Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 12 octobre 2017, n° 15/04642

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 3e ch. b, 12 oct. 2017, n° 15/04642
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 15/04642
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 20 janvier 2015, N° 34FS@-@D
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 1 novembre 2022
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Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

SUR RENVOI APRES CASSATION

DU 12 OCTOBRE 2017

N° 2017/299

Rôle N° 15/04642

SA OCEA

C/

SA [Adresse 1]

SAS GUINTOLI

Grosse délivrée

le :

à :

Me P. GUEDJ

Me F. BOULAN

Me X. PIETRA

Décision déférée à la Cour :

sur déclaration de saisine de la Cour suite à un arrêt de la Cour de Cassation en date du 21 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 34 FS-D, ayant partiellement cassé un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence en date du 22 novembre 2012 lequel avait statué sur appel d’un jugement du tribunal de commerce de Tarascon du 17 mai 2010.

APPELANTE – DEMANDERESSE A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

SA OCEA

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 2]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Michel QUIMBERT, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉES – DÉFENDERESSES A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

SA [Adresse 1]

prise en la personne de son représentant légal en exercice

siège social [Adresse 3]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocate au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Silvio ROSSI-ARNAUD de la SELARL SOPHIE BOTTAI & SILVIO ROSSI-ARNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

SAS GUINTOLI

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 3]

représentée et plaidant par Me Xavier PIETRA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 13 Juin 2017 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Madame Patricia TOURNIER, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère (rédactrice)

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2017.

Le 28 Septembre 2017, les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé et que la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Octobre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Octobre 2017,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Le 18 octobre 2001, la société Guintoli Marine a obtenu une délégation de service public pour 40 ans, pour la réalisation et l’exploitation d’un port de plaisance à [Localité 1] (33).

Elle a confié les travaux à la société Guintoli, qui a sous-traité à la société Ocea Industrie, la fourniture et la mise en place des pontons équipés avec catways et passerelles d’accès, les équipements et réseaux de distribution eau et électricité, selon contrat en date du 1er décembre 2003.

Le port a été ouvert au public au mois de juillet 2004.

Un procès-verbal des opérations préalables à la réception a été établi le 25 novembre 2004 entre le maître d’ouvrage et la société Ocea Industrie.

Cette dernière a procédé à des interventions suite à la dénonce d’incidents au cours des années 2005 et 2006.

Un document intitulé 'état des lieux- Pontons flottants – [Établissement 1]', a été établi le 13 septembre 2006 entre la société Guintoli et la société Ocea.

Par courrier en date du 19 septembre 2006, la société Guintoli a notifié à la société Ocea Industrie l’acceptation du maître de l’ouvrage pour réceptionner les travaux de celle-ci à la date du 13 septembre 2006.

De nouvelles avaries s’étant produites et la société Ocea ayant notifié son refus de prendre en charge tous nouveaux travaux, une mesure d’expertise a été ordonnée par décision de référé du tribunal de commerce de Tarascon, en date du 9 février 2007, intervenue au contradictoire de la société [Adresse 1] (anciennement dénommée Guintoli Marine), de la société Guintoli et de la société Ocea Industrie (qui sera absorbée par la société Ocea le 25 juillet 2007) ;

l’expert, Monsieur [N], a clôturé son rapport le 7 octobre 2009.

Par actes d’huissier en date du 17 février 2010, la société [Adresse 1] a fait assigner à jour fixe la société Guintoli, la société Ocea et la société AXA France en tant qu’assureur de cette dernière, devant le tribunal de commerce de Tarascon ;

elle demandait pour l’essentiel, au tribunal de dire :

— que l’ouvrage n’était pas conforme à sa destination,

— que l’ensemble des préjudices soufferts ainsi que le coût du remplacement qui s’imposait, ne pouvaient être inférieur à la somme provisionnelle de 1 560 000 €,

— de lui donner acte de ce qu’elle se réservait de contester le montant du préjudice retenu par l’expert, inférieur à la réalité subie, ainsi que le pourcentage de responsabilité lui ayant été imputé et donc d’emplir ses demandes,

— de condamner la société Ocea avec son assureur au paiement de la somme de

1 115 822,55 € avec intérêts de droit à compter du 12 octobre 2006 et capitalisation des intérêts,

— de condamner la société Guintoli au paiement de la somme de 276 446,86 € avec intérêts de droit à compter de l’assignation.

