Tribunal de grande instance de Paris, 17e chambre presse civile, 10 juillet 2019

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www.alain-bensoussan.com · 2 août 2019

La mise à disposition de mentions légales est une obligation légale sanctionnée pénalement. L'éditeur de tout site internet est tenu de fournir aux internautes des informations relatives à sa personne. L'article 6, III, de la Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) impose notamment à tout éditeur de site de fournir les informations suivantes : S'il s'agit de personnes physiques, leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone et, si elles sont assujetties aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de …

 
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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 17e ch. presse civ., 10 juill. 2019
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris

Texte intégral

Vu l’assignation délivrée le 04 avril 2018, à Monsieur Y., à la requête de Monsieur X., qui demande au tribunal, au visa de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et de l’article 1240 du code civil :

– de condamner le défendeur à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

– d’ordonner la publication du dispositif du jugement pendant une durée de quinze jours consécutifs, dans les huit jours de la signification du jugement à intervenir, en page d’ouverture du blog yyy.fr, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard, pendant une durée de trois mois,

– de condamner le défendeur à lui verser 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– de le condamner aux dépens, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, qui comprendront le coût du procès-verbal de constat d’huissier du 23 novembre 2016,

– d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,

Vu les dernières conclusions récapitulatives de Monsieur X., notifiées le 15 janvier 2019, reprenant les demandes formées dans l’assignation, y ajoutant la demande au tribunal de se réserver la liquidation de l’astreinte,

Vu les dernières conclusions en réplique n°2 de Monsieur Y., notifiées le 10 avril 2019, qui demande au tribunal, au visa de l’article 6, IV de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, de l’article 93-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, de l’article 1 alinéa 2 du décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 relatif au droit de réponse applicable aux services de communication au public en ligne et pris pour l’application du IV de l’article 6 de la n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, de l’article 1240 du code civil, de l’article 378 du code de procédure civile, des articles 2 et 4 du code de procédure pénale, de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, des articles 50, 771 du code de procédure civile, des articles 56, 648 et 654 du code de procédure civile, de l’article 32-1 du code de procédure civile et des articles 700 et 699 du code de procédure civile :

– à titre liminaire, de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision définitive rendue dans le cadre de la procédure pénale instruction 2316/17/38, parquet 1704500354,

– à titre principal, de constater l’absence de préjudice, de débouter le demandeur de ses demandes,

– à titre subsidiaire, de réduire le montant des dommages et intérêts à un euro, à tout le moins, réduire le montant,

– à titre reconventionnel, de condamner le demandeur à lui verser 10.000 euros pour procédure abusive,

– en tout état de cause, de le condamner à lui verser 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture du 17 avril 2019,

