Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 11 avril 2018, n° 15/02833

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Chronologie de l’affaire

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www.bondard.fr · 29 avril 2020

En raison notamment des conséquences du confinement que vit actuellement la France, de nombreuses entreprises traversent une période de cessation partielle ou totale de leur activité, que celles-ci recourent ou non au chômage partiel (voir la note du cabinet sur le chômage partiel : https://www.village-justice.com/articles/coronavirus-virus-covid-teletravail-conges-chomage-partiel-modalites-legales,34129.html). Certaines entreprises sont amenées à cesser leur coopération avec des partenaires, parfois de longue date, avec lesquelles peut exister un rapport de dépendance économique. Or, la …

 

CMS Bureau Francis Lefebvre · 12 juillet 2018

La cour d'appel de Paris a rendu, le 11 avril 2018, un arrêt d'espèce dans une affaire opposant, d'un côté, la société McDonald's France Services, société qui référence les fournisseurs de denrées alimentaires, négocie les conditions tarifaires et les recommande auprès des franchisés McDonald's et la société Martin Brower France, société qui achète les produits référencés pour le compte des franchisés McDonald's et leur livre les produits et, d'un autre côté, la société Keroler, société qui fournissait McDonald's depuis 1995 en divers produits de pâtisserie dont le McCrispy, les brisures …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 4, 11 avr. 2018, n° 15/02833
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/02833
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 25 janvier 2015, N° 2013044354
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 29 octobre 2022
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Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 11 AVRIL 2018

(n° , 22 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/02833

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Janvier 2015 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2013044354

APPELANTE

SAS KEROLER

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 699 200 812 (RENNES)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Ayant pour avocat plaidant : Me Michaël PIQUET-FRAYSSE et Me Laurent LEVY de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, toque : B0482

INTIMÉES

— SARL MCDONALD’S FRANCE SERVICES

Ayant son siège social : [Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 401 308 358 (VERSAILLES)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant : Me Marie-Line PABAN, substituant Me Léna SERSIRAN, avocats au barreau de PARIS, toque : P445

— SASU MARTIN BROWER FRANCE, anciennement dénommée LR SERVICES

Ayant son siège social : [Adresse 3]

[Adresse 4]

[Localité 3]

N° SIRET : 321 514 002 (EVRY)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Représentée par Me Jennifer VILLARD du Cabinet PICHARD et Associés, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : A708

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame [F] [X], Présidente de chambre

Madame [X] [T], Conseillère, rédacteur,

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [X] [T] dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame [J] [F]

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame [F] [X], président et par Madame [J] [F], greffier présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Keroler a pour activité la fabrication industrielle de pâtisseries.

La société McDonald’s France Services (ci-après la société McDonald’s) a pour activité principale la mise en place et la gestion de services et conseils relatifs au développement du système McDonald’s en France. A ce titre, elle référence les fournisseurs qui produisent et/ou commercialisent des denrées alimentaires répondant aux normes du système McDonald’s et négocie les conditions tarifaires, puis les recommande aux franchisés McDonald’s.

La société [A] [Q] France, anciennement dénommée LR Services, est le prestataire logistique des restaurants McDonald’s. Elle agit en qualité de commissionnaire des franchisés McDonald’s en achetant les produits référencés aux prix négociés par la société McDonald’s France Services, pour le compte des restaurants des franchisés. La société [A] [Q] assure ensuite la livraison des produits jusqu’aux restaurants et la facturation.

Depuis 1995, la société Keroler fournissait la société McDonald’s en divers produits de pâtisserie, dont, notamment, le McCrispy (rose des sables), les brisures de crumble (pâte sablée granuleuse destinée à être incorporée dans des desserts), le pancake et la mandise sans qu’aucun contrat écrit ne soit formalisé.

Entre le 16 septembre 2008 et le 23 octobre 2012, la société McDonald’s a notifié successivement les déférencements de ces 4 produits en accordant des préavis. Les relations commerciales entre les parties ont définitivement cessé en octobre 2015 à l’issue du dernier préavis de 36 mois octroyé pour la mandise.

Par courrier des 13 et 22 novembre 2012, la société Keroler a adressé à la société Martin-Brower et à la société McDonald’s ses nouvelles conditions générales de vente et particulières applicables à compter de janvier 2013 et comportant une forte augmentation de tarifs, laquelle a été refusée par les sociétés McDonald’s et Martin-Brower.

Depuis lors, les factures ont été émises en tenant compte des nouveaux tarifs mais les règlements ont été faits sur la base des anciens tarifs.

Par exploit d’huissier du 2 juillet 2013, la société Keroler a assigné les sociétés McDonald’s et [A] [Q] devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamner solidairement à réparer les conséquences de la rupture brutale des relations commerciales établies et de l’abus de dépendance économique dans lequel la relation commerciale et sa rupture se sont inscrites et à lui payer le solde des factures partiellement payées.

Par jugement du 26 janvier 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

— débouté la SAS Keroler de l’ensemble de ses demandes,

— condamné la société SAS Keroler à payer à la SARL McDonald’s France Services et à la SAS [A] [Q], anciennement dénommée LR Services, la somme de 15.000€ chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la SARL McDonald’s France Services de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamné la SAS Keroler aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,85 € dont 17,42 € de TVA.

Le 10 octobre 2013, la société Keroler a saisi le juge des référés du tribunal de commerce d’Évry en sollicitant la condamnation solidaire des sociétés McDonald’s et [A] [Q] à lui verser une provision de 5.096.297.62 € correspondant au solde dû au titre de factures émises de janvier à août 2013 et partiellement payées.

