Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 25 avril 2019, n° 17/03944

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

CG

MINUTE N° 173/2019

Copies exécutoires à

La SCP CAHN & ASSOCIÉS

La SELARL WEMAERE-LEVEN

-LAISSUE-MERRIEN

Le 25 avril 2019

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 25 avril 2019

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 17/03944

Décision déférée à la Cour : jugement du 27 juillet 2017 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR

APPELANTS et demandeurs :

1 – Monsieur D Y

[…]

68300 SAINT-LOUIS

2 – Monsieur F X

[…]

[…]

3 – Madame G H épouse X

[…]

[…]

4 – Monsieur I B

[…]

[…]

5 – Madame T P Q

[…]

[…]

6 – Madame K Z

[…]

[…]

représentés par la SCP CAHN & ASSOCIÉS, avocats à la Cour

INTIMÉ et défendeur :

Maître W R

Notaire

[…]

[…]

représenté par la SELARL WEMAERE-LEVEN-LAISSUE-MERRIEN, avocats à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur H POLLET, Président

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame M N

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur H POLLET, Président et Madame M N, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par actes reçus par Me R, notaire à Strasbourg, en date du 16 octobre 2012 pour M. Y, Mme Z, et les consorts B P Q, et en date du 23 novembre 2012 pour les époux X, les appelants ont acquis, en l’état futur d’achèvement, de la société Miklo construction, dont le gérant était M. O C, chacun un appartement en copropriété dans la résidence 'Le square des bords du Rhin', allée du général Abbatucci, à Volgelsheim (68).

Ces appartements devaient être construits dans le cadre de la deuxième tranche de travaux, portant sur la réhabilitation lourde d’une ancienne caserne, qui avait été achetée par la société Miklo à la commune de Volgelsheim le 17 janvier 2011.

La société Miklo construction a été placée en liquidation judiciaire le 17 juin 2014.

Par des jugements du 19 novembre 2014, à l’égard de M. Y, de M. B et de Mme P Q, ainsi que des époux X, et par jugement du 22 janvier 2015, à l’égard de Mme Z, le tribunal de grande instance de Colmar a prononcé la résolution des ventes, du fait de l’absence de réalisation des travaux, et fixé les créances des acquéreurs aux sommes suivantes, au titre de la restitution du prix et des préjudices complémentaires:

— M. Y: 31 499,44 euros,

— les époux X: 38 477,24 euros,

— M. B et Mme P Q: 30 952,59 euros,

— Mme Z: 48 741,58 euros.

Exposant qu’ils n’ont pu recouvrer aucune somme, M. Y, Mme Z, les consorts B P Q et les époux X ont fait assigner Me R en responsabilité professionnelle, par acte introductif d’instance déposé le 18 mars 2016, aux fins d’obtenir le paiement des sommes dont ils avaient été reconnus créanciers, outre 20 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts complémentaires.

Par jugement en date du 27 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Colmar a rejeté l’ensemble de leurs prétentions.

Le tribunal a considéré, en premier lieu, qu’aucun élément ne rendait vraisemblable que le notaire ait eu conscience, au moment de la signature des actes de vente, que le projet de construction ne pourrait aboutir ; il a estimé qu’on ne pouvait déduire sa connaissance de l’absence de sérieux du projet, concernant la deuxième tranche de travaux, du fait qu’il avait été informé de la non-réalisation de certains travaux par une autre société de promotion immobilière (Creatim), dirigée par la même personne que la société Miklo construction, et qui avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire en septembre 2011. Il a ajouté que la preuve d’une éventuelle collusion entre la venderesse et le notaire n’était pas rapportée. Il en a déduit qu’aucune faute ne pouvait être retenue au titre de l’inscription précipitée des ventes au livre foncier.

En second lieu, il a écarté l’absence de mise en garde du notaire sur la sous-évaluation du prix, au motif que celle-ci n’était pas établie.

Enfin, il n’a pas retenu d’absence de diligence du notaire concernant l’assurance dommages-ouvrage, après avoir rappelé qu’il incombait au notaire de vérifier que cette assurance était valable, bien que l’assureur eût opposé l’absence de souscription faute de démarrage du chantier ; le tribunal s’est fondé sur le fait que le vendeur avait déclaré dans

l’acte avoir souscrit la déclaration d’ouverture de chantier, laquelle avait bien été faite le 19 septembre 2012, selon le propre courrier de l’assureur du 18 octobre 2013, et sur l’attestation de l’architecte, selon laquelle les fondations étaient réalisées au 14 septembre 2012.

