Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 12 juillet 2013, n° 13/05544

  • Lien entre la marque renommée et le signe litigieux·
  • Exploitation sous une forme modifiée·
  • Application de la loi dans le temps·
  • Circuits de distribution différents·
  • Similarité des produits ou services·
  • Altération du caractère distinctif·
  • Participation aux actes incriminés·
  • Présence d'un salarié du demandeur·
  • Identité des produits ou services·
  • Atteinte à la marque de renommée

Résumé de la juridiction

Si les termes du procès-verbal décrivant les produits achetés n’excèdent pas la mission de constatation objective dévolue à l’huissier, en revanche, en reproduisant dans son constat des photographies prises illicitement par une préposée de la société demanderesse dans le magasin qui est un lieu privé, sans autorisation des responsables légaux dudit lieu et sans autorisation judiciaire lui permettant d’y pénétrer, ledit huissier a outrepassé les pouvoirs qui lui ont été conférés par l’ordonnance du 2 novembre 1945. L’adjectif prodigieux est un terme laudatif et à ce titre susceptible d’être utilisé en matière publicitaire pour vanter les mérites d’un produit. Cela ne signifie pas qu’il soit insusceptible de constituer un signe distinctif. À la date du dépôt de la marque PRODIGIEUSE, cet adjectif n’était pas la désignation nécessaire et générique des produits visés (en particulier cosmétiques, huiles essentielles et lotions pour les cheveux). Il ne désignait pas davantage une qualité essentielle ou la composition desdits produits. De plus, le choix d’utiliser cet adjectif au féminin confère au signe un caractère arbitraire. L’exploitation des dénominations Huile Prodigieuse ® et Crème Prodigieuse ® prouve l’usage sérieux de la marque PRODIGIEUSE pour les huiles essentielles, cosmétiques et lotions pour les cheveux. La déchéance doit en revanche être prononcée pour les autres produits. S’agissant plus particulièrement des produits de parfumerie, il est justifié de la commercialisation d¿un parfum sous la dénomination Prodigieux ®, le parfum mais cette utilisation de l’adjectif au masculin ne constitue pas un usage de la marque PRODIGIEUSE dont la distinctivité est principalement liée au féminin et l’exploitation d’une marque voisine ne vaut exploitation de celle-ci que lorsqu’elle n’en diffère que par des éléments n’en altérant pas le caractère distinctif. La marque PRODIGIEUSE lorsqu’elle est apposée sur le produit Huile Prodigieuse ®, commercialisé depuis plus de vingt ans en pharmacies et parapharmacies, jouit d’une renommée certaine auprès du public pour les produits cosmétiques. Ce caractère de renommée est pris en considération dans l¿appréciation du risque de confusion résultant de l’imitation de la marque par le signe Prodig’huile utilisé pour commercialiser des cosmétiques capillaires. En dépit de la similarité des produits et de cette notoriété, les différences entre les signes excluent tout risque de confusion. Notamment, sur le plan intellectuel, le signe litigieux évoque certes "le prodige" tout comme l’adjectif constitutif de la marque, mais également l’huile, notion qui ne ressort pas du signe déposé. Le fait que la marque soit connue pour la commercialisation d’une huile cosmétique n’est pas de nature à modifier le signe déposé qui n¿évoque en rien l’huile En commercialisant des produits cosmétiques capillaires sous la dénomination Prodig’huile, il a été porté atteinte à la marque renommée, au regard de la notoriété acquise par celle-ci pour la désignation des huiles cosmétiques multifonctions. La commercialisation constitue une exploitation injustifiée de la marque et est de nature à porter préjudice à la demanderesse. Il existe en outre un risque sérieux de modification du comportement économique de la consommatrice de cosmétiques, qui compte tenu du lien entre les deux signes se détournera de l’Huile Prodigieuse pour acheter les produits litigieux, dans lesquels elle pensera retrouver les qualités associées au produit du demandeur pour un prix largement inférieur.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 12 juill. 2013, n° 13/05544
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 13/05544
Publication : PIBD 2013, 992, IIIM-1480
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : PRODIGIEUSE ; PRODIG'HUILE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1655863 ; 11771623
Classification internationale des marques : CL03
Liste des produits ou services désignés : Cosmétiques / shampoing ; crème démêlante ; huile de soins
Référence INPI : M20130422
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Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 12 Juillet 2013

3e chambre 3e section N° RG : 13/05544

DEMANDERESSE Société LABORATOIRE NUXE représentée par son Président, Madame Aliza J. […] 75015 PARIS représentée par Me Ludivine PONS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0585 et Me Géraldine M, avocat au Barreau de LYON de la SELAS FIDAL (Toque 708)

DÉFENDERESSES Société LASCAD, […] 93400 SAINT OUEN représentée par Maître Charles DE HAAS de l’Association JACOBACCI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0260

Société DESSANGE INTERNATIONAL, […] 75008 PARIS représentée par Maître Stéphanie LEGRAND de la SEP CABINET LEGRAND LESAGE CATEL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1104

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie S , Vice-Président, signataire de la décision Mélanie BESSAUD, Juge Nelly CHRETIENNOT, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, lors des débats et de Jeanine R, Greffier,lors du prononcé signataire de la décision

DEBATS A l’audience du 04 Juin 2013 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société LABORATOIRE NUXE, immatriculée au RCS de Paris le 23 décembre 1964, a pour activité la fabrication et la commercialisation en France et dans le monde de produits cosmétiques et de soins à base de plantes.

Elle est titulaire de la marque NUXE sous laquelle elle commercialise des produits cosmétiques en pharmacies et parapharmacies.

Elle a développé en 1991 une huile sèche multi-fonctions « visage, corps, cheveux » dénommée « Huile Prodigieuse », qui a fait l’objet d’un lancement commercial en 1992, et qui constitue selon elle son produit phare aussi bien en termes de volume que de chiffre d’affaires.

Elle expose commercialiser également une gamme de crèmes de soins pour le visage et un produit de maquillage sous la dénomination « prodigieuse ».

La société LABORATOIRE NUXE est titulaire d’un portefeuille de 93 marques portant sur la dénomination « prodigieuse », et notamment de la marque verbale française « PRODIGIEUSE » déposée le 16 avril 1991 et enregistrée à la même date sous le n° 1 655 863, régulièrement renouvelée, pour désign er les produits suivants de la classe 3 « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir et dégraisser et abraser; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices ».

La société LASCAD, filiale du groupe L’OREAL, indique être le leader dans le domaine de l’hygiène et de la beauté en grande et moyenne distribution.

Elle distribue notamment des produits capillaires sous la marque DESSANGE COMPETENCE PROFESSIONNELLE, dont est titulaire la société DESSANGE INTERNATIONAL, en vertu d’un contrat de licence exclusive conclu entre la société L’OREAL et la société DESSANGE INTERNATIONAL.

La société LASCAD a lancé en grande et moyenne distribution dans le courant du mois d’octobre 2012 une gamme de produits capillaires composée d’un shampoing, d’une crème démêlante, d’un masque fortifiant et d’une huile commercialisée sous la dénomination PRODIG’HUILE et sous la marque DESSANGE COMPETENCE PROFESSIONNELLE.

La dénomination PRODIG’HUILE a fait l’objet d’une demande d’enregistrement de marque communautaire déposée le 26 avril 2013 auprès de l’OHMI au nom de la société L’OREAL sous le n° 011771623 pour désigner les produits capillai res en classe 3 de la classification internationale des produits et services.

Dûment autorisée par ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Paris du 14 mars 2013, la société LABORATOIRE NUXE a procédé à des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société LASCAD qui se sont déroulées le 19 mars 2013.

Dûment autorisée par ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Paris du 10 avril 2013, la société LABORATOIRE NUXE a assigné à jour fixe les sociétés LASCAD et DESSANGE INTERNATIONAL par actes du 12 avril 2013.

L’affaire a été appelée à l’audience du 4 juin 2013.

Aux termes de ses écritures récapitulatives visées et développées à l’audience du 4 juin 2013, la société LABORATOIRE NUXE demande au tribunal de :

Vu la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 sur les ma rques de fabrique, de commerce ou de service, Vu les articles L 711-2, 713-3, L 713-5, L 714-5, L 716-1 et L 716-15 du code de la propriété intellectuelle, Vu les articles 2, 1134, 1165, 1382 et suivants du code civil, Vu l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relat ive au statut des huissiers,

A titre principal,

— DIRE ET JUGER que le procès-verbal de constat dressé par Maître L en date du 11 mars 2013 est valable ;

— DIRE ET JUGER que la marque PRODIGIEUSE n° 1 655 7 83 présente un caractère distinctif ;

— DIRE ET JUGER que la société LABORATOIRE NUXE justifie d’un usage sérieux de la marque n° 1 655 783 ;

— DIRE ET JUGER que l’usage de la dénomination PRODIG’HUILE pour désigner des produits capillaires constitue la contrefaçon par imitation de la marque PRODIGIEUSE n° 1655863 ;

— DIRE ET JUGER qu’en procédant à la fabrication, l’offre à la vente, la promotion, la commercialisation de produits capillaires composés d’huiles précieuses dans une présentation d’ensemble quasi-identique à l’huile PRODIGIEUSE de la société LABORATOIRE NUXE, la société LASCAD et la société DESSANGE INTERNATIONAL ont commis des agissements fautifs constitutifs de concurrence parasitaire ;

A titre subsidiaire,

— DIRE ET JUGER que la marque PRODIGIEUSE n° 1 655 8 63 a acquis un caractère distinctif par l’usage ;

— DIRE ET JUGER que la marque PRODIGIEUSE n° 1655863 constitue une marque de renommée ;

— DIRE ET JUGER que l’usage de la dénomination PRODIG’HUILE porte préjudice à la société LABORATOIRE NUXE en ce qu’elle porte atteinte au caractère distinctif et à la renommée de la marque PRODIGIEUSE n° 1655863 ;

— DIRE ET JUGER que l’usage de la dénomination PRODIG’HUILE constitue une exploitation injustifiée de la marque PRODIGIEUSE n° 1655863.

