Cour d'appel de Papeete, Chambre civile, 8 août 2019, n° 18/00334

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  • État

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

341

CL

--------------

Copie exécutoire

délivrée à :

— Me B,

le 20.08.2019.

Copies authentiques

délivrées à :

— Me Jourdainne,

— M. X,

le 20.08.2019.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 8 août 2019

RG 18/00334 ;

Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 24 du Juge Commissaire du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 27 août 2018 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 18 septembre 2018 ;

Appelante :

Madame C A, née le […] à Nouméa, de nationalité française, demeurant à […], […] ;

Ayant pour avocat la Selarl Groupavocats, représentée par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

Monsieur D Y, né le […] à Papeete, de nationalité française, […] ;

Madame E Z, née le […] à Papeete, de nationalité française, demeurant

à […], […] ;

Ayant pour avocat la Selarl, représentée par Me Mourad B, avocat au barreau de Papeete ;

Monsieur G-H X, liquidateur judiciaire de la Sci Teoutearii, […] ;

Ayant conclu ;

Ordonnance de clôture du 5 avril 2019 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 11 avril 2019, devant Mme LEVY, conseiller faisant fonction de président, Mme DEGORCE, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme OPUTU-TERAIMATEATA ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme LEVY, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Rappel des faits et de la procédure :

Par ordonnance du 27 août 2018, le juge commissaire du tribunal civil de première instance de Papeete a principalement :

— déclaré recevable la requête en contestation de créance déposée par Monsieur Y et Mme Z,

— vu la procédure initiée par les requérants auprès de Monsieur ou Madame le Président du tribunal civil de première instance de Papeete aux fins d’annulation de l’inscription définitive d’hypothèque déposée par Madame A,

— ordonné un sursis à statuer concernant la requête en contestation de créance susvisée jusqu’à décision de la juridiction civile compétente pour statuer sur la validité de l’inscription d’hypothèque en cause.

Par déclaration d’appel enregistré au greffe le 18 septembre 2018 et dernières conclusions récapitulatives du 22 mars 2019, auxquelles il est expressément envoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens soutenus, Madame C A demande à la cour de :

'Réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance n°168 rendue par le Juge commissaire le 27 août 2018,

Statuant à nouveau,

A TITRE PRINCIPAL,

Dire et juger que la réclamation présentée par Monsieur D Y et Madame E Z est irrecevable ;

En conséquence,

Débouter Monsieur D Y et Madame E Z de l’intégralité de leurs prétentions, fins et demandes ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Constater que le bordereau d’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire ' devenue définitive mentionne que la garantie prise par Madame A porte sur le lot 22 mais également sur les biens présents et à venir de la SCI TEOUTEARII ;

Constater dès lors que les lots 92 et 93 inclus dans le patrimoine immobilier de la SCI TEOUTEARII sont dès lors grevés par l’inscription d’hypothèque prise par Madame A ;

Constater en tout état de cause qu’aucune confusion n’est ainsi possible quant à la détermination du lot identifié sous le n° 501 grevé de garanties hypothécaires ;

En conséquence,

Débouter Monsieur D Y et Madame E Z de l’intégralité de leurs prétentions, fins et demandes ;

Dire irrecevable la demande de sursis à statuer dans la mesure où elle n’a pas été soulevée in limine litis ;

Condamner solidairement Monsieur D Y et Madame E Z au paiement de la somme de 169.500 FCP au titre des frais irrépétibles ;

Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens d’instance, dont distraction d’usage au profit de la SELARL GROUPAVOCATS (Me JOURDAINNE) ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

Débouter Monsieur Y et Madame Z de leurs tendant à ce que Madame A soit condamnée à leur verser chacun la somme de 100.000 FCP à titre de dommages et intérêts au titre d’un prétendu préjudice moral ;

Débouter Monsieur Y et Madame Z de leurs tendant à ce que Madame A soit condamnée à leur verser chacun la somme de 250.000 FCP au titre des frais irrépétibles ;

Statuer ce que de droit sur les dépens.'

Elle conclut à la recevabilité de son appel conformément aux dispositions de l’article 24 alinéa 4 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990 qui dispose que les recours liés à l’état des créances relèvent expressément de la compétence de la cour d’appel, par voie de requête et non par déclaration d’appel au greffe.

