Tribunal Judiciaire de Paris, 18deg chambre 1re section, 25 janvier 2024, n° 20/10991

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 18deg ch. 1re sect., 25 janv. 2024, n° 20/10991
Numéro(s) : 20/10991
Importance : Inédit
Dispositif : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur
Date de dernière mise à jour : 2 février 2024
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Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS [1]

[1]

C. exécutoires

délivrées le:

18° chambre

1ère section

N° RG 20/10991

N° Portalis 352J-W-B7E-CTEXJ

N° MINUTE : 1

contradictoire

Assignation du :

05 Novembre 2020

JUGEMENT

rendu le 25 Janvier 2024

DEMANDERESSE

S.C.I. FONCIERE RICHARD LENOIR

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Maître Gilles GODIGNON SANTONI de la SELARL DOLLA – VIAL & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0074

DÉFENDERESSE

S.A.S. POLTRONESOFA’FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Maître Jérémy CHICHE de la SCP ATALLAH COLIN MICHEL VERDOT ET AUTRES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P0008

Décision du 25 Janvier 2024

18° chambre 1ère section

N° RG 20/10991 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTEXJ

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Pauline LESTERLIN, Juge, statuant en juge unique,

assistée de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,

DÉBATS

A l’audience du 11 Septembre 2023, tenue en audience publique,

Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2023.

Puis, le délibéré a été prorogé jusqu’au 25 janvier 2024.

JUGEMENT

Rendue par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 31 mai 2018, la SCI FONCIERE RICHARD LENOIR (ci-après la SCI) a donné à bail commercial à la société POLTRONESOFA’FRANCE des locaux à destination de l’activité de « vente de meubles et tous objets afférents à l’équipement de la maison », dépendants d’un immeuble sis [Adresse 3], pour une durée de neuf années à compter du 1er juin 2018, moyennant un loyer annuel initial de 350 000 euros en principal, payable trimestriellement à terme d’avance.

Par lettre du 18 mars 2020, la société POLTRONESOFA’FRANCE a sollicité auprès de la SCI un abandon des loyers et charges correspondant à la période de fermeture administrative de ses magasins en raison de l’épidémie de Covid-19.

Par courrier du 28 avril 2020, la société NEXITY, mandataire de la SCI, a indiqué à la preneuse que la SCI entendait refuser sa demande d’exonération de paiement au titre du deuxième trimestre 2020.

Par courrier du 6 mai 2020, la preneuse a de nouveau sollicité l’abandon des loyers et charges correspondant à la période de fermeture administrative de son magasin, ce que la SCI a décliné par courrier du 27 mai 2020.

Par acte extrajudiciaire du 18 août 2020, la SCI a signifié à la société POLTRONESOFA’FRANCE un commandement de payer la somme de 73 917,92 euros en principal.

Par acte extrajudiciaire du 6 octobre 2020, la SCI a fait signifier auprès de la société CIC un procès-verbal de saisie conservatoire de créances portant sur une somme de 74 575 euros due au titre des loyers et charges arrêtés au 21 septembre 2020.

Par acte extrajudiciaire du 14 octobre 2020, la SCI a fait signifier à la preneuse la dénonciation de la saisie conservatoire.

Par acte du 5 novembre 2020, la SCI a fait assigner la société POLTRONESOFA’FRANCE devant le tribunal judiciaire de Paris, au visa des articles 1103 et suivants du Code civil, des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce et des articles 514 et 700 du Code de procédure civile, aux fins notamment de voir la preneuse condamnée au paiement de la somme de 73 917,92 euros au titre de l’arriéré locatif et au paiement de la somme 7 391,79 euros au titre de la clause pénale insérée au bail unissant les parties.

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 6 septembre 2022, la SCI demande au tribunal judiciaire, au visa des articles 1103 et suivants du Code civil, des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce et des articles 514 et 700 du Code de procédure civile, de :

« RECEVOIR la SCI FONCIERE RICHARD LENOIR en son action et l’en déclarer bien fondée.

DEBOUTER la société POLTRONESOFA FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions.

