deux articles de presse qui reproduisent les propos tenus par son mari. Si ces derniers paraissent comprendre un certain nombre d’éléments rapportés par son entourage, le premier, publié en 2015 dans le journal Le Parisien, relate que l’intéressé a dit : “L’Amérique fait partie de ma culture. De plus, ici je suis tranquille : je peux sortir dans la rue, mes filles vont à l’école normalement. C’est un endroit où je peux me ressourcer, penser et écouter de la musique américaine. Et puis je travaille ici : j’y enregistre mes albums”.

Le second a été publié dans le journal Ouest France le 10 mars 2017 et mentionne, là encore entre guillemets, d’une part, “depuis des années, c’est ici que je répète avec mes musiciens, que j’enregistre mes disques, que je prépare mes tournées et mes spectacles. Il était donc logique que j’y passe davantage de temps” et d’autre part, “J’aime la tranquillité de la vie en Californie. Je peux me ressourcer et écouter de la musique, trouver l’inspiration. Et lorsque je me promène, je suis tranquille. Les gens ne s’attardent pas sur moi : des stars, il y en a partout !”.

Elle fait de surcroît valoir que le défunt appréciait tout particulièrement la mentalité et les valeurs américaines, écrivant en 2013 dans son autobiographie “Dans mes yeux “: “Je me suis toujours demandé pourquoi aux États-Unis quand t’as une belle voiture, les mecs sourient et te disent formidable, et en France on te traite de voleur”.

C J souligne en réplique que la preuve du séjour de son père en Californie pour des raisons professionnelles n’est pas rapportée, la présence aux Etats-Unis de trois musiciens dont se prévaut sa belle-mère étant très courte (Stanislas Poupaud du 25 mai au 18 juin 2015, Matthieu Marionneau, du 5 juin au 18 juin 2015 et AS CI CJ, du 9 au 16 juin 2015) et la facture du studio d’enregistrement américain émise le 5 mai 2015 par Bornrocker Music Inc. ne mentionnant aucune période de location.

Il pointe en outre que pour la seule période longue à AA AB de BN BO qui apparaît dans l’historique des billets d’avion (du 28 juillet au 28 septembre 2015), le couple X se trouve alors pour la majeure partie du temps en France selon le tableau de présence établi par H J. Il relève aussi que s’agissant de l’album posthume, la société Warner a indiqué que l’enregistrement des interprétations de P J avait commencé dans un studio californien du 15 au 19 mars 2017, mais s’était poursuivi en France aux studios AQ BW à Suresnes en septembre 2017, seule la session du 13 octobre 2017 ayant été finalement annulée.

Il ne conteste pas que son père avait à l’évidence une fascination pour la musique, les costumes, les motos, les paysages américains. Il rappelle par ailleurs que les adolescents baby-boomers de l’après-guerre étaient presque tous exclusivement attirés par le rock venu des États-Unis. Il fait valoir que le chanteur aimait beaucoup ce pays, comme de nombreux français, mais il considère comme éclairant une interview ancienne, donnée à Libération en 1999 et reproduit dans un livre de 2006 “P J, BX BY, l’Éphéméride” : “L’Amérique n’a jamais été autre chose que celle de mes rêves, celle des westerns. Je n’aime pas les Américains, je n’aime pas leur façon de vivre. J’aime l’Amérique de Norman Rockwell”.

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Il se réfère aussi à l’article nécrologique du Monde du 6 décembre 2017 de B-CR CS intitulé “Pourquoi P J, c’était la France” selon lequel “Bien que l’image [du chanteur] ait été indissolublement liée à une forme d’américanité, il reste incompréhensible en dehors de la culture française, qu’il a fini par incarner”. Il verse également un article du journal La Dépêche du 9 décembre 2017, qui cite tout à la fois Luc Ferry (P “avait réussi le tour de force de parvenir à incarner une identité culturelle singulière, à donner corps à cette abstraction qui se veut universelle, la culture française”) et The Guardian (“qui à l’instar de ses confrères, a eu la tâche ardue d’expliquer aux Anglo-saxons qui était cet homme dont le nom sonnait américain mais qui était relativement inconnu hors de la Francophonie : “Il a débuté comme un demi-belge corrupteur de la jeunesse de France” et terminé en totem national, symbole de la résistance culturelle française”).

