Cour d'appel de Nancy, 4 février 2016, n° 15/00002

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR RÉGIONALE DES PENSIONS DE NANCY

Arrêt n° 343 /16 DU 04 FEVRIER 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/00002

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal des pensions militaires du ressort de la Cour d’appel de NANCY en date du 24 février 2015;

APPELANT :

Monsieur B E

né le XXX à XXX

XXX

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/009644 du 06/11/2015 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANCY)

représenté et plaidant par Me Stéphanie GERARD, avocat au barreau de NANCY ;

INTIMÉ :

LE MINISTRE DE LA DEFENSE

Direction des Ressources Humaines du Ministère de la Défense

Sous-Direction des Pensions – Bureau de l’instruction des pensions et du contentieux

XXX

représenté aux débats par Mme F D, habilitée à remplir les fonctions de Commissaire du Gouvernement ;

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Décembre 2015, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Christine ROBERT-WARNET, Président de Chambre,

Monsieur Dominique BRUNEAU, Conseiller,

Monsieur Yannick BRISQUET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès STUTZMANN ;

Après avoir entendu à cette audience, Monsieur Brisquet, conseiller en son rapport, Me Gérard, avocat de M. B E, en sa plaidoirie développant oralement ses conclusions écrites, Madame D, commissaire du gouvernement en ses observations orales au soutien des observations écrites produites par le Ministre de la défense;

Madame le Président a annoncé que l’arrêt serait prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour le 04 Février 2016 ;

Il a été délibéré de la cause par les magistrats susdits qui ont assisté aux débats;

Le 04 Février 2016, la Cour, vidant son délibéré, a rendu l’arrêt dont la teneur suit:


Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à


Faits et procédure :

M. B E, né le XXX, a effectué son service militaire du 2 avril 1981 au 3 avril 1982.

Affecté au 7e régiment du Génie à X, il a été victime d’une chute le 10 décembre 1981 lors du franchissement d’un obstacle du parcours du combattant.

Le 19 octobre 2010, M. E a sollicité le bénéfice d’une pension militaire d’invalidité pour 'compression du nerf médian au canal carpien droit – raccourcissement du radius pour nécrose semi-lunaire'.

Après expertises médicales réglementaires et avis des organismes consultatifs, le ministre de la défense a rejeté la demande de M. E par décision du 5 novembre 2012 pour les infirmités suivantes :

—  1. Maladie de Kienböck : ostéonécrose du semi-lunaire traitée chirurgicalement par ostéotomie de raccourcissement du radius et plaque d’ostéosynthèse en 1982. Arthrose radio-carpienne. Syndrome du canal carpien,

—  2. Séquelles de traumatisme du poignet droit datant de 1981.

La décision de rejet est motivée, pour la première infirmité, par le fait que le taux d’invalidité est de 20%, c’est-à-dire inférieur au taux minimum indemnisable de 30% exigé par l’article L.4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre pour l’ouverture des droits à pension lorsqu’il s’agit d’une maladie contractée en temps de paix. Elle est motivée, pour la seconde infirmité, par le fait que le taux d’invalidité, après expertise médicale réglementaire, est inférieur au minimum indemnisable de 10% exigé par les articles L.4 et L.5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre pour l’ouverture des droits à pension.

M. E a déposé le 3 décembre 2012 un recours contre cette décision devant le tribunal des pensions du ressort de la cour d’appel de Nancy.

Par jugement du 24 septembre 2013, le tribunal des pensions a ordonné une expertise médicale confiée au docteur A afin de dire si la maladie de Kienböck dont souffre M. E est d’origine traumatique et si le traumatisme datant de 1981 en est la cause directe.

L’expert a déposé son rapport le 11 décembre 2013 en concluant au fait que la maladie de Kienböck dont souffre M. E n’est pas d’origine traumatique et que le traumatisme datant de 1981 n’en est pas la cause directe.

