Cour d'appel de Bordeaux, 4e chambre commerciale, 4 janvier 2021, n° 17/02995

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 4e ch. com., 4 janv. 2021, n° 17/02995
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 17/02995
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 12 avril 2017, N° 2014F00929
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 22 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

— -------------------------

ARRÊT DU : 04 JANVIER 2021

(Rédacteur : Monsieur Robert CHELLE, Président)

N° RG 17/02995 – N° Portalis DBVJ-V-B7B-J2XY

Madame [B] [G] épouse [R]

c/

FONDS COMMUN DE TITRISATION 'HUGO CREANCES III'

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 avril 2017 (R.G. 2014F00929) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 17 mai 2017

APPELANTE :

Madame [B] [G] épouse [R], née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Céline GARNIER-GUILLAUMEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

FONDS COMMUN DE TITRISATION 'HUGO CREANCES III’ représenté par sa société de gestion EQUITIS GESTION, ayant son siège social [Adresse 4], représenté par son recouvreur la SAS MCS ET ASSOCIES venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 16 décembre 2014 conforme aux dispositions du Code monétaire et financier, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]

représenté par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assisté par Maître Philippe METAIS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 30 novembre 2020 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Robert CHELLE, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Catherine BRISSET, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique (BPACA) a notamment consenti à la société BDBADECO un prêt professionnel de 230 000 euros n° 07244938 le 15 février 2013. Mme [R], qui expose avoir constitué la société, s’est portée caution solidaire de celle-ci dans la limite de 138 000 euros le 28 février 2013.

Par jugement du 22 janvier 2014, la société BDBADECO a été placée en redressement judiciaire. La banque a déclaré sa créance, qui a été admise pour 214 118,11 euros au titre du prêt.

La liquidation judiciaire de la société BDBADECO a été prononcée le 19 novembre 2014.

Faute de règlement par la caution malgré mises en demeure des 8 et 28 janvier 2014, la banque a assigné Mme [R] devant le tribunal de commerce de Bordeaux le 29 juillet 2014.

Le 16 décembre 2014, la BPACA a cédé sa créance au Fonds Commun de Titrisation (FCT) Hugo Créances III, qui est intervenu volontairement à la procédure par sa société de gestion la société GTI Asset Management.

Par jugement du 13 avril 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

— Dit régulière la cession de créances, le cautionnement non disproportionné et valable, n’y avoir eu de faute ni obligation de mise en garde,

— Débouté Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts,

— Condamné Mme [R] à payer au FCT Hugo Créances III la somme de 138 000 euros, outre intérêts au taux légal, ainsi que 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

— Ordonné la capitalisation des intérêts et l’exécution provisoire.

Par déclaration du 17 mai 2017, Mme [R] a interjeté appel de cette décision.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 6 mai 2019.

Par arrêt du 27 mai 2019, la cour a ordonné avant dire droit la réouverture des débats aux fins pour les parties de produire leurs observations sur la version du texte applicable à la cause de l’article L. 214-46 du code monétaire et financier invoqué, devenu article L. 214-172 de ce code et modifié par un texte postérieur. Il a été sursis à statuer sur l’ensemble des demandes et les dépens, et l’affaire a été renvoyé pour être évoquée à l’audience du 16 septembre 2019.

A cette date, l’audience n’a pu se tenir en raison d’un mouvement de grève des barreaux. L’affaire a alors été fixée au 22 juin 2020, date à laquelle l’audience n’a pas pu se tenir en raison de l’état d’urgence sanitaire. Il a alors été proposé aux parties de statuer sans autre délai par procédure sans audience, conformément aux dispositions de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 et de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 modifiée. Toutefois, le conseil de Mme [R] a déclaré par message du 26 mai 2020 s’opposer à cette procédure. L’affaire a alors été fixée à l’audience du 30 novembre 2020.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions déposées en dernier lieu le 6 septembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, Mme [R] demande à la cour de :