CONDAMNER la société POLTRONESOFA FRANCE à payer à la SCI FONCIERE RICHARD LENOIR la somme de 1.028,02 € au titre de l’arriéré locatif arrêté au 29 août 2022 , outre les intérêts au taux légal à compter du commandement de payer,

ORDONNER la capitalisation des intérêts.

CONDAMNER la société POLTRONESOFA FRANCE à payer la SCI FONCIERE RICHARD LENOIR la somme de 5.416,04 € à titre de clause pénale.

CONDAMNER lasociété POLTRONESOFA FRANCE à payer à la SCI FONCIERE RICHARD LENOIR la somme de 8.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer.

DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »

Aux termes de ses conclusions en réponse signifiées par voie électronique le 7 juin 2022, la société POLTRONESOFA’FRANCE demande au tribunal judiciaire, au visa des articles 1104, 1218, 1219, 1220, 1343-5, 1719 et 1722 du Code civil, de :

« – Constater que la société POLTRONESOFA’France n’est redevable d’aucune somme au titre du bail pour les périodes : du 15 mars au 11 mai 2020 ; du 30 octobre au 28 novembre 2020 ; du 20 mars 2021 au 3 mai 2021 (dates spécifiques pour l’Île-de-France).

En conséquence,

— Débouter la société SCI RICHARD LENOIR de l’ensemble de ses demandes ;

— Condamner la SCI RICHARD LENOIR au remboursement des sommes versées au titre des périodes de fermetures administratives (entre le 16 mars au 11 mai 2020 et entre le 30 octobre et le 28 novembre 2020) soit la somme de CENT NEUF MILLE CENT NEUF EUROS ET SOIXANTE-SIX CENTIMES (109.109,66€) ;

— Dire et juger que la somme de 54.160,40 € demandée au titre du loyer et accessoires à POLTRONESOFA’France n’est pas due ;

— Dire et juger que la somme de 5.416,04 € demandée au titre de la clause pénale à POLTRONESOFA’France n’est pas due.

En tout état de cause :

— Condamner la société SCI RICHARD LENOIR à payer à la société POLTRONESOFA’FRANCE la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— Condamner la société SCI RICHARD LENOIR aux entiers dépens. »

Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés au soutien de leurs prétentions respectives.

Le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction le 24 novembre 2022 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 11 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exigibilité des loyers pendant les périodes du 15 mars au 11 mai 2020, du 30 octobre au 28 novembre 2020 et du 20 mars au 3 mai 2021

À titre liminaire, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la SCI, l’acquiescement de la société POLTRONESOFA’FRANCE à la saisie conservatoire du 6 octobre 2020 ne saurait caractériser un acquiescement à la demande de paiement de l’arriéré locatif litigieux, la saisie conservatoire ne constituant pas une demande au sens de l’article 408 du Code de procédure civile. L’acquiescement à la saisie ne saurait davantage caractériser un aveu en application de l’article 1383 du Code civil, ce dernier supposant une manifestation non équivoque de volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre soi des conséquences juridiques.

— Sur la destruction de la chose louée

La société POLTRONESOFA’FRANCE indique que son établissement a subi des fermetures administratives dans le contexte de la crise sanitaire, sur les périodes du 15 mars au 11 mai 2020, du 30 octobre au 28 novembre 2020 et du 20 mars au 3 mai 2021. Elle soutient que ces fermetures administratives l’ont placée dans l’impossibilité totale de jouir du local pris à bail conformément à sa destination contractuelle et sont donc assimilables à une perte juridique de la chose louée en application de l’article 1722 du Code civil, de sorte qu’elle doit être dispensée de son obligation de payer les loyers et charges pour les périodes litigieuses.

La SCI fait valoir que la preneuse a conservé l’accès à son local en dépit des diverses décisions administratives intervenues au cours de la période de crise sanitaire, de sorte qu’elle n’a pas été privée de jouissance et que l’interdiction de recevoir du public ne saurait caractériser la perte de la chose louée.