Par décision en date du 17 mai 2010, le tribunal de commerce de Tarascon :

— a dit la société Ocea mal fondée en ses demandes de nullité et l’en a déboutée,

— a dit n’y avoir lieu à constater le défaut du respect du contradictoire et a rejeté l’argumentation développée de ce chef par la société Ocea,

— a dit la société Ocea mal fondée en sa demande de communication des rapports [J] et Creocean et l’en a déboutée,

— a homologué 'purement et simplement’ le rapport d’expertise de Monsieur [N],

— a mis hors de cause la société AXA France,

— a dit que l’ouvrage n’est pas conforme à sa destination,

— a condamné la société [Adresse 1] à payer ' à cette dernière’ la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles,

— a retenu la responsabilité des parties 'ainsi qu’il est dit ci-dessus',

— a dit la partie demanderesse partiellement fondée en sa demande,

— a condamné la société Ocea à payer à la société [Adresse 1] la somme de 1 115 822,55 € TTC, ainsi que la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles,

— a condamné la société Guintoli à payer à la société [Adresse 1] la somme de 276 446,86 € TTC, ainsi que la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles,

— a débouté les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires,

— a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— a dit que les dépens incluant les frais d’expertise, seront supportés à concurrence de 70% par la société Ocea, de 20% par la société Guintoli et de 10% par la société [Adresse 1].

La société Ocea a interjeté appel à l’encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 8 juin 2010.

Par décision en date du 22 novembre 2012, la cour d’appel d’Aix en Provence :

— a reçu la société Ocea en son appel et l’a déclaré régulier en la forme,

— a confirmé la décision déférée en toutes ses dispositions,

— y ajoutant, a rejeté toutes autres demandes,

— a condamné la société Ocea aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu’à payer la somme de 4000 € à la société AXA France iard et à la société Guintoli au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant sur le pourvoi formé par la société Ocea, la Cour de cassation, par décision en date du 21 janvier 2015, a cassé et annulé l’arrêt susvisé, mais seulement en ce qu’il condamne la société Ocea à verser la somme de 1 115 822,55 € TTC à la société [Adresse 1] et rejette ses demandes reconventionnelles, a remis sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel d’Aix en Provence autrement composée, a laissé à chaque partie la charge de ses dépens et a rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La cassation partielle est prononcée au visa de l’article 455 du code de procédure civile, en ce que la cour, pour condamner la société Ocea au paiement de la somme de 1 115 822,55€ TTC et rejeter ses demandes reconventionnelles, retient qu’elle confirme les sommes allouées par le tribunal, lequel a fait sien le récapitulatif du coût des remises en état et réparations établi par l’expert ainsi que le partage des responsabilités préconisé par celui-ci, sans répondre aux conclusions de la société Ocea qui soutenait que le préjudice de la société [Adresse 1], société commerciale, devait être évalué hors taxes, ni aux moyens contestant les éléments de ce préjudice et demandant le remboursement des réparations effectuées à ses frais avancés et le versement de la retenue de garantie.

La société Ocea a saisi la présente cour par déclaration reçue le 19 mars 2015, en intimant la société [Adresse 1] et la société Guintoli.