Par ordonnance du 12 février 2014, la société Keroler a été intégralement déboutée de ses demandes, compte tenu de l’existence d’une contestation sérieuse sur les augmentations tarifaires pratiquées unilatéralement par la société Keroler, le juge des référés relevant en particulier le lien entre le déréférencement des produits et les augmentations tarifaires unilatérales consécutives.

Par arrêt du 5 mai 2015, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du 12 février 2014.

LA COUR

Vu la déclaration d’appel et les dernières conclusions déposées et notifiées le 1er juin 2017, par lesquelles la société Keroler invite la cour, au visa des articles L.442-6, I, 2° et 5° et L.420-2 du code de commerce et des articles 1134, 1382 et suivants du code civil, à :

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

à titre principal,

— condamner solidairement les sociétés McDonald’s France Services et [A] [Q] France à régler le solde des factures impayées à hauteur de 12.939.704,36 €, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation introductive d’instance du 2 juillet 2013 valant mise en demeure,

— prononcer l’anatocisme en application des dispositions de l’article 1154 du code civil,

— condamner solidairement les sociétés McDonald’s France Services et [A] [Q] France à l’indemniser du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies en lui versant :

* pour le McCrispy : la somme de 811.799 € au titre de la perte de marge brute durant 24 mois de préavis,

* pour le crumble : la somme de 558.996 € au titre de la perte de marge brute durant 24 mois de préavis,

* pour le pancake,

. à titre principal : la somme de 1.833.541 € au titre de la perte de marge brute durant 36 mois de préavis,

. à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le tarif de 31,75 € HT pratiqué à compter du 1er janvier 2013 ne devait pas trouver à s’appliquer : une indemnité de 581.362 € (sur la base du tarif antérieur au 1er janvier 2013) au titre de l’insuffisance de préavis accordé suite au déréférencement des pancakes,

* pour la mandise,

. à titre principal : la somme de 4.448.991,05 € au titre de la perte de marge brute sur le volume manquant de commandes durant le préavis,

. à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le tarif de 47.50 € HT pratiqué à compter du 1er janvier 2013 ne devait pas trouver à s’appliquer : une indemnité de 1.569.802 € (sur la base du tarif antérieur au 1er janvier 2013) au titre de l’insuffisance de volume de commandes durant le préavis,

* pour le préjudice matériel,

. la somme de 5.225.808 € au titre résultant de la fermeture du site de [Localité 4],

. la somme de 424.918 € au titre des suppressions de poste,

le tout avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation introductive d’instance,

à titre subsidiaire,

— condamner solidairement les sociétés McDonald’s France Services et [A] [Q] France à l’indemniser du préjudice subi du fait de l’exploitation abusive de l’état de dépendance économique de cette dernière et du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en lui versant la somme totale de 2.594.883 € pour les pancakes et 7.901.732 € pour les mandises,

en tout état de cause,

— déclarer la demande de la société Keroler sur l’avantage indu de trésorerie recevable et bien fondée et condamner solidairement les sociétés McDonald’s France Services et [A] [Q] France au paiement à la société Keroler de la somme de 5.500.000 € au titre de l’enrichissement sans cause,

— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans les deux mois qui suivront son prononcé aux frais des intimées dans le journal Le Figaro Économie ainsi que le journal Les Échos et ce, sous astreinte de 5.000 € par jour commençant à courir à l’expiration du délai de deux mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir,

— condamner solidairement les sociétés McDonald’s France Services et [A] [Q] France à la prise en charge des frais relatifs à une campagne de communication jusqu’à 1.000.000 euros HT permettant à la société Keroler, sur présentation de justificatifs de dépense de communication, de communiquer sur les produits ayant été commandés par la société McDonald’s France Services,

— ordonner à la société McDonald’s France Services et à la société [A] [Q] France de communiquer :

* le nom du nouveau fournisseur de pancakes ainsi que le contrat et les conditions financières établies avec ledit fournisseur, et la fiche logistique du nouveau pancake;

* le prix de vente de la mandise facturé aux franchisés McDonald’s,

le tout sous astreinte de 500 € par jour de retard commençant à courir 48 heures après la signification de l’arrêt à intervenir,

— débouter les sociétés McDonald’s France Services et [A] [Q] France de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

— condamner solidairement les sociétés McDonald’s France Services et [A] [Q] France à payer la somme de 50.000 € à la société Keroler sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Laurence Taze-Bernard conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 24 janvier 2018, par lesquelles la société McDonald’s France Services, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles L.110-4, L.420-2 et L.442-6 du code de commerce, 1103 et suivants du code civil, 9 et suivants du code de procédure civile, de :

— confirmer le jugement du 26 janvier 2015 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

— infirmer le jugement du 26 janvier 2015 en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formulée par la société McDonald’s France Services,

y ajoutant,

sur la demande de condamnation sous astreinte à communiquer le prix de vente de la mandise,

— dire et juger irrecevable la demande de condamnation à communiquer le prix de vente la mandise aux franchisés compte tenu de son caractère nouveau,

à titre subsidiaire,

— dire et juger la société Keroler mal fondée en sa demande,

en tout état de cause,

— débouter la société Keroler de sa demande de condamnation sous astreinte à communiquer le prix de la mandise facturé aux franchisés McDonald’s,

sur la demande de condamnation sous astreinte à communiquer le nom du fournisseur du pancake et autres informations y afférentes,

— dire la société Keroler mal fondée en sa demande de condamnation sous astreinte à communiquer le nom du fournisseur du pancake et autres informations y afférentes et en conséquence, l’en débouter,

sur l’action en paiement d’un avantage en trésorerie indû,

— dire irrecevable l’action en paiement d’un avantage en trésorerie indu formulée par la société Keroler compte tenu de son caractère nouveau,