En tout état de cause,

— DEBOUTER les sociétés LASCAD et DESSANGE INTERNATIONAL de toutes leurs demandes ;

— FAIRE INTERDICTION, sous astreinte de 2000 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir, à la société LASCAD et à la société DESSANGE INTERNATIONAL de faire un quelconque usage de la dénomination PRODIG’HUILE;

— FAIRE INTERDICTION, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir, à la société LASCAD et à la société DESSANGE INTERNATIONAL de fabriquer, promouvoir, offrir à la vente et commercialiser des produits capillaires composés d’huiles précieuses dans une présentation d’ensemble quasi-identique à l’huile PRODIGIEUSE de la société LABORATOIRE NUXE ;

— ORDONNER, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir, le rappel des circuits commerciaux et la destruction de tous les exemplaires des produits capillaires PRODIG’HUILE aux frais exclusifs des sociétés LASCAD et DESSANGE INTERNATIONAL ;

— CONDAMNER in solidum la société LASCAD et la société DESSANGE INTERNATIONAL à verser à la société LABORATOIRE NUXE la somme de 5 000 000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice toutes causes de préjudice confondues ;

— NOMMER un expert avec pour mission notamment de se faire remettre tous documents commerciaux et comptables nécessaires afin de déterminer notamment le chiffre d’affaires réalisé par la société LASCAD et par la société DESSANGE INTERNATIONAL résultant de la commercialisation des produits capillaires de la gamme PRODIG’HUILE, ainsi que le nombre de produits fabriqués, commandés et commercialisés, en prendre copie et fournir tous éléments au tribunal concernant le montant global des dommages et intérêts correspondant à l’entier préjudice de la société LABORATOIRE NUXE du fait de la commercialisation de ces produits ;

— DIRE ET JUGER que la mission de l’expert portera sur tous les faits de commercialisation des produits capillaires de la gamme PRODIG’HUILE commis jusqu’à l’expiration de la mission de l’expert ;

— DIRE ET JUGER que l’expert devra remettre son rapport dans un délai de trois mois à compter de sa nomination et fixer à telle somme qu’il plaira au tribunal le montant de la consignation à valoir sur le montant de ses honoraires ;

— DIRE ET JUGER que le tribunal sera compétent pour connaître de la liquidation de l’astreinte ainsi ordonnée conformément à l’article L 131-3 du code des procédures civiles d’exécution ;

— ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans cinq revues, magazines ou journaux au choix de la société LABORATOIRE NUXE et aux frais des sociétés LASCAD et DESSANGE INTERNATIONAL, sans que les frais de chaque publication n’excèdent la somme de 7000 euros hors taxes ;

— ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

— CONDAMNER in solidum la société LASCAD et la société DESSANGE INTERNATIONAL à verser à la société LABORATOIRE NUXE la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— CONDAMNER in solidum la société LASCAD et la société DESSANGE INTERNATIONAL aux entiers dépens, en ce compris les frais de procès-verbal de constat du 11 mars 2013 dressé par Maître Guillaume L et de procès-verbal de saisie-contrefaçon du 19 mars 2013 dressé par Maître Delphine C, dont distraction au profit de Maître Ludivine PONS en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses écritures visées et développées à l’audience du 4 juin 2013, la société LASCAD demande au tribunal de :


- PRONONCER la nullité du procès-verbal de constat du 11 mars 2013;

— PRONONCER la nullité de l’enregistrement de la marque française PRODIGIEUSE N°1655863 pour l’ensemble des produits visés en classe 3 ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, au cas où la nullité ne serait pas prononcée:

— PRONONCER la déchéance de la marque PRODIGIEUSE N°1655863 pour l’ensemble des produits visés en cla sse 3 ce, à compter du 31 mai 2008 ou de toute autre date qu’il plaira au tribunal de fixer ;

— REQUERIR le greffier afin d’inscrire ledit jugement au Registre national des marques, et à défaut INTERNATIONAL de toutes leurs demandes ; autoriser la société LASCAD à faire procéder à ladite inscription ;

EN TOUTE HYPOTHESE :

— METTRE HORS DE CAUSE la société DESSANGE INTERNATIONAL ;

— DIRE ET JUGER la société LABORATOIRE NUXE irrecevable ou, à tout le moins mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, l’en débouter ;

— CONDAMNER la société LABORATOIRE NUXE à payer à la société LASCAD la somme de 65.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— CONDAMNER la société LABORATOIRE NUXE aux entiers dépens, sans distraction.

Aux termes de ses écritures visées et développées à l’audience du 4 juin 2013, la société DESSANGE INTERNATIONAL demande au tribunal de :

A titre principal :

— Déclarer la société DESSANGE INTERNATIONAL hors de cause dans l’actuel litige, faute de preuve que les faits reprochés lui seraient personnellement imputables ;

— En conséquence, débouter la société LABORATOIRE NUXE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société DESSANGE INTERNATIONAL ;

Subsidiairement :

— Déclarer nul le procès-verbal de constat du 11 mars 2013 ; l’écarter des débats comme dépourvu de toute valeur probante ;

— Déclarer nul l’enregistrement de la marque verbale PRODIGIEUSE n° 1 655 863 déposée le 16 avril 1991, pour désigne r en classe 3 les « huiles essentielles, cosmétiques et lotions pour les cheveux » ;

— Dire que la présente décision, une fois définitive, sera transmise, par les soins du greffier saisi à la requête de la partie la plus diligente, à Monsieur l général de l’Institut National de la Propriété Industrielle pour inscription au Registre national des marques ;

— Déclarer la société LABORATOIRE NUXE mal fondée en ses demandes du chef de contrefaçon, d’atteinte à la marque de renommée et de concurrence parasitaire à l’encontre de la société DESSANGE INTERNATIONAL ;

— Débouter en conséquence la société LABORATOIRE NUXE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— Condamner la société LABORATOIRE NUXE à payer à la société DESSANGE INTERNATIONAL la somme de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, sans distraction.

MOTIFS

Sur la demande de mise hors de cause de la société DESSANGE INTERNATIONAL

La société DESSANGE INTERNATIONAL sollicite sa mise hors de cause, au motif que la société NUXE ne démontre pas que les faits qu’elle incrimine lui sont personnellement imputables, les produits PRODIG’HUILE ayant été conçus, fabriqués et commercialisés par la seule société LASCAD, qui en a assuré seule la promotion, ainsi que cela ressort du contrat de licence de marque conclu avec la société L’OREAL dont la société LASCAD est une filiale.

Elle précise qu’aucun fait d’usage de la marque ne peut lui être reproché, l’existence d’un tel acte devant être appréciée in concreto et non au regard des dispositions de contrat de licence, la société LASCAD ayant confirmé avoir pris seule toutes les décisions marketing relatives aux produits PRODIG’HUILE et accompli seule tous les actes de commercialisation.

La société LASCAD s’associe à cette demande de mise hors de cause, en indiquant qu’elle a pris seule la décision de lancer et commercialiser les produits en cause,

— avec cette dénomination litigieuse « prodig’huile »,
- en indiquant qu’ils étaient composés de « trois huiles précieuses »,
- en adoptant un conditionnement de couleur jaune ambré avec un bouchon doré,
- en évoquant la « magie » et le « sublime » dans quelques uns de ses argumentaires,
- en indiquant les propriétés de ces produits,
- et en adoptant une combinaison de couleur encore reprochée sur les conditionnements.

Elle ajoute que l’article 6 § 1er du contrat de licence stipule que « Le Concédant (DESSANGE) ne pourra en aucun cas être recherché ni sa responsabilité mise en cause directement ou indirectement à l’occasion de l’activité de création, de fabrication et de distribution des produits du contrat. ».

Elle indique que le fait que le contrat prévoit par ailleurs un contrôle de qualité des produits est indifférent puisque la société NUXE lui reproche non pas la qualité des produits mais l’usage de la dénomination PRODIG’HUILE et des caractéristiques de sa présentation qui n’ont relevé que de l’initiative de la société LASCAD et qui n’ont été présentées à la clientèle que par la société LASCAD.

La société LABORATOIRE NUXE s’oppose à cette mise hors de cause et sollicite au contraire la condamnation in solidum de la société DESSANGE INTERNATIONAL au motif que l’effet relatif des dispositions du contrat de licence ne peut la lier, et que les stipulations contractuelles du contrat de licence de la société DESSANGE INTERNATIONAL démontrent sa participation dans le choix de la dénomination litigieuse et de la présentation des produits, et qu’elle a fait usage de la marque dans la vie des affaires, de sorte que sa responsabilité doit être engagée tant au titre de la contrefaçon que de la concurrence parasitaire.

Sur ce,

L’examen de la responsabilité alléguée de la société DESSANGE INTERNATIONAL nécessite une appréciation des faits imputables à chaque partie au fond, qui exclut une mise hors de cause préalable de la société DESSANGE INTERNATIONAL.

Sur la demande de nullité du procès-verbal de constat du 11 mars 2013

La société LASCAD fait valoir que le constat de Maître L du 11 mars 2013 est affecté d’un vice de fond l’entachant de nullité, l’huissier ayant procédé à une description des produits et ayant remis à une préposée de la demanderesse un appareil photo pour lui permettre de photographier des étiquettes dans l’établissement commercial d’un tiers avant de décrire ces photographies qui sont annexées au

constat, ce qui excède très largement les pouvoirs de simple constatation qui lui sont conférés.

Elle ajoute que le constat n’a aucune valeur probante puisque même si l’huissier instrumentaire a vérifié que la carte mémoire de l’appareil photo numérique était entièrement vide avant que la salariée n’entre dans le magasin, il n’a pas pu vérifier qu’il en était toujours ainsi jusqu’à ce que les photographies aient été effectivement prises.

La société DESSANGE INTERNATIONAL forme la même demande au motif qu’il est de jurisprudence constante que les opérations réalisées ne doivent pas être assimilables à une saisie-contrefaçon déguisée, cette procédure étant soumise à des règles strictes. Elle considère ainsi qu’en l’absence d’autorisation judiciaire, l’huissier peut tout au plus constater de l’extérieur l’achat effectué par un tiers dans un magasin. Elle estime qu’en l’espèce, l’huissier a non seulement procédé à une saisie descriptive des produits mais a également remis à une préposée de la demanderesse un appareil photo afin qu’elle puisse photographier les étiquettes du rayonnage d’un supermarché, ce qui constitue une saisie- contrefaçon déguisée réalisée en dehors de toute autorisation présidentielle.

La société LABORATOIRE NUXE conclut à la validité du procès-verbal de constat du 11 mars 2013, exposant que l’huissier n’a pas pénétré personnellement dans le magasin CARREFOUR MARKET de sorte qu’il n’a nullement violé un lieu privé, ni porté atteinte à la propriété privée, un tiers l’ayant assisté. Elle ajoute qu’il s’est limité à des constatations purement matérielles ne tirant aucune conclusion de la constatation des faits, et qu’il a pris le soin, préalablement à son constat, de remettre son appareil photographique à la personne l’assistant et de constater que celui-ci était muni d’une carte mémoire totalement vierge.

Sur ce,

En vertu de l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, ces derniers peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire.