Par ses conclusions notifiées le 9 décembre 2015, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Ocea demande à la cour au visa des articles 233, 238 et 278 du code de procédure civile, 1134 du code civil :

— de constater le défaut de préjudice subi par la société [Adresse 1],

— de constater que les conclusions de l’expert étaient partiales et erronées,

— de débouter la société [Adresse 1] de ses demandes,

— subsidiairement, de dire que les condamnations éventuellement prononcées devront l’être hors taxe sur la valeur ajoutée,

— reconventionnellement,

' de condamner la société Guintoli et la société [Adresse 1] ou l’une à défaut de l’autre, à payer à la concluante la somme de 201 106 € au titre des réparations effectuées à ses frais avancés,

' de condamner la société Guintoli à payer à la concluante la somme de 84 502,90 € au titre de la retenue de garantie,

— de condamner dans les mêmes conditions la société Guintoli et la société [Adresse 1] aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement de ceux d’appel, ainsi qu’au paiement de la somme de 35 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 18 mars 2016, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société [Adresse 1] demande à la cour, au visa des articles 480, 501 et suivants du code de procédure civile, 1792 et suivants du code civil :

— de confirmer la décision du tribunal de commerce de Tarascon en toutes ses dispositions,

— statuant à nouveau sur cassation partielle,

' de débouter la société Ocea de l’ensemble de ses demandes,

' de dire que le chiffrage évalué par l’expert du coût des réparations propres à rendre l’installation conforme à son usage, soit la somme de 1 115 822,55 € TTC est définitivement rentré en force de chose jugée et ne peut plus être remis en cause,

' de condamner en conséquence la société Ocea à rembourser et en tant que de besoin à payer cette somme à la concluante,

— de condamner la société Ocea à payer à la concluante la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement de ceux d’appel.

Par ses dernières écritures notifiées le 23 mars 2016, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Guintoli demande à la cour :

— de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

— de débouter la société Ocea de l’ensemble de ses demandes,

— de condamner la société Ocea aux dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de

30 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure est en date du 30 mai 2017.

Par conclusions de procédure notifiées le 9 juin 2017, la société Guintoli a demandé à la cour au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, du principe du contradictoire et de l’article 564 du code de procédure civile, de déclarer irrecevables comme tardives les conclusions notifiées par la société OCEA le 29 mai 2017 à 19h 09, et en toute hypothèse de déclarer irrecevable la demande d’expertise judiciaire formée par celle-ci dans les dites conclusions comme nouvelle en cause d’appel.

Par conclusions de procédure notifiées le 13 juin 2017, la société [Adresse 1] a demandé à la cour au visa des articles 15, 16 et 564 du code de procédure civile de déclarer irrecevables et d’écarter des débats les conclusions de la société Ocea signifiées le 29 mai 2017, eu égard à leur tardiveté qui n’a pas permis à la concluante de disposer d’un temps utile de réplique, et en ce qu’elles contiennent une demande nouvelle formée en cause d’appel.

La cour avant ouverture des débats, a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par la société Ocea signifiées le 29 mai 2017, en application des articles 15 et 16 du code de procédure civile, au motif que leur tardiveté n’a pas permis aux autres parties d’en prendre connaissance en temps utile pour pouvoir apprécier l’opportunité d’y répondre et de formaliser des conclusions en réponse, alors au surplus que les parties avaient été avisées de la date de fixation de l’affaire et de la clôture depuis le 17 février 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En l’état de la cassation partielle prononcée par la Cour de cassation, doivent être examinées par la présente cour en application de l’article 624 du code de procédure civile, le bien-fondé de l’indemnisation sollicitée par la société [Adresse 1] à l’encontre de la société Ocea et les demandes de cette dernière tendant au remboursement des réparations effectuées à ses frais avancés et de la retenue de garantie.