à titre subsidiaire,

— constater que la société McDonald’s France n’a réalisé aucun avantage en trésorerie indu,

— dire mal fondée la société Keroler dans son action en paiement d’un avantage en trésorerie indu au titre d’un prétendu enrichissement,

en tout état de cause,

— débouter la société Keroler de son action en paiement de l’avantage en trésorerie indu à hauteur de 5,5 millions d’euros,

sur l’action en paiement des frais de campagne de communication,

— dire irrecevable l’action en paiement des frais d’une campagne de communication formulée par la société Keroler compte tenu de son caractère nouveau,

à titre subsidiaire,

— dire mal fondée la société Keroler dans son action en paiement des frais d’une campagne de communication,

en tout état de cause,

— débouter la société Keroler de son action en paiement des frais d’une campagne de communication,

sur l’action en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales,

— dire que les arrêts du McCrispy, des brisures de crumble et du pancake ne sont pas constitutifs de ruptures partielles de relations commerciales,

— dire que la société Keroler a bénéficié de délais de préavis suffisants pour le McCrispy, les brisures de crumble et le pancake,

— dire la société Keroler irrecevable dans son action en responsabilité pour inexécution des préavis de la mandise, des brisures de crumble et du pancake en raison de son caractère nouveau,

à titre subsidiaire,

— dire que les préjudices allégués par la société Keroler au titre de la rupture brutale des relations commerciales sont injustifiés dans leur existence et leur quantum et que leur lien de causalité avec les faits reprochés n’est pas établi,

— dire qu’aucun agissement fautif n’a été commis dans le cadre de l’exécution des préavis concédés pour la mandise, les brisures de crumble et le pancake et qu’en tout état de cause, la société Keroler ne justifie pas des préjudices allégués,

en conséquence,

— dire mal fondée la société Keroler dans son action pour rupture brutale des relations commerciales et dans son action en responsabilité pour inexécution des préavis concédés pour la mandise, les brisures de crumble et le pancake,

en tout état de cause,

— débouter la société Keroler de son action son action en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales et de son action en responsabilité pour inexécution des préavis concédés pour la mandise, les brisures de crumble et le pancake,

sur l’action en paiement du solde des factures d’approvisionnement,

— constater l’absence d’accord des parties sur les hausses unilatérales de prix appliquées par la société Keroler sur le pancake et la mandise,

— dire illicites lesdites augmentations tarifaires,

en conséquence,

— dire que les ventes conclues entre sociétés [A] [Q] et Keroler à compter du 1er janvier 2013 sont intervenues aux derniers tarifs négociés entre les parties,

— dire mal fondée l’action en paiement diligentée par la société Keroler et l’en débouter,

sur l’action en responsabilité pour abus de dépendance économique et pour déséquilibre significatif,

— dire prescrite et irrecevable l’action en responsabilité pour abus de dépendance économique pour tous les faits antérieurs au 23 octobre 2007,

— dire irrecevable l’action en responsabilité pour déséquilibre significatif pour tous les faits antérieurs au 6 août 2008,

— dire que l’abus de dépendance économique n’est pas établi,

— dire que le déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties n’est pas établi,

à titre subsidiaire,

— dire que les préjudices allégués par la société Keroler au titre de l’abus de dépendance économique et du déséquilibre significatif sont injustifiés dans leur existence, dans leur quantum et dans leur lien de causalité avec les faits reprochés,

en conséquence,

— dire mal fondée la société Keroler dans ses actions en responsabilité pour abus de dépendance économique et pour déséquilibre significatif et l’en débouter,

en tout état de cause,

— débouter la société Keroler de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

— condamner la société Keroler à payer à la société McDonald’s France la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

— condamner la société Keroler à payer à McDonald’s la somme de 40.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

— condamner la société Keroler aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me François Teytaud dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 24 janvier 2018, par lesquelles la société [A] [Q] France, intimée ayant formé appel incident, sollicite de la cour, au visa des articles L.110-4, L.420-2 et L. 442-6, I, 2° et 5° du code de commerce, 1103 et suivants du code civil, 9 et suivants, 567, 700 et 699 du code de procédure civile, de :

— confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

sur la demande de communication sous astreinte du prix de la mandise,

— constater le caractère nouveau de cette demande formulée par la société Keroler pour la première fois en cause d’appel,

— déclarer la société Keroler irrecevable en sa demande à ce sujet,

— déclarer la société Keroler en toute hypothèse mal fondée en sa demande à ce sujet,

en conséquence,

— débouter la société Keroler de sa demande de condamnation sous astreinte des intimées à lui communiquer le prix de la mandise facturé aux franchisés McDonald’s,

sur la demande en paiement d’un avantage fiscal indû,

— constater le caractère nouveau de cette demande formulée par la société Keroler en appel,

— déclarer la société Keroler irrecevable en sa demande de condamnation de la société [A] [Q] France au paiement de la somme de 5.500.000 € au titre du prétendu enrichissement sans cause,

— dire en toute hypothèse que la société Keroler est mal fondée en sa demande en paiement de l’avantage en trésorerie indu,

en conséquence,

— débouter la société Keroler de sa demande de paiement de la somme de 5.500.000 € au titre du prétendu enrichissement sans cause,

sur la demande de condamnation à couvrir les frais de campagne de communication,

— constater le caractère nouveau de cette demande formulée par la société Keroler en appel,