Mme [R] fait notamment valoir que son engagement de caution est nul en ce qu’il comporte une mention manuscrite incohérente et que sa signature « semble » précédée d’une autre signature ; qu’il y a incohérence entre l’acte de prêt et de l’engagement OSEO, qui prévoit un engagement de caution limité à 50 % et son engagement à 138 000 euros ; que Mme [R] peut invoquer la nullité de son engagement pour erreur sur l’étendue des garanties dont elle croyait bénéficier, la garantie OSEO, qui constitue une conditions déterminante de son engagement, n’a pas été respectée ; que la cour constatera la disproportion de l’engagement de caution ; qu’il résulte de la lecture du contrat de prêt que la banque ne pourrait solliciter que 50 % de l’encours du prêt, soit 103 926,65 euros ; que la banque a manqué à son obligation de mise en garde ; que rien ne permet de caractériser le sérieux de l’analyse pour justifier du financement accordé ; que la banque avait un devoir de mise en garde vis à vis de la caution dont elle doit pouvoir justifier, et qui fait défaut ; que la banque n’a pas procédé à l’information annuelle de la caution ni à l’information de la défaillance de l’emprunteur principal.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 9 novembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, le Fonds de Titrisation Hugo Créances III demande à la cour de :

CONFIRMER en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Bordeaux le 13 avril 2017 (RG 2014F00929) ;

Y ajoutant,

— DIRE ET JUGER que le FCT HUGO CREANCES III actuellement représenté par sa société de gestion en exercice EQUITIS GESTION avait qualité à agir en justice à l’encontre de Madame [R] par application de l’article L. 214-183 du Code monétaire et financier et, en conséquence, DIRE ET JUGER recevable le FCT HUGO CREANCES III représenté par sa société de gestion en exercice EQUITIS GESTION ;

— A supposer que l’action du FCT HUGO CREANCES III anciennement représenté par sa société de gestion, GTI ASSET MANAGEMENT et actuellement représenté par sa société de gestion en exercice EQUITIS GESTION serait irrecevable au jour de son intervention volontaire, DIRE ET JUGER, en application de l’article 126 alinéa 1er du Code de procédure civile, que cette cause d’irrecevabilité a désormais disparu, par l’effet de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 4 octobre 2017 puis de la Loi Pacte du 22 mai 2019 ayant toutes deux modifié l’article L. 214-172 du Code monétaire et financier et, en conséquence, DIRE ET JUGER recevable le FCT HUGO CREANCES III représenté par sa société de gestion en exercice EQUITIS GESTION ;

— En tout état de cause, DIRE ET JUGER que le FCT HUGO CREANCES III ayant pour société de gestion EQUITIS GESTION et représenté par son recouvreur MCS ET ASSOCIES a qualité à agir en justice à l’encontre de Madame [R] et, en conséquence, DIRE ET JUGER recevable le FCT HUGO CREANCES III ayant pour société de gestion en exercice EQUITIS GESTION et représenté par son recouvreur MCS ET ASSOCIES ;

En tout état de cause :

— DEBOUTER Madame [R] de l’intégralité de ses demandes ;

— CONDAMNER Madame [R] à payer au FCT HUGO CREANCES III, représenté par sa Société de gestion en exercice EQUITIS GESTION, la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

— CONDAMNER Madame [R] aux entiers dépens tant de 1ère instance que d’appel dont distraction, pour ceux d’appel, au profit de Maître Pierre Fonrouge, Avocat, conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Le FCT fait notamment valoir :

Sur sa qualité à agir représenté par sa société de gestion en exercice, comme prévu par les articles L. 214-46 du code monétaire et financier ou désormais L. 214-72 du même code tel que résultant des rédactions du 25 juillet 2013, 4 octobre 2017, puis 22 mai 2019 ; que Mme [R] a été parfaitement informée de la cession de créance et de ce que la société de gestion en exercice a confié le recouvrement des créances à la société MCS & Associés ; que la cause d’irrecevabilité a disparu en application de l’article 126 du code de procédure civile ;

Sur les autres moyens de Mme [R], qu’il n’y a pas incohérence relative à l’emplacement de la signature et à la nature de la mention manuscrite ; que l’acte est régulier et qu’il n’y a pas de contradiction entre le contrat de prêt et la mention manuscrite s’agissant du montant du cautionnement ; que la mention manuscrite prévaut en cas de contradiction ; qu’il n’y a pas d’erreur sur la porté de l’engagement de caution ; que le fonctionnement de la garantie OSEO n’a rien à voir avec celui d’un cautionnement, de sorte que le respect de ses conditions ne saurait constituer une condition déterminante de l’engagement ;

Par message du 20 novembre 2020, il a été proposé aux conseils des parties de faire connaître leurs observations sur la recevabilité de ces conclusions, parvenues postérieurement à l’ordonnance de clôture, rendue le même 9 novembre 2020.