L’affaire a été appelée à l’audience du 15 mai 2019, les conseils des parties ayant été entendus en leurs observations, puis mise en délibéré au 10 juillet 2019, par mise à disposition au greffe.

~~~~ ¤ ~ ¤ ~~~~

Sur les demandes :

L’article 6-III-1 c) de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose notamment que les personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne mettent à disposition du public, dans un standard ouvert, s’il s’agit de personnes physiques, leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone, le nom du directeur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction au sens de l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982.

L’article 6-VI-2 précise qu’est puni d’un an d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de fait ou de droit d’une personne morale exerçant l’activité définie au III, de ne pas avoir respecté les prescriptions de ce même article.

Par ailleurs, l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 dispose que tout service de communication au public par voie électronique est tenu d’avoir un directeur de la publication.

Enfin, selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, il faut indiquer, à titre liminaire, que le demandeur expose avoir été journaliste au MONDE, en charge de l’information sur l’Amérique latine, ayant pris sa retraite en janvier 2019.

Monsieur X. précise avoir constaté, sur le site yyy.fr, des propos qu’il estime diffamatoires :

– d’abord dans des articles publiés le 15 août 2012 et le 14 octobre 2012 ; selon l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris du 05 février 2016 (pièce 2), la procédure n’aboutissait pas, la cour, constatant la nullité d’actes d’information et l’acquisition de la prescription, venant confirmer l’ordonnance de non-lieu du magistrat instructeur du 08 septembre 2014 ;

– ensuite dans un article du 14 novembre 2016, à la suite duquel Monsieur X. faisait d’abord délivrer une assignation au civil (pièce 3), avant de déposer une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction, procédure pénale toujours en cours à ce jour, selon les débats.

Le demandeur ajoute que le site yyy.fr, comme il en a informé le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris par courrier du 10 janvier 2017, ne comportait pas les mentions légalement requises, sa plainte étant classée sans suite le 06 mars 2017, après régularisation par le site, selon l’information qui lui était communiquée (pièces 4 et 5).

Le demandeur estime pouvoir demander la réparation du préjudice, lié à l’absence des mentions légales sur le site, absence qui ne lui aurait pas permis, selon lui, d’agir avec célérité et efficacité à la suite des articles publiés, notamment par la voie civile.

Sur ce, il sera constaté :

– que, contrairement à ce qu’indique le défendeur, aucun élément ne vient justifier que, dans la présente instance, le tribunal surseoit à statuer sur les demandes ;

– qu’en effet, si la plainte en diffamation n’a pas encore été jugée, il est également constant que le demandeur, ainsi qu’il résulte avec précision des dernières conclusions récapitulatives, n’entend pas voir réparer ici le préjudice de réputation, mais le préjudice lié au défaut des mentions légales, sur le site yyy.fr ;

– qu’il s’en déduit aussi que l’article 4 du code de procédure pénale, qui prévoit qu’il est sursis à la décision sur l’action civile exercée séparément lorsqu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique, est inapplicable, dès lors que Monsieur X. n’entend pas, ici, voir réparer, par la voie civile, le dommage causé par l’infraction de diffamation, mais un dommage distinct, lié à un défaut de mentions légales ;

– que, sur la faute alléguée, il est établi que le site yyy.fr ne comportait pas de nom de directeur de la publication ;

– que le demandeur observe aussi, à juste titre, que, s’il est désormais fait état de ce que Monsieur Y. est directeur de la publication du site yyy.fr, il n’a pas toutefois été désigné de codirecteur de la publication dans les conditions prévues par l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 ;

– qu’une telle désignation est pourtant nécessaire lorsque le directeur de la publication jouit de l’immunité parlementaire, dans les conditions prévues par l’article 26 de la Constitution.

La faute alléguée est donc établie, à raison du non-respect des dispositions des lois du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et du 29 juillet 1982.

Ainsi, la demande de sursis à statuer sera rejeté et le tribunal constatera :

– une faute du défendeur, au regard des manquements à la loi rappelés ci-avant ;

– un préjudice, lié au fait que les mentions légales auraient permis au demandeur d’agir par la voie civile, notamment par les indications de coordonnées ainsi que du nom du directeur de la publication ;

– un lien entre la faute et le préjudice, l’impossibilité pour Monsieur X. de choisir la voie procédurale qu’il estimait adaptée étant directement en lien avec le défaut des mentions requises.

Reste que, concernant l’étendue du préjudice subi, force est de relever :

– que le défendeur fait valoir, à juste titre, que le tribunal doit se limiter strictement au préjudice lié au défaut de mentions légales, et non réparer, d’une quelconque manière, le préjudice de réputation, directement ou indirectement, notamment par une analyse de perte de chance ;

– qu’en conséquence, il ne saurait donc ici être statué sur le caractère diffamatoire ou pas des propos visés, ainsi que sur les éventuels moyens de défense, dans le cadre des procédures par ailleurs diligentées par Monsieur X. ;

– que, dès lors, le préjudice subi doit être ramené à de plus justes proportions, se limitant à l’impossibilité d’agir par la voie civile ;

– que la longueur des délais de jugement, dans le cadre de la plainte avec constitution de partie civile, ou même le fait que le défendeur ait pu faire valoir son immunité, dans le cadre de procédures pénales distinctes, ne peuvent être réparés ici ; que ces demandes pourront être formées devant le juge pénal, compétent, en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale, pour statuer sur une éventuelle indemnisation de la supposée longueur des procédures à suite de l’article du 14 novembre 2016, à la condition que Monsieur Y. soit déclaré coupable sur le plan pénal ; que statuer, dans la présente instance, en sens contraire conduirait à un risque de double indemnisation d’un même préjudice ; que le tribunal ne peut au demeurant statuer sur des dommages hypothétiques ;

– que, de même, le tribunal ne pourra que constater que, pour les articles de 2012, la cour, dans l’arrêt cité ci-avant a constaté la prescription de l’action publique, de sorte qu’il n’en résulte aucun préjudice pour le demandeur lié à l’action du défendeur.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le préjudice est fondé en son principe, à raison du fait que, cité dans des articles du site en cause, le demandeur n’a pu accéder à des mentions légales conformes.

Le préjudice sera toutefois évalué à la somme d’un euro, les autres demandes de Monsieur X. étant rejetées, le tribunal ne pouvant ici, même de manière indirecte, réparer un quelconque préjudice de réputation en rapport avec le fond des propos publiés, pas plus qu’il ne saurait indemniser Monsieur X. des frais engagés dans une procédure pénale toujours en cours.

Sur les autres demandes :

Le défendeur devra verser au demandeur la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamné aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, sans qu’il y ait lieu de prévoir que les dépens comprendront des actes d’huissier.

Condamné, Monsieur Y. ne peut voir sa demande pour procédure abusive accueillie.

Enfin, rien ne vient justifier que soit ici prononcée l’exécution provisoire, qui ne sera donc pas ordonnée.

DÉCISION

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Rejette la demande de sursis à statuer,

Condamne Monsieur Y. à verser à Monsieur X. la somme d’un euro à titre de dommages et intérêts,

Condamne Monsieur Y. à verser à Monsieur X. la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne Monsieur Y. aux dépens, avec application au profit du conseil du demandeur des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

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