En effet, la cassation remet en cause les dispositions de la décision cassée portant sur ces chefs de demande qui conformément à l’article 638 du code de procédure civile, doivent être rejugés en fait et en droit, le visa de l’article 455 du code de procédure civile étant sans incidence sur l’application de ce texte ;

il s’ensuit que la cour n’est pas liée par les conclusions du rapport d’expertise, la cassation de la condamnation de la société Ocea à payer la somme de 1 115 822,55 € TTC impliquant la cassation de l’homologation du rapport d’expertise judiciaire prononcée par le tribunal et confirmée par la cour dans son arrêt du 22 novembre 2012, en raison du lien de dépendance nécessaire de cette disposition avec la précédente.

La cour n’est en revanche pas saisie des dispositions du jugement relatives au rejet des demandes de nullité formées par la société Ocea (dont celle du rapport d’expertise judiciaire), au respect du principe du contradictoire, à la mise hors de cause de la société AXA France et à l’allocation à celle-ci d’une indemnité de procédure, au constat de l’absence de conformité de l’ouvrage à sa destination, aux condamnations prononcées à l’encontre de la société Guintoli au profit de la société [Adresse 1], dispositions qui ont force de chose jugée.

La cour observe que si dans les motifs de ses conclusions, la société Ocea sollicite l’annulation du rapport d’expertise judiciaire, elle ne reprend pas cette demande dans le dispositif des dites conclusions, qui seul lie la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile.

* Sur la demande de la société [Adresse 1] à l’encontre de la société Ocea :

Il résulte du rapport d’expertise les éléments suivants :

—  82 incidents ont été répertoriés entre 2004 et février 2009, dont :

52 affectant les catways,

27 les pontons dont 10 affectant l’ensemble de la structure (poutrelles, longerons, traverses), 14 les profils de rives et 3 les anneaux de guidage, 3 sur la passerelle C ;

— les désordres n’ont pas cessé suite au prolongement de l’épi Nord réalisé pour faire obstacle aux conditions d’agitation dues à des houles longues, pour le confort des usagers (constat le 26 janvier 2009 de la rupture de traverses et poutrelles du ponton D18 et de la rupture de la liaison catway/ponton panne J ; constat le 11 février 2009 de la rupture des traverses et poutrelles ponton D20, de la rupture jonction catway / ponton panne D12, de la rupture jonction catway/ponton panne B1) ;

— la majorité des ruptures survenues sur les catways proviennent d’efforts horizontaux engendrés par le vent, alors que les mouvements de houle conduisent plus généralement à des efforts verticaux et aucun relevé météo ne fait état d’une vitesse de vent supérieure aux prescriptions du CCTP, ce qui témoigne de l’importance des défauts de fabrication limitant la tenue de l’ouvrage à la fatigue ;

— la société Ocea n’a pas pris en compte les effets liés au site pour le dimensionnement de ses ouvrages, elle n’a pas respecté les efforts liés à la houle prévus au CCTP, efforts qui n’ont pas fait l’objet d’une analyse ou de mesure de site préalablement à l’exécution des ouvrages ; la vérification de la stabilité des structures à 'la fatigue’ n’a pas été faite ;

ses ouvrages sont en outre affectés de malfaçons au niveau des soudures (collages, soufflures, arasages), ainsi que de non-conformités (absence de bras de renfort sur les catways, membrures différentes en K ou en Y liaison poutre/traverses – catway à cheval sur deux pontons, soudures oubliées) ;

elle a basé son étude uniquement sur les prescriptions du guide de conception des pontons de plaisance, alors que celui-ci précisait qu’il était impératif que les conditions d’environnement et les structures subissent une vérification pour le site d’implantation, et que ce guide ne se substitue pas aux règles de calcul en vigueur et aux études préliminaires nécessaires à la conception et au dimensionnement des ouvrages maritimes ;

le CCTP précisait que le matériel devait être dimensionné par note de calcul, être conforme à la législation et aux normes en vigueur vis à vis de sa conception et du milieu d’utilisation, être contrôlé par un organisme extérieur ;