Vu les conclusions de procédure déposées le 27 novembre 2020 par Mme [R], appelante ;

Vu les conclusions de procédure déposées le 27 novembre 2020 par le FCT intimé ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des conclusions déposées par le FCT postérieurement à l’ordonnance de clôture

Le FCT a déposé le 9 novembre 2020 à 17 h 00 des conclusions, postérieurement à l’ordonnance de clôture, intervenue le même jour à 10 h 15 et notifiée aux conseils des parties à 16 h 03.

En application de l’article 802 du code de procédure civile, applicable à l’espèce par renvoi de l’article 907 de ce code, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, sauf exception, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Toutefois, le FCT peut utilement faire valoir la circonstance qu’il a depuis peu une nouvelle société de gestion, et il apparaît que son intervention en la cause est nécessaire dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

Il sera acté que le FCT Hugo Créances III a désormais pour société de gestion la société Equitis Gestion, qui a désigné la société MCS et Associés en qualité de recouvreur. Par la notification de ses conclusions du 9 novembre 2020 à son conseil, il doit être considéré que Mme [R] a été régulièrement informée de ces changements.

Au vu des circonstances nouvelles invoquées par le Fonds, la clôture sera révoquée et reportée au jour des plaidoiries.

Sur la recevabilité de l’action

Il doit être ici rappelé que l’action a été engagée le 29 juillet 2014 par la BPACA, créancier, et que la recevabilité de cette action du créancier ne saurait être contestée.

Le 16 décembre 2014, la BPACA a cédé sa créance au Fonds Commun de Titrisation (FCT) Hugo Créances III, qui est intervenu volontairement à la procédure par son représentant la société GTI Asset Management, de sorte que l’action a été alors poursuivie par le cessionnaire de la créance.

Mme [R], comme en première instance, conteste d’abord la recevabilité de l’action du FCT Hugo Créances, en soutenant, au visa de l’article L. 214-46 du code monétaire et financier, que la BPACA demeurerait seule compétente pour poursuivre le recouvrement de la créance cédée.

Il peut ainsi être observé que Mme [R] ne conteste pas la cession de créance dont se prévaut le FCT intimé, ni qu’elle en a été bien été avisée.

Aux termes du texte invoqué, devenu l’article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 :

« Lorsque des créances sont transférées à l’organisme, leur recouvrement continue d’être assuré par le cédant ou par l’entité qui en était chargée avant leur transfert, dans des conditions définies par une convention passée avec la société de gestion de l’organisme. Toutefois, tout ou partie du recouvrement peut être confié à une autre entité désignée à cet effet, dès lors que le débiteur en est informé par lettre simple. »

Il apparaît toutefois que ce texte a été modifié à deux reprises :

Par l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 entrée en vigueur le 3 janvier 2018, la rédaction étant alors :

« Lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l’organisme, leur recouvrement continue d’être assuré par le cédant ou par l’entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l’organisme, soit par l’acte dont résultent les créances transférées lorsque l’organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances.

Toutefois, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion ou confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet. Chaque débiteur est informé de ce changement. »

Sur ce fondement, l’action de la société de gestion est devenue directement recevable.

De plus fort, par la Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, en son article 77 (V), et sa rédaction est désormais la suivante à compter du 24 mai 2019 :

« Lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l’organisme de financement, leur recouvrement continue d’être assuré par le cédant ou par l’entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l’organisme, soit par l’acte dont résultent les créances transférées lorsque l’organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances. Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l’organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.

La société de gestion, en tant que représentant légal de l’organisme, peut également recouvrer directement toute créance résultant d’un prêt consenti par lui ou en confier, à tout moment, tout ou partie du recouvrement par voie de convention à une autre entité désignée à cet effet.