Il ajoute que malgré ses séjours à AA AB, son père était peu intégré dans la communauté californienne et que “le nombre des soit-disant amis américains est extrêmement limité : 6 personnes [dont AI AJ et B BM, résidents respectivement à AA AB et New York] sur les centaines de proches, amis, membres de la famille dans l’église de la Madeleine”, l’accès de ces derniers leur ayant été de fait réservé vu l’affluence exceptionnelle.

Il fait valoir que seule Madame G, qui se présente dans son attestation du 9 février 2018 comme l’expert-comptable/conseil des époux X, à qui ils auraient confié une “mission très élargie de gestion et d’administration de tous leurs actifs américains, immobiliers et mobiliers et professionnels tant sur le plan fiscal que patrimonial”, évoque la volonté de l’intéressé d’obtenir la nationalité américaine, alors qu’un tel désir se devait selon lui, s’il était réel, d’être partagé au sein de son cercle d’amis.

Il affirme en outre, pour contredire cette allégation isolée, que le chanteur “était très patriotique”. Il renvoie à cet égard aux posts Instagram en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo (photo du rassemblement place de la République du 11 janvier 2015“Liberté, égalité, fraternité

#NoussommeslaFrance” ; post du 12 janvier 2015 “lhallyday Fière d’être française”), l’attentat du Bataclan (post du 16 novembre 2015 “Vive la France #fluctuatnecmergitur #parisjetaime

#parisdebout”), la coupe du monde de football de 2016 gagnée par la France (posts des 10 juin et 8 juillet 2016) et l’attentat de Nice (post du 15 juillet 2016).

Le conseil de D X a fait observer, enfin, lors de l’audience de plaidoirie du 29 mars 2019, en complément des arguments qui viennent d’être exposés, que parmi les 77 pièces versées par H J “il n’y avait rien sur les revenus, les royalties, les sociétés de Mamie Rock, le contrat Optique 2000, aucun élément sur l’origine du train de vie de P J », et que leur belle-mère reste totalement taisante sur tout ce qui concerne le volet financier, ajoutant que malgré tout, “qui peut avoir le moindre doute sur le centre économique des intérêts de P ?”.

D et C X concluent l’un et l’autre qu’ils ont, en conséquence, la conviction que la maison de AA AB de leur père n’était qu’un pied à terre, un lieu où il pouvait se reposer, se ressourcer et trouver l’inspiration.

. L’ évaluation d’ensemble à l’issue du débat contradictoire

Il peut être constaté, s’agissant des conditions et raisons de la présence de P J en France, que D et C X développent des arguments fondés quant à la stabilité, la permanence et l’importance de la vie sociale et familiale du chanteur en France, étant observé en outre que le centre économique des intérêts du défunt se situait à l’évidence en France.

Le souhait de ne plus avoir comme interlocuteur le fisc français pourrait expliquer certains choix du chanteur, ainsi que le suggère la séquence suisse.

Les véritables intentions de P J ne sont cependant pas simples à saisir, tout à la fois en raison, selon la formule de B-CR CS (pièce n°30-1 de C J)“du marketing culturel et de la construction du personnage” et parce que, selon AS AT (Pièce n°29-3 de H J), il “compartimentait ses vies”. Les conditions subjectives de la présence de l’intéressé en France et hors de France peuvent donc légitimement donner lieu à interprétation différente de la part des parties, chacune exprimant sa part de vérité.

L’existence de tranches de vie en Californie ne doit pas être sous-estimée, ainsi qu’il ressort des publications Instagram produites par C J, même si H J s’abstient de

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s’y référer : déplacement du coté de T Diégo (Del Mar Arena) pour une course de moto, location de vélo à Venice Beach, sorties au restaurant, photos intitulées “Gold’s Gym Venice today”, “shamrock Tattoo”, “#PalmSprings week-end en famille”, “Sunday ride #esasyriders”,

“#Coachella2015 au top de l’inspiration musicale avec mon ami @PatrickBruel”, “Mother’s Day in Venice”, “En cuisine un jour de pluie à #LA”, “Happy place #prouddaddy”, “Daddy’s new car”, “good day in Malibu avec mon ami @guillaumecanet”, “Family #weekend”, “Mes amours retrouvés Airport surprise” (au retour d’un voyage de H J au Viet Nam),

“Desert Trip 2016 Coachella Valley CA”, “#Chuck le magnifique loup Profession : acteur à Hollywood”, “Happy Halloween”, “Première #rulesdonthappy”, “Chrismastree #LosAngeles”,

“week-end en famille”, “Winter Love #Malibu”.