— ont été réalisés :

des réparations pour un montant de 107 419,30 € HT (A),

des travaux confortatifs pour la sauvegarde de l’ouvrage et la sécurité des bateaux pour un montant de 123 962 € HT (B) ;

les remplacements de pannes pour un montant de 87 624,78 € HT (C) ;

— compte-tenu de l’importance des défauts de fabrication sur les assemblages soudés, l’ensemble des pontons et catways doit être remplacé :

un nombre important de fissures par fatigue a été observé et de nombreuses ruptures sont à craindre à court terme,

la réparation permettrait de rétablir une liaison entre les différents éléments mais ne conduirait pas à rétablir la santé métallurgique de l’ensemble et pour un coût avoisinant celui du neuf,

aucun professionnel n’apportera de garantie sur des travaux de reprise de l’ensemble des soudures, ni sur les renforcements à réaliser,

de sorte que le coût du remplacement s’élèvera à la somme de 960 670,22 €,

incluant 13 551 € à titre de franchises d’assurance réglées par la société [Adresse 1] (D) ;

— la société [Adresse 1] s’est toutefois abstenue de mettre en place le contrôle extérieur qui lui incombait ;

l’expert propose de ce fait de laisser 10% du montant des postes A, C et D à sa charge;

— la société Guintoli a réalisé un quai en palplanches métalliques toute hauteur alors que l’étude préalable Seamar prévoyait sur 80 ml un quai mixte, mais cela a eu une incidence limitée sur le phénomène d’agitation du plan d’eau au regard de la faible rugosité des pavés préfabriqués et du côté peu amortissant des enrochements qui auraient dû être mis en place ;

elle a également omis de veiller au respect des obligations de son sous-traitant et de s’assurer de la communication et de la prise de connaissance par celui-ci des plans d’études Seamar,

l’expert propose de ce fait de laisser 20% des postes A, C et D à la charge de la société Guintoli.

La société Ocea est mal fondée à reprocher à l’expert judiciaire d’avoir été partial, comme à soutenir que ses conclusions seraient erronées :

Monsieur [N] a répondu de façon extrêmement précise et techniquement argumentée, à chacune des questions qui faisaient l’objet de sa mission, ainsi qu’aux nombreux dires des parties, et s’est expliqué suffisamment sur le phénomène d’agitation du plan d’eau même s’il considérait que le rapport de cause à effet entre celui-ci et les désordres était exclu de sa mission;

le fait qu’il soit en désaccord avec l’analyse d’un autre expert ne permet pas de conclure à sa partialité, ni d’écarter ses conclusions, la société Ocea ne démontrant pas par ailleurs que Monsieur [N] aurait refusé de lui communiquer les comptes-rendus de Monsieur [J], expert désigné dans le cadre d’une autre instance ;

le débat sur les conditions de désignation de Monsieur [N] est définitivement tranché, de même que les conséquences du recours de l’expert à la société APAVE pour effectuer un diagnostic de sécurité ;

la société Ocea ne peut utilement soutenir que Monsieur [N] aurait fait une grave erreur d’analyse concernant ses obligations, alors que le CCTP qu’elle a signé le 16 février 2004, qui définissait les conditions dans lesquelles devaient être réalisés les travaux de construction de pontons flottants pour bateaux de plaisance dans le bassin du port [Établissement 1], mentionnait que l’entreprise reconnaissait avoir effectué une visite approfondie des lieux et constaté toutes les sujétions relatives à la nature des terrains, à l’environnement du chantier, à l’emplacement des travaux, à l’accès au site, aux conditions d’installation des matériels, avoir demandé tous les renseignements complémentaires et pris toutes les mesures utiles au cas où les pièces du dossier lui semblaient insuffisantes, qu’elle devait vérifier toutes les cotes portées aux dessins et s’assurer de leur concordance dans les différents plans, qu’elle devait réaliser le programme dans les règles de l’art.

La société Ocea est dès lors mal fondée à soutenir qu’elle pouvait s’en tenir aux seules indications données dans le guide de conception des pontons de plaisance.

