Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 10 février 2022, n° 19/06402

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-4, 10 févr. 2022, n° 19/06402
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/06402
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Cannes, 7 mars 2019, N° F16/00606
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 10 FEVRIER 2022

N°2022/

CM/FP-D

Rôle N° RG 19/06402 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEEKG

B C Y


C/

SARL PAC HABITAT 06


Copie exécutoire délivrée

le :

10 FEVRIER 2022

à :


Me Sophie DEBETTE, avocat au barreau de GRASSE


Me Marion MENABE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Décision déférée à la Cour :


Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CANNES en date du 08 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F16/00606.

APPELANT

Monsieur B C Y, demeurant […]

représenté par Me Sophie DEBETTE, avocat au barreau de GRASSE


INTIMEE

Société PAC HABITAT 06, demeurant […]

représentée par Me Marion MENABE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Novembre 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, et Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Février 2022.

ARRÊT

contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Février 2022.


Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur B-C Y (le salarié) a été embauché par la société PAC HABITAT 06 en qualité d’Attaché à la Direction Commerciale le 1er juillet 2013 moyennant une rémunération variable constituée de commissions et primes.


Cette société a pour objet la vente et la réalisation de traitement de charpentes, d’isolation thermique et d’isolation par laine de verre.


Par avenant du 1er octobre 2014 le salarié a été nommé aux fonctions de Directeur d’agence (Pièce 2). Le commissionnement était revu à la hausse, soit 12% au lieu de 10% sur les ventes effectuées et 6% au lieu de 5% sur les ventes effectuées en binôme.


Le 17 novembre 2016, il a été victime de violences physiques de la part d’un ouvrier de la société et l’employeur a établi une déclaration d’accident du travail.


Le 26 décembre 2016, M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Cannes d’une demande de résiliation du contrat de travail ainsi que le paiement des sommes suivantes :

• rappel de salaire d’un montant de 25 410.53 euros et indemnité de congés payés afférente de 2 541.05 euros, 47 249.57 euros au titre des heures supplémentaires,• une commission de 5 % du montant du chiffre d’affaires réalisé en 2016,• 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,• 4 333.33 euros arrêtée au 15 décembre 2016 à titre d’indemnité de licenciement, 19 500 euros• au titre de l’indemnité de préavis, 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.•


Il demandait également de condamner l’employeur :

• à lui remettre des bulletins de salaire conformes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

• à la remise des documents sociaux, attestation Pôle Emploi, certificat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

• à lui fournir le chiffre d’affaires réalisé en 2016 pour permettre le calcul de la commission de 5 % sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

• au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.


A l’issue d’une visite médicale de reprise le 6 mars 2017, le médecin du travail l’a déclaré inapte en un seul examen pour cause de danger immédiat.


Par courrier du 21 mars 2017, l’employeur l’a convoqué à un entretien préalable à éventuel licenciement fixé au 31 mars 2017.


Le 5 avril 2017, il a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception.


Devant le conseil de prud’hommes, le salarié demandait à titre principal la résiliation judiciaire du contrat de travail et subsidiairement de dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.


La société sollicitait qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte pénale déposée par M. X en qualité de gérant de la société pour faux et usage de faux à l’encontre du salarié.


Par jugement du 13 avril 2018, le conseil de prud’hommes de Cannes a ordonné le sursis à statuer jusqu’à l’issue de la procédure pénale.


La plainte pénale a été classée sans suite le 6 juillet 2018.


Par jugement du 8 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Cannes a :

débouté M. Y de l’intégralité de ses demandes,• débouté le défendeur de ses demandes reconventionnelles,• condamné M. Y aux dépens.•


Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 15 avril 2019, M. Y a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 22 mars 2019, en ce qu’il l’a débouté à titre principal, de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du licenciement soit le 5 avril 2017, de sa demande subsidiaire tendant à la requalification du licenciement prononcé en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, de ses demandes à l’encontre de la société PAC HABITAT et de ses demandes de condamnation au paiement d’un rappel de salaire d’un montant de 51.075,90 euros, outre les congés payés sur rappel de salaire d’un montant de 5.107,59 euros, de la prime de 5 % soit la somme de 52.765 euros bruts pour l’année 2016, et 14.270,42 euros bruts pour l’année 2017, à lui régler au titre des heures supplémentaires la somme de 48.453,59 euros et 4.845,35 euros au titre d’indemnité de congés payés sur les heures supplémentaires, de sa demande de condamnation de la société PAC HABITAT à lui remettre les bulletins de salaire conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de ses demandes de condamnation de la société PAC HABITAT à lui payer les sommes de 52.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 4.333,33 euros arrêtée au 15 décembre 2016 à titre d’indemnité de licenciement, 19.500 euros au titre de l’indemnité de préavis, 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, et en ce qu’il l’a condamné aux entiers dépens.


Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 6 mai 2020, M. Y demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions la décision dont appel, et de :

à titre principal, vu les dispositions des articles 1184 du Code Civil et L.1231-1 du code du travail,

• prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du licenciement, soit le 5 avril 2017 pour un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles,

à titre subsidiaire,

requalifier le licenciement prononcé en licenciement sans cause réelle ni sérieuse,•

en tout état de cause,

condamner, la société Pac Habitat 06 à lui payer :•

• 52.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse sur le fondement des dispositions des articles 1103 et suivants du code civil anciennement 1134 et L.3141-24 du code du travail,

• 32.767,29 euros à titre de rappel de salaire pour l’année 2016 et 17.278,38 euros pour l’année 2017, outre les congés payés sur rappel de salaire d’un montant de 3.276,72 euros pour l’année 2016 et 1.727,83 euros pour l’année 2017,

• 52.765 euros bruts pour l’année 2016, et 13.800,06 euros bruts pour l’année 2017 au titre de la prime de 5 %, outre les congés payés sur le paiement de la prime d’un montant de 5.276,50 euros pour l’année 2016 et 1.380 euros pour l’année 2017,

• 46.128,59 euros au titre des heures supplémentaires sur le fondement des articles L.3121-28 et suivants du code du travail, outre 4.612,85 euros au titre d’indemnité de congés payés afférents sur le fondement de l’article L.3141-24 du code du travail,

• condamner la société Pac Habitat 06 à la remise de bulletins de salaire conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard, condamner la société Pac Habitat 06 au paiement des sommes suivantes :•

• 4.875 euros à titre d’indemnité de licenciement sur le fondement de l’article L.1234-9 et R.1234-1 et suivants du code du travail,

• 19.500 euros au titre de l’indemnité de préavis sur le fondement de l’article L.1234-5 du Code du Travail,

• 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l’article 1241 du Code Civil, 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,• la condamner en tous les dépens.•


Selon ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 4 août 2020, la société Pac Habitat 06 demande à la cour de :

• dire que l’avenant dont se prévaut Monsieur B C Y en date du 1er janvier 2016, ainsi que l’attestation de l’employeur datée du 26 janvier 2016 constituent des faux,

au besoin,

• ordonner toute mesure d’expertise graphologique et informatique aux frais avancés de M. Y, permettant de constater que l’avenant litigieux en date du 1er janvier et l’attestation du 26 janvier 2016 ne sont pas des documents authentiques, qu’ils n’ont jamais été signés par M. X en sa qualité de gérant de la société Pac Habitat 06, et qu’il s’agit d’un montage.

en tout état de cause,

• confirmer le jugement du conseil de Prud’hommes de Cannes en date du 8 mars 2019 en ce qu’il a débouté M. Y de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat, et débouter également le salarié de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement pour cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté M. Y de l’ensemble de ses demandes de rappel de salaires, heures supplémentaires et dommages et intérêts,

• condamner M. Y à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.


La clôture des débats a été ordonnée le 8 novembre 2021 et l’affaire a été évoquée à l’audience du 24 novembre 2021.


Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution du contrat du travail

1/ Sur la demande de rappel de salaire au titre de l’avenant du 1er janvier 2016


Le salarié se prévaut d’un avenant du 1er janvier 2016 aux termes duquel il était convenu qu’il percevrait une rémunération brute mensuelle fixe de 6.500 euros, outre une prime correspondant à 5

% du facturé de la société tous les ans au 31 janvier. Il soutient que la société Pac Habitat 06 a refusé d’appliquer cet avenant dès lors qu’il s’est absenté à plusieurs reprises au cours de l’année 2016 pour se rendre au chevet de son père, qu’il n’a pas pu réaliser le chiffre d’affaires qu’il réalisait précédemment, qu’il lui a alors proposé de signer un autre avenant qui ne lui donnerait que des fonctions administratives, ce qui a été refusé par l’employeur. Il prétend que l’original qu’il produit est authentique et que l’expert qu’il a mandaté confirme que les documents produits sont bien des originaux, mais de surcroît que ces originaux portent bien la signature de M. X, gérant de la société.


