Tribunal de grande instance de Paris , 3e ch., 3e sect., ordonnance du juge de la mise en état

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 8 nov. 2019, n° 19/02773
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 2019/02773
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP2756668
Titre du brevet : Outil électronique et procédés pour les réunions
Classification internationale des brevets : H04N ; H04M
Référence INPI : B20190088
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 08 novembre 2019

3e chambre 3e section N° RG 19/02773 – N° Portalis 352J-W-B7D-CPIXL

Assignation du : 01 mars 2019

INCIDENT

DEMANDERESSES S.A.S. BARCO […] 92014 NANTERRE

Société BARCO NV Kennedypark 35 8500 KORTRIJK (BELGIQUE) représentées par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0438

DEFENDERESSE S.A.S. F.V.S. […] 77600 BUSSY SAINT GEORGES représentée par Maître Philippe FEITUSSI de la SELARL GENESIS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0225

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Elise MELLIER, Juge assistée de Marie-Aline P, Greffier

DEBATS À l’audience du17 octobre 2019, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 08 novembre 2019.

ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE La société BARCO N.V. est une entreprise belge qui développe des solutions de visualisation et d’affichage destinées aux marchés professionnels. Elle est titulaire d’un brevet européen EP-B-2 756 668 (ci-après « EP'668 ») intitulé « Outil électronique et procédés pour des réunions », qu’elle exploite depuis 2012 dans un dispositif dénommé

« ClickShare® », commercialisé en France par sa filiale BARCO SAS (ensemble « les sociétés BARCO »). Estimant que certaines des revendications de la partie française de ce brevet EP'668 sont reproduites par les produits « Klick & Show » commercialisés sous la marque d’une société de droit allemand KINDERMANN et mis dans le commerce en France par la société FVS, les sociétés BARCO ont fait assigner cette dernière devant le tribunal de grande instance de Paris le 1er mars 2019 en contrefaçon de la partie française du brevet EP'668.

La société FVS a alors assigné la société KINDERMANN GmbH en intervention forcée par acte du 12 juillet 2019 afin qu’elle la garantisse de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ; elle sollicite aujourd’hui du juge de la mise en état la jonction de la procédure RG n° 19/08390 résultant de cette assignation en intervention forcée avec la présente instance. Tant les sociétés BARCO dans le cadre de la présente instance que la société KINDERMANN dans la procédure RG n° 19/08390 s’opposent à la jonction, soulevant l’incompétence du tribunal de grande instance de Paris relativement au litige opposant la société FVS à son fournisseur.

Dans ses conclusions en réponse sur incident n° 1 signifiées électroniquement le 15 octobre 2019, la société FVS demande au juge de la mise en état de : Vu les articles 66, 325, 331, 333 et 334 du Code de procédure civile ; Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil ; Vu les articles 7 et 8 règlement n° 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ; Vu l’assignation délivrée le 1er mars 2019 par la société BARCO enregistrée sous le numéro de RG 19/02 773 ;

— SE DECLARER compétent pour connaître du litige opposant la société KINDERMANN à la société FVS ;

- DECLARER recevable et bien fondée la demande d’intervention forcée à l’encontre de la société KINDERMANN GMBH ;

- ORDONNER la jonction de la présente instance avec l’instance inscrite sur le rôle du Tribunal de Grande Instance de Paris sous le numéro de RG 19/02773 ;

- JUGER que la société KINDERMANN devra relever et garantir indemne FVS de toutes les condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires, dans l’instance principale enregistrée sous le numéro de RG 19/02773 ;

- CONDAMNER les sociétés KINDERMANN et BARCO à payer à la société FVS la somme de 3.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions d’incident n° 1 signifiées électroniquement le 30 septembre 2019, les sociétés BARCO demandent au juge de la mise en état de : Vu l’assignation en intervention forcée délivrée à Kindermann ; Vu les articles 325, 367, 699 et suivants du code de procédure civile ; Vu les articles 8.2 et 25 du Règlement concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dans sa version n°1215/2012 du 12 décembre 2012 ; Vu le contrat de distribution conclu entre FVS et Kindermann ;