— déclarer la société Keroler irrecevable en sa demande de condamnation de la société [A] [Q] France à couvrir les frais d’une campagne de communication jusqu’à hauteur de 1 million d’euros HT sur des produits Keroler ayant été commercialisés par McDonald’s,

— dire en toute hypothèse que la société Keroler est mal fondée en sa demande à ce sujet,

en conséquence,

— débouter la société Keroler de sa demande concernant sa campagne de communication,

pour le surplus,

sur la demande en paiement au titre d’une prétendue modification du contrat,

— constater que les sociétés [A] [Q] France et McDonald’s France n’ont pas accepté de modifier les conditions contractuelles, ni la proposition de hausse de prix de la société Keroler,

— débouter la société Keroler de sa demande à ce sujet,

sur la demande en dommages-intérêts au titre d’une prétendue rupture brutale des relations commerciales,

— constater que le délai de préavis accordé à la société Keroler était amplement suffisant,

— constater que la société Keroler ne justifie pas du préjudice qu’elle invoque,

— débouter la société Keroler de sa demande à ce sujet,

sur la demande en dommages-intérêts au titre d’une prétendue exploitation d’un état de dépendance économique,

— dire et juger que l’action pour abus de dépendance économique concernant les faits antérieurs au 23 octobre 2007 est prescrite et donc irrecevable,

— constater que la société Keroler ne démontre pas avoir été victime de « l’exploitation abusive d’un état de dépendance économique »,

— débouter la société Keroler de sa demande à ce sujet,

sur la demande en dommages-intérêts au titre d’un prétendu déséquilibre significatif,

— dire que l’action pour déséquilibre significatif concernant tous les faits antérieurs au 6 août 2008 est irrecevable et donc prescrite,

— constater que la société Keroler ne démontre pas l’existence d’un prétendu déséquilibre significatif au sens de l’article L442-6, I, 2° du code de commerce,

— débouter la société Keroler de sa demande à ce sujet,

sur la demande de communication du nom du nouveau fournisseur de pancakes, du contrat, des conditions financières établies avec le fournisseur et de la fiche logistique du nouveau pancake sous astreinte de 500€ par jour de retard,

— constater que la société Keroler est défaillante dans l’administration de la preuve de ses prétentions,

— débouter la société Keroler de sa demande à ce sujet,

en tout état de cause,

— débouter la société Keroler de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Keroler à payer la somme de 40.000€ à la société [A] [Q] France sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance ;

SUR CE

Sur la demande en paiement solidaire du solde des factures et la demande subséquente en indemnisation pour avantage indû de trésorerie

La société Keroler indique qu’à compter du 1er janvier 2013, elle a appliqué les nouvelles conditions générales et particulières de vente qu’elle considère comme étant opposables aux intimées, pour leur avoir été adressées les 13 et 22 décembre 2012, mais que ces dernières se sont obstinées à refuser d’honorer totalement les factures qu’elle avait émises, en déduisant le montant des augmentations tarifaires de sorte qu’elles sont redevables d’une somme de 12.939.704,36 € au titre de l’arriéré de factures du 1er janvier 2013 jusqu’à fin septembre 2015. Elle ajoute que le fait de passer une commande vaut, en elle-même, acceptation tacite des conditions générales de vente, et en l’espèce l’acceptation des nouveaux tarifs pour 2013. Elle réclame en outre, en appel, la somme de 5,5 millions d’euros au titre de l’avantage indû de trésorerie dont aurait bénéficié la société [A] [Q] du fait du non-paiement des factures.

La société McDonald’s réplique que le solde des factures réclamé n’est pas dû, celui-ci correspondant à une augmentation unilatérale, brutale, exorbitante et infondée du prix des produits de l’ordre de plus de 200 % environ, laquelle n’a jamais été acceptée par les intimées qui ont expressément indiqué, à plusieurs reprises, qu’elles refusaient des hausses de prix unilatéralement fixées et qu’elles s’en tiendraient aux tarifs négociés d’un commun accord avec la société Keroler, et que c’est sur cette base que la société [A] [Q] a passé commande. Elle fait également valoir que les correspondances adressées par la société Keroler révèlent que les augmentations tarifaires litigieuses constituent une mesure de rétorsion à la cessation à terme des relations commerciales entre les parties, ce qui est confirmé par les déclarations de l’appelante dans son assignation au fond et dans ses conclusions d’appel, lesquelles constituent un aveu judiciaire au sens de l’article 1354 du code civil. Elle considère que la demande d’indemnisation au titre de l’avantage indû de trésorerie est irrecevable, comme étant nouvelle en appel, et en tout état de cause, doit être rejetée.

La société [A] [Q] soutient également qu’en l’absence d’accord des parties sur les nouvelles conditions générales de vente et tarifs de la société Keroler au 1er janvier 2013, celle-ci ne peut valablement en faire application et solliciter la condamnation solidaire des intimées au règlement de factures établies selon ces nouveaux tarifs. Elle ajoute que la hausse tarifaire décidée unilatéralement par la société Keroler est manifestement abusive et injustifiée. Elle soutient que la demande d’indemnisation au titre de l’avantage indû de trésorerie est irrecevable et qu’elle est, en toute hypothèse, mal fondée.