Par jugement du 24 février 2015, le tribunal des pensions a débouté M. E de ses demandes et a confirmé la décision ministérielle de rejet du 5 novembre 2012.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception envoyée le 22 avril 2015, M. E a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 27 février précédent.

***

Selon ses conclusions récapitulatives déposées le 10 décembre 2015, M. E demande à la Cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire et juger que la maladie dont il souffre est en lien direct et certain avec la blessure subie le 10 décembre 1981 pendant son service militaire.

Subsidiairement, si la Cour ne se considérait pas comme suffisamment informée, il demande que soit ordonnée une nouvelle expertise aux fins de dire si la maladie de Kienböck dont il souffre est imputable ou non à l’accident de service qu’il a subi en 1981.

Il critique l’expertise du docteur A en soutenant que, contrairement à ce dernier, tous les autres médecins consultés avaient conclu à l’imputabilité certaine de la maladie de Kienböck à la blessure au poignet droit subie lors de son stage commando en décembre 1981. Il précise que le docteur Y, expert près la Cour d’appel de Nancy, qu’il a sollicité pour avis le 10 avril 2014, a également conclu à cette imputabilité.

M. E reproche aussi au docteur A d’affirmer qu’il n’y a pas eu de fracture post-traumatique, contrairement aux autres praticiens, et de conclure à l’absence de lien de causalité entre l’accident de service du 10 décembre 1981 et l’infirmité alors que, selon lui, le caractère post-traumatique de l’ostéonécrose du semi-lunaire du poignet droit n’implique pas nécessairement qu’il ait eu une fracture et qu’un traumatisme moins grave peut en être à l’origine.

À titre encore plus subsidiaire, si les conclusions du docteur A devaient être admises en leur principe, il demande qu’il soit fait retour du dossier à l’expert. Il soutient que dans la mesure où la blessure ayant entraîné son infirmité a été constatée avant son renvoi dans ses foyers et que la preuve contraire selon laquelle cette infirmité ne serait pas imputable au service n’est pas rapportée, il doit bénéficier de la présomption d’imputabilité au service prévue par l’article L.3 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre. Il considère que le degré d’invalidité devrait donc être déterminé conformément à l’article L.4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, ce que n’a pas fait le docteur A.

***

Par conclusions du 1er septembre 2015, parvenues à la cour le 7 septembre 2015, le ministre de la défense demande à la Cour régionale des pensions la confirmation du jugement du tribunal des pensions de Nancy.

Il observe que l’expertise judiciaire réalisée par le docteur A a confirmé la sur-expertise qui avait été demandée par l’administration et qui avait été confiée au docteur C, lequel avait conclu le 7 février 2012 qu’il n’était possible de retenir l’imputabilité, sur le plan médico-légal, ni de la maladie de Kienböck, ni des canaux carpiens, ni des kystes osseux, en l’absence d’un lien certain voire direct avec les faits du 10 décembre 1981.

S’agissant de la demande subsidiaire présentée par M. E sur le fondement de l’article L.3 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, le ministre de la défense soutient qu’il n’est pas justifié d’ordonner une vérification médicale complémentaire dans la mesure où à la date de la demande de l’intéressé, c’est-à-dire le 19 octobre 2010, le taux de 20% proposé par le docteur Z était conforme aux séquelles présentées par M. E et au guide-barème.

***

La Cour se réfère aux conclusions de M. E, visées par le greffier le 10 décembre 2015, dont il a repris oralement les termes lors de l’audience ainsi qu’aux observations orales développées par le commissaire du Gouvernement au soutien des observations écrites produites par le ministre de la défense.