La société conteste la signature de l’avenant allégué et argue de faux celui-ci. Elle soutient à cet égard démontrer que le salarié était coutumier de la réalisation de fausses fiches de paie et de faux contrats de travail au nom de la société en échange de rémunération afin d’aider des tiers dans leurs démarches pour l’obtention d’appartements et qu’à l’exception des bulletins de salaire de la fin de l’année 2015 envoyés par la société le 26 janvier 2016 dans le cadre de la présentation par le salarié d’un dossier pour l’obtention d’un appartement, l’avenant contesté et les autres pièces n’émanent pas de la société ou de sa secrétaire mais ont été envoyés du scanner par le salarié lui-même sur sa boîte mail.


Elle conteste l’expertise qui n’est pas contradictoire et est incomplète, le contrat produit n’étant pas revêtu de la formule 'lu et approuvé’ écrite par le gérant mais seulement d’une signature.


-a- sur l’incident de faux


En application des dispositions des articles 299, 287 et suivants du code de procédure civile, si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte.
En l’occurrence, le salarié a diligenté une expertise privée en comparaison d’écriture auprès de Mme Z qui a conclu que dans un contexte dans lequel la signature de comparaison n’est pas homogène d’un spécimen à l’autre, l’analyse comparative des signatures en présence met quand même en évidence des points de convergence nombreux et signifiants dans l’attaque de la signature, dans les axes d’inclinaison et l’appui renforcé sur la finale.


Le rapport et les conclusions de Mme Z ont été soumises à la libre discussion des parties devant la cour.


S’il est noté que l’avenant contesté, établi un jour férié alors que l’entreprise était fermée, ne comporte pas de la part du gérant, la mention 'lu et approuvé', il n’en demeure pas moins que la comparaison entre la signature contestée du gérant M. X présente sur l’avenant du 1er janvier 2016 argué de faux d’une part, et l’attestation du 26 janvier 2016, les signatures de ce dernier sur le contrat de travail de 2013, l’avenant d’octobre 2014 et les actes de la procédure pénale d’autre part, indique qu’il existe des points de similitude des signatures dans la forme, l’axe d’inclinaison, le trait, l’attaque de la signature permettant de considérer que la signature portée sur l’avenant contesté émane de M. X, gérant. De même, les paraphes du gérant apposés au bas de chaque page des contrats de 2013 et avenant de 2014, sont peu constants. Néanmoins, des similitudes flagrantes apparaissent sur ceux apposés sur les deux avenants permettant d’affirmer que c’est bien le gérant qui a paraphé et signé l’avenant du 1er janvier 2016. Il est précisé que la plainte pour faux déposée par M. X auprès des services de la police nationale de Cannes a été classée sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée et que les allégations de malversations concernant la confection de faux bulletins de salaire au bénéfice de salariés de l’entreprise, dans le but de leur permettre d’obtenir des avantages et notamment des logements, n’est pas de nature a entraîner un doute sur l’analyse du document qui a été effectuée, dès lors que les faux bulletins de salaire allégués sont des documents ne comportant pas de signature du gérant de la société.


Aussi et malgré l’absence de demande de régularisation au cours de l’année 2016 et la présentation par le salarié à son employeur d’une proposition d’organisation des fonctions de directeur d’agence le 24 novembre 2016 au salaire fixe de 6000 euros net par mois (inférieur au salaire fixe issu de l’avenant du 1er janvier 2016) outre un salaire variable de 1% 'du facturé’ mensuel en cas d’atteinte des objectifs, la cour retiendra l’avenant du 1er janvier 2016 avec toutes ses conséquences de droit, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une expertise graphologique ou une expertise informatique concernant l’envoi des documents du 26 janvier 2016 sur la boîte mail du salarié.


-b- sur le rappel de salaire


L’avenant du 1er janvier 2016 prévoit une rémunération fixe mensuelle brute de 6.500 euros outre une prime correspondant à '5% du facturé de la société tous les ans au 31 janvier'.