Si l’article L716-7 du code de la propriété intellectuelle impose dans le cadre d’une saisie-contrefaçon un certain nombre de règles protectrices du saisi, celles-ci ne s’appliquent pas s’agissant d’un simple constat d’achat qui est une mesure probatoire bien moins intrusive.

Seuls peuvent être sanctionnés les constats d’achat constituant en réalité des saisies-contrefaçon déguisées sans autorisation judiciaire, ni respect des garanties accordées à la personne saisie.

En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat de Maître L du 11 mars 2013 que celui-ci s’est rendu sis […], devant le magasin CARREFOUR MARKET de Bourg-la-Reine (92), en présence de Madame C, préposée de la société LABORATOIRE NUXE, qu’il lui a remis un appareil photo à la carte mémoire vide, l’a observée rentrer dans le magasin et en ressortir avec 6 produits de la gamme PRODIG’HUILE dont il a constaté l’achat au vu du ticket de caisse. Il a par ailleurs reproduit dans son procès-verbal les photographies réalisées par la préposée de la demanderesse au sein du magasin CARREFOUR MARKET, représentant les produits en cause dans les rayonnages.

Les termes du procès-verbal décrivant les produits achetés n’excèdent pas la mission de constatation objective dévolue à l’huissier par le texte suscité.

En revanche, en reproduisant dans son constat des photographies prises par la préposée de la société demanderesse dans le magasin CARREFOUR MARKET qui est un lieu privé, sans autorisation des responsables légaux dudit lieu et sans autorisation judiciaire lui permettant d’y pénétrer nonobstant cette autorisation, l’huissier a excédé les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945.

La circonstance que l’huissier n’ait pas pénétré lui-même dans le magasin pour prendre les photographies des rayonnages de celui-ci est indifférente dès lors qu’il a reproduit dans son constat les photographies obtenues illicitement chez un tiers par l’employée de la société LABORATOIRE NUXE.

En vertu de l’article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

Le défaut de pouvoir étant une nullité de fond au sens de l’article 117 du code de procédure civile, le procès-verbal de constat du 11 mars 2013 doit être déclaré nul et écarté des débats.

Sur la demande de nullité de la marque verbale française « PRODIGIEUSE » n° 1 655 863

La société LASCAD sollicite que soit prononcée la nullité de la marque PRODIGIEUSE pour défaut de caractère distinctif pour l’ensemble des produits visés au dépôt, ce critère de validité étant exigé tant au plan national, par la loi du 31 décembre 1964 puis par

celle du 4 janvier 1991, qu’au plan européen par la directive du 21 décembre 1988 puis celle du 22 octobre 2008.

Elle expose qu’un signe pour être valable doit remplir une fonction essentielle de garantie d’origine des produits ou services qu’il désigne, et que tous les mots qui ont une signification laudative dans le langage courant et qui conservent ce sens dans le signe enregistré sont dépourvus de caractère distinctif, puisqu’ils ne sont pas d’emblée perçus comme des signes susceptibles d’indiquer l’origine du produit ou service, mais comme une louange vantant les qualités de celui-ci.

Elle estime que ce raisonnement s’applique à l’évidence à l’adjectif « PRODIGIEUSE », dépourvu de caractère distinctif, et que l’intérêt général commande la solution puisque les concurrents utilisent couramment ce mot ou le même genre de mots pour vanter les qualités de leurs produits, aucune raison ne justifiant qu’un monopole soit accordé sur ce point à l’un d’entre eux.

Elle indique que la société LABORATOIRE NUXE contribue elle-même à cette généralisation de l’usage de l’adjectif « prodigieuse » dans le sens qui est le sien, dans le cadre de la diffusion de ses produits et notamment de « l’huile prodigieuse », ainsi que dans le cadre de ses argumentaires publicitaires.

Pour la société LASCAD, l’usage généralisé du terme « prodigieuse » ou « prodigieux » dans le sens qui est le sien dans le langage courant par toute la concurrence démontre non seulement que cet adjectif n’a pas le caractère distinctif exigé par la loi, mais qu’il ne pourrait pas plus l’acquérir à l’avenir par l’usage.

S’agissant du droit applicable, la société LASCAD expose que selon la société NUXE, c’est l’ancienne loi du 31 décembre 1964 qui resterait applicable à la validité de son dépôt même si elle a été abrogée depuis plus de vingt ans par la loi du 4 janvier 1991 entrée en vigueur le 31 décembre 1991, quelques mois donc après le dépôt de la marque invoquée le 16 avril 1991. Elle soutient que si une certaine doctrine et une jurisprudence sont établies en ce sens, cette solution est discutable et qu’il serait plus satisfaisant que les effets postérieurs d’une situation antérieure à une loi nouvelle soient soumis aux dispositions de celle-ci.

La défenderesse conclut que si tant est que la loi du 31 décembre 1964 soit applicable, elle pose le critère de la distinctivité du signe enregistré à titre de marque, et doit être interprétée à la lumière de la directive CE n°89/104 du 21 décembre 1988.

S’agissant de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage invoqué par la demanderesse en second lieu, la société LASCAD fait valoir que l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit

cette possibilité doit être interprété comme étant relatif à un usage antérieur au dépôt et non à un usage postérieur à celui-ci, au regard du principe selon lequel la validité du dépôt s’apprécie à la date à laquelle il a été effectué.

La société LASCAD poursuit en indiquant que si tant est que le tribunal retienne une interprétation de l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle selon laquelle le caractère distinctif peut s’acquérir par un usage postérieur au dépôt, il ne pourrait que constater qu’aucune preuve de l’acquisition du caractère distinctif n’est produite, le terme « prodigieuse » n’étant utilisé par la demanderesse qu’en combinaison avec le mot « huile » en qualité d’adjectif, et de façon générale pour tous les acteurs du marché de la cosmétique pour qualifier des produits de type « crème », « baume », « rouge à lèvres ».

La société DESSANGE INTERNATIONAL sollicite également la nullité de la marque de la demanderesse pour défaut de caractère distinctif, au motif que le terme « prodigieuse » est utilisé pour « glorifier » les produits cosmétiques par de nombreux intervenants dans le domaine des produits de beauté, de sorte que ce qualificatif qui peut servir à désigner les caractéristiques de n’importe quel produit est inapte à remplir la fonction essentielle d’indication d’origine de la marque.

En ce qui concerne l’acquisition du caractère distinctif par l’usage invoqué par la société NUXE, la société défenderesse estime que l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle exclut toute acquisition de la sorte relative à un usage postérieur au dépôt de la marque. Elle ajoute que l’importance de l’usage des mêmes qualificatifs laudatifs « prodigieux » ou « prodigieuse » par bon nombre d’intervenants sur le marché des cosmétiques exclut que ce signe ait pu être perçu par le public comme désignant l’origine des produits NUXE et ait pu acquérir le caractère distinctif qui lui faisait initialement défaut.

La société LABORATOIRE NUXE fait valoir pour sa part que la marque PRODIGIEUSE avait dès son dépôt un caractère distinctif, de sorte qu’elle répond aux conditions posées par les articles 1 et 3 la loi du 31 décembre 1964 applicables à l’espèce.

Elle expose que l’existence du caractère distinctif s’apprécie à la date du dépôt, peu important qu’en raison de la renommée de la marque et du succès de ses produits, son usage soit devenu généralisé.

Elle estime que le terme PRODIGIEUSE est arbitraire pour désigner les produits visés à son enregistrement, notamment les produits en cause que sont les « huiles essentielles, cosmétiques et lotions pour les cheveux » n’étant ni la désignation nécessaire, générique ou usuelle, ni la désignation descriptive d’une qualité essentielle de ces

produits, aussi bien à la date de son dépôt qu’à ce jour. Elle considère donc qu’elle présente un caractère distinctif intrinsèque, qui plus est renforcé par l’usage qui en a été fait.

Elle expose que les pièces versées au débat par les défenderesses pour démontrer l’usage courant de l’adjectif « prodigieux » sont actuelles au présent litige et donc postérieures au dépôt de marque, de sorte qu’elles sont inopérantes à démontrer son absence de caractère distinctif.

A titre subsidiaire, la société LABORATOIRE NUXE expose que si le tribunal estimait que la marque PRODIGIEUSE ne présente pas un caractère distinctif à la date de son dépôt, il retiendrait que cette marque a incontestablement acquis un caractère distinctif en raison de son usage depuis plus de vingt ans sur l’ensemble du territoire national, en application de l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle.

Sur ce,

En vertu de l’article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l’avenir; elle n’a point d’effet rétroactif.

Si la loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques en cours au moment où elle entre en vigueur, elle ne peut s’appliquer pour apprécier la validité d’une situation régulièrement constituée à cette date.

En l’espèce, la marque PRODIGIEUSE a été déposée et enregistrée le 16 avril 1991, soit postérieurement à la loi du 4 janvier 1991 mais antérieurement à son entrée en vigueur qui a été fixée au 28 décembre 1991 par son article 41.

Est en conséquence applicable à l’appréciation de la validité de la marque la loi en vigueur au jour de son enregistrement soit celle du 31 décembre 1964, la loi du 4 janvier 1991 n’étant pas encore entrée en vigueur à cette date.

En vertu de l’article 1er de la loi n° 64-1360 du 3 1 décembre 1964 en vigueur au jour de l’enregistrement de la marque : « Sont considérés comme des marques de fabrique, de commerce ou de service les noms patronymiques, les pseudonymes, les noms géographiques, les dénominations arbitraires ou de fantaisie, la forme caractéristique du produit ou de son conditionnement, les étiquettes, enveloppes, emblèmes, empreintes, timbres, cachets, vignettes, lisières, liserés, combinaisons ou dispositions de couleurs, dessins, reliefs, lettres, chiffres, devises, et en général, tous signes matériels servant à distinguer les produits, objets ou services d’une entreprise quelconque ».

L’article 3 de cette loi précise que : « Ne peuvent (…) être considérées comme marques :

- Celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire et générique du produit et du service ou qui comportent des indications propres à tromper le public ;

- Celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit ».

La société LASCAD soutient que ces textes doivent être interprétés à la lumière de la directive CE 89/104 du 21 décembre 1988 alors en vigueur, dont l’article 2 dispose que « peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises », et dont l’article 3 dispose que sont refusées à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nulles si elles sont enregistrées les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

L’article 16 de la directive CE 89/104 du 21 décembre 1988 fixe la date limite de transposition de celle-ci au 28 décembre 1991, soit postérieurement à la date d’enregistrement de la marque PRODIGIEUSE.