Elle soutient qu’au vu de l’article 69 de la délibération précitée, les intimés, étant créanciers dans le

cadre d’une procédure collective ouverte à l’égard de la SCI TEOUTEARII, ne sont pas recevables à porter une réclamation contre l’ordonnance rendue par le juge commissaire constatant l’état des créances arrêté et déposé au greffe du Tribunal mixte de commerce ; qu’au regard de l’article 71 de la même délibération qui dispose que «les réclamations des tiers sont formulées au greffe par voie de mention sur l’état», de sorte que la recevabilité du recours s’apprécie effectivement au regard de la date de cette mention et non à la date à laquelle la réclamation a été formée (comme c’est le cas en métropole) ; que la mention a effectivement été portée sur l’état des créances le 8 juin 2017, soit hors du délai qui expiré le 5 juin 2017 ; que pour être recevable, cette mention aurait dû être portée le 2 juin 2017 ; que la réclamation des intimés, si elle aurait pu être déclarée recevable en métropole en application des articles R624-10 et R624-8 du code de commerce, ne l’est pas en Polynésie française au regard de la spécificité du texte applicable en la matière qui prévoit uniquement une mention sur l’état; que le recours formé par Monsieur Y et Madame Z n’a pas été réalisé dans les formes prescrites par l’article 71 précité, et de surcroît ne peut être dirigé contre «l’état des créances» mais contre une décision rendue par le juge commissaire précisément identifiée.

À titre subsidiaire, l’appelante fait valoir que sa garantie hypothécaire porte sur le lot 22 et sur tous les biens présents et à venir de la SCI TEOUTEARII, ainsi que sur les lots 92 et 93 ; que le Conservateur des Hypothèques n’a pas rejeté l’enregistrement de ses bordereaux d’inscription ; que sa créance privilégiée est valablement inscrite sur un bien identifié comme étant l’appartement n°501, au même titre que les intimés ; qu’en l’état de la réglementation applicable en Polynésie française, des hypothèques judiciaires peuvent être pris sur l’ensemble des biens présents dans le patrimoine immobilier d’un débiteur ; que la version de l’article 2123 alinéa trois du Code civil a été modifiée par le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 non rendu applicable en Polynésie française et transféré par ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 non applicable également en Polynésie française ; que la demande de sursis à statuer des intimés est irrecevable car non soulevée in limine litis.

Par conclusions récapitulatives du 27 février 2019, auxquelles il convient expressément de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens soutenus, Monsieur Y et Madame Z demandent à la cour de confirmer l’ordonnance déférée dans toutes ses dispositions, et de condamner Mme A à leur verser à chacun la somme de 100 000 FCP à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice moral pour procédure abusive, et la somme de 250 000 FCP au titre des frais irrépétibles.

Ils exposent qu’ils sont, comme l’appelante, créanciers de la SCI TEOUTEARII, qui a été placée en redressement, puis liquidation judiciaire par jugements des 23 juin 2014 et 14 novembre 2016 ; que la créance de l’appelante, déclarée comme privilégiée, aurait dû être inscrite en tant que créance chirographaire compte tenu de l’irrégularité affectant les inscriptions d’hypothèques provisoire et définitive de Mme A.

Les intimés ne discutent plus de la recevabilité de l’appel de Mme A.

Ils soutiennent que leur réclamation est recevable au regard des articles 70 et 71 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990 ; que la publication de l’état des créances au JOPF est intervenue le 5 mai 2017, et la réclamation le 2 juin 2017, formée dans le délai de 30 jours malgré le fait que le greffier ait daté son inscription manuscrite à la date du 8 juin 2017, ce dont il ne résulte aucun grief ; qu’ils exercent un recours à l’encontre de l’état des créances, basé sur les dispositions de l’article 69 de la délibération précitée, al 1 et 4, à l’encontre des décisions du juge- commissaire ; que l’alinéa 4 de l’article 69 suscité stipule «toute personne intéressée, à l’exclusion de celles mentionnées à l’article L.621-105, alinéa premier du code de commerce, peut en prendre connaissance et former réclamation» ; qu’ils ne font pas partie des personnes mentionnées audit article qui concerne celles qui ont pris part à la procédure de vérification des créances ; qu’ils ont intérêt à agir en obtenant la déclassification de la créance privilégiée de l’appelante en créance chirographaire.

Ils ajoutent que la cour d’appel n’est pas saisie de la régularité de l’inscription d’hypothèque de

l’appelante dès lors en plus que le juge commissaire lui-même n’a pas encore statué sur cette question ; que dans le cadre de la procédure de vérification des créances, il est admis par Cour de cassation de manière constante que si le juge commissaire constate que la contestation élevée à l’encontre d’une créance déclarée ne relève pas de son pouvoir juridictionnel, il doit rendre une ordonnance de sursis à statuer et inviter les parties à saisir le juge compétent.

Reconventionnellement, ils sollicitent que l’appelante soit condamnée à des dommages-intérêts pour procédure abusive, en indiquant que cette dernière multiplie les procédures sans succès dans le but de retarder au maximum l’issue du litige, n’ayant toujours pas conclu sur le fond devant le tribunal de première instance de Papeete, ce qui démontre que son appel est parfaitement dilatoire.