A l’issue du débat contradictoire approfondi mené, un élément déterminant d’une autre nature se distingue, justifiant la localisation prioritaire des intérêts de P J en France et son implantation maintenue malgré les séjours d’une certaine longueur en Californie. Il provient du goût prononcé du chanteur pour la scène, étant observé que l’analyse selon laquelle il ne peut être distingué l’artiste de l’homme doit être considérée, après examen des éléments fournis, comme pertinente.

Les tournées où les concerts s’enchaînaient pendant des mois permettaient à P J de financer son train de vie, mais doivent être considérées surtout comme constituant un mode de vie à part entière, ainsi qu’il l’explique dans une interview de 2015 du journal Le Parisien republiée le 6 décembre 2017 (pièce H J n°6) :

“Q : Vous avez passé votre enfance sur les routes d’Europe. Vous avez dit que la vie normale, sédentaire, ne vous convenait pas. Est-ce encore le cas ? R (…) : J’ai grandi dans une famille de danseurs, BZ J et ma cousine Desta. On partait en tournée au Danemark, en Italie, en Finlande… Je ne pourrais pas vivre au même endroit. Au bout de deux mois, il faut que je bouge. (…) Q : Pourriez vous un jour arrêter la musique ? R : Non, ça me manquerait vraiment. J’aime trop ça. J’aime performer. Créer de nouvelles chansons, de nouveaux spectacles. Comme un entrepreneur. J’adore faire des choses que je n’ai pas encore faites”.

Il peut être observé aussi que dans une conférence de presse du 6 juin 2017 organisée pour la tournée des Vieilles Canailles, le chanteur indique (pièce C J n°19), “après être revenu sans tabou sur son état de santé” : “Je prends à cœur de faire cette tournée, parce que pour moi, c’est bénéfique moralement”.

Or, il est démontré que les tournées du chanteur, qu’il a enchaînées tout au long de sa carrière, et qui ont toujours attiré un public exclusivement francophone et avant tout français, se sont déroulées en quasi totalité en France. Cela a été le cas aussi des tournées des années 2015 et 2016,

Rester Vivant” et de l’année 2017, “Vieilles canailles”.

Considération prise de l’ensemble des éléments soumis au débat, il y a lieu d’estimer que la position développée par D et C J, constitue la juste appréciation de la situation de fait.

Même si le chanteur a manifestement eu recours à des studios d’enregistrement aux États-Unis, les séjours à AA AB de P J avaient, comme l’intéressé l’a au demeurant lui- même dit en interview, pour principale vocation de le faire échapper à la pression médiatique, de lui permettre “d’être tranquille”, “de se ressourcer”, “d’écouter de la musique, trouver l’inspiration”.

Il peut être déduit des pièces fournies que la vie en famille avait pris pour P J certainement beaucoup plus d’importance qu’auparavant, et que celle-ci trouvait à s’épanouir dans la maison plus préservée pour ce faire de Pacific Palisades.

Pour autant, la propriété de Saint-Barthélémy, située dans les Antilles françaises, tient aussi une place à part.

Cela n’a à l’évidence pas, en outre, modifié les fondamentaux de la personnalité et des goûts du chanteur, qui l’ont poussé jusqu’à la fin de sa vie à maintenir avec la France un lien étroit et stable au sens du considérant 23 du Règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012, et ce de façon incontestable et prioritaire.

A aucun moment, P J n’a exprimé le souhait de faire ses adieux à la scène ce qui aurait pu le conduire à vivre alors peut-être de façon quasi permanente en Californie (“finir sa

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vie là-bas”,pour reprendre l’expression de H J dans ses écritures). Il a conservé à l’inverse, jusqu’au bout, un mode de vie tout à la fois itinérant et bohème, mais surtout très français, qui l’amenait de fait à vivre de façon durable et régulière, et donc habituelle, en France.

Selon la formule de CA CB (Pièce n°30-3 de C J), le 30 novembre 2017,

repartir en tournée, en studio, sur la route, en Amérique, n’importe où, mais repartir, c’est tout ce que P demandait. Ce soir là, comme les précédents”.