Pendant le délai de transposition d’une directive, les États membres destinataires de celle-ci doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive. Étant donné que toutes les autorités des États membres sont soumises à l’obligation de garantir le plein effet des dispositions du droit communautaire, cette obligation d’abstention s’impose tout autant aux juridictions nationales.

Dans l’hypothèse de la transposition tardive dans l’ordre juridique de l’État membre concerné d’une directive ainsi que de l’absence d’effet direct des dispositions pertinentes de celle-ci, les juridictions nationales sont tenues, dans toute la mesure du possible, d’interpréter le droit interne, à partir de l’expiration du délai de transposition, à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause aux fins d’atteindre les résultats poursuivis par cette dernière, en privilégiant l’interprétation des règles nationales la plus conforme à cette finalité pour aboutir ainsi à une solution compatible avec les dispositions de ladite directive.

En l’espèce, la date limite de transposition de la directive CE 89/104 n’étant pas atteinte à la date de l’enregistrement de la marque en cause, la présente juridiction est tenue uniquement de s’abstenir de

prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive.

Or, les dispositions de la loi du 31 décembre 1964 en vigueur au jour de l’enregistrement de la marque ne sont pas de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive, puisque tant la directive que la loi nationale posent le principe de l’exigence du caractère distinctif de la marque.

La marque PRODIGIEUSE a été déposée et enregistrée le 16 avril 1991 pour désigner les produits suivants de la classe 3 « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir et dégraisser et abraser ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices ».

L’adjectif « prodigieux » est un terme laudatif signifiant d’après la définition du dictionnaire Le Robert versée au débat fabuleux, magique, surnaturel, fantastique, merveilleux ou miraculeux. Il est à ce titre susceptible d’être utilisé en matière publicitaire pour vanter les mérites d’un produit ou d’un service, mais cela ne signifie pas qu’il soit insusceptible de constituer un signe distinctif.

En effet, il n’est pas démontré par les défenderesses qu’il était à l’époque où il a été enregistré à titre de marque couramment usité en matière de promotion des produits visés au dépôt et plus particulièrement des produits cosmétiques que constituent les « huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux », de sorte qu’il ne pouvait être utilisé comme indicateur de l’origine de ces produits.

L’existence du caractère distinctif s’apprécie en effet à la date du dépôt, et les nombreux exemples de publicités ou produits cosmétiques utilisant le terme « prodigieux » ou « prodigieuse » versés au débat par les défenderesses sont soit non datés, soit largement postérieurs à la date de dépôt, si bien qu’il n’est pas démontré qu’au 16 avril 1991, cet adjectif qui n’est ni la désignation nécessaire et générique des produits visés au dépôt, ni celle d’une de leur qualité essentielle ou de leur composition, évoquait de façon évidente pour le consommateur les « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir et dégraisser et abraser ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices ».

Par ailleurs, le choix d’utiliser l’adjectif « prodigieux » au féminin pour désigner les produits visés au dépôt était donc arbitraire à la date de celui-ci, si bien qu’il doit être retenu qu’il présentait un caractère distinctif permettant à la marque PRODIGIEUSE d’assurer sa fonction de détermination d’origine des produits.

En conséquence, et sans qu’il soit besoin d’examiner ainsi que sollicité à titre subsidiaire par la société LABORATOIRE NUXE si le signe déposé a acquis un caractère distinctif par l’usage, il y a lieu de débouter les sociétés LASCAD et DESSANGE INTERNATIONAL de leur demande en nullité de la marque PRODIGIEUSE pour défaut de caractère distinctif.

Sur la demande subsidiaire en déchéance de la marque verbale française « PRODIGIEUSE » n° 1 655 863

La société LASCAD forme à titre subsidiaire une demande en déchéance de la marque PRODIGIEUSE, au motif que la société NUXE n’utilise jamais l’adjectif « prodigieuse » pris isolément, mais toujours au sein de l’ensemble « huile prodigieuse », ceci alors que l’usage du mot générique « huile » en combinaison avec l’adjectif qualificatif « prodigieuse » altère sensiblement et même anéantit l’éventuel faible caractère distinctif de cet adjectif « prodigieuse » qui ne pourrait tenir qu’à son individualité et qui disparait définitivement dans l’ensemble « huile prodigieuse ».

Elle estime que cette utilisation de l’ensemble « huile prodigieuse » dépourvu de tout caractère distinctif ne peut constituer un usage permettant à la société NUXE de conserver des droits sur la marque PRODIGIEUSE de sorte que la déchéance devra être prononcée à compter du 31 mai 2008 soit 5 années avant la demande, ou à compter de toute autre date qu’il plaira au tribunal de fixer pourvu qu’elle soit bien antérieure au mois d’octobre 2012.

La société LABORATOIRE NUXE s’oppose à cette demande de déchéance et fait valoir qu’elle établit l’usage continu, étendu et intense depuis plus de vingt ans de la marque PRODIGIEUSE pour désigner les produits de la classe 3 visés à son enregistrement, notamment les huiles essentielles, les cosmétiques et les lotions capillaires.

Elle expose que les termes huile ou crème sont totalement descriptifs des produits désignés par la marque PRODIGIEUSE de sorte que ces termes n’altèrent pas le caractère distinctif de celle-ci, et qu’elle sert bien à identifier ses produits. Elle ajoute que la marque est d’ailleurs systématiquement utilisée avec le signe ® afin de rappeler au public qu’il s’agit d’une marque enregistrée.

Sur ce,

En vertu de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle : « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Est assimilé à un tel usage : a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ; b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ; c) L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation.

La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l’enregistrement, la déchéance ne s’étend qu’aux produits ou aux services concernés. L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande. La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu ».

Il appartient à la société LABORATOIRE NUXE, sur laquelle repose la charge de la preuve, de démontrer qu’il ne s’est pas écoulé un délai de plus de 5 ans entre le dernier acte d’usage sérieux de sa marque et la date à laquelle la société LASCAD sollicite le prononcé de la déchéance, soit le 31 mai 2008. Un tel usage devra en conséquence être intervenu entre le 31 mai 2003 et le 31 mai 2008.

La société défenderesse sollicitant à défaut de la date du 31 mai 2008 le prononcé de la déchéance à compter de toute autre date pourvu qu’elle soit antérieure au mois d’octobre 2012, elle devra également prouver avoir fait usage de sa marque entre le mois d’octobre 2007 et le mois d’octobre 2012, si elle est préalablement parvenu à établir un tel usage entre le 31 mai 2003 et le 31 mai 2008.

S’agissant de l’usage de la marque PRODIGIEUSE entre le 31 mai 2003 et le 31 mai 2008, il n’est pas contesté que le produit « Huile Prodigieuse ® » est commercialisé depuis 1992, ce qui est en outre prouvé notamment par production d’un spot publicitaire datant de 2011 évoquant les vingt ans du produit.

La demanderesse verse également au débat un article de presse de septembre 2006 relatif à son « Crème Prodigieuse », et des articles de janvier, mars et mai 2008 relatifs à son soin « Huile Prodigieuse ».

Elle produit en pièce 6 selon bordereau un état de ses investissements publicitaires de 2007 à 2012 relatifs à la marque

PRODIGIEUSE qui, s’ils n’ont pas été certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, ne sont pas contestés par les défenderesses , selon lequel elle a exposé à ce titre la somme de 1.085.469 euros pour 2007 et la somme de 1.214.705 euros pour 2008, ce document donnant en outre des exemples des visuels de campagne presse et affichage pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008.

Pour la période du 31 mai 2008 au mois d’octobre 2012, des articles de presse de juin 2008 à octobre 2012 démontrent que la société offrait à la vente entre ces dates divers cosmétiques sous les appellations « Huile Prodigieuse ® » ou « Huile Prodigieuse ® Or»pour une huile pour le visage, corps et cheveux, « Crème Prodigieuse ® », « Crème Prodigieuse ® Nuit » ou « Crème Prodigieuse ® Enrichie » pour des soins hydratants du visage, « Touche Prodigieuse ® » pour un produit de maquillage.

Elle produit également une attestation de son expert-comptable Madame C selon laquelle le chiffre d’affaires hors taxe des produits à mention « Prodigieuse ® » réalisé en France a été de :

-6.864.152 euros en 2008, dont 5.684.516 euros au titre de l'« Huile Prodigieuse ® »,
-8.085.513 euros en 2009 dont 7.799.882 euros au titre de l'« Huile Prodigieuse ® »,
-9.820.763 euros en 2010 dont 9.555.292 euros au titre de l'« Huile Prodigieuse ® »,
-19.174.246 euros en 2011 dont 12.007.090 euros au titre de l'« Huile Prodigieuse ® »,
-19.350.154 euros en 2012 dont 13.058.655 euros au titre de l'« Huile Prodigieuse ® ».

Selon une étude de notoriété TNS SOFRES relative à la marque NUXE et à sa gamme de produits réalisée en 2012 et concernant les années 2010, 2011 et 2012, les consommatrices ont reconnu les gammes de produits « Huile Prodigieuse » et « Crème Prodigieuse », ce qui signifie qu’ils étaient accessibles à la vente à ces dates sous ces dénominations.

Par ailleurs, il ressort d’un extrait du site internet de la société LABORATOIRE NUXE « nuxe.com », dont les copies versées au débat datent du 5 avril 2013 et dont le contenu n’est pas contesté par les défenderesses, que la demanderesse a bénéficié pour ses produits porteurs de la dénomination « Prodigieuse » d’un certain nombre de récompenses entre 2008 et 2012. Ainsi, elle a reçu pour l'« Huile Prodigieuse ® » le prix « Madame Figaro B S » en 2008, des « Beauté-test awards » en 2008, 2009 et 2011 et le « produit de l’année » en 2009. Pour son produit « Crème Prodigieuse ® », elle a reçu un « Beauté-test award » en 2010 et le « Prix vénus version femina » en 2011.

Pour l’ensemble des utilisations du signe « Prodigieuse », tant pour la période du du 31 mai 2003 au 31 mai 2008 que pour celle du 31 mai 2008 au mois d’octobre 2012, la société LABORATOIRE NUXE a placé une majuscule au début du mot et l’a fait suivre d’un « ® » qui signifie « right » et signale aux yeux du public que le terme est protégé par un droit de propriété intellectuelle, ce qui ne constitue pas une utilisation de l’adjectif dans son sens courant, même si ce sigle n’a pas de valeur légale en droit français et communautaire. Elle a ainsi entendu distinguer l’utilisation qui peut être faite de ce mot à titre d’adjectif qualificatif, de celle qu’elle entendait faire de ce signe à titre de marque, pour déterminer l’origine du produit.