Compte tenu de l’absence pour accident du travail du salarié à compter du 28 novembre 2016 jusqu’à son licenciement, le rappel de salaire qui lui est dû s’élève à la somme de 26.267,29 euros pour l’année 2016 (6500 x 11 = 71500 – les salaires versés non contestés de 45.232,71 euros), aucun élément du dossier ne permettant de dire que l’employeur serait redevable de rappels de salaire fixe durant l’arrêt de travail du salarié. Ce dernier sera débouté de sa demande de rappel de salaire fixe au titre de l’année 2017. En conséquence, la société sera condamnée à verser au salarié un rappel de salaire fixe de 26.267,29 euros outre l’indemnité compensatrice de congés payés afférente de 2.626,73 euros.


Au regard du tableau du chiffre d’affaires et des résultats nets de la société au cours des quatre exercices annuels de 2014 à 2017, dont la valeur probante n’est pas contestée, peu importe que le résultat net soit en baisse drastique depuis 2016, que le montant du chiffre d’affaires était de 979 485 euros en juin 2016 et de 800 720 euros en juin 2017. En conséquence, étant précisé que la société ne donne pas les chiffres des 'facturés’ ou chiffre d’affaires au 31 janvier, le montant de la prime de 5% devant revenir au salarié s’élève à :


- pour l’année 2016, à la somme de 48.974,25 euros au titre du rappel de prime outre 4.897,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,


- pour l’année 2017, à la somme de 10.009 euros au titre du rappel de prime outre 1.000,90 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente. Pour l’année 2017, le calcul été effectué au prorata temporis de la présence du salarié dans l’effectif de la société de trois mois (800 720 /12 x 3 = 200 180 ; 200 180 x 5% = 10 009).


La société sera donc condamnée à verser au salarié les sommes suivantes au titre des rappels de salaire :

• 26.267,29 euros au titre du rappel de salaire fixe pour l’année 2016 outre l’indemnité compensatrice de congés payés afférente de 2.626,73 euros,

• 48.974,25 euros au titre du rappel de prime pour l’année 2016 outre 4.897,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

• 10.009 euros au titre du rappel de prime pour l’année 2017 outre 1.000,90 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente.


Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de toute demande à ce titre.

2/ Sur la demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires

M. Y prétend qu’il accomplissait de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées de 2013 à 2016 ; ainsi, il ouvrait l’agence à 7h15 et la fermait souvent après 20h. Il indique établir un décompte hebdomadaire et annuel à partir de ses carnets de rendez-vous et fournir de nombreux témoignages, alléguant que la société a elle-même produit des éléments démontrant qu’il réalisait quotidiennement des heures supplémentaires, qu’il utilisait d’ailleurs un véhicule de société muni d’un dispositif de géolocalisation, qu’il avait de nombreuses réunions après 17h.


La société soutient que la demande du salarié ne peut pas être analysée faute de commencement de preuve, son décompte n’étant pas suffisamment précis car non effectué quotidiennement. Elle estime que ce dernier bénéficiait d’une grande autonomie dans l’organisation de son agenda, s’octroyant de larges pauses déjeuner et argue d’incohérences voire de fausses déclarations. Elle indique produire l’intégralité des rapports d’hôtesses concernant le salarié, lesquelles fixaient les rendez-vous des commerciaux avec la clientèle ainsi qu’un tableau de ses absences en fonction de son agenda et du rapport de la caisse des congés payés.


S

elon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.


Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.


Le salarié verse aux débats ses agendas 2014, 2015 et 2016 outre des décomptes des heures supplémentaires effectuées quotidiennement, avec un cumul hebdomadaire, mensuel et annuel à compter du 1er juillet 2013 au 25 novembre 2016 suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en apportant ses propres éléments. Il ressort en outre de l’avenant du 1er octobre 2014, son obligation de procéder à l’ouverture de l’agence à partir de 7h15 les matins.


Le moyen selon lequel le salarié était libre de son emploi du temps compte tenu de ses fonctions de directeur d’agence n’est pas de nature à exonérer l’employer de son obligation de décompte de la durée du travail en application des dispositions des articles D. 3171-8 du code du travail, l’horaire collectif n’étant pas applicable s’agissant de fonctions commerciales induisant des déplacements auprès de clients. L’employeur ne justice pas de la mise en oeuvre d’un système de décompte des horaires du salarié.