En cas de changement de toute entité chargée du recouvrement en application des premier et deuxième alinéas, chaque débiteur concerné est informé de ce changement par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire. »

Il doit être statué sur la base des textes en vigueur au jour du prononcé de la décision, puisque ces textes sont d’application immédiate par leur objet.

Aux termes de l’article 126 du code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

En l’espèce, la caution a été informée par l’instance en cours du changement de l’entité chargée du recouvrement.

Alors qu’il n’est pas soutenu que la situation ne serait pas régularisable, force est de constater qu’elle est désormais régularisée avant que la présente cour ne statue.

La fin de non-recevoir invoquée a en effet disparu du fait de l’entrée en vigueur le 24 mai 2019 de la nouvelle rédaction du texte, qui permet à tout moment le recouvrement de ces créances directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l’organisme.

L’action du FCT Hugo Créances III en ce qu’il est intervenu volontairement à la procédure, représenté par sa société de gestion GTI Asset Management, a été régularisée avant que le juge, en l’espèce la cour d’appel, ne statue, par l’entrée en vigueur des disposition légales de 2017 et de 2019 ci-dessus.

Il en résulte que le moyen d’irrecevabilité soulevé par Mme [R], qui a été régularisé, n’est donc plus fondé.

Le FCT Hugo Créances III, désormais représenté par sa nouvelle société de gestion la société Equitis Gestion, qui a désigné la société MCS et Associés en qualité de recouvreur, est en conséquence recevable.

Sur les allégations de nullité de l’acte de caution en la forme

Mme [R] soutient alors la nullité de l’acte de caution au visa de l’article L. 341-2 du code de la consommation.

Il résulte des dispositions de l’article L. 331-1 du code de la consommation, anciennement prévues par l’article L. 341-2 avant le 1er juillet 2016, que toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

« En me portant caution de X……………….., dans la limite de la somme de……………….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X……………….. n’y satisfait pas lui-même. »

L’article L. 341-2 en vigueur au moment des faits litigieux prévoyait cette mention « à peine de nullité de son engagement ». L’article L. 343-1 nouveau prévoit que les formalités définies à l’article L. 331-1 sont prévues à peine de nullité.

Mme [R] fait d’abord valoir que l’acte comporte une mention manuscrite « incohérente » en ce que sa signature précède une mention manuscrite relative à l’autorisation d’engager la communauté.

L’acte est produit par le FCT (sa pièce n° 6).

Il résulte de son examen que l’engagement des deux époux [R] a été recueilli sur le même acte, ce que l’appelante se garde d’indiquer. Il apparaît que M. [R] s’est d’abord porté caution, ce à quoi Mme [R] a donné son accord. Puis, à la dernière page, Mme [R] elle-même s’est portée caution en écrivant de sa main la formule citée ci-dessus, suivie de sa signature, après quoi son époux a donné à son tour son consentement au cautionnement de Mme [R].

Les signatures prêtées à Mme [R] correspondent à celles qu’elle a apposées sur le contrat de prêt en sa qualité de gérante de la Sarl BDBADECO (pièce n° 2 du FCT) et en sa qualité d’associée sur les statuts (pièce n° 23 du FCT).

Il en résulte que l’acte est parfaitement régulier quant à la mention manuscrite obligatoire portée par la caution et quant à sa signature de l’acte, et que ses contestations sont particulièrement mal fondées.

Elle fait ensuite valoir que l’acte de caution comporte une mention manuscrite incohérente en ce qu’elle est en contradiction avec les termes du contrat principal, l’engagement de caution y étant limité à 50 % de l’encourt du prêt accordé.

Pour autant, et à supposer qu’une différence aurait une incidence sur la validité de l’acte de caution, ce qui n’est nullement démontré, les deux actes ne sont aucunement en contradiction, puisque :

— l’acte de prêt prévoit une caution de 50 % de l’encours restant dû majoré de 20 % pour couvrir les intérêts, frais et accessoires (pièce n° 2 précitée),

— l’acte de cautionnement prévoit 138 000 euros (pièce n° 6 précitée), soit 50 % de 230 000 = 115 000 euros plus 20 % pour intérêts et frais = 23 000 euros, soit au total 138 000 euros.

