Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 2e section, 21 mars 2013, n° 11/03234

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 5e ch. 2e sect., 21 mars 2013, n° 11/03234
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 11/03234

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

5e chambre 2e section

N° RG :

11/03234

N° MINUTE :

Assignation du :

16 Février 2011(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 21 Mars 2013

DEMANDERESSE

Association NATIONALE DE PREVENTION EN ALCOOLOGIE ET ADDICTIONreprésenté par son Président M. Le Docteur Z A (X)

[…]

[…]

représentée par Me Catherine GIAFFERI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0107

DÉFENDERESSES

S.N.C. B C ASSOCIES

[…]

[…]

représentée par Me Marie-Christine DE PERCIN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E1301

Société MHCS prise en la personne de son représentant légal la société MHCS MANAGEMENT (siège social : […]

[…]

[…]

représentée par Me Xavière CAPORAL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B1206 et Me Pascal GOYARD DE LA SCP WETZEL ET GOYARD, avocat plaidant

S.A.S. […]

[…]

La Défense

[…]

représentée par Me Xavière CAPORAL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B1206 et Me Pascal GOYARD DE LA SCP WETZEL ET GOYARD, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Christine-Marie COSTE-FLORET, Vice Président

D E, Vice président

F G, Juge

assistée de L M, greffière

DEBATS

A l’audience du 14 Février 2013

tenue en audience publique Après clôture des débats, avis a été donné aux Avocats que le jugement serait rendu le 21 Mars 2013.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Contradictoire

en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

L’ASSOCIATION NATIONALE DE PRÉVENTION EN ALCOOLOGIE ET ADDICTOLOGIE fondée en 1872 a été reconnue d’utilité publique depuis 1880 et a pour mission de promouvoir et de contribuer à une politique globale de prévention des risques et des conséquences de l’alcoolisation et des pratiques addictives.

La société MHCS, filiale de la société Moët Hennessy, regroupe cinq Maisons de Champagne dont la Maison Moët & Y et met en place régulièrement pour ces différentes maisons des campagnes promotionnelles.

La société MHD distribue les Champagnes de MHCS, dont Moët & Y, en France.

La société B C Associés édite le magazine PARIS MATCH n°3218 du 20 janvier 2011 dans lequel ont été publiés deux articles dont l’ASSOCIATION NATIONALE DE PRÉVENTION EN ALCOOLOGIE ET ADDICTOLOGIE (X) estime qu’ils constituent des publicités illicites en faveur du champagne MOET ET Y.

En premier lieu l’X met en cause un article publié dans la rubrique« Les gens de MATCH » en page 30 du numéro de PARIS MATCH litigieux sous le titre «Scarlett Johansson et Rumer Willis : Le glamour tout en courbes » comportant notamment un cliché représentant l’actrice Scarlett Johansson tenant une bouteille de Champagne Moet et Y et un cliché représentant l’actrice juchée sur une échelle posée devant des pyramides de verres de Baccarat tenant une bouteille de Champagne Moët et Y.

Est également critiqué un article portant sur la soirée des Golden Globes intitulé « pas de cinoche quand les plus grands acteurs du monde font la fête ensemble» comportant un cliché représentant l’acteur Colin Firth et l’actrice Helena Bonham Carter, sur lequel le premier sert un verre de champagne Moët et Y et un cliché représentant Matt Damon remplissant un verre de champagne Moët et Y.

Par ailleurs plusieurs sites internet se sont fait l’écho de cette nouvelle campagne publicitaire en publiant des visuels assortis de légendes mentionnant le champagne Moët et Y.

***

Par acte d’huissier en date du 16 février 2011, l’X a fait assigner la société B C ASSOCIES, la société MHCS et la société MOËT HENNESSY DIAGEO (MHD) devant le tribunal de grande instance de Paris.