— Constater que le tribunal de grande instance de Paris est incompétent au profit du tribunal de Wurzburg ;

- Constater que l’appel en garantie formuler par FVS à l’encontre de Kindermann ne présente pas de lien suffisant avec la présente instance enrôlée sous le numéro RG 19/02773 ; En conséquence,
- Rejeter la demande de jonction de l’instance enregistrée sous le numéro RG 19/08390 et la présente instance enrôlée sous le numéro RG 19/02773 ;

- Condamner la société FVS à payer à la société Barco la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société FVS aux entiers dépens.

MOTIFS La société FVS expose importer et commercialiser en France les produits « Klick and Show » de la société KINDERMANN GmbH dans le cadre du contrat de distribution qu’elle a conclu avec elle en date du 13 septembre 2019, raison pour laquelle elle a appelé cette dernière en garantie et demandé la jonction des deux instances. Elle considère d’une part que la rédaction même de la clause attributive de juridiction que comporte le contrat de distribution exclut la compétence du tribunal de Wurzburg, et d’autre part que, par application de l’article 333 du code de procédure civile mais également du règlement européen du 12 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris est compétent s’agissant d’un litige délictuel, et non contractuel, l’opposant à la société KINDERMANN GmbH. Les sociétés BARCO répondent que le présent tribunal n’a pas compétence pour statuer sur l’appel en garantie formé par la société FVS à l’encontre de la société KINDERMANN GmbH, l’intervention forcée étant irrecevable car ne présentant aucun lien suffisant avec les prétentions des parties en litige au principal ; elles ajoutent qu’en tout état de cause, aucun risque de contrariété de décisions ne justifie la jonction demandée, le tribunal de grande instance de Paris n’étant pas compétent en vertu de la clause attributive de juridiction que

contient le contrat de distribution conclu entre les sociétés FVS et KINDERMANN. Sur ce, L’article 367 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble, l’article 766 indiquant qu’il appartient au juge de la mise en état de procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.

Il est de jurisprudence constante que les dispositions de l’article 333 du code de procédure civile selon lesquelles « Le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence » ne sont pas applicables en cas d’attribution de compétence à une juridiction étrangère dans les litiges soumis à l’ordre international, i.e. dans lesquels une des parties est établie dans un État tiers ou un État membre de l’Union européenne. En l’espèce, la société KINDERMANN GmbH appelée en intervention forcée par la société FVS étant domiciliée sur le territoire allemand, il convient de faire application des dispositions du règlement européen dit Bruxelles I bis du 12 décembre 2012 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

L’article 7 dudit règlement dispose ainsi que : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre : 1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ; b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :
- pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
- pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ; 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ; (…) ». L’article 8.2 du même règlement dispose que : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut aussi être attraite : (…) S’il s’agit d’une demande en garantie ou d’une demande en intervention, devant la juridiction saisie de la demande originaire, à

moins qu’elle n’ait été formée que pour traduire celui qui a été appelé hors du ressort de la juridiction compétente ». En outre, aux termes de l’article 25 alinéa 1er dudit règlement, « Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties (…) ». Or, la société KINDERMANN, reprise en son argumentation par les sociétés BARCO, soutient que, en application des dispositions du contrat de distribution conclu le 13 juin 2018 et des conditions générales de vente de la société KINDERMANN GmbH auxquelles l’article 5 du contrat de distribution précité renvoit expressément (« la fourniture des produits mentionnés dans le présent contrat est soumise aux « Conditions générales de vente et conditions de livraison et de service » de KINDERMANN »), la clause XIV intitulée « Lieu d’exécution et compétence juridictionnelle » attribuerait compétence exclusive au tribunal allemand de Wurzburg pour tous les litiges liés à ce contrat. Il convient tout d’abord de déterminer si l’appel en garantie formé par la société FVS relève de la responsabilité délictuelle, comme le soutient cette dernière. S’agissant de possibles faits de contrefaçon allégués à l’encontre de produits fournis par la société KINDERMANN GmbH en exécution du contrat de distribution du 13 juin 2018, il doit être relevé que :