D’ailleurs, la mention manuscrite rédigée par Mme [R] dans l’acte de cautionnement fait bien état de 138 000 euros.

La prétention de Mme [R] est donc totalement erronée.

Ainsi, les allégations de nullité de l’acte pour des vices de forme doivent être rejetées.

Sur les autres allégations de nullité de l’acte de caution

A ce titre, Mme [R] fait ensuite valoir une erreur sur la portée de l’engagement de caution, en ce que l’intervention d’OSEO pouvait lui laisser croire que sa propre garantie était limitée, et n’avait pas vocation à comprendre dans son assiette l’immeuble servant de logement à sa famille ; qu’il s’agit là d’une erreur sur les qualités substantielles justifiant la nullité de l’engagement.

Pour autant, le FCT est bien fondé à opposer, d’abord que le fonctionnement de la garantie OSEO n’a rien à voir avec celui d’un cautionnement, et que le respect de ses conditions ne peut constituer une condition déterminante de l’engagement de la caution, et, ensuite, que Mme [R] ne démontre pas que l’insaisissabilité de sa résidence principale aurait effectivement constitué une condition déterminante de son engagement.

Aux termes de l’article 1110 ancien du code civil, en vigueur au moment des faits et dont les dispositions sont reprises par l’article 1132 nouveau du code civil depuis le 1er octobre 2016, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.

L’erreur commise par la caution sur l’étendue des garanties fournies au créancier peut ainsi constituer une cause de nullité de l’acte de cautionnement si cette erreur a déterminé son consentement.

Or, Mme [R] était une caution avertie comme le démontre le FCT, puisque, outre sa qualité d’associée et de gérante de la société, elle était ou avait été aussi gérante d’une autre société dont elle détient 90 % du capital, bénéficiant au surplus de l’expérience revendiquée par son époux et associé (pièce n° 27 du FCT).

Elle ne pouvait alors prétendre sérieusement ignorer que son engagement partiel à hauteur de 50 % restait mobilisable, dès lors qu’il était défini non pas par les termes de la garanties OSEO mais par le contrat signé avec la banque. Il doit être rappelé que la garantie OSEO, dont Mme [R] ne soutient pas ignorer les termes, ne profite qu’au prêteur et non à la caution, en ce qu’il n’intervient qu’après épuisement des recours contre le débiteur principal et contre la caution, et alors même qu’elle a, dans son engagement, déclarer expressément renoncer au bénéfice de discussion.

Le FCT oppose à juste titre que Mme [R], sur qui repose la charge de la preuve, ne justifie pas que l’insaisissabilité de sa résidence aurait été une condition déterminante de son engagement de caution, alors même que l’intervention du dispositif OSEO n’est même pas mentionné dans l’acte de caution, et moins encore une éventuelle insaisissabilité de l’immeuble.

Il est d’ailleurs à relever que, alors que Mme [R] se plaint du non respect des conditions de la garantie OSEO, le FCT peut opposer qu’elle n’a en aucun cas contesté devant la juridiction compétente l’inscription prise par le créancier et à elle dénoncée le 29 juillet 2014.

Le vice du consentement n’est en conséquence nullement établi.

Sous le même intitulé de recherche de nullité de son engagement, Mme [R] invoque alors sa disproportion, omettant toutefois d’invoquer un quelconque fondement juridique à cette prétention.

Elle fait valoir que l’immeuble évoqué ci-dessus ne pouvait faire l’objet d’aucune mesure d’exécution forcée ; qu’il restait dû sur le prêt pour acquérir l’immeuble une somme de 161 953,92 euros ; qu’un bien en Guadeloupe a été adjugé pour une somme qui n’a pas permis de couvrir le montant restant à rembourser du prêt contracté pour son acquisition ; que l’immeuble de [Localité 5] appartient en propre en indivision à son époux.

Aux termes des dispositions de l’article L. 341-4 ancien du code de la consommation, en vigueur à la date de l’engagement et devenu l’article L. 343-4 à compter du 1er juillet 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Ce texte est applicable à une caution personne physique, qu’elle soit ou non commerçante ou dirigeante de société. La sanction de la disproportion est non pas la nullité du contrat comme demandé à tort par Mme [R], mais l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir du cautionnement.