***

Dans ses dernières conclusions du 29 février 2012, au visa des articles L 3323-2, L 3323-3, L 3323-4, L 3323-6, L 3323-51-7,

L 3355-1 du Code de la Santé Publique,1382, 1383 et suivants du Code Civil, 515 et suivants du Code de Procédure Civile, l’X demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

— constater le caractère illicite au regard des articles L3323-4 et suivants du Code de la Santé Publique, des publicités en faveur du Champagne MOET &Y, constitués par six visuels avec l’actrice Scarlett Johansson et des articles publicitaires Parus dans le numéro de PARIS MATCH du 20 au 26 janvier 2011 en pages 30, 100 et 101, et parus le 25 janvier 2011 sur les sites en ligne Www.peopleinside.fr,www.strassblog.fr, www.melty.fr, www.Leparisien.fr www. Purepeople.com,www.staragora.com,

— faire interdiction aux sociétés B C ASSOCIES, MHCS, MHD, de diffuser sur tout support, les six visuels précités ainsi que tout article présentant les visuels litigieux, sous astreinte de 20 000 euros par jour et par infraction constatée,

— condamner solidairement les sociétés B C ASSOCIES, MHCS, MHD, au paiement d’une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour publicité illicite,

à titre subsidiaire si le Tribunal considérait que les conditions de la solidarité ne sont pas réunies,

— condamner la société B C ASSOCIES au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au profit de l’X,

— condamner la société MHD et la société MHCS à verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au profit de l’X,

— condamner solidairement les sociétés B C ASSOCIES, MHCS, MHD au paiement de la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Aux motifs que :

✔ les articles rédactionnels peuvent constituer de la publicité Indirecte ou directe en faveur des boissons Alcooliques et sont soumis aux dispositions de l’article l 3323-4 du code de la santé publique,

✔ La publicité en faveur des boissons alcooliques doit exclusivement contenir les mentions définies à l’article L 3323-4 du Code de la Santé Publique et être assortie d’un message à caractère sanitaire, à défaut elle est illicite,

✔ le caractère illicite des publicités indirectes parues dans la revue PARIS MATCH résulte de l’absence de mention sanitaire ( l’abus d’alcool est dangereux pour la santé) et de l’image valorisante donnée à la boisson MOET ET Y par l’association à des stars de cinéma,

✔ les mentions « l’actrice pétille pour Moet et Y, des images à dévorer des yeux mais des bulles à consommer avec modération », « Champagne, jolies robes et stars, c’est ainsi que s’entend une soirée des Golden Globes digne de ce nom. ..Elle est l’une des plus folles nuits que connaît Los Angeles au début de l’année… » présentent un caractère festif et incitatif,

✔ la société B C ASSOCIES aurait dû flouter le nom du champagne sur les bouteilles et de ne pas le mentionner dans son titre,

✔ la SOCIÉTÉ B C ASSOCIES ne donne aucune explication sur la reproduction des visuels de la campagne publicitaire MOET ET Y et la société MHD a donné son accord pour leur diffusion ou ne s’est pas opposée à leur diffusion,

✔ le photographe et la société MOET ET Y sont les seuls titulaires des droits attachés à ces tirages photographiques qui sont protégés par les articles L 112-2 9 et L 122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, or la société MOET ET Y n’a engagé aucune poursuite à l’encontre des médias qui ont diffusé les visuels litigieux, démontrant par la même qu’elle se considère comme exclusivement responsable de leur publication,

✔ la société MHCS a pris des risques en créant sur le territoire français une campagne publicitaire prétendument destinée à l’étranger, et en remettant un dossier de I sur cette campagne à des journaux français,

✔ Les accusés de réception des mises en demeure prétendument envoyées par MOET ET Y à Paris Match, H I, J K afin de contester les publi- rédactionnels, ne sont pas datés et rien ne démontre qu’ils n’ont pas été adressés postérieurement à l’assignation délivrée le 16 février 2011,

✔ il suffit d’aller sur le site www.moet.com et d’indiquer que l’on est de nationalité autre que française et l’accès aux publicités et aux visuels litigieux est immédiat, il est donc inexact de prétendre que les visuels litigieux sont inaccessibles aux internautes français, puisqu’ils sont accessibles sur le territoire français,

✔ en diffusant sur des supports lus par des centaines de milliers de consommateurs, des publicités qui incitent à la consommation d’alcool, la société B C et les sociétés MHCS ET MHD vont à l’encontre des efforts de prévention faits par l’X et lui ont nécessairement causé un préjudice.