***

En l’absence de conclusion d’un contrat écrit, il y a lieu de se référer à la pratique antérieurement suivie par les parties pour la fixation du prix des produits. Comme en attestent les divers courriels produits aux débats, tout au long de la relation d’affaires jusqu’en décembre 2012, les tarifs des produits ont toujours été fixés d’un commun accord, à la suite de négociations sur la hausse tarifaire proposée par la société Keroler et acceptable par chacune des parties. A titre d’exemple, la cour relève que s’agissant du prix de la mandise (75 gr x 48), par courriel du 13 avril 2012, arguant d’une hausse significative des prix des matières premières (envolée du prix de l’oeuf), des emballages (20% en juin 2012), de la main d’oeuvre et de l’énergie, la société Keroler a sollicité une hausse tarifaire en proposant le prix de 17,96 € (Pièce société Mc Donald’s n°8), soit près de + 18% le prix étant alors de 15,221€, qu’après négociations constituées d’échanges de contre-propositions de part et d’autre pendant trois mois, les parties se sont entendues pour une augmentation de 10 %, soit 16,743 €, la société Keroler précisant dans un courriel du 20 juillet 2012 ' nous vous confirmons notre accord sur une hausse tarifaire de 10% sur la mandise à compter du 01/08/2012 ' (pièce société Mc Donald’s n°12).

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la relation commerciale avait été précédemment toujours marquée par des négociations sur le prix aboutissant à un accord mutuel, y compris en 2012.

En cours de préavis de rupture, par lettres recommandées avec accusé de réception des 13 et 22 décembre 2012, la société Keroler a adressé aux sociétés intimées ses conditions commerciales pour l’année 2013, avec copie de ses conditions générales de vente et particulières 2013, leur indiquant que les nouveaux prix seront appliqués à compter du 1er janvier 2013 jusqu’au 30 juin 2013, justifiant les augmentations de prix par celles de tous les postes ( matières premières, main d’oeuvre…) et proposant une remise de fin d’année compensée sur les factures de janvier 2014. Les nouvelles conditions commerciales comportaient une forte augmentation de tarifs, soit + 215 % pour le pancake (le colis passant de 10,067 € à 31,75 €) et + 184 % pour la mandise (le colis passant de 16,743 € à 47,50 €) (pièce appelante n°13).

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 décembre 2012, la société Mc Donald’s a fait part à la société Keroler de son extrême surprise de recevoir pour la première fois des CGV et ce, en cours de préavis, et lui a indiqué refuser tant cette version des CGV pour lesquelles elle entendait revenir dans le cadre de la négociation commerciale habituelle pour communiquer ses propositions, que les hausses de prix, précisant à cet égard : ' Nous refusons ces hausses de prix, que vous ne pouvez nous imposer de manière unilatérale, injustifiée, démesurée et sans préavis raisonnable… En l’état nos relations demeurent régies par les tarifs actuels, les seuls à avoir été fixés d’accord des parties '. Par courriers des 3, 14, 21, 25 et 31 janvier 2013, la société Mc Donald’s et la société [A] [Q] ont réitéré leur refus des nouveaux prix, contestant qu’ils soient portés sur les factures de janvier 2013 et précisant que ces factures seraient réglées sur la base du dernier tarif convenu. Par lettres recommandées des 21 et 22 janvier et 6 février 2013, la société Keroler a maintenu sa position, rappelant que ses CGV ont figuré pendant 10 ans au dos des factures puis ont fait l’objet d’un rappel sur les factures, et affirmant que le fait de passer commande valait acceptation des nouveaux tarifs.

Il ressort de ces divers courriers que les nouvelles conditions commerciales comportant des hausses de prix des produits adressées les 13 et 22 décembre 2012 par la société Keroler ont été immédiatement et expressément refusées par les intimées. Or, compte tenu des relations pérennes entretenues par les parties, pour être opposables aux intimées, ces nouvelles conditions commerciales devaient, non pas seulement avoir été portées à leur connaissance, mais également avoir été acceptées par elles. Dans ces circonstances, les commandes à compter de janvier 2013 ne valent pas acceptation tacite des hausses tarifaires. Par suite, c’est à raison que les premiers juges ont considéré qu’à la suite du refus explicite des sociétés Mc Donald’s et [A] [Q], la société Keroler ne pouvait considérer que la hausse unilatérale était applicable et ont débouté la société Keroler de sa demande en paiement au titre de l’arriéré de factures. La cour observe, à titre surabondant, que les hausses tarifaires de 215 % pour le pancake et de + de 184 % pour la mandise ne sont aucunement justifiées par l’augmentation du coût des matières premières et qu’à suivre les indications de l’appelante dans son assignation au fond, elles intègrent en réalité une indemnité de déférencement pour les deux produits en cause.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef et par voie de conséquence, la demande en indemnisation à hauteur de 5,5 millions d’euros pour enrichissement sans cause au titre de l’avantage indû de trésorerie du fait des factures partiellement impayées, à la supposer recevable en appel, sera rejetée.

Sur la demande principale en indemnisation pour ruptures brutales des relations commerciales établies concernant le McCrispy, les brisures de crumble et le pancake

Les parties s’accordent à reconnaître avoir noué des relations commerciales depuis 1995 et les déférencements successifs par la société Mc Donald’s :

— du produit McCrispy, le 16 septembre 2008, moyennant un préavis expirant le 1er mai 2009, porté jusqu’en octobre 2009, soit avec un préavis de 12 mois et demi pour une relation commerciale d’une durée non contestée de près de 13 ans (1995/septembre 2008), le produit étant fabriqué depuis 8 ans et 8 mois,

— des brisures de crumble, le 14 septembre 2009, avec un préavis expirant le 30 avril 2010, soit un préavis de 7 mois et demi pour une relation commerciale d’une durée non contestée de 14 ans (1995/septembre 2009), le produit étant fabriqué depuis presque 5 ans,