Il appartient à la caution de prouver qu’au moment de la conclusion du contrat, l’engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. L’appréciation de la disproportion se fait objectivement, en comparant, au jour de l’engagement, le montant de la dette garantie aux biens et revenus de la caution, à ses facultés contributives.

En l’espèce, le FCT, sur lequel ne repose pourtant pas la charge de la preuve, peut utilement se prévaloir de la fiche de renseignement sur les revenus et patrimoine de la communauté, remise par M. [R] à une époque contemporaine de l’engagement, le 22 janvier 2013 (sa pièce n° 15).

Il résulte de ce document que les époux [R] déclaraient être mariés sous le régime de communauté légale, alors qu’il doit être rappelé ici que chacun a donné son consentement au cautionnement de l’autre. Il en résulte que c’est bien l’ensemble de la communauté qui doit être prise en considération pour apprécier une éventuelle disproportion.

Or, le document fait mention de revenus de 75 000 euros annuels pour M. [R] et de 15 000 euros pour Mme [R].

Il fait encore apparaître un patrimoine immobilier conséquent, composé, en pleine propriété de deux immeubles détenus en communauté pour des valeurs déclarées de 500 000 et 380 000 euros, outre un immeuble en indivision, sans indication de part, pour une valeur déclarée de 400 000 euros, même si des encourt de prêts immobiliers sont également déclarés. Aucune mention d’un cautionnement précédemment donné n’est portée.

Il peut en sus être ajouté à ce patrimoine la valeur des parts à l’époque des deux sociétés dirigées par Mme [R].

L’engagement de caution conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes comme en l’espèce, n’a pas à vérifier l’exactitude.

Contrairement à ce que soutient Mme [R], l’interdiction éventuelle de prise de garantie sur le logement servant de résidence principale au dirigeant social découlant de l’intervention de la garantie OSEO, a pour seul objet d’interdire à la banque le recours à certaines procédures d’exécution forcée et ne modifie pas la consistance du patrimoine de la caution pouvant être prise en compte pour l’appréciation de la proportionnalité du cautionnement.

Ainsi, en l’espèce, aucune disproportion manifeste avec l’engagement de Mme [R] limité à 138 000 euros ne résulte de l’examen des biens et revenus déclarés.

Le moyen doit être rejeté.

Sur la mise en jeu de la responsabilité de la banque

Mme [R] invoque à ce titre un manquement de la banque à son obligation de mise en garde.

Mais elle critique d’abord « le sérieux » du concours accordé.

Toutefois, en dehors de l’énonciation de généralités tirées de décisions de jurisprudence dont elle ne démontre pas qu’elles seraient applicables à son cas personnel, et sans aucunement invoquer de fondement juridique, Mme [R] échoue totalement à rapporter la preuve de son affirmation et de sa pertinence au regard de sa situation de caution.

Or, aux termes de l’article L. 650-1 du code de commerce, lorsque, comme en l’espèce, une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Mme [R], qui ne recherche d’ailleurs pas expressément la banque sur ce fondement, n’établit aucunement que les conditions prévues par ce texte exclusif seraient réunies. Elle doit donc être déboutée de cette demande.

L’appelante invoque alors un défaut de la banque dans son devoir de mise en garde.

Toutefois, là encore, elle omet de démontrer son affirmation, se contentant de déclarer que la banque doit justifier du respect de cette obligation, sans toutefois établir l’existence de ladite obligation.

Le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard d’une caution non avertie d’un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques de l’endettement résultant de l’octroi des prêts garantis.

Or, comme déjà analysé ci-dessus au titre du vice du consentement invoqué, Mme [R] s’avère être une caution avertie.

De plus, elle ne démontre pas, alors que la charge de la preuve lui incombe, que le prêt consenti à la société aurait été inadapté aux capacités financières de celle-ci.

Au contraire, le FCT intimé peut utilement faire valoir que les échéances du prêt consenti en complément d’un apport de la société ont été honorées pendant 7 mois avant le premier impayé du 1er décembre 2013, survenu encore un an avant la mise en liquidation judiciaire le 19 novembre 2014.