L’analyse de l’expert quant aux causes des désordres et aux fautes commises par la société Ocea doit être entérinée, celle-ci ne versant aux débats aucun élément technique pertinent à l’appui de sa contestation et ne rapportant pas la preuve d’une cause étrangère exonératoire de responsabilité.

La société Ocea ne peut soutenir que la société [Adresse 1] n’aurait subi aucun préjudice au motif qu’elle n’a effectué aucune remise en état ou réparation :

le préjudice est constitué par l’obligation dans laquelle le maître d’ouvrage s’est trouvé de faire procéder depuis 2004, à diverses interventions pour faire face aux avaries successives et dans la nécessité pour remédier aux désordres, de procéder au remplacement de l’ensemble des pontons et catways, remplacement que la société Ocea ne peut reprocher à la société [Adresse 1] de ne pas avoir encore fait, alors qu’elle n’a pas perçu les sommes correspondantes, et dont la nécessité résulte des constatations techniques de l’expert, à l’encontre desquelles la société Ocea ne produit aucune pièce pertinente.

Concernant le coût des réparations chiffré par l’expert à la somme de 107 419,30 € HT,

la société Ocea est mal fondée à soutenir que devraient en être exclus les frais d’intervention du personnel de la société [Adresse 1], l’affectation par celle-ci de son personnel à la réparation des désordres au lieu d’effectuer d’autres taches, lui ayant causé un préjudice réel et certain, que l’expert a proposé d’évaluer sur la base de 18,82 € de l’heure après vérification, proposition qu’il convient d’entériner.

Concernant les travaux confortatifs chiffrés par l’expert à la somme de 123 962 € HT, ayant consisté en la mise en place de pieux en bout de catways, la société Ocea est mal fondée à soutenir qu’il s’agirait d’une amélioration afin de palier un défaut de conception d’origine imputable à la société Guintoli, l’expert soulignant, sans que son analyse soit contredite par des pièces techniques, que ces travaux étaient nécessités par la sauvegarde de l’ouvrage et la sécurité des bateaux au regard de l’ampleur des désordres liés à la mauvaise réalisation des ouvrages.

Concernant le remplacement d’ouvrages déjà réalisés, chiffré par l’expert à la somme de 87 624,78 € HT, la réalité du dommage affectant la panne A a fait l’objet d’une vérification par l’expert, au vu de ses réponses aux dires, ainsi que le caractère indispensable de son remplacement et il a retenu le seul coût du remplacement au prix plaisance, de sorte que la société Ocea est mal fondée à soutenir que la somme de 68 422,14 € HT devrait être déduite du coût proposé par l’expert ;

l’expert a par ailleurs justifié le remplacement des 27 catways par le constat de leur état, ce que la société Ocea ne contredit par aucune pièce, de sorte que la somme de 34 665,84 € HT doit être maintenue à ce titre.

Concernant le coût du remplacement nécessaire de la totalité des pontons et catways, la société Ocea en conteste le principe, mais non le chiffrage proposé par l’expert ;

les désordres constatés par celui-ci caractérisent l’existence d’un préjudice certain et actuel et la réparation doit y remédier en tenant compte des désordres futurs et certains liés au nombre important de défauts et de fissures par fatigue que l’expert a également observés.

La somme de 960 670,22 € HT proposée par l’expert doit en conséquence être entérinée.

La société Ocea est en revanche fondée à soutenir que la réparation doit être prononcée hors taxes, la société [Adresse 1] étant une société commerciale qui récupère la TVA, sans que celle-ci puisse utilement soutenir que les sommes en litige n’auraient pas un caractère indemnitaire, comme étant seulement destinées à remédier aux désordres, alors que la réparation d’un désordre au moyen d’une somme d’argent constitue une réparation de nature indemnitaire et qu’une condamnation TTC aurait pour conséquence de l’indemniser au-delà de son préjudice.