***

Dans ses dernières conclusions du 23 mai 2012, au visa des articles L3323-2, L3323-3 et L3323-4 du Code de la santé publique, la société B C ASSOCIES demande au tribunal de :

à titre principal,

— dire et juger que les visuels publiés dans le PARIS MATCH n°3218 en date du 20 au 26 janvier 2011 ne constituent pas une publicité directe ou indirecte en faveur de la marque de champagne Moët & Y.

— En conséquence, débouter la demanderesse de l’ensemble de ses conclusions, fins et prétentions,

à titre subsidiaire,

— dire et juger que si les visuels incriminés sont constitutifs de publicité directe ou indirecte, celle-ci est licite au regard des dispositions des articles L3323-2, L3323-3 et L3323-4 du Code de la santé publique,

— en conséquence, débouter la demanderesse de l’ensemble de ses conclusions, fins et prétentions,

à titre infiniment subsidiaire,

— dire et juger que la publication des visuels incriminés n’a causé aucun préjudice,

— en conséquence, débouter la demanderesse de l’ensemble de ses conclusions, fins et prétentions,

— dire et juger que les différentes causes en présence doivent faire l’objet d’actions distinctes, les préjudices causés ne pouvant être reconnus comme étant équivalents,

en tout état de cause,

— condamner la demanderesse à verser à la défenderesse la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Aux motifs que :

✔ les clichés incriminés s’inscrivent dans un contexte éditorial consacré à l’actualité de stars américaines, qui ne peut s’assimiler à de la publicité pour le champagne Moët & Y,

✔ le champagne est présenté soit comme étant l’objet même de l’activité de Scarlett Johansson, soit comme étant une des boissons servies à la table des célèbres convives,

✔ la légende accompagnant les clichés de Scarlett Johansson ne saurait être interprétée en une valorisation du champagne ou en une incitation à consommer une boisson alcoolique, l’emploi du verbe « pétiller » se borne à traduire la simple idée de légèreté qui caractérise la composition du produit et accompagne traditionnellement son image, s’appliquant objectivement aux qualités gustatives du produit, et la légende comprend très ostensiblement la mention :« A consommer avec modération »,

***

Dans leurs dernières conclusions du 4 avril 2012, au visa des articles 1382 du Code civil, L. 3324-4 et suivants du Code de la santé publique et L122-5 du Code de la propriété intellectuelle, la société MHCS et la société MOËT HENNESSY DIAGEO (MHD) demandent au tribunal de :

— constater que se bornant à distribuer les produits de MHCS en France, la société MHD n’a pas

participé à la mise en place et la diffusion de la campagne contestée,

— en conséquence, débouter l’X de toute demande à son encontre,

— si, par extraordinaire le Tribunal condamnait les défenderesses, dire et juger que la société B C devra les garantir de l’ensemble des condamnations en question,

— condamner l’X à verser aux défenderesses la somme de

15 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

Aux motifs que :

✔ MHD ne fait que distribuer en France les produits de Moët & Y et n’a d’implication dans la promotion des produits de MHCS que pour la France, elle ne participe pas aux campagnes promotionnelles visant l’étranger ce qui est le cas de la campagne incriminée, elle doit donc être mise hors de cause,

✔ si la campagne Scarlett Johansson constitue une oeuvre de l’esprit dont les droits sont la propriété de MHCS, les défenderesses ne peuvent s’opposer, en vertu des dispositions de l’article 122-5 du Code de la propriété intellectuelle, à la publication d’une courte citation dans un but notamment éditorial,

✔ la loi Evin est une loi d’ordre public français, et elle ne couvre donc que le territoire français et n’a pas vocation à s’appliquer à l’étranger, or, la campagne visée dans le cadre de la présente assignation, désignée ci-après campagne Scarlett Johansson, était une campagne internationale qui excluait expressément la France et MHCS avait strictement limité, dans sa liste de diffusion, les destinataires de la campagne Scarlett Johansson en excluant tout les organismes de I français et américains,