Cette utilisation à titre de marque est d’autant plus évidente qu’elle a désigné une gamme entière de produits cosmétiques sous le signe « Prodigieuse », que ce soit des huiles, des crèmes ou un produit de maquillage, signifiant ainsi qu’ils avaient la même origine.

Au vu de ces éléments, la demanderesse rapporte la preuve d’un usage sérieux à titre de marque du signe « PRODIGIEUSE » qu’elle a déposé pour les « huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux » tant entre le 31 mai 2003 et le 31 mai 2008, qu’entre le 31 mai 2008 et le mois d’octobre 2012.

En conséquence, il convient de débouter la société LASCAD de sa demande en déchéance de la marque PRODIGIEUSE pour les « huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ».

En revanche, la titulaire de la marque ne démontre pas avoir sur cette période fait un quelconque usage de sa marque pour les « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir et dégraisser et abraser ; parfumerie, dentifrices ».

S’agissant plus particulièrement des produits de parfumerie, elle justifie avoir commercialisé un parfum sous la dénomination « Prodigieux ®, le parfum », mais cette utilisation de l’adjectif « prodigieux » au masculin ne constitue pas un usage de la marque PRODIGIEUSE dont la distinctivité est principalement liée au féminin. En effet, l’exploitation d’une marque voisine de la marque arguée de déchéance ne vaut exploitation de celle-ci que lorsqu’elle n’en diffère que par des éléments n’en altérant pas le caractère distinctif.

En conséquence, il convient de prononcer la déchéance de la marque PRODIGIEUSE pour les « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir et dégraisser et abraser ; parfumerie, dentifrices » à compter du 31 mai 2008.

Sur la contrefaçon de la marque verbale française « PRODIGIEUSE » n° 1 655 863

La société LABORATOIRE NUXE fait valoir que la gamme capillaire PRODIG’HUILE commercialisée par la société LASCAD sous la marque DESSANGE COMPETENCE PROFESSIONNELLE constitue une contrefaçon par imitation de sa marque PRODIGIEUSE,

Elle expose que la dénomination PRODIG’HUILE présente une forte similitude visuelle, phonétique et intellectuelle avec la marque PRODIGIEUSE. Elle entend préciser que le terme HUILE dans la dénomination PRODIG’HUILE pour désigner des produits capillaires composés notamment d’huiles est descriptif d’une de leur caractéristique de sorte qu’il ne peut être pris en considération dans l’appréciation de la similitude de la dénomination litigieuse à la marque. Elle estime que le signe PRODIG’ constitue le seul élément distinctif de PRODIG’HUILE et donc qu’il doit seul être pris en considération dans la comparaison des similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles des signes en présence.

La demanderesse indique qu’il a été fait usage du signe PRODIG’HUILE dans la vie des affaires à titre de marque, pour désigner des produits identiques à ceux visés au dépôt de sa marque, et que le signe PRODIG’ créé une confusion dans l’esprit du public sur l’origine des produits, d’autant plus que la marque PRODIGIEUSE bénéficie d’une renommée certaine auprès du grand public pour désigner ce type de produits et que le signe PRODIG’HUILE est particulièrement mis en valeur par le conditionnement utilisé par les défenderesses.

La société LASCAD expose que le droit exclusif sur une marque constituée par un mot du langage courant ne peut pas empêcher les concurrents d’utiliser ce même mot dans le sens qui est le sien, qui plus est s’agissant d’un terme usité pour vanter les qualités des produits. Elle considère que si tant est qu’un monopole soit reconnu à la demanderesse sut le terme « prodigieuse », il ne pourrait concerner que l’adjectif pris dans son individualité et repris quasi-strictement à l’identique.

La défenderesse indique qu’elle n’a pas utilisé l’adjectif « prodigieuse » pris dans son individualité, mais l’ensemble « prodig’huile », qui sert à promouvoir son produit dont l’indicateur fondamental d’origine est la marque ombrelle « DESSANGE » qui est bien davantage mise en évidence. Elle constate de nombreuses différences entre les signes PRODIG’HUILE et PRODIGIEUSE, qui outre la présence de la marque DESSANGE, excluent tout risque de confusion sur l’origine des produits, ainsi que cela ressort d’une étude qu’elle réalisée par la société IN VIVO BVA.

Elle conteste par ailleurs la prétendue renommée de la marque invoquée par la société NUXE, qui aggraverait selon elle le risque de confusion.

La société DESSANGE INTERNATIONAL soutient que les signes en présence doivent être comparés dans leur ensemble et que la comparaison ne peut être basée sur le seul signe « PRODIG’ » mais sur le terme « PRODIG’HUILE ». Elle estime que la marque PRODIGIEUSE étant très peu distinctive, elle ne peut bénéficier que d’une protection limitée et qu’il ne pourra qu’être constaté qu’elle n’est pas reprise à l’identique par le signe en cause.

Elle considère en outre que l’élément phare des conditionnements des produits litigieux est la marque DESSANGE COMPETENCE PROFESSIONNELLE et non le terme « PRODIG’HUILE », de sorte qu’aucun risque de confusion sur l’origine des produits n’est démontré.

Elle conteste la prétendue renommée de la marque PRODIGIEUSE, remettant en cause l’interprétation qui est faite par la demanderesse des pièces versées au débat.

Sur ce,

Aux termes de l’article L713-3 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il en peut résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

Il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public concerné, ce risque de confusion devant être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

La notoriété d’une marque est un élément d’appréciation du risque de confusion, même si l’existence de celle-ci ne saurait suffire à en apporter la preuve.

La demanderesse fondant une partie de ses développements relatifs au risque de confusion sur le caractère renommé de sa marque, il

convient d’examiner à titre préalable l’existence de celui-ci avant d’apprécier ledit risque de confusion.

Sur le caractère renommé de la marque PRODIGIEUSE

Une marque doit être considérée comme renommée lorsqu’elle est connue d’une partie significative du public concerné par les produits et services qu’elle désigne, cette connaissance étant appréciée au regard des critères suivants: la part du marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir.

En l’espèce, le public concerné par les « huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux» visés au dépôt est le grand public principalement féminin, s’agissant de produits de consommation courante. Il n’y a pas lieu de distinguer les consommateurs en fonction du prix et de la qualité des produits qu’ils achètent généralement, cette distinction n’étant en tout état de cause pas pertinente, un acheteur pouvant se tourner tout à la fois vers des produits accessibles et vers des produits de gamme supérieure.

L’Étude TNS SOFRES de novembre 2012 intitulée « NU- Baromètre de notoriété, résultats 2012 » versée au débat par la demanderesse établit une notoriété spontanée de la marque NUXE auprès d’un échantillon de 689 femmes représentatives des femmes françaises de 20 à 60 ans. En revanche, seul un test de notoriété assisté a été réalisé s’agissant des gammes NUXE dont font partie les produits « Huile Prodigieuse » et « Crème Prodigieuse », auprès des 295 connaisseuses de la marque NUXE et sur question présentant les produits : « Et parmi ces gammes de produits de la marque NUXE, quelles sont toutes celles que vous connaissez, ne serait ce que de nom? ». Les résultats de ce test font apparaître que 47 % de cet échantillon connait en 2012 l'« Huile Prodigieuse » et 23% la « Crème Prodigieuse ».

Cette étude visant non pas la marque PRODIGIEUSE seule mais prise dans ses utilisations associées à des produits (huile, crème) et ayant été réalisée uniquement auprès des connaisseuses de la marque NUXE, après interrogations de celles-ci sur la marque NUXE et sur suggestion du nom des produits, elle ne peut établir la renommée de la marque en cause auprès du public concerné qui est la consommatrice de produits cosmétiques en général.

La demanderesse verse également au débat une étude réalisée « on- line » par la société TECHNI SENS du 14 au 18 mars 2013 présentée comme une « Etude sur la notoriété de Prodigieuse ® ». Ont été interrogées 521 consommatrices, âgées de 20 à 50 ans, habitant dans des villes de plus de 40.000 habitants et utilisatrices de produits cosmétiques. Le choix de n’interroger que les habitantes de

villes de plus de 40.000 personnes et de restreindre l’âge du panel à la fourchette 20-50 ans opère une sélection au sein des consommatrices de cosmétiques qui vient influencer les résultats de l’enquête, qui ne concerne donc pas la consommatrice de cosmétiques en général et ne peut permettre d’établir une renommée de la marque auprès d’une partie significative du public concerné par les produits qu’elle désigne.

En outre, les consommatrices interrogées l’ont été à titre préalable sur leur connaissance de la marque NUXE, ce qui a nécessairement eu une influence sur leurs réponses aux questions relatives aux produits de ladite marque qu’elles ont cités ou à ce que leur évoquait le mot « prodigieuse ».

Dès lors, cette étude TECHNI SENS ne peut permettre de retenir la renommée de la marque PRODIGIEUSE.

En revanche, la société LABORATOIRE NUXE établit au moyen de chiffres communiqués par la société IMS HEALTH pour 2012 que le produit « Huile Prodigieuse -Multifonctions visage, corps, cheveux » détient une part importante du marché des huiles cosmétiques vendues en pharmacies et parapharmacies (dans la catégorie des huiles pour le visage : 347.104 sur 433.947 huiles vendues, soit 79,98 % ; dans la catégorie des huiles pour le corps : 347.104 sur 1.165.446 huiles vendues, soit 29,78 % ; dans la catégorie des huiles pour les cheveux : 347.104 sur 419.376 huiles vendues, soit 82,76 %) et qu’il est le premier vendu en volume en pharmacies et parapharmacies s’agissant des huiles pour le visage, le corps ou les cheveux.

Elle verse par ailleurs au débat de nombreux articles de presse datés de 2006 à 2013, consacrés pour leur grande majorité au produit « Huile Prodigieuse », porteur de sa marque.

Elle produit en pièce 6 selon bordereau un état de ses investissements publicitaires de 2007 à 2012 relatifs à la marque PRODIGIEUSE qui, s’ils n’ont pas été certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, ne sont pas contestés par les défenderesses :

-1.085.469 euros pour 2007,
-1.214.705 euros pour 2008,
-1.481.122 euros pour 2009,
-1.826.672 euros pour 2010,
-3.276.267 euros pour 2011,
-2.141.550 euros pour 2012, étant précisé que la majorité de ces budgets publicitaires est consacrée au produit « Huile Prodigieuse ».

Ces investissements sont corroborés par des exemples de spots publicitaires destinés à la télévision pour les années 2009 à 2012, de

publicités presse et affichages de 1998 à 2012 et de publicités dans les points de vente, dans leur très grande majorité relatifs à l'« Huile Prodigieuse ».