Motivation

Attendu que la circonstance selon laquelle un rapport amiable n’a pas été établi de façon contradictoire et ne présente pas les caractéristiques d’une expertise judiciaire n’interdit pas d’apprécier sa valeur probante lorsqu’il est invoqué au soutien d’une demande de nouvelle expertise judiciaire ;

Attendu que le rapport médical établi à la demande de M. E le 10 avril 2014 par le docteur L Y, expert près la Cour d’appel de Nancy, comporte les développements suivants : 'Il est incontestable que M. E a présenté un violent traumatisme au niveau de son poignet droit au cours de son service militaire le 10 décembre 1981, sans antécédent connu sur le siège des lésions antérieurement à cet accident ; il a présenté une entorse grave au niveau de son poignet droit sans fracture osseuse constatée radiologiquement en particulier sur le semi lunaire ; il a présenté ensuite un continuum douloureux avec impotence fonctionnelle au niveau du poignet droit, selon le registre militaire, des consultations cliniques et radiologiques multiples ; en mars 1982, le bilan de consultation médico-chirurgicale et radiologique mettait en évidence une nécrose du semi-lunaire droit qui était alors considérée à juste titre comme étant la conséquence du traumatisme du 10 décembre 1981" ;

Que le docteur Y conclut son rapport de la façon suivante : 'Pour répondre à notre mission, nous pouvons dire que la maladie de Kienböck dont souffre M. E a été diagnostiquée en mars 1982 et qu’elle est séquellaire d’un traumatisme sévère du poignet droit datant du 10 décembre 1981 sans antécédent connu sur le siège des lésions’ ;

Attendu que dans la mesure où ce rapport médical contredit les conclusions du rapport d’expertise judiciaire du docteur A du 9 décembre 2013 selon lequel la maladie de Kienböck dont souffre M. E n’est pas d’origine traumatique et n’est pas en lien avec le traumatisme dû à l’accident de service du 10 décembre 1981, il est justifié d’ordonner une nouvelle expertise ;

Attendu qu’il convient de réserver l’ensemble des demandes dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise ;

Par ces motifs :

La Cour régionale des pensions militaires de Nancy, statuant publiquement et contradictoirement et avant dire droit au fond,

Ordonne une nouvelle expertise médicale de M. B E et désigne pour y procéder le docteur N O, expert près la Cour d’appel de Nancy, Professeur d’université en chirurgie orthopédique, praticien au CHU Nancy, domicilié Hôpital Central 29 avenue de Lattre de Tassigny CO 34 (54035) Nancy Cedex, Tél. 03.83.85.27.69 – Fax 03.83.85.13.50 (l.O@chu-nancy.fr) ;

Dit que l’expert aura pour mission :

— d’examiner M. B E ainsi que tous les documents que ce dernier sera amené à lui remettre qui devront être discutés et annexés au rapport,

— de se faire communiquer tout document utile, notamment le rapport de l’expertise réalisée par le docteur A ainsi que les examens pratiqués sur M. B E,

— de répondre aux dires et réquisitions des parties,

— de dire si la maladie de Kienböck dont souffre M. B E est d’origine traumatique et si le traumatisme résultant de l’accident de service du 10 décembre 1981 en est la cause directe ;

Dit que l’expert devra déposer son rapport dans un délai de trois mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission, conformément à l’article 9 du décret n°59-327 du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, sauf la possibilité pour l’expert de solliciter un délai supplémentaire ne pouvant excéder trois mois ;

Dit qu’en cas d’empêchement ou de refus de l’expert il sera procédé à son remplacement sur simple ordonnance du président de la cour régionale des pensions ;

Désigne Mme ROBERT-WARNET, président de la cour régionale des pensions, aux fins de contrôle des opérations d’expertise ;

Sursoit à statuer sur le surplus ;

Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience du jeudi 08 décembre 2016 à 10 heures, la notification du présent arrêt valant convocation des parties pour cette audience ;

Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe le quatre février deux mille seize et signé par Madame ROBERT-WARNET, Président de chambre, et par Madame STUTZMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.-

signé : STUTZMANN.- signé : ROBERT-WARNET.-

Minute en cinq pages.

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