— du pancake, le 11 janvier 2012, suivant invitation de la société McDonald’s à la société Keroler à participer à un appel d’offre sur le pancake précisant que si son offre n’était pas retenue, leurs relations cesseraient concernant ce produit à compter du mois de juillet 2012. La société McDonald’s n’a pas retenu l’offre de la société Keroler. Par courrier du 6 juillet 2012, la société McDonald’s a notifié à la société Keroler le déréférencement du pancake moyennant un préavis expirant le 1er janvier 2013, qu’elle a accepté de proroger sur demande de la société Keroler, de trois mois supplémentaire jusqu’au 31 mars 2013, soit un préavis de 14 mois et demi pour les sociétés intimées et inférieur à 6 mois, selon la société Keroler qui en conteste le point de départ, comme il sera vu ci-après, pour une relation commerciale d’une durée non contestée de 17 ans (1995/ janvier 2012), le produit étant fabriqué depuis, à tout le moins, 1998 (pièce appelante n°320),

— de la mandise, le 23 octobre 2012 avec un préavis expirant le 1er octobre 2014, reporté au 1er octobre 2015, soit avec un préavis de 3 ans pour une relation commerciale de plus de 17 ans (1995/octobre 2012), le produit étant fabriqué depuis 12 ans,

et que les relations commerciales ont définitivement cessé à l’issue du préavis accordé pour la mandise au 1er octobre 2015.

Comme l’ont exactement relevé les premiers juges, la société Keroler entend rechercher la responsabilité solidaire des sociétés intimées pour ruptures brutales partielles successives des relations commerciales établies par suite des déférencements, décalés dans le temps (entre 2008 et 2012), de trois produits, soit le McCrispy (rose des sables), les brisures de crumble (pâte sablée granuleuse) utilisées comme garniture sur les desserts glacés, et le pancake intervenus chacun avec des préavis qu’elle estime insuffisants. Elle sollicite donc la perte de la marge brute escomptée, pour chacun des trois produits, pendant la durée des préavis qui auraient dû lui être octroyés.

La société Mc Donald’s et la société [A] [Q], qui ne contestent pas les déférencements successifs qu’elles expliquent par l’évolution de sa carte des desserts pour tenir compte des attentes des consommateurs, des contraintes du marché et des nécessités de rationalisation des gammes, considèrent essentiellement qu’il n’y a pas de ruptures brutales des relations commerciales établies, la société Keroler ayant bénéficié pour les trois pâtisseries, objets de déférencements partiels, d’un préavis largement suffisant.

Les parties s’opposent sur le délai de préavis suffisant pour chacun des trois déférencements, sur le point de départ de ce préavis pour le seul produit pancake et sur le préavis effectif concernant le crumble et le pancake.

Sur le préavis suffisant

A titre liminaire, la cour observe qu’aucune des parties n’allègue que les déférencements successifs ont été compensés, au plan du volume d’affaires, soit par le référencement d’un autre produit, soit par une augmentation de commandes pour les autres produits restant référencés.

Il ressort de l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l’absence de préavis écrit ou d’un préavis suffisant au regard des relations commerciales antérieures. Le délai de préavis suffisant, qui s’apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser, c’est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l’ancienneté des relations, la dépendance économique, le volume d’affaires réalisé et la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, les relations d’exclusivité et la spécificité des produits et services en cause. En outre, l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce prévoit que ' lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur ' .

En l’espèce, pour solliciter l’infirmation du jugement en ce qu’il a considéré que pour les 3 produits les préavis octroyés par la société Mc Donald’s étaient suffisants, la société Keroler invoque diverses circonstances particulières de la relation commerciale entre les parties dont il aurait dû être tenu compte dans l’évaluation des préavis.

Les circonstances particulières de la relation commerciale invoquées

' La fourniture de produits sous marque de distributeur

La société Keroler sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il n’a pas retenu, pour les pâtisseries en cause, la qualification de produits sous marque de distributeur. Elle fait valoir que les produits étaient vendus aux consommateurs, soit sans aucun conditionnement, soit avec un conditionnement à marque McDonald’s dans tous les restaurants sous enseigne McDonald’s. Elle soutient que dans l’esprit des consommateurs ces produits, surtout vendus sous des dénominations associées à l’enseigne McDonald’s (McCrispy, McCrumble), étaient associés à l’enseigne. Elle conclut que s’agissant de produits sous marque de distributeur, la société McDonald’s aurait dû respecter un préavis double, conformément aux dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce.

En réplique, la société McDonald’s relève que la société Keroler ne revendique la qualification de produits ' MDD 'que pour deux produits, à savoir la mandise et le pancake, que les 4 produits figurent au catalogue Keroler 2008, 2013, 2015 et 2018 et que les magasins ' Chéri on the cake ' créés par la société Keroler commercialisent ces produits lesquels figurent sur le site internet éponyme. Puis, elle soutient que la qualification de produits sous marque de distributeur ne peut être retenue en l’espèce, dès lors qu’elle n’a pas défini les caractéristiques de ces produits, qu’ils étaient fournis sans conditionnement et donc sans marque de distributeur et enfin, qu’ils n’étaient pas revendus en l’état au consommateur final.

***

L’article L. 112-6 alinéa 2 ancien du code de la consommation dispose qu'' est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur lorsque les caractéristiques ont été définies par l’entreprise ou le groupe d’entreprises qui en assure la vente au détail et est propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu '.

Il en ressort que quatre critères cumulatifs doivent être réunis pour qu’un produit soit qualifié de produit ' MDD ' :

— les caractéristiques du produit doivent être définies par le distributeur ;

— le produit est destiné à la vente (revente) au détail ;

— le produit doit faire l’objet d’une vente (revente) par le distributeur ;

— le produit doit être vendu (revendu) sous une marque dont le distributeur est propriétaire.