Une attestation de l’expert-comptable de la société NUXE indique que le chiffre d’affaires hors taxe des produits à mention « Prodigieuse ® » réalisé en France a été de :

-6.864.152 euros en 2008, dont 5.684.516 euros au titre de l'« Huile Prodigieuse ® »,
-8.085.513 euros en 2009 dont 7.799.882 euros au titre de l'« Huile Prodigieuse ® »,
-9.820.763 euros en 2010 dont 9.555.292 euros au titre de l'« Huile Prodigieuse ® »,
-19.174.246 euros en 2011 dont 12.007.090 euros au titre de l'« Huile Prodigieuse ® »,
-19.350.154 euros en 2012 dont 13.058.655 euros au titre de l'« Huile Prodigieuse ® ».

Il ressort en outre d’un extrait du site internet de la société LABORATOIRE NUXE « nuxe.com », dont les copies versées au débat datent du 5 avril 2013 et dont le contenu n’est pas contesté par les défenderesses, que la demanderesse a reçu pour l'« Huile Prodigieuse® » le prix « Madame Figaro B S » en 2008, des « Beauté-test awards » en 2008, 2009 et 2011 et le « produit de l’année » en 2009.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la marque PRODIGIEUSE lorsqu’elle est apposée sur le produit « Huile Prodigieuse ® », commercialisé depuis plus de vingt ans dans les pharmacies et parapharmarcies et bénéficiant d’une notoriété liée à son exposition médiatique et publicitaire et à ses volumes de vente, jouit d’une renommée certaine auprès du public concerné s’agissant des huiles cosmétiques, et donc des produits « cosmétiques » visés au dépôt. Il convient donc de la déclarer renommée au sens de l’article L.713 -5 du code de la propriété intellectuelle en ce qui concerne les « cosmétiques ». Ce caractère renommé de la marque pour les huiles cosmétiques sera pris en considération dans l’appréciation du risque de confusion s’agissant de la demande en contrefaçon, puisqu’il en est l’un des éléments d’appréciation.

S’agissant en revanche des « huiles essentielles » « lotions pour les cheveux» visés au dépôt, la société LABORATOIRE NUXE ne démontre pas de notoriété particulière de la marque, seul le produit « Huile Prodigieuse ® » étant particulièrement connu du public concerné, et ne constituant ni une lotion pour les cheveux, même s’il peut être utilisé sur ces derniers, ni des huiles essentielles, qui sont des extraits de plantes pouvant être utilisés à des fins cosmétiques mais qui n’ont pas forcément cette fonction.

Sur l’existence d’un risque confusion résultant d’une imitation de la marque

La société LASCAD commercialise sous la marque DESSANGE COMPETENCE PROFESSIONNELLE et sous la dénomination PRODIG’HUILE des shampoing, crème démêlante, masque et huile de soins qui sont des cosmétiques capillaires et sont donc identiques aux « cosmétiques » visés au dépôt.

Il résulte de l’examen auquel s’est livré le tribunal sur les produits litigieux saisis par l’huissier de justice dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon que le terme PRODIG’HUILE mentionné sur les produits est utilisé à titre de marque puisqu’il constitue une indication que ces produits appartiennent à une gamme particulière et identifiable de soins capillaires, déterminant ainsi leur origine. Peu importe donc que les marchandises en cause soient également présentées sous la marque ombrelle DESSANGE COMPETENCE PROFESSIONNELLE.

Le tribunal relève par ailleurs que la société L’OREAL, société mère de la société LASCAD, a déposé une demande d’enregistrement de marque communautaire relative au signe PRODIG’HUILE le 26 avril 2013 auprès de l’OHMI sous le n° 011771623 pour désigner les produits capillaires en classe 3, ce qui démontre la volonté de la société défenderesse d’utiliser ce signe à titre de marque.

Il convient de comparer la marque avec le signe litigieux dans son ensemble tel qu’il est soumis au consommateur au regard duquel le risque de confusion doit être apprécié, à savoir PRODIGIEUSE et PRODIG’HUILE tel qu’exploité sur les produits, et non PRODIGIEUSE et « PRODIG’ » tel que le soutient la société LABORATOIRE NUXE.

D’un point de vue visuel, la marque est composée d’un seul mot alors que le signe litigieux comprend deux parties séparées par une apostrophe, seule la première partie de ce terme composé reprenant les six premières lettres de PRODIGIEUSE.

D’un point de vue phonétique, les six premières lettres de PRODIG’HUILE se prononcent de la même façon que celles de PRODIGIEUSE, mais la fin de ces deux termes a une prononciation très différente.

D’un point de vue conceptuel enfin, alors que la marque est la reprise in extenso de l’adjectif « prodigieux » au féminin, le signe PRODIG’HUILE évoque certes le « prodige », tout comme l’adjectif constitutif de la marque, mais également l’huile, notion qui ne ressort nullement de la lecture du signe déposé. La circonstance que la marque PRODIGIEUSE soit connue pour la commercialisation d’une

huile cosmétique n’est pas de nature à modifier le signe déposé qui n’évoque en rien l’huile.

Si la marque déposée par la société LABORATOIRE NUXE constituée d’un adjectif qualificatif est distinctive et donc valide, elle ne peut conduire à accorder à la demanderesse un monopole sur l’ensemble des signes évoquant les mots « prodige » et « prodigieux » si ceux-ci ne sont pas de nature à créer un risque de confusion avec sa marque.

Or en l’espèce, en dépit de la similarité des produits et de la notoriété de la marque, les différences existantes entre les signes excluent le risque de confusion dans l’esprit du public entre la marque et le signe PRODIG’HUILE tel qu’utilisé sur les produits commercialisés par la société LASCAD.

En conséquence, il convient de débouter la société LABORATOIRE NUXE de ses demandes au titre de la contrefaçon de sa marque PRODIGIEUSE.

Sur la demande subsidiaire au titre de l’atteinte à la marque renommée « PRODIGIEUSE » n° 1 655 863

La société LABORATOIRE NUXE forme une demande subsidiaire au titre de l’atteinte à sa marque renommée PRODIGIEUSE. Elle estime que le terme PRODIG’ est très similaire à sa marque et désigne des produits identiques à ceux visés au dépôt de celle-ci, de sorte que le consommateur moyen concerné établit nécessairement un lien entre de ce signe et sa marque renommée.

Elle soutient que l’usage du signe PRODIG’ au sein de la dénomination PRODIG’HUILE porte atteinte au caractère distinctif de sa marque renommée qu’il banalise, et dégrade son image associée à une qualité et à un réseau de distribution plus haut de gamme que ceux des produits DESSANGE.

La société LASCAD estime qu’aucun lien n’est opéré par le consommateur entre les produits DESSANGE et la marque PRODIGIEUSE, de même que n’est prouvée aucune atteinte à l’image ou à la réputation, ni aucune exploitation injustifiée de celle-ci.

La société DESSANGE INTERNATIONAL expose que si par extraordinaire le tribunal devait considérer la marque PRODIGIEUSE comme une marque de renommée, il ne pourrait que constater l’absence de démonstration du lien susceptible d’être établi par le public concerné entre la marque PRODIGIEUSE et les produits incriminés.

Elle ajoute que la société LABORATOIRE NUXE ne rapporte pas la preuve du préjudice qui aurait été porté au caractère distinctif et à la renommée de sa marque.

Sur ce,

Sur l’atteinte à la marque renommée

L’article L713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.

Il est admis que la protection des marques renommées vaut en cas d’usage par un tiers d’une marque ou d’un signe postérieur, identique ou similaire à la marque renommée enregistrée, aussi bien pour des produits ou des services non similaires que pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux couverts par celle-ci.

Cette protection n’est pas subordonnée à la constatation d’un degré de similitude tel entre la marque renommée et le signe qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre ceux-ci ; il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque.

En l’espèce, il est établi ainsi que jugé plus haut que la marque PRODIGIEUSE est renommée s’agissant des produits « cosmétiques » visés à son dépôt, la société NUXE commercialisant de façon notoire des huiles cosmétiques multi-usages «Huile Prodigieuse ® » sous cette marque.

Il est tenu compte dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’une atteinte à la marque renommée de la nature des produits l’ayant amenée à acquérir sa notoriété, à savoir en l’espèce, des huiles cosmétiques multifonctions. En effet, la marque PRODIGIEUSE est immédiatement associée par le consommateur à l’huile cosmétique qui l’a rendue célèbre.

Pour contester l’association par le public des produits PRODIG’HUILE avec la marque PRODIGIEUSE, la société LASCAD verse au débat une étude « tachitoscope » qu’elle a faite réaliser par la société IN VIVO BVA en avril 2013, au cours de laquelle ont été présentés à un panel représentatif au niveau national des femmes acheteuses de produits cosmétiques les packagings des produits « huile sublime – PRODIG’HUILE – DESSANGE C OMPETENCE PROFESSIONELLE » d’une part et «Huile Prodigieuse ® » de NUXE

d’autre part. La méthodologie utilisée a été la suivante : un flacon d’huile PRODIG’HUILE a été présenté à un groupe de 403 personnes, et des flacons d’Huile Prodigieuse ont été présentés à deux groupes de 402 personnes. Il a été demandé aux personnes composant le panel ce qu’elles avaient vu ou lu sur les conditionnements qui leur ont été exposés quelques secondes (½ seconde à 4 secondes). Le tribunal relève qu’il n’a pas été demandé au panel ce que le produit lui évoquait ou ce à quoi il lui faisait penser, mais uniquement « décrivez moi ce que vous avez vu ou lu » sur l’emballage. Aucune des personnes auxquelles le flacon PRODIG’HUILE a été présenté n’a déclaré avoir vu « Huile Prodigieuse », et aucune de celles auxquelles les flacons Huile Prodigieuse ont été présentés n’a vu « huile PRODIG’HUILE ». Les conditionnements n’ont pas fait l’objet d’une comparaison par les personnes testées.

Cette étude démontre uniquement que le flacon PRODIG’HUILE tel que vendu ne provoque pas auprès du grand public une confusion si immédiate avec le flacon d’Huile Prodigieuse qu’il serait amené à lire autre chose que ce qui y est écrit. Elle n’exclut cependant nullement que le signe PRODIG’HUILE puisse amener le consommateur à faire le lien immédiat avec l’Huile Prodigieuse de NUXE, puisqu’il n’a été demandé au panel ni d’expliciter ce que lui évoquait les produits présentés, ni de comparer les produits entre eux, ni de comparer les signes PRODIG’HUILE et PRODIGIEUSE, étant relevé au surplus que l’exposition des produits était particulièrement brève.