✔ le site internet www.moet.com est un site international comportant des pages spécifiques suivant le pays de résidence des internautes, et l’internaute français est dirigé vers une page dédiée au public français, où les messages et visuels sont parfaitement conformes aux dispositions du Code de la santé publique, le message sanitaire d’avertissement étant répété sur chaque page,

✔ à moins de recourir à des outils informatiques intrusifs vérifiant sur l’ordinateur même de l’internaute que celui-ci est en France, ce que n’a ni vocation ni autorisation de faire MHCS, il est impossible d’empêcher un internaute de se faire passer pour ce qu’il n’est pas, ce mensonge ne pouvant être imputable à MHCS,

✔ sur les visuels du site internet incluant l’actrice Scarlett Johansson se trouve la mention : « Reproduction not allowed in France and in the United States of America » qui se traduit par « Reproduction non autorisée en France et aux Etats-Unis d’Amérique »,

MHCS, comme pour son site internet dédié, a créé une promotion spécifique pour la France respectant la réglementation,

✔ Les publications des visuels dans Paris Match, sur les sites www.strassblog.fr, www.melty.fr, www.leparisien.fr, www.purepeople.fr ou www.saratoga.fr, listées par la demanderesse dans son assignation n’ont pas été réalisées par MHCS ni avec son consentement contrairement à ce qu’affirme sans preuve la demanderesse dans ses écritures,

✔ elle a averti les médias qui ont malgré tout utilisé les visuels par des courriers datés du 1er février 2011,

✔ L’X ne peut exiger à l’encontre des défenderesses les mesures d’interdiction qu’elle requiert, puisque les défenderesses ne disposent d’aucun pouvoir de coercition sur des sites ou médias qu’elles ne contrôlent pas.

***

Conformément aux articles 455 et 753 du Code de Procédure Civile il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2012.

MOTIFS

Sur l’existence de publicités illicites

Les articles L3323-2 et suivants du code de la santé publique visent la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques. L’esprit de ces dispositions est de restreindre toute communication visant à promouvoir les boissons alcoolisées.

L’article L3323-4 du code de la santé publique dispose que :

La publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit.

Cette publicité peut comporter des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine telles que définies à l’article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.

Le conditionnement ne peut être reproduit que s’il est conforme aux dispositions précédentes.

Toute publicité en faveur de boissons alcooliques, à l’exception des circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre professionnel ou faisant l’objet d’envois nominatifs ainsi que les affichettes, tarifs, menus ou objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, doit être assortie d’un message de caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.”

Les articles parus dans le numéro litigieux de la revue Paris Match constituent des publicités pour le champagne MOET ET Y. La loi n’exclut en effet pas les articles rédactionnels de la définition des publicités, et n’exige pas que celles-ci aient un caractère onéreux pour la marque qui en est l’objet.

Il suffit que l’article mette en valeur une boisson alcoolisée en dépassant le cadre autorisé par l’article pré-cité, notamment en associant l’alcool à un contexte festif ou à des personnalités valorisantes pour que l’infraction aux dispositions légales soit constituée.

Or, les photographies publiées en page 30, mettant en scène une jeune actrice célèbre et souriante avec une bouteille de champagne, associées à un commentaire flatteur dépasse clairement les mentions autorisées. La mention “des bulles à consommer avec modération”, outre qu’elle est incomplète puisqu’elle ne précise pas le caractère dangereux de l’alcool, ne peut dispenser du respect des autres dispositions de l’article L3323-4.

Le même reproche est encouru par le reportage figurant en pages 100 et 101 du magazine, le champagne y étant la aussi représenté de manière visible et identifiable dans un contexte valorisant et festif. Non seulement aucun message de prévention ne figure dans le texte, mais en outre l’attention est attiré vers la boisson alcoolique dès la première phrase.

Les publications de photographies, commentées ou non, sur des sites internet, sont également illicites pour les mêmes motifs.

Sur la responsabilité de la société B C

La responsabilité de la société B C ASSOCIES est engagée par la publication de ces photographies et commentaires, la violation de ces dispositions légales constituant une faute quasi-délictuelle.