Le salarié a pris en considération le voyage à Marbella et aucune heure supplémentaire n’a été notée pour la semaine du 11 au 15 mai 2015. Il en est de même en ce qui concerne un certain nombre de ses jours d’absence dont celle du 2 au 4 novembre 2015, pour se rendre à un match de la ligue des champions.


Compte tenu des éléments versés par chacune des parties et notamment des pièces versées aux débats par l’employeur, s’agissant des feuilles de rapport d’hôtesse fixant les rendez-vous, des attestations des commerciaux du service du salarié, la cour dispose des éléments suffisants pour considérer que le salarié a effectué des heures supplémentaires qui au regard de ses bulletins de salaire ne lui ont pas été réglées, à hauteur de :


- en 2013, 70 heures majorées de 25%, pour une somme de 1.413,3 euros, (16,15 euros/heure x 1,25


- 20,19 ; 20,19 x 70 heures = 1.413,3)


- en 2014, 218 heures majorées de 25 % pour une somme de 8.845,35 euros (32,46 euros/h x 1,25 = 40,57 ; 40,57 x 218 = 8.845,35)


- en 2015, 277 heures majorées de 25% pour une somme de 11.717,10 euros (33,84 euros/h x 1,25 = 42,30 ; 42,30 x 277 = 11.717,10)


- en 2016, 213,5 heures majorées de 25% pour une somme de 11.426,48 euros (42,86 euros/h x 1,25


- 53,57 ; 53,57 x 213,5 = 11.426,48), que la société sera condamnée à lui régler outre les indemnités compensatrices de congés payés afférentes aux années en cause de 141,33 euros, 884,53 euros, 1.171,71 et 1.142,64 euros.


Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de toutes ses demandes au titre des heures supplémentaires.

3/ Sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité


Pour contester le jugement entrepris, le salarié fait valoir que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en n’ayant pris aucune mesure pour éviter toute réitération à la suite de la première agression dont il avait été victime le 17 septembre 2014 de la part du frère du gérant qui lui avait donné un coup de poing au visage et qu’il a été victime d’une seconde agression sans qu’il ne réagisse davantage. Il conteste que le salarié agresseur a fait l’objet d’une mise à pied, arguant d’un montage et du caractère dérisoire de la sanction.


L’employeur conteste tout manquement à son obligation de sécurité. Il indique avoir sanctionné M. A d’une mise à pied d’une semaine entraînant une diminution de salaire et que la dispute avec son frère s’était produite dans la sphère personnelle et était un fait ancien et isolé, sans arrêt de travail qui avait été immédiatement réglé entre les parties.


Il est constant et avéré que le salarié a été victime d’un accident du travail le 17 novembre 2016 à la suite de violences physiques émanant d’un collègue de travail M. A, lui ayant occasionné des fractures du nez. Ce dernier a été sanctionné par une mise à pied de cinq jours exécutée en décembre 2016 avec retenue sur salaire comme il ressort du bulletin de salaire de ce salarié versé aux débats.


Le salarié n’apporte pas d’élément concernant les circonstances de cette altercation. Par ailleurs, contrairement à ce qu’il prétend, le différend qu’il avait eu avec le frère du gérant, qui était l’une de ses fréquentations amicales, en 2014 s’est déroulée en dehors de la sphère professionnelle, dans un contexte de soirée arrosée et les deux amis se sont réconciliés. Il ne justifie au demeurant, d’aucune déclaration d’accident du travail sur ce point. Aussi, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est pas établi et le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail


Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, le salarié fait valoir que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, à son obligation de paiement de salaire convenu et au paiement des heures supplémentaires.


La société s’oppose à cette demande au motif de l’absence de manquement de sa part à ses obligations d’employeur.


Sur le fondement de l’article 1184 devenu 1217 du code civil et de l’article L.1231-1 du code du travail, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire du contrat à raison des manquements de l’employeur aux obligations découlant du contrat de travail.


Les manquements doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.


Si la résiliation judiciaire est prononcée, elle prend effet à la date de la décision judiciaire la prononçant, sauf si la rupture du contrat de travail est intervenue entre temps pour autre cause, auquel cas elle prend effet à la date de la rupture effective.


Au regard des manquements de l’employeur à son obligation de paiement des salaires et primes en application de l’avenant du 1er janvier 2016 et de paiement des heures supplémentaires réalisées, pendant l’intégralité de la relation contractuelle jusqu’à ce que le salarié soit en arrêt de travail, s’agissant de manquements à ses obligations essentielles, elles sont d’une gravité suffisantes pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur. La cour, en infirmant le jugement déféré, prononce donc la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date de la rupture en raison du licenciement le 5 avril 2017.