Motifs :

L’article 24 alinéa 4 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990 stipule que les ordonnances du juge-commissaire «peuvent faire l’objet d’un recours par simple déclaration au greffe dans les 15 jours, outre les délais de distance, qui suivent le jour de la réception de la notification par les soins du greffier aux personnes désignées à cet effet dans l’ordonnance».

Par requête du 18 septembre 2018, Madame A interjetait appel de l’ordonnance du 27 août 2018, notifiée le 7 septembre 2018.

S’il est exact que l’appelante n’a pas formé son recours par simple déclaration au greffe dans les 15 jours, sa requête d’appel du 18 septembre 2018 a été faite dans les délais prescrits par l’article 24 alinéa 4 de la délibération précitée ; les intimés reconnaissent n’avoir subi aucun grief de ce fait, et renoncent à en soulever toute irrégularité.

En conséquence, l’appel de Madame A est recevable.

La requête du 2 juin 2017 de M. Y et de Madame Z, créanciers de la SCI TEOUTEARII, est une requête en contestation du caractère privilégié de la créance de Madame C A, visant à la voir déclasser en créance chirographaire.

Il résulte des pièces versées au débat que le greffier a porté manuscritement sur l’ordonnance du 17 février 2017, arrêtant l’état des créances 'réclamation du 2 juin 2017 de D Y et Mme F Z représentée par Me B contre la créance de Madame C A» ; en conséquence, au vu des articles 70 et 71 de la délibération précitée, la réclamation a été formée dans les délais des 30 jours requis à compter de la publication de l’état des créances faite au JOPF le 5 mai 2017, le fait que le greffier ayant daté son inscription manuscrite à la date du 8 juin 2017 n’ayant aucune incidence et pouvant même être considéré comme une erreur matérielle.

Ce recours exercé à l’encontre de l’état des créances est soumis aux dispositions de l’article 69 de la délibération précitée qui indique, notamment, en son alinéa 1, «les décisions d’admission de rejet des créances ou d’incompétence prononcées par le juge commissaire sont portées sur un état qui est déposé au greffe du tribunal» et en son alinéa 4 que «toute personne intéressée, à l’exclusion de celles mentionnées à l’article L 621-105, alinéa 1er du code du commerce, peut en prendre connaissance et former réclamation» ; sont listées à cet article l’ensemble des personnes qui ont pris part à la procédure de vérification des créances et qui avaient la possibilité de former un recours contre la décision du juge-commissaire (le créancier à l’égard de sa propre créance, le débiteur qui avait la possibilité de contester les créances admises au passif de la procédure et l’administrateur qui pouvait contester la décision du juge-commissaire en amont de la publication de l’état des créances).

Il s’en déduit que les intimés, ainsi que l’a justement retenu le juge- commissaire, sont recevables en leur réclamation, ne faisant pas partie des personnes mentionnées à l’article L 625.105 du code de commerce, ayant un intérêt personnel et distinct de celui des autres créanciers à agir dès lors que leur

contestation émise contre la créance de l’appelante peut leur permettre d’obtenir une position plus avantageuse lors du partage à intervenir en fin de procédure après la réalisation des actifs du débiteur.

Par requête en date du 6 avril 2018, les intimés ont saisi la Présidente du tribunal civil de première instance de Papeete aux fins de demander l’annulation de l’inscription d’hypothèque définitive inscrite par Madame A les 11 avril 2013 et 22 juin 2015.

Il s’en évince que, selon la jurisprudence constante en matière de procédure de vérification des créances, le juge-commissaire, ne pouvant statuer juridictionnellement en l’état, a justement ordonné un sursis à statuer pour permettre à la juridiction compétente en matière civile de statuer sur le litige portant sur la validité de l’inscription d’hypothèque en cause, dont dépend nécessairement la solution de la présente contestation soulevée devant lui.

L’ordonnance du 27 août 2018 sera confirmée en toutes.

Les intimés seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts non justifiée, Madame A usant légitimement de son droit d’ester en justice, pour la défense de ses intérêts.

Il sera fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile local au bénéfice des intimés.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Déclare recevable l’appel interjeté 18 septembre 2018 par Madame A à l’encontre de l’ordonnance rendue le 27 août 2018 par le juge-commissaire au Tribunal civil de première instance de Papeete ;

Confirme l’ordonnance du 27 août 2018 en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne Madame A à payer à Monsieur Y et de Madame Z la somme de 150 000 FCP, à chacun, au titre des frais irrépétibles ;

Condamne Madame A aux entiers dépens.

Prononcé à Papeete, le 8 août 2019.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. LEVY

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