- le contrat a pour objet la distribution de « tous les produits fabriqués par/pour KINDERMANN énumérés à l’annexe 1 du contrat », parmi lesquels figure le produit litigieux « Klick & Show » ;

- la fourniture desdits produits est soumise aux « Conditions générales de vente et conditions de livraison et de service » de la société KINDERMANN ;

- les dispositions combinées des articles X (« Complaints and claims ») et XI (« Liability ») démontrent que la société KINDERMANN a entendu inclure dans le champs d’application contractuel la mise en œuvre de sa responsabilité, même si c’est en tentant de la limiter, pour toute question relative aux produits fournis, ce qui inclut nécessairement les cas où sa responsabilité de fabricant des produits pourrait être recherchée pour contrefaçon. Dès lors, et le principe de non-option des responsabilités contractuelle et délictuelle s’opposant à ce qu’un contractant assigne son cocontractant sur le terrain délictuel pour un manquement d’origine contractuelle, il convient de statuer sur l’applicabilité de la clause attributive de compétence litigieuse.

La clause XIV du contrat de distribution, intitulée « Lieu d’exécution et compétence juridictionnelle », stipule (dans sa version française) : « Le lieu d’exécution pour les livraisons et les paiements est Eibelstadt, le tribunal compétent est celui de Wùrzburg. Pour tous les contrats juridiques, seul le droit allemand est applicable. La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM) ne s’applicable pas. » La société FVS ne peut valablement soutenir que cette clause, telle que rédigée, ne serait applicable que pour les litiges relevant de l’exécution des livraisons et des paiements, alors même d’une part que la volonté de la société KINDERMANN de soumettre via ses conditions générales que la société FVS a acceptées, l’intégralité des litiges nés à l’occasion de l’exécution du contrat de distribution au droit allemand et à la compétence des tribunaux de ce pays, plus particulièrement de celui de Wùrzburg, ressort clairement de la clause litigieuse, dont la syntaxe hasardeuse apparaît relever d’une traduction approximative de la version allemande, laquelle est « seule juridiquement contraignante » ; d’autre part que si les parties ont entendu expressément exclure les dispositions de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, les dispositions combinées de la clause litigieuse et de l’article 7 du règlement Bruxelles I bis précité désignent en tout état de cause les tribunaux allemands comme juridiction du lieu d’exécution contractuelle s’entendant pour la vente de marchandises comme « le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées », en l’espèce Eibelstadt. En définitive, le tribunal de grande instance de Paris étant manifestement incompétent pour statuer sur la responsabilité de la société KINDERMANN GmbH dans le cadre du litige l’opposant à sa cocontractante, la société FVS, la jonction sollicitée ne pourra être prononcée, étant au surplus relevé qu’une éventuelle condamnation pour contrefaçon de la société FVS dans l’instance au principal l’opposant aux sociétés BARCO ne la priverait pas de la possibilité d’assigner la société KINDERMANN devant les tribunaux compétents afin de la voir condamnée à la relever et garantir indemne de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre. La société FVS, qui succombe, supportera seule la charge des dépens. Elle sera en outre condamnée à verser aux sociétés BARCO, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qu’il est équitable de fixer à la somme globale de 1 500 (mille cinq cents) euros.

PAR CES MOTIFS Nous, juge de la mise en état, par décision rendue publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions des articles 776 et 380 du code de procédure civile, Rejetons la demande de jonction de la présente instance avec l’instance inscrite sur le rôle du Tribunal de Grande Instance de Paris sous le numéro RG n° 19/08390 ;

Renvoyons l’affaire à l’audience de mise en état du 16 janvier 2020 à 15H30, la société FVS étant invitée à conclure au fond au plus tard le 2 janvier 2020, date relais ; Condamnons la société FVS à verser aux sociétés BARCO N.V. et BARCO SAS ensemble la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société FVS aux dépens du présent incident. Fait à Paris, le 8 novembre 2019.

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