Or, en l’espèce, à tout le moins, deux conditions ne sont pas réunies en ce que :

— la société Keroler ne justifie ni même n’allègue que la société Mc Donald’s ait défini les caractéristiques techniques de chacun des produits en cause et comme le souligne la société Mc Donald’s, le cahier des charges pour l’appel d’offre concernant le pancake ' façon Mc Donald 'se contente de mentionner la liste des ingrédients à ne pas utiliser ou à utiliser de façon limitée sans imposer de spécificités,

— comme le reconnaît la société Keroler, les 3 produits étaient fournis sans conditionnement et donc sans aucun emballage ni mention de la marque ou du logo figuratif de la société Mc Donald’s.

Par suite, la société Keroler qui échoue à démontrer que les produits en cause sont des produits vendus sous marque de distributeur, ne peut revendiquer le doublement du délai de préavis.

' Le caractère exclusif imposé de la relation

La société Keroler soutient que la société McDonald’s lui aurait imposé une exclusivité de fait sur les produits qu’elle lui achetait.

La société McDonald’s réplique qu’il n’existe aucun écrit entre les parties convenant d’une exclusivité et que l’exclusivité alléguée par la société Keroler est contredite par les faits, les produits litigieux figurant sur le catalogue de la société Keroler et étant commercialisés dans ses magasins «'Chéri on the cake'».

La société [A] [Q] considère que la société Keroler n’apporte aucunement la preuve d’une quelconque exclusivité qui la lierait à la société McDonald’s ni d’une quelconque présomption d’exclusivité.

C’est par de justes motifs, que la cour adopte, que les premiers juges ont relevé que s’agissant de l’exclusivité d’une part, les affirmations de la société Keroler n’étaient étayées par la production d’aucun document probant, d’autre part, qu’elle a vendu, par ailleurs, les produits en cause lesquels figurent sur son propre catalogue, et enfin le fait que la fabrication des produits McDonald’s ait bénéficié d’un atelier spécifique, n’est pas en soi le signe d’une exclusivité dans la mesure où affecter une ligne de production à un client ressort de l’organisation de production classique. La cour ajoute que les deux seules lettres produites qui attesteraient de l’exclusivité de fait alléguée, sont insuffisantes à établir la réalité d’une exclusivité qui aurait été imposée par les sociétés intimées, tout au long des relations commerciales entretenues par les parties et ce, d’autant que l’impossibilité alléguée de vendre à d’autres grands distributeurs du fait de la trop grande identification des produits à McDonald’s, n’est aucunement démontrée, la société Keroler reconnaissant avoir fourni les produits en cause à des acteurs majeurs de la grand distribution, les sociétés ED et Carrefour, et les avoir vendus dans ses magasins «'Chéri on the cake'».

' Un très fort degré de dépendance économique

La société Keroler soutient que la relation, établie depuis 1995, était d’une rare intensité en raison de la nature et de la variété des produits fabriqués. Elle fait notamment valoir qu’elle fabriquait la quasi-totalité des pâtisseries vendues dans les 1.200 restaurants sous enseigne McDonald’s sur le territoire français au point qu’elle peut affirmer avoir été ' LE ' fournisseur des pâtisseries Mc Donald’s sur le territoire pendant 20 ans. Elle se prévaut d’une attestation de son commissaire aux comptes qui indique que la part du chiffre d’affaires qu’elle a réalisé avec la société Mc Donald’s varie selon les années de 37 à 70 % (pièce n°333). Elle affirme que la très forte identification des produits vendus à la société Mc Donald’s annihilait leur commercialité. Elle ajoute qu’il lui était impossible de pouvoir trouver une autre entreprise de la taille et de la notoriété de McDonald’s pour pouvoir produire d’aussi grands volumes malgré ses efforts de diversification avec des enseignes de la grande distribution (ED et Carrefour).

En réplique, la société McDonald’s conteste ces allégations et fait valoir que le flux d’affaires de la société Keroler avec la société [A] [Q] n’était ni d’une rare intensité, ni en plein essor mais en constante régression depuis 2001. Elle ajoute que la société Keroler ne justifie aucunement de son volume d’affaires et qu’en tout état de cause, l’importance du flux d’affaires de McDonald’s dans le chiffre d’affaires total de l’appelante procédait de son propre choix de ne pas exploiter la majeure partie du marché de la pâtisserie industrielle.

D’une part, il a été vu ci-dessus que les produits fabriqués par la société Keroler étaient vendus dans plusieurs circuits de distribution. La société Keroler reconnaît elle-même avoir fourni, depuis l’année 2000, une douzaine de références de produits de pâtisseries à la société ED et de 2005 à 2010, des produits à base de céréales et des pâtisseries à la société Carrefour. Elle ne justifie ni même n’allègue que les déférencements pratiqués par ces deux dernières sociétés, l’ont été du fait de ' la très forte identification des produits vendus à la société Mc Donald’s ' qu’elle invoque. Elle reconnaît également vendre des produits identiques dans ses magasins « Chéri on the cake ». Par suite, la société Keroler ne justifie pas de l’existence d’obstacles juridiques ou factuels à sa faculté de diversification. Aucun état de dépendance économique imposé par les sociétés intimées n’est donc démontré.

D’autre part, dans l’évaluation du délai de préavis suffisant, il y lieu d’apprécier l’état de dépendance économique en se référant à la part du chiffre d’affaires de l’auteur de la rupture dans le chiffre d’affaires de celui qui se prétend victime d’une rupture brutale.