Aux termes de l’article 1722 du Code civil applicable aux baux commerciaux, si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander une diminution du prix. Est assimilée à une perte partielle de la chose, l’impossibilité, par suite de circonstances, pour le preneur de jouir de la chose ou d’en faire un usage conforme à sa destination.

Toutefois, l’effet des mesures générales et temporaires d’interdiction de recevoir du public résultant notamment des arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé ainsi que des décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant jusqu’au 11 mai 2020, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte de la chose au sens de l’article 1722 du Code civil.

Le moyen tiré de la destruction de la chose louée sera donc rejeté.

— Sur le moyen tiré de l’exception d’inexécution à raison du trouble de jouissance et du manquement du bailleur à son obligation de délivrance conforme

La société POLTRONESOFA’FRANCE fait valoir que l’impossibilité matérielle d’accéder à ses locaux pendant plusieurs mois a rendu ces derniers non conformes à leur destination contractuelle, soit la vente de meubles et tous objets afférents à l’équipement de la maison, qu’un défaut de délivrance conforme et un trouble de jouissance sont donc établis, que la preneuse est en conséquence bien fondée à se prévaloir d’une exception d’inexécution ayant justifié la suspension des loyers durant les périodes litigieuses en application de l’article 1219 du Code civil.

La SCI soutient que l’exception d’inexécution n’est admise en matière de baux commerciaux qu’en cas d’impossibilité absolue d’utiliser les locaux conformément à leur destination, qu’en l’espèce il n’a existé aucune impossibilité absolue d’exploiter en raison du maintien de l’accès aux locaux, qu’en outre l’interdiction de recevoir du public ne résulte pas d’un manquement du bailleur à ses obligations découlant du bail, qu’en conséquence la preneuse doit être déboutées de ses demandes fondées sur l’exception d’inexécution.

L’article 1719 du Code civil oblige le bailleur à délivrer la chose louée au preneur, ce qui s’entend au sens strictement matériel de la mise à disposition de la chose louée, et à lui assurer une jouissance paisible des lieux loués, ce qui implique la mise à disposition d’un bien conforme à la destination contractuellement convenue par les parties, cet article n’ayant pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité, cependant qu’en application de l’article 1728 du Code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.

Aux termes de l’article 1219 du Code civil, une partie ne peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, que si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. En application de l’article 1728 du Code civil, le preneur ne peut se prévaloir d’une exception d’inexécution, le déchargeant du paiement de tout loyer, que s’il établit une impossibilité d’exploiter le local.

En l’espèce, la société POLTRONESOFA’FRANCE, qui ne discute ni ne conteste que pendant les trois périodes litigieuses intervenues entre le 15 mars 2020 et le 3 mai 2021, la SCI a bien tenu à sa disposition les locaux loués, se prévaut de l’impossibilité d’exploiter ceux-ci conformément à leur destination contractuelle du fait des fermetures administratives intervenues.

Toutefois, l’effet de la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public sur les périodes du 15 mars au 11 mai 2020, du 30 octobre au 28 novembre 2020 et du 20 mars au 3 mai 2021, résultant notamme nt des arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé ainsi que des décrets n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et du décret n°2020-423 du 14 avril 2020 le complétant jusqu’au 11 mai 2020, est sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué et ne peut être imputable au bailleur, l’impossibilité d’exploiter étant du seul fait du législateur. Il en résulte que l’impossibilité d’exploiter dont se prévaut la société POLTRONESOFA’FRANCE du fait des mesures de police administrative portant interdiction de recevoir du public ne résulte pas d’un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance et d’assurer la jouissance paisible des locaux, mais de décisions prises par l’autorité administrative afin de lutter contre la pandémie, notamment celle de fermer certains établissements recevant du public.

La société POLTRONESOFA’FRANCE est donc mal fondée à se prévaloir d’un manquement de la SCI à ses obligations et de l’exception d’inexécution pour soutenir n’être débitrice d’aucun loyer sur la période susvisée.

Le moyen tiré de l’exception d’inexécution sera donc rejeté.