La marque PRODIGIEUSE étant particulièrement renommée pour les huiles cosmétiques, le public concerné, qui est le grand public s’agissant de produits de consommation courante, établira nécessairement un lien entre celle-ci et le signe PRODIG’HUILE tel qu’utilisé sur les produits commercialisés par la société LASCAD. En effet, PRODIG’HUILE évoque à la fois la racine « prodige » de l’adjectif constituant la marque de la demanderesse, et l’huile qui est son produit phare exploité sous cette marque et qui a rendu celle-ci célèbre. Par ailleurs, les soins vendus sous ce signe litigieux sont en partie composés d’huiles, ce qui vient encore faire référence à l'«Huile Prodigieuse ® » de la société LABORATOIRE NUXE, et ils sont destinés à être appliqués sur les cheveux, tout comme l'«Huile Prodigieuse ® » qui est un soin « visage, corps, cheveux ».

La commercialisation des produits capillaires PRODIG’HUILE par la société LASCAD constitue une exploitation par imitation injustifiée de la marque PRODIGIEUSE, au sens de l’article L713-5 du code de la propriété intellectuelle, puisqu’elle vise à bénéficier indûment et sans bourse délier de la renommée acquise par celle-ci dans le cadre de son exploitation pour des huiles cosmétiques multifonctions.

Elle est par ailleurs de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque PRODIGIEUSE dont elle vient banaliser l’usage et donc le caractère distinctif pour la désignation d’huiles de soin.

L’ensemble des éléments développés établit en outre un risque sérieux de modification du comportement économique de la consommatrice de cosmétiques, qui compte tenu du lien entre les deux signes se détournera de l’Huile PRODIGIEUSE pour acheter les produits PRODIG’HUILE, dans lesquels elle pensera retrouver les qualités associées au produit de NUXE, pour un prix largement inférieur, l’Huile PRODIGIEUSE étant vendue entre 17,05 et 36,70 euros selon sa contenance, alors que les produits PRODIG’HUILE sont commercialisés entre 3 et 7 euros au vu du catalogue CARREFOUR d’avril 2013 versé au débat.

En conséquence, il sera retenu que la société LASCAD, en commercialisant des produits cosmétiques capillaires sous la dénomination PRODIG’HUILE a porté atteinte à la marque renommée PRODIGIEUSE, au regard de la notoriété acquise par celle-ci pour la désignation des huiles cosmétiques multifonctions, et a engagé sa responsabilité civile délictuelle de ce fait.

Sur la responsabilité de la société DESSANGE INTERNATIONAL

S’agissant de la responsabilité de la société DESSANGE INTERNATIONAL relativement aux faits d’atteinte à la marque notoire, le tribunal relève que le contrat de licence conclu le 22 avril 1991 avec la société L’OREAL et son avenant modificatif du 24 décembre 1997 stipulent que le licencié concevra, fabriquera et distribuera les produits sous sa seule et entière responsabilité et qu’il devra garantir le concédant de toutes conséquences préjudiciables qui pourrait résulter de leur exploitation sous sa marque, mais que cette clause d’exclusion de responsabilité n’est pas opposable aux tiers et donc à la société LABORATOIRE NUXE en vertu du principe de l’effet relatif des contrats défini à l’article 1165 du code civil.

L’article 5.1 du contrat de licence stipule que le licencié ou sous licencié, c’est à dire la société LASCAD en l’espèce, « aura la charge et la responsabilité d’assurer à ses frais la création, la mise au point, la fabrication des Produits du contrat (…) en veillant particulièrement au respect de l’image d’élégance et de bon goût attaché au nom et à la marque « Jacques DESSANGE ».

L’article 5.2 du contrat stipule: « Afin d’assurer le respect des dispositions du paragraphe 5.1. qui précède, le Licencié soumettra au Concédant au moins soixante (60) jours avant la date prévue pour le lancement de chaque nouvelle ligne de Produits du contrat, des échantillons ou maquettes des Produits en question, avec leur conditionnement, leur fragrance et leur nom particulier associé à la marque Jacques DESSANGE.

Si le Concédant n’a pas présenté des réserves écrites au Licencié dans les 15 (quinze) jours suivant la réception des échantillons ou maquettes, il sera réputé satisfait du projet (…) Dans le cas contraire, les parties se concentreront sur l’opportunité et, le cas échéant, sur les moyens de prendre en compte les souhaites du concédant ».

L’article 5.3 du même contrat prévoit que le licencié organisera comme il l’entendra la distribution des produits, dans le respect de l’image d’élégance et de raffinement attaché au nom Jacques D.

Il ressort de ces dispositions contractuelles que si la société LASCAD a assuré la conception, la fabrication et la distribution des produits litigieux PRODIG’HUILE, ceux-ci ont été soumis avant leur lancement à la société DESSANGE INTERNATIONAL, qui ne démontre pas le contraire, et celle-ci n’a présenté aucune réserve écrite relativement à leur dénomination.

Cependant, il s’agit là d’une simple abstention dont le caractère fautif n’est pas démontré, et en l’absence de toute caractérisation d’un acte positif ayant porté atteinte par un lien de cause à effet direct à la marque renommée opposée, au stade de la conception des produits litigieux comme à celui de leur fabrication ou de leur commercialisation, il n’y a pas lieu de retenir la responsabilité de la société DESSANGE INTERNATIONAL s’agissant de ces faits.

En conséquence, la société LABORATOIRE NUXE sera déboutée de ses demandes formées à l’encontre de la société DESSANGE INTERNATIONAL au titre de l’atteinte à la marque renommée.

Sur la concurrence parasitaire

La société LABORATOIRE NUXE fait valoir que la commercialisation de produits capillaires sous la dénomination PRODIG’HUILE, reprenant sans nécessité les caractéristiques, l’argumentaire commercial, les codes et l’univers de l’huile PRODIGIEUSE de la marque NUXE, vise à se rattacher de manière indiscrète à ce produit emblématique et accroître l’image qualitative des produits capillaires DESSANGE COMPETENCE professionnelle.

Elle expose qu’ainsi, les soins PRODIG’HUILE sont composés de « 3 huiles précieuses » là où l’Huile Prodigieuse compte « 6 huiles précieuses », qu’ils reprennent son même conditionnement jaune ambré muni d’un bouchon doré, qu’ils utilisent le même argumentaire commercial évoquant la magie, qualifiant l’huile de « sublime » et précisant ses propriétés (« nourrit, répare, adoucit ») et qu’ils utilisent la même combinaison de couleurs turquoise et blanche.

Les sociétés LASCAD et DESSANGE INTERNATIONAL contestent tout acte parasitaire, arguant n’avoir jamais souhaité se placer dans

le sillage des produits NUXE qui sont vendus en pharmacie et parapharmacie, alors que les soins DESSANGE sont commercialisés en grandes et moyennes surface.

Sur ce,

Les agissements parasitaires constituent entre concurrents l’un des éléments de la concurrence déloyale sanctionnée sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle. Ils consistent à se placer dans le sillage d’un autre opérateur économique en tirant un profit injustifié d’un avantage concurrentiel développé par celui-ci.

De mêmes faits ne pouvant faire l’objet d’une double condamnation sur le fondement de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, la société LABORATOIRE NUXE ne peut reprocher aux défenderesses d’avoir utilisé le vocable PRODIG’HUILE, dont il a été jugé qu’il constituait une atteinte à sa marque renommée, au titre de la concurrence parasitaire.

S’agissant de l’utilisation des termes « huiles précieuses », les produits proposés à la vente par la société LASCAD contenant effectivement de l’huile, il ne peut lui être fait grief d’en faire mention, pas plus que d’utiliser l’adjectif « précieux » dans le cadre d’un argumentaire commercial visant à mettre en valeur son produit.

Les conditionnements des soins PRODIG’HUILE sont en plastique, de couleur ambrée tirant vers le marron, ne laissant pas apparaître le produit à l’exception de celui de l’huile capillaire, alors que ceux de l’Huile Prodigieuse sont en verre transparent si bien que le produit est visible et que le flacon prend la couleur de l’huile. Ainsi, pour l’Huile Prodigieuse « classique », le flacon prend la couleur jaune de l’huile, qui ne ressemble pas à celle des conditionnements PRODIG’HUILE. Pour l’Huile Prodigieuse « Or », il prend la couleur ambrée des paillettes intégrées à l’huile, qui peut être rapprochée de celle des packagings litigieux. Les bouchons des soins PROGI’HUILE sont de couleur doré tout comme ceux de l’Huile Prodigieuse.

Toutefois, il ressort des pièces produites par les défenderesses que de multiples conditionnements de cosmétiques à base d’huiles reprennent ces mêmes couleurs ambrée et dorée, de sorte qu’il ne peut être reproché à la société LASCAD d’avoir utilisé ces couleurs qui évoquent la couleur de l’huile. En outre, les différences de forme et de matière entre les conditionnements sont nombreuses si bien que les packagings PRODIG’HUILE n’évoquent en rien l’Huile Prodigieuse.

Le terme « sublime » est utilisé sur les produits PRODIG’HUILE mais pas sur les flacons d’Huile Prodigieuse, et il constitue par ailleurs un

terme banal pour vanter les mérites d’un soin de beauté qui ne peut être approprié par la société LABORATOIRE NUXE.

La demanderesse reproche aux défenderesses d’avoir mentionné sur leurs produits « nourrie, protégée et réparée des agressions, votre chevelure retrouve sa matière et sa beauté naturelle » alors que son Huile Prodigieuse « nourrit, répare, adoucit ». Cependant, la société LASCAD s’est contentée, par la phrase litigieuse, de mentionner les vertus de ses produits, qui sont extrêmement classiques en matière de soins cosmétiques, qui plus est contenant de l’huile. En outre, la mention en cause figure au dos des conditionnements PRODIG’HUILE, et elle diffère de celle apposée sur l’Huile Prodigieuse, ce qui exclut que soit retenu un acte de concurrence parasitaire sur ce fondement.

Sur le grief d’utilisation de la combinaison de couleurs turquoise et blanche, le tribunal relève après avoir observé l’ensemble des produits de même type versés au débat qu’il est extrêmement courant d’écrire en blanc sur un produit de consommation de couleur et que le flacon d’Huile Prodigieuse ne porte aucune mention en turquoise mais uniquement dans un vert foncé qui diffère de la couleur utilisée pour les produits PRODIG’HUILE.

Aucun acte de concurrence parasitaire n’étant établi, la société LABORATOIRE NUXE sera déboutée de ses demandes à ce titre à l’encontre de la société LASCAD et de la société DESSANGE.