Sur la responsabilité des sociétés MHCS et MHD

En revanche, l’X échoue à démontrer la responsabilité des sociétés MHCS et MHD, le profit qu’elles retirent des publications litigieuses ne pouvant suffire à prouver qu’elles sont, l’une ou l’autre, à l’origine de la publication des visuels illicites.

La circonstance que les visuels, notamment ceux sur lesquels figure l’actrice Scarlett Johansson, fassent partie d’une campagne publicitaire réalisée au profit du champagne MOET ET Y, ne permet pas de considérer que la société MHCS soit à l’origine de leur diffusion en France ou l’ait autorisé, dès lors qu’en outre le dossier de I rappelait de manière claire et visible l’interdiction de publier ces photographies en France.

L’X ne peut considérer que le producteur ou le distributeur de boisson alcoolique soit tenu d’empêcher toute publication de visuels interdits en France, ces derniers n’étant pas en mesure de contrôler le contenu de supports de I et conservant le droit de promouvoir leurs produits dans les pays à la législation plus souple.

Le fait qu’il soit possible d’accéder aux visuels incriminés en navigant sur le site internet international de la marque en mentant sur sa nationalité n’est pas de nature à constituer une infraction, puisque l’acte de promotion implique de tenter d’atteindre un public et non de tenter de le détourner des supports illicites.

La responsabilité des sociétés MHCS et MHD n’est donc pas engagée.

Sur les demandes de l’X

Compte tenu du caractère illicite des visuels litigieux, il sera fait droit à l’égard de la société B C à la demande d’interdiction de publier les clichés parus dans PARIS MATCH sous astreinte de 10 000 € par infraction constatée, étant précisé que cette interdiction est limitée au territoire français.

La publication de textes ou visuels promouvant la consommation de boisson alcooliques contrecarre les efforts d’information et de prévention déployés par l’X, dont l’action civile est en outre autorisée par l’article L 3355-1 du code de la santé publique, et entraîne nécessairement pour une telle association un préjudice non seulement moral, mais également matériel puisque les efforts financiers qu’elle consent pour accomplir sa mission se trouvent en, partie privés d’effet par de telles publications.

Ce préjudice sera réparé par l’octroi d’une indemnité de 30 000 € à la charge de la société B C ASSOCIES.

Sur les autres demandes

La société B C ASSOCIES, qui succombe, devra supporter la charge des dépens conformément à l’article 696 du Code de Procédure Civile.

Les conditions d’application de l’article 700 du Code de Procédure Civile sont réunies en l’espèce, au profit de l’X, et à la charge de la société B C ASSOCIES à hauteur de 2 500 €.

L’équité ne commande pas en revanche de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des société MHCS et MHD.

L’exécution provisoire n’est pas incompatible avec la nature du litige, elle est nécessaire et doit être ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort;

Dit que les visuels et commentaires comportant des référence au champagne MOET ET Y parus en page 30, 100 et 101 du magazine PARIS MATCH, ainsi que ceux parus sur plusieurs sites internet non mis en cause constituent des publicités illicites aux regard des disposition du code de la santé publique ;

Fait interdiction à la société B C ASSOCIES de publier en France les clichés litigieux sous astreinte de 10 000 € par infraction constatée ;

Condamne la société B C ASSOCIES à payer à L’ASSOCIATION NATIONALE DE PRÉVENTION EN ALCOOLOGIE ET ADDICTOLOGIE la somme de 30 000 € en réparation du préjudice subi ;

Déboute L’ASSOCIATION NATIONALE DE PRÉVENTION EN ALCOOLOGIE ET ADDICTOLOGIE de ses demandes à l’égard de la société MHCS et la société MOËT HENNESSY DIAGEO ;

Condamne la société B C ASSOCIES à payer à L’ASSOCIATION NATIONALE DE PRÉVENTION EN ALCOOLOGIE ET ADDICTOLOGIE la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société B C ASSOCIES aux dépens, autorisation étant donnée aux avocats qui en ont fait la demande de recouvrer les dépens conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 21 Mars 2013

Le Greffier Le Président

L M Christine-Marie COSTE FLORET

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