— Sur le moyen tiré de la force majeure

La société POLTRONESOFA’FRANCE invoque également la force majeure, exposant que les mesures de fermeture administrative échappaient au contrôle de la preneuse, ne pouvaient raisonnablement être prévues lors de la conclusion du contrat, ne pouvaient être évitées et ont totalement empêché l’exploitation des locaux loués. Elle conclut en conséquence à son exonération du règlement des loyers et charges litigieux sur le fondement de l’article 1218 du Code civil.

La SCI oppose en substance que la preneuse ne verse aucune pièce attestant de ses difficultés financières, qu’au contraire elle disposait sur ses comptes de plus de 41 millions d’euros, que l’irresistibilité constitutive de la force majeure n’est donc pas caractérisée, qu’en outre il est établi que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent ne peut s’exonérer de son obligation en invoquant un cas de force majeure, qu’enfin le créancier ne peut profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit en invoquant la force majeure, qu’en définitive la preneuse n’est donc pas fondée à invoquer la force majeure.

Selon l’article 1218 du Code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

En outre, il est de principe que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure.

En l’espèce, l’épidémie de Covid-19, bien qu’événement par essence imprévisible, ne revêt pas le caractère d’événement irrésistible rendant manifestement impossible toute possibilité d’exécution, dès lors que l’obligation concernée est de nature pécuniaire et qu’elle est toujours par sa nature susceptible d’être exécutée, étant observé qu’en tout état de cause la société POLTRONESOFA’FRANCE ne justifie d’aucune impossibilité de payer les loyers. Dans ces conditions, pour échapper au paiement des loyers dont elle est redevable à l’égard de la SCI en contrepartie de la mise à disposition des lieux loués, la société POLTRONESOFA’FRANCE n’est nullement fondée à invoquer à son profit la force majeure résultant d’une mesure générale de police administrative.

La locataire ne pouvant donc exciper de la force majeure pour s’exonérer de son obligation de paiement des loyers et charges échus pour la période litigieuse, les moyens de ce chef seront donc rejetés comme infondés.

Sur la demande en paiement de la SCI

En application de l’article 1353 du Code civil, aux termes duquel celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, il appartient au preneur de justifier de s’être libéré du paiement de son loyer entre les mains de son bailleur.

Aux termes de l’article 1231-6 du Code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal.

En l’espèce, la SCI sollicite la condamnation de la société POLTRONESOFA’FRANCE à apurer son arriéré locatif, outre les intérêts au taux légal à compter du commandement de payer. Tenant compte de versements intervenus postérieurement à l’assignation introductive de la présente instance, la bailleresse produit aux débats un décompte actualisé au 29 août 2022 faisant apparaître un arriéré locatif d’un montant de 1 028,02 euros.

Il sera constaté que la société POLTRONESOFA’FRANCE échoue à rapporter la preuve qui lui incombe du règlement des sommes dues aux termes du décompte produit par la bailleresse.

Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de la SCI en condamnation au paiement de la somme de 1 028,02 euros correspondant aux loyers et charges échus au 29 août 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 2020, date du commandement de payer délivré à la preneuse. Les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil.

Sur la demande de remboursement formée par la société POLTRONESOFA’FRANCE

Comme énoncé précédemment, il n’y a pas lieu de constater, comme le sollicite la société POLTRONESOFA’FRANCE, que cette dernière n’est redevable d’aucune somme au titre du bail pour les périodes du 15 mars au 11 mai 2020, du 30 octobre au 28 novembre 2020, du 20 mars 2021 au 3 mai 2021.

Dès lors, la demande de remboursement formée par la société POLTRONESOFA’FRANCE est mal fondée, et la preneuse en sera déboutée.

Sur la clause pénale

La SCI fait valoir que la preneuse s’est abstenue de régler la totalité des loyers et charges afférents au deuxième trimestre 2020 en dépit de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 mai 2020 et du commandement de payer du 18 août 2020, et qu’en cours de procédure la preneuse a de nouveau fait défaut à ses obligations, portant la dette au 8 avril 2022 à la somme de 54 160,40 euros. Elle soutient que même si la preneuse n’est plus redevable que d’une somme de 1 028,02 euros, la clause pénale trouve à s’appliquer à l’ensemble des impayés et retards passés, soit sur le montant précité de 54 160,40 euros, d’où il résulte une indemnité forfaitaire de 5 416,04 euros.