De plus enfin, au vu des éléments de fait examinés ci-dessus au titre de la disproportion invoquée, le cautionnement n’était pas non plus inadapté aux capacités financières de la caution.

Ainsi, aucune des conditions entraînant un devoir de mise en garde de la banque n’est caractérisée, et le moyen doit être rejeté, de même que la prétention de Mme [R] de se voir allouer la somme de 140 000 euros dont elle ne tente même d’expliciter le montant, encore moins de justifier d’une perte de chance de ne pas contracter à cette hauteur.

Sur l’absence alléguée d’information

Mme [R] invoque aussi un défaut d’information annuelle de la caution, au visa de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier.

Il résulte des dispositions de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d’accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Le FCT intimé ne conteste pas ne pas produire preuve de cette information.

Mme [R] invoque enfin un défaut d’information de la caution de la première défaillance de la caution, au visa de l’article L. 341-1du code de la consommation.

L’article L. 333-1 du code de la consommation, qui a remplacé l’article L. 341-1 invoqué, dispose que toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.

Lorsque le créancier ne s’est pas conformé à cette obligation, aux termes de l’article L. 343-5, la caution n’est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Le FCT intimé ne conteste pas ne pas produire preuve de cette information.

En réalité, les moyens de Mme [R] tirés des défauts d’information de la caution sont ici sans portée.

En effet, la sanction d’un éventuel défaut d’information annuelle de la caution est limitée à la déchéance des intérêts et pénalités pour la période pour laquelle l’information n’a pas été délivrée. Il en est de même pour la sanction d’un défaut d’information de la première défaillance.

Or, en l’espèce, le FCT justifie que sa créance a été définitivement admise pour le montant en principal de 214 118,11 euros au titre du prêt litigieux (sa pièce n° 24), de sorte que, même en y enlevant les intérêts conventionnels et les pénalités pour les périodes concernées par les défauts d’information, la dette reste très supérieure à l’engagement de caution de 138 000 euros contracté par Mme [R].

Il en résulte que la déchéance du créancier de son droit à intérêts contractuels et pénalités est sans effet sur le montant dû par M. [R], dont l’engagement est limité à 138 000 euros, montant qui ne correspond qu’à du principal, qu’elle doit bien être condamnée à payer.

Le fonds fait toutefois valoir en sus, à bon droit, que le débiteur reste tenu des intérêts au taux légal. Il résulte en effet des dispositions de l’article 1153 ancien du code civil, devenu l’article 1231-6 nouveau, que les dommages-intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, quoique la caution ne soit pas tenue en principal au montant limité de son engagement.

Il y a donc lieu à confirmation du jugement ayant condamné Mme [R] à payer 138 000 euros au FCT Hugo Créances III, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 janvier 2014.

Il n’y a pas lieu à prévoir davantage ici la capitalisation des intérêts, déjà ordonnée par le tribunal de commerce.

Sur les autres demandes

Partie tenue aux dépens d’appel dont recouvrement direct par Me Fonrouge, avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile, Mme [R] paiera au FCT la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Révoque l’ordonnance de clôture du 9 novembre 2020 et fixe la clôture au jour des plaidoiries,

Prend acte de ce que le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III a désormais pour société de gestion la société Equitis Gestion, qui a désigné la société MCS et Associés en qualité de recouvreur,

Déclare recevable l’action du Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III, initialement représenté par sa société de gestion GTI Asset Management, et ayant désormais pour société de gestion la société Equitis Gestion représentée par son recouvreur la société MCS et Associés,

Déboute Mme [R] de l’ensemble de ses demandes,

Confirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Bordeaux le 13 avril 2017, sauf à prendre en considération le changement ci-dessus de société de gestion opéré par le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III,

Condamne Mme [R] à payer au Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III, représenté par sa société de gestion la société Equitis Gestion représentée par son recouvreur la société MCS et Associés, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne Mme [R] aux dépens d’appel, dont recouvrement direct par Me Fonrouge, avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Bordeaux, 4e chambre commerciale, 4 janvier 2021, n° 17/02995