Il s’ensuit qu’en reprenant les propositions de l’expert relatives à la part de responsabilité incombant respectivement à la société Guintoli, qu’a entérinée la cour dans son arrêt du 22 novembre 2012 et qui n’a pas fait l’objet de la cassation, et à la société [Adresse 1], que ne conteste pas celle-ci, il convient de fixer à la somme de :

809 000 € + 123 962 € = 932 962 € HT,

le montant de l’indemnisation due par la société Ocea à la société [Adresse 1].

La décision déférée sera en conséquence infirmée, d’une part en ce qu’elle a homologué le rapport d’expertise judiciaire, ce dernier constituant seulement un élément de preuve, le technicien étant commis pour éclairer le juge sur une question de fait et ses constatations ou ses conclusions ne liant pas le juge, d’autre part en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée à l’encontre de la société Ocea.

* Sur les demandes reconventionnelles de la société Ocea :

La société Ocea sollicite le paiement de la somme de 201 106 €, correspondant au coût d’interventions qu’elle a effectuées avant et après réception de ses travaux pour remédier aux avaries.

Toutefois, ces coûts qui étaient invoqués pour partie en cours d’expertise, n’ont pas pu être vérifiés par Monsieur [N] en l’absence de production de justificatifs, et le détail établi dans le cadre de la présente instance par la société Ocea, est insuffisant à constituer une preuve du bien fondé des sommes indiquées, faute d’être corroboré par d’autres éléments ;

en outre, la société Ocea ne démontre pas que ces interventions ont permis effectivement de remédier aux désordres et qu’elles ont été rendues nécessaires par l’inexécution par la société Guintoli d’un ouvrage de protection, Monsieur [N] ayant souligné que postérieurement au prolongement de l’épi Nord, des désordres sont néanmoins survenus.

La société Ocea doit en conséquence être déboutée de sa demande de ce chef.

La société Ocea est en revanche fondée à solliciter la condamnation de la société Guintoli à lui restituer la retenue de garantie d’un montant de 5% du prix du marché, soit

84 502,90 € :

le relevé de compte de client interne établi au nom de la société Guintoli qu’elle produit, fait apparaître ladite somme comme restant due le 30 juin 2009 à la clôture, et la société Guintoli ne justifie par aucune pièce qu’elle s’en est acquittée.

Il sera donc fait droit à la demande de la société Ocea de ce chef.

Il sera ajouté à la décision déférée sur ces deux chefs de demande qui avaient été formulés devant le tribunal de commerce, mais auxquels celui-ci avait omis de répondre.

* Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Les prétentions de la société Ocea en appel étant partiellement fondées, chacune des parties conservera la charge des dépens qu’elle a exposés dans le cadre des deux instances d’appel ;

l’équité ne justifie l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit d’aucune des parties.

La décision déférée doit être confirmée concernant les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour d’appel, statuant publiquement, contradictoirement, sur renvoi de cassation et dans les limites de celle-ci,

Rappelle que les conclusions notifiées par la SA Ocea le 29 mai 2017 ont été déclarées irrecevables.

Infirme la décision du tribunal de commerce de Tarascon en date du 17 mai 2010,

en ce qu’elle a homologué le rapport d’expertise de Monsieur [B] [N],

et concernant le montant de la condamnation en principal prononcée à l’encontre de la SA Ocea au profit de la SA [Adresse 1].

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant à la décision,

Condamne la SA Ocea à payer à la SA [Adresse 1] la somme de 932 962 € HT au titre des désordres affectant les travaux.

Déboute la SA Ocea de sa demande en paiement de la somme de 201 106 €.

Condamne la SAS Guintoli à payer à la SA Ocea la somme de 84 502,90 € au titre de la retenue de garantie.

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu’elle a exposés dans le cadre des deux instances d’appel.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit d’aucune des parties.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 12 octobre 2017, n° 15/04642