La société POLTRONESOFA’FRANCE expose que, les loyers appelés au titre des périodes de fermeture administrative n’étant pas dus, elle n’a pas fait défaut à son obligation de paiement, de sorte que la clause pénale ne trouve pas à s’appliquer.

Aux termes de l’article 1231-5 du Code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier.

En l’espèce, le contrat de bail conclu le 31 mai 2018 prévoit en page 23 qu’à défaut de paiement du loyer, des accessoires et des sommes exigibles à chaque terme, un mois après réception par le locataire d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception demeurée sans effet, les sommes dues seraient automatiquement majorées de 10 % à titre d’indemnité forfaitaire de frais contentieux.

Cette clause, qui prévoit par avance le montant de l’indemnisation due au bailleur en raison de l’absence ou d’un retard de paiement, s’analyse comme une clause pénale.

La résistance, non fondée, du preneur à payer les loyers et charges échus pendant la période de crise sanitaire justifie l’application de la clause pénale telle que stipulée au bail, soit une pénalité de 10%.

En revanche, au regard du paiement substantiel de la dette intervenue au cours de l’instance, le tribunal a le pouvoir de tenir compte de cette exécution partielle pour modérer l’application de la clause pénale, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, en vertu de l’alinéa 4 de l’article 1231-5 du code civil. Dès lors, le créancier ayant bénéficié d’un règlement quasi complet de la dette au jour du présent jugement, la clause pénale stipulée contractuellement ne saurait être calculée sur la base des sommes dues au cours de l’exécution du contrat et désormais réglées, mais sera calculée sur la base de la somme restant due au jour de la présente décision, donnant lieu à condamnation du débiteur, soit en l’espèce, la somme de 1.028,02 euros.

Par conséquent, la société POLTRONESOFA’FRANCE est condamnée à payer à la SCI la somme de 102,80 euros au titre de la clause pénale.

Sur les autres demandes

La société POLTRONESOFA’FRANCE succombant, il y a lieu de la condamner aux dépens, lesquels comprennent le coût du commandement du 18 août 2020, ainsi qu’à payer à la SCI la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, cependant qu’elle sera déboutée de ce même chef de demande.

La présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en vertu de l’article 514 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, sans qu’il soit nécessaire pour le tribunal de l’ordonner, la rappeler ou dire n’y avoir lieu à l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

— Déboute la société POLTRONESOFA’FRANCE de ses demandes tendant à juger qu’elle n’est redevable d’aucune dette de loyers et charges envers la SCI FONCIERE RICHARD LENOIR, pour les périodes du 15 mars au 11 mai 2020, puis du 30 octobre au 28 novembre 2020 et du 20 mars 2021 au 3 mai 2021, et tendant à la condamnation de la SCI au remboursement de la somme de 109 109,66 euros versée au titre de ces périodes,

— Condamne la société POLTRONESOFA’FRANCE à payer à la SCI FONCIERE RICHARD LENOIR la somme de 1 028,02 euros correspondant aux loyers et charges échus au 29 août 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 2020, date du commandement de payer délivré à la preneuse,

— Ordonne la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil,

— Condamne la société POLTRONESOFA’FRANCE à payer à la SCI FONCIERE RICHARD LENOIR la somme de 102,80 euros à titre de clause pénale,

— Condamne la société POLTRONESOFA’FRANCE aux dépens, qui incluront le coût du commandement du 18 août 2020 et qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile,

— Condamne la société POLTRONESOFA’FRANCE à payer à la SCI FONCIERE RICHARD LENOIR la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

— Déboute la société POLTRONESOFA’FRANCE de sa demande d’une indemnité sur le même fondement,

— Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Fait et jugé à Paris le 25 Janvier 2024.

Le GreffierLe Président

Christian GUINANDPauline LESTERLIN

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