Il ne peut ainsi être considéré que la vie particulièrement dense d’artiste-interprète de l’intéressé se réduisait à “l’exécution d’obligations professionnelles” de fait cantonnées à la France, faute d’avoir trouvé d’autre débouché, alors qu’il aurait parallèlement par choix fixé le centre permanent et stable de ses intérêts à AA AB.

Il doit en conséquence en être déduit, après évaluation d’ensemble des circonstances de la vie de P J au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, en tenant compte de tous les éléments de fait pertinents tels que décrits plus avant, notamment s’agissant de la durée et de la régularité de la présence du chanteur en France ainsi que les conditions et les raisons de cette présence, que la dernière résidence habituelle du défunt était située à Marnes-La Coquette (92).

Au vu des éléments exposés, il n’y a pas lieu d’estimer que P J aurait vécu, les dernières années de sa vie de façon alternée, dans plusieurs États. Il peut être observé cependant, que si cela avait été le cas, les critères spécifiques énoncés dans le considérant 24 du Règlement

– nationalité et lieu de situation des principaux biens – n’auraient pu non plus avoir pour effet de conduire à retenir à une résidence américaine. Ces critères particuliers évoqués à titre complémentaire confortent donc la résidence habituelle du défunt en France.

III- Rappel relatif au mode alternatif de règlement des litiges

Lors de la conférence président de chambre du 24 mai 2018 tenue en application de l’article 759 du code de procédure civile, il avait été rappelé aux conseils des parties qu’une médiation patrimoniale pouvait être ordonnée. Cette voie n’a pas été explorée à ce stade, en raison de l’option alternative sur le plan procédural retenue par H J et qui a consisté à soulever le présent incident.

Il doit être constaté que la médiation patrimoniale permet d’aider les membres d’une même famille n’ayant pas partagé leurs intérêts patrimoniaux à rétablir une communication afin de trouver des accords tenant compte des attentes et des besoins de chacun. Elle favorise l’apaisement du conflit et permet de rétablir une compréhension et une confiance mutuelle et dès lors, de trouver des solutions concrètes sur le plan patrimonial. Il y est fréquemment fait recours au tribunal de grande instance de Nanterre.

Il apparait prématuré de prononcer une injonction en ce sens, même si l’article 3 du loi du 25 mars 2019, qui a modifié la loi du 8 février 1995, est d’application immédiate. Les parties sont cependant invitées à envisager à nouveau le recours à un mode alternatif de règlement du litige qui les oppose.

IV- L’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

L’incident a été soulevé à l’initiative de H J, en son nom et en qualité de représentante de ses filles mineures, or elle succombe en toutes ses prétentions.

Il doit être constaté que les défendeurs à l’incident ont été en l’espèce contraints d’exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits dans le cadre de la mise en état et de l’audience de plaidoiries du présent incident.

L’équité commande en conséquence de condamner H J à leur verser à chacun la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément à la jurisprudence habituelle en matière d’incidents qui ne mettent pas fin à l’instance, il convient de réserver les dépens.

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PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande d’annulation des assignations délivrées le 13 février 2018 à Madame H X à titre personnel et en qualité de représentante légale de ses filles mineures Z et A X ;

DIT que la Bank of America, es qualité de trustee du JPS Trust, a été valablement et régulièrement assignée et que la démission de ce trustee est sans incidence sur la poursuite de la procédure en cours ;

DIT que la résidence habituelle de B-BT X, au sens de l’article 4 du règlement européen n°650/2012 du 4 juillet 2012, est en France ;

En conséquence, DECLARE le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour statuer sur l’ensemble de la succession de B-BT X ;

CONDAMNE Madame H X à verser à Madame D X la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame H X à verser à Monsieur C X la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

RESERVE les dépens ;

RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état électronique du 11 juillet 2019 à 9 h 30 pour conclusions au fond de Madame H X ;

INVITE les parties à envisager le recours à un mode alternatif de règlement des différends ;

DIT que la présente ordonnance est placée au rang des minutes du greffe qui délivre toutes expéditions nécessaires.

La présente décision a été signée par Madame E BRUN-LALLEMAND, Première Vice- Présidente et par Madame Pauline SUGER, Greffier.

Fait à Nanterre le 28 mai 2019,

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ETAT P.SUGIER B.BRUN-LALLEMAND

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Tribunal de grande instance de Nanterre, 28 mai 2019, n° 19/119