*

M. Y, Mme Z, M. B, Mme P Q et les époux X ont interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 31 août 2017.

Par conclusions du 29 novembre 2017, ils demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de condamner Me R sur le fondement de 'la responsabilité contractuelle des notaires' à leur payer les sommes suivantes:

1) M. Y:

—  31 499,44 euros, avec intérêts légaux à compter du 24 mai 2014,

—  20 000 euros, avec intérêts légaux à compter du jugement de première instance,

-1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

2) les époux X:

—  38 477,24 euros, avec intérêts légaux à compter du 24 mai 2014,

—  20 000 euros, avec intérêts légaux à compter du jugement de première instance,

-1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

3) M. B et Mme P Q:

—  30 952,59 euros avec intérêts légaux à compter du 24 mai 2014,

—  20 000 euros, avec intérêts légaux à compter du jugement de première instance,

-1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

4) Mme Z:

—  48 741,58 euros, avec intérêts légaux à compter du 24 mai 2014,

—  20 000 euros, avec intérêts légaux à compter du jugement de première instance,

-1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que le notaire n’a pas respecté son devoir de conseil à leur égard, en ne les informant pas des difficultés rencontrées lors de la première tranche de travaux, qui n’ont pu continuer faute de trésorerie, ni des antécédents du promoteur, qui était alors la société Creatim, dirigée par M. C, laquelle avait déposé le bilan. Ils reprochent aussi au notaire de ne pas les avoir prévenus dès qu’il a reçu le retour du chèque d’acompte par l’assureur et d’avoir libéré les fonds reçus, alors que les travaux n’avaient pas commencé.

*

Par conclusions du 30 janvier 2018, Me R conclut à la confirmation du jugement déféré, et à la condamnation des appelants à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la collusion alléguée avec le promoteur, il oppose le secret professionnel, ne lui permettant pas de donner des informations sur des parties tierces à des actes distincts et justifiant d’écarter des débats les courriers produits par les appelants

couverts par celui-ci. Il soutient que, si les travaux de la première tranche accusaient un retard de plusieurs mois, la situation était 'loin d’être catastrophique', l’essentiel des appartements ayant été livrés et le retard concernant les parties communes. Il fait aussi valoir que le dépôt de bilan de Creatim remontait à plus d’un an.

Sur l’assurance dommages-ouvrage, il rappelle qu’une attestation d’assurance du 24 septembre 2012 était jointe à l’acte, spécifique à l’aménagement des combles ; il indique qu’il a contesté le 25 octobre 2013 la décision de l’assureur de classer le dossier, notifiée dans un courrier du 18 octobre 2013 à la société Miklo, dont il a eu connaissance, et qu’il lui a renvoyé le chèque de la prime qui lui avait été retourné. Il ajoute avoir demandé des explications à la société Miklo construction. Il conteste toute faute et soutient que les appelants ne démontrent pas le préjudice qui résulterait de l’absence d’une telle assurance, alors que celle-ci ne peut être mise en oeuvre non pas pour l’achèvement de travaux, mais pour réparer des dommages de nature décennale.

Enfin, sur la libération des fonds, il fait valoir que la condition suspensive liée à la garantie intrinsèque d’achèvement était réalisée le 20 novembre 2012 et que les montants versés lors de la vente correspondaient à la valeur de l’existant.

Sur le préjudice, il oppose que les appelants invoquent la responsabilité contractuelle, alors que, sauf exception, la responsabilité des notaires ne peut être engagée que sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Il fait ensuite valoir qu’en poursuivant la résiliation des ventes, les appelants ont renoncé sans contrepartie à la valeur de l’existant, dont ils avaient payé le prix, et ont contribué à leur propre préjudice.

Ils ajoutent que, si un manquement à l’obligation de conseil était retenu, seule la perte de chance pourrait être réparée.

*

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions précitées.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 2 octobre 2018.

MOTIFS

Sur la faute du notaire

Le notaire, en qualité d’officier ministériel, est chargé d’assurer l’efficacité juridique des actes qu’il instrumente et est tenu, dans ce cadre, à un devoir d’information et de conseil à l’égard de toutes les parties à l’acte.

En cas de manquement, il engage sa responsabilité sur le fondement des dispositions de

l’article 1382, ancien, du code civil, devenu l’article 1240.

Sa responsabilité ne peut être contractuelle que s’il a souscrit une obligation de cette nature à l’égard de ses clients.

En l’espèce, au vu du dispositif même des conclusions des appelants, leur demande est exclusivement fondée sur la responsabilité contractuelle, malgré le moyen de défense opposé par Me R, relatif au fondement délictuel, sauf exception, de la responsabilité des notaires.

Or Me R s’est contenté de rédiger et d’authentifier les différents actes de vente passés entre la société Miklo construction d’une part, et M. Y, Mme Z, les consorts B P Q, ainsi que les époux X, d’autre part, sans contracter aucun engagement contractuel vis-à-vis des acquéreurs.

C’est dès lors vainement que ceux-ci invoquent les 'manquements contractuels nombreux' du notaire.

Le jugement déféré, ayant rejeté la demande, ne peut dès lors qu’être confirmé.

Sur les dépens et les frais exclus des dépens

Compte tenu de l’issue de l’appel, le jugement déféré sera également confirmé, d’une part, en ce qu’il a condamné aux dépens M. Y, Mme Z, M. B, Mme P Q, M. F X ainsi que Mme G H, épouse X, et, d’autre part, en ce qu’il a rejeté leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile, de même que celle de Me R.

S’agissant des frais exposés en appel, il convient aussi de condamner les appelants, qui succombent, aux dépens d’appel, et de rejeter leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. En équité, il n’y a pas lieu non plus à application de ces dispositions au profit de Me R.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE Me W R de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;

DÉBOUTE M. D Y, Mme K AB Z, M. I B, Mme T P Q, M. F X et Mme G H, épouse X, de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;

CONDAMNE M. D Y, Mme K AB Z, M. I B, Mme T P Q, M. F X et Mme G H, épouse X, in solidum, aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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Textes cités dans la décision

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