Sur les mesures réparatrices

La société LABORATOIRE NUXE fait valoir qu’elle a subi un préjudice d’atteinte à l’image de sa marque, de banalisation et d’affaiblissement de celle-ci. Elle estime qu’il a été également porté atteinte à l’image de la société LABORATOIRE NUXE elle-même, ainsi qu’à celle de son produit culte l’Huile prodigieuse.

Elle expose que son préjudice est d’autant plus grand que le réseau de distribution et les volumes commercialisés par la société LASCAD sont très importants et que la gamme PRODIG’HUILE a fait l’objet de campagnes de promotion importantes.

Elle sollicite que soit ordonnée une expertise afin d’évaluer son préjudice, avec versement d’une provision à valoir sur son indemnisation, des mesure de publications et d’interdiction.

Les sociétés LASCAD et DESSANGE INTERNATIONAL contestent la réalité des préjudices allégués par la demanderesse.

Sur ce,

En matière d’atteinte à la marque renommée, la réparation des préjudices subis obéit aux principes généraux de la responsabilité délictuelle.

Le tribunal disposant d’éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi par la demanderesse, celle-ci sera déboutée de sa demande d’expertise aux fins d’évaluation de son préjudice, et les condamnations à des dommages et intérêts seront prononcées à titre définitif et non à titre provisionnel.

Ainsi qu’il a été établi, la commercialisation depuis octobre 2012 des produits capillaires PRODIG’HUILE par la société LASCAD lui a permis de bénéficier indûment et sans bourse délier de la renommée acquise par la marque PRODIGIEUSE dans le cadre de son exploitation pour des huiles cosmétiques multifonctions, si bien que la consommatrice sera naturellement attirée par ces produits en raison du lien qu’elle établit avec la marque de la demanderesse et ses qualités. En effet, la société défenderesse a pu associer à ses produits commercialisés en moyenne et grande distribution l’image de qualité supérieure dont bénéficie traditionnellement un produit vendu en pharmacies et parapharmacies, et qui plus est celle d’une marque associée à un produit à fort succès à savoir l’ « Huile Prodigieuse ® ».

Le préjudice est donc en partie constitué par l’absence de dédommagement de l’avantage concurrentiel que la défenderesse a tiré du lien créé auprès des consommateurs entre ses produits et la marque renommée, avantage lui permettant de conquérir plus rapidement des parts de marché.

A contrario, il sera également retenu que la commercialisation en grande et moyenne distribution de marchandises évoquant ses huiles vient ternir l’image d’une marque traditionnellement associée à la réputation de qualité des produits vendus dans les pharmacies.

L’usage litigieux a par ailleurs banalisé le caractère distinctif de la marque pour la désignation de cosmétiques à base d’huile, ce qui correspond à l’utilisation principale qu’en fait la société LABORATOIRE NUXE.

Enfin, compte tenu du lien entre le signe PRODIG’HUILE et la marque, la consommatrice de cosmétiques sera susceptible de se détourner de l’Huile PRODIGIEUSE pour acheter les produits PRODIG’HUILE, dans lesquels elle pensera retrouver les qualités associées au produit de NUXE, pour un prix largement inférieur, l’Huile PRODIGIEUSE étant vendue entre 17,05 et 29,10 euros selon sa contenance, alors que les produits PRODIG’HUILE sont commercialisé entre 3 et 7 euros au vu du catalogue CARREFOUR d’avril 2013 versé au débat.

Les préjudices subis par la société LABORATOIRE NUXE sont d’autant plus importants que son « Huile Prodigieuse ® » est commercialisée sous sa marque renommée depuis plus de vingt ans dans un réseau national de pharmacies et parapharmacies, et constitue la première vente en matière d’huiles cosmétiques dans ce réseau. Elle constitue son produit phare, représentant l’essentiel de son chiffre d’affaires sur ses produits porteurs de la marque PRODIGIEUSE et l’essentiel de ses investissements publicitaires portent sur ce soin. Ainsi, pour l’année 2011, sur 3.276.267 euros de dépenses publicitaires relatives à la marque PRODIGIEUSE, 2.347.456 euros ont été consacrés à la promotion de l’Huile Prodigieuse, et pour l’année 2012, sur 2.141.550 euros, 1.580.669 euros ont été consacrés à ce produit.

Les préjudices de la demanderesse sont encore amplifiés par le fait que les produits PRODIG’HUILE ont bénéficié d’une large diffusion auprès du public puisqu’ils ont été commercialisés en grande et moyenne distribution dès le mois d’octobre 2012, qu’ils ont fait l’objet de parutions presse et d’un spot publicitaire télévisé. La société LASCAD a fait attester son directeur de gestion financière que le 17 mai 2013, les frais de recherche et d’achat d’espaces médias s’élevaient à 741.975,61 euros HT.

Au regard de ces éléments, l’ensemble des préjudices de la société LABORATOIRE NUXE sera évalué à la somme de un million d’euros (1.000.000 d’euros), que la société LASCAD sera condamnée à lui verser.

Il sera fait interdiction à la société LASCAD de commercialiser des produits capillaires et cosmétiques, sous la dénomination PRODIG’HUILE, sous astreinte 10.000 euros par jour de retard passé un délai de 3 semaines à compter de la signification de la présente décision.

Il n’y pas de lieu de faire droit à la demande de rappel des circuits commerciaux et de destruction, la mesure d’interdiction suffisant à mettre fin au préjudice subi par la demanderesse.

La demanderesse sera en outre déboutée de sa demande d’interdiction de vendre des produits capillaires avec la mention qu’ils sont composés d’ « huiles précieuses » et sous le conditionnement actuellement utilisé pour les produits vendus sous la dénomination PRODIG’HUILE, ces éléments ne constituant pas des faits fautifs.

Il sera fait droit à sa demande de publication, qui apparaît nécessaire pour réparer les préjudices subis par la société LABORATOIRE NUXE au regard de l’ampleur de la diffusion et de la promotion des produits litigieux, ainsi que précisé au dispositif.

Sur les autres demandes

La société LASCAD succombant à l’instance, elle sera condamnée aux dépens de celle-ci, qui ne comprendront ni les frais du procès-verbal de constat d’huissier du 11 mars 2013 annulé, ni ceux afférents à la saisie- contrefaçon du 19 mars 2013, ceux-ci n’étant pas compris dans les dépens au regard des dispositions de l’article 695 du code de procédure civile.

Les frais de saisie-contrefaçon seront en revanche pris en considération dans le cadre de l’évaluation des frais irrépétibles. Ceux du procès- verbal de constat du 11 mars 2013, qui a été annulé et écarté des débats, ne le seront pas en revanche.

Il convient de condamner la société LASCAD à verser à la société LABORATOIRE NUXE la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité ne commande pas de faire droit à la demande formée par la société DESSANGE INTERNATIONAL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et elle en sera en conséquence déboutée.

Compte tenu de la nature du litige, les conditions de l’article 515 du code de procédure civile sont réunies pour ordonner l’exécution provisoire partielle de la présente décision, à l’exclusion de la publication judiciaire et dans la limite de 400.000 euros s’agissant des dommages et intérêts prononcés.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Prononce la nullité du procès-verbal de constat du 11 mars 2013 et écarte celui-ci des débats,

Déboute les sociétés LASCAD et DESSANGE INTERNATIONAL de leur demande en nullité de la marque verbale française « PRODIGIEUSE » n° 1 655 863 pour défaut de caractè re distinctif,

Déboute la société LASCAD de sa demande en déchéance de la marque verbale française « PRODIGIEUSE » n° 1 655 8 63 pour les « huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux»,

Prononce la déchéance de la marque verbale française « PRODIGIEUSE » n° 1 655 863 pour les « préparation s pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour

nettoyer, polir et dégraisser et abraser ; parfumerie, dentifrices » à compter du 31 mai 2008,

Dit que la présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise à l’Institut national de la propriété industrielle en vue de son inscription sur le registre national des marques par la partie la plus diligente,

Déboute la société LABORATOIRE NUXE de ses demandes au titre de la contrefaçon de sa marque française « PRODIGIEUSE » n° 1 655 863,

Dit que la marque verbale française « PRODIGIEUSE » n° 1 655 863 est renommée pour les « cosmétiques »,

Dit que la société LASCAD, en commercialisant des produits cosmétiques capillaires sous la dénomination PRODIG’HUILE a porté atteinte à la marque renommée PRODIGIEUSE, au regard de la notoriété acquise par celle-ci pour la désignation des huiles cosmétiques multifonctions, et a engagé sa responsabilité civile délictuelle de ce fait,

En conséquence,

Condamne la société LASCAD à verser à la société LABORATOIRE NUXE la somme de un million d’euros (1.000.000 d’euros) en réparation de ses préjudices,

Fait interdiction à la société LASCAD de commercialiser des produits cosmétiques et capillaires quels qu’ils soient sous la dénomination PRODIG’HUILE, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard passé un délai de trois semaines à compter de la signification de la présente décision,

Se réserve la liquidation de l’astreinte prononcée,

Déboute la société LABORATOIRE NUXE de sa demande d’expertise,

Déboute la société LABORATOIRE NUXE de sa demande de rappel de circuit commerciaux et de destruction,

Déboute la société LABORATOIRE NUXE de sa demande de sa demande d’interdiction de vendre des produits capillaires avec la mention qu’ils sont composés d’ « huiles précieuses » et sous le conditionnement actuellement utilisé pour les produits vendus sous la dénomination PRODIG’HUILE,

Ordonne la publication du jugement dans trois revues, magazines ou journaux au choix de la société LABORATOIRE NUXE et aux frais de

la société LASCAD, sans que les frais de publication n’excèdent 7.000 euros hors taxe par parution,

Déboute la société LABORATOIRE NUXE de ses demandes formées à l’encontre de la société LASCAD au titre de la concurrence parasitaire,

Déboute la société LABORATOIRE NUXE de ses demandes formées à l’encontre de la société DESSANGE INTERNATIONAL au titre de la contrefaçon, de l’atteinte à la marque renommée et au titre de la concurrence parasitaire,

Condamne la société LASCAD aux dépens de l’instance, qui pourront être recouvrés directement par Maître Ludivine PONS en application de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société LASCAD à verser à la société LABORATOIRE NUXE la somme de 15.000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Laisse à la charge de la société DESSANGE INTERNATIONAL ses frais irrépétibles,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision, à l’exclusion de la mesure de publication judiciaire et dans la limite de 400.000 euros s’agissant des dommages et intérêts prononcés au bénéfice de la société LABORATOIRE NUXE.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 12 juillet 2013, n° 13/05544