Sur les conséquences de la rupture

1/Sur l’indemnité de licenciement


Compte tenu du salaire mensuel de 6.500 euros issu de l’avenant du 1er janvier 2016, de son ancienneté de 3 ans et 9 mois dans la société est en droit de prétendre à une indemnité de licenciement de 4.875 euros en application des dispositions légales.


Compte tenu de l’indemnité de licenciement versée d’un montant de 2297,55 euros, la société reste lui devoir une somme de 2.577,45 euros, qu’elle sera condamnée à lui verser. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de toute demande au titre de l’indemnité légale de licenciement.

2/Sur l’indemnité de préavis


Le salarié sollicite une indemnité de préavis de trois mois compte tenu de sa qualification de cadre, directeur d’agence.


La société soutient qu’aucune indemnité de préavis n’est due puisque le salarié était inapte au poste de travail.


L’inexécution du préavis est liée à l’inaptitude du salarié et ce dernier ne justifie pas que cette inaptitude procède d’un manquement de l’employeur à ses obligations, en sorte qu’il sera débouté de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.

3/ Sur l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse


La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Le salarié ayant une ancienneté d’au moins 24 mois dans une entreprise comptant 11 salariés a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au jour de la rupture.


Le salarié qui avait un salaire mensuel fixe de 6.500 euros outre de primes qui se sont en moyenne élevées aux sommes mensuelles de 4.081,16 euros en 2016 et de 3.336,33 en 2017 au regard des chiffres retenus dans le cadre des rappels de salaire, est en droit de bénéficier d’une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 61.252,48 euros. Il sera donc fait droit à proportion de la demande du salarié qui l’a limitée à la somme de 52.000 euros.


Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débuté le salarié de sa demande d’indemnité sur ce fondement.

Sur le remboursement des indemnités de chômage


En application de l’article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable, il convient, en ajoutant au jugement déféré, d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnisation.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens


La société succombant sera condamnée aux entiers dépens de l’appel et sera en conséquence, déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


L’équité ne commande pas de faire bénéficier le salarié de ces mêmes dispositions et il sera débouté de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


Il est rappelé que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut.


Les sommes de nature salariale portent intérêt au taux légal à compter de la demande, soit à compter de la date de reception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation pour celles qui y ont été exprimées et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de ce jour.

PAR CES MOTIFS,


La cour,


Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;


Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. Y de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral, d’indemnité de préavis et congés payés afférents, de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a débouté la société Pac Habitat 06 de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


Infirme le jugement entrepris sur le surplus dans la limite de la dévolution,


Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail au 5 avril 2017 ;


Condamne la société Pac Habitat 06 à verser à M. Y les sommes suivantes :

• 26.267,29 euros au titre du rappel de salaire fixe pour l’année 2016 outre l’indemnité compensatrice de congés payés afférente de 2.626,73 euros,

• 48.974,25 euros au titre du rappel de prime pour l’année 2016 outre 4.897,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

• 10.009 euros au titre du rappel de prime 2017 outre 1.000,90 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

• 1.413,3 euros au titre des heures supplémentaires de 2013, outre 141,33 euros au titre des congés payés afférents,

• 8.845,35 euros au titre des heures supplémentaires de 2014 outre 884,53 euros au titre des congés payés afférents,

• 11.717,10 euros au titre des heures supplémentaires de 2015 outre 1.171,71 euros au titre des congés payés afférents,

• 11.426,48 euros au titre des heures supplémentaires de 2016 outre 1.142,64 euros au titre des congés payés afférents, 52.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,• 2.577,45 euros au titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement ;•


Ordonne d’office à la société Pac Habitat 06 le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. Y dans la limite de trois mois d’indemnisation,


Déboute les parties du surplus de leurs demandes,


Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;


Rappelle que les sommes de nature salariale portent intérêt au taux légal à compter de la demande, soit à compter de la date de reception par la société Pac Habitat 06 de la convocation devant le bureau de conciliation pour celles qui y ont été exprimées et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de ce jour ;


Condamne la société Pac Habitat 06 aux entiers dépens de première instance et d’appel.


LE GREFFIER LE PRESIDENT
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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 10 février 2022, n° 19/06402