Les débats portant exclusivement sur le préavis suffisant lors du déférencement de chaque produit, il y a lieu d’examiner le pourcentage de chiffre d’affaires généré pour chaque produit dans le chiffre d’affaires total de la société Keroler sur la période précédent la notification de chaque déférencement. La pièce n°59 bis produite par la société McDonald’s n’est pas pertinente à cet égard dès lors qu’elle est relative à la quote-part du chiffre d’affaires de la société McDonalds’ pour chaque produit déréférencé et il convient de se référer au tableau (pièce appelante n°320) établi par l’appelante et non sérieusement contredit par les sociétés intimées, qui fait ressortir que :

— pour le McCripsy, la part de marché de ce produit dans le chiffre d’affaires total de la société Keroler avec la société Mc Donald’s était de 30,47 % en 2008,

— pour les brisures de crumble de 15,29% en 2009,

— pour le pancake de 14,12 % en 2012.

' Les investissements spécifiques et dédiés

La société Keroler soutient avoir été contrainte de créer une autre usine à [Localité 4] pour y installer la ligne de production des McCrispy puis la seconde ligne des pancakes, afin de pouvoir satisfaire aux exigences de prix demandés par la société McDonald’s, en contrepartie d’un doublement des volumes par l’attribution du marché britannique. L’appelante fait valoir que l’usine de Bréal a donc été totalement dédiée à la fabrication McDonald’s de sa construction en 2001 jusqu’à l’arrêt des McCrispies, puis des pancakes en 2012.

En réplique, la société McDonald’s conteste ces allégations et conclut, à juste titre, que la décision de faire construire une nouvelle usine est une décision de gestion prise par la société Keroler sous sa seule responsabilité, pour développer la rose des sables et le pancake qui figuraient et figurent encore à son catalogue de sorte qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte ces investissements pour évaluer les préavis suffisants.

Les préavis suffisants

' Le McCrispy

La société Keroler affirme que le préavis de 12 mois accordé par la société McDonald’s est insuffisant et qu’un préavis total de 24 mois aurait dû être respecté, s’agissant d’un produit à marque distributeur. Elle sollicite dès lors la condamnation solidaire des intimées à lui payer la somme de 811.799 euros au titre de l’insuffisance de préavis accordé suite au déréférencement du McCrispy.

La société McDonald’s conteste le doublement du préavis pour cause de fourniture de produits sous marque de distributeur. Elle soutient que le délai de préavis de 12 mois et demi qu’elle a accordé à la société Keroler, à la demande de cette dernière, pour cette rupture partielle, était suffisant compte tenu du volume d’affaires réduit généré par les McCrispies par rapport à l’activité totale de la société Keroler. Elle soutient en outre que ce produit, fabriqué sans exclusivité pendant 8 ans environ par la société Keroler, avait une durée de vie limitée, l’arrêt de la commercialisation ayant été envisagé dès 2007.

La société Mc Donald’s a notifié le déférencement de ce produit le 16 septembre 2008, moyennant un préavis expirant le 1er mai 2009, porté jusqu’en octobre 2009 sur demande de la société Keroler, soit avec un préavis fixé d’un commun accord à 12 mois et demi pour une relation commerciale d’une durée non contestée de près de 13 ans (1995/septembre 2008), le produit étant fabriqué depuis plus de 8 ans. La société Keroler ne conteste ni la durée suffisante de ce préavis qu’elle a, elle-même, demandée, ni que ce préavis n’a pas été effectif, réclamant toutefois son doublement au seul motif qu’il s’agissait d’un produit à MDD. Or, il a été vu ci-dessus qu’elle ne pouvait y prétendre.

Dans ces conditions, eu égard à l’ancienneté des relations commerciales, à la nature du produit s’agissant de pâtisserie industrielle, à la nécessité, connue de la société Keroler, de le renouveler pour suivre les aspirations des consommateurs, au volume d’affaires, à la part prépondérante du client McDonald’s dans le chiffre d’affaires de la société Keroler, mais en l’absence d’accord d’exclusivité entre les parties et à défaut de la justification d’une dépendance imposée par l’intimée, c’est à juste titre que les premiers juges ont évalué le délai de préavis suffisant pour permettre à la société Keroler de prendre toutes dispositions utiles pour se réorganiser, à 12 mois. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

' Crumble

La société Keroler rappelle que la fabrication du crumble a démarré en 1995, pour faire l’objet d’un déréférencement le 14 septembre 2009, soit après 14 années de relations commerciales. Elle estime que compte tenu de l’ancienneté de la relation, un préavis minimal de 12 mois aurait dû être retenu, soit un préavis total de 24 mois s’agissant d’un produit à marque distributeur. Elle conteste l’effectivité du préavis de 7 mois et demi accordé par la société McDonald’s, les commandes ayant rapidement cessé courant 2010, ce que reconnaîtrait la société Mc Donald’s. Elle sollicite dès lors la condamnation solidaire des intimées à lui payer la somme de 558.996 euros au titre de l’insuffisance de préavis accordé suite au déréférencement du crumble.

La société McDonald’s conteste le doublement du préavis pour cause de fourniture de produits sous marque de distributeur et relève que jusqu’à ses dernières écritures, la société Keroler réclamait un préavis de 18 mois, hors doublement, ce qui attesterait du caractère opportuniste de ses demandes. Elle affirme que la pérennité du crumble était incertaine dès l’origine, cette préparation étant destinée à agrémenter des desserts lors de périodes promotionnelles. Elle fait observer que le crumble représentait un volume d’affaires dérisoire dans le chiffre d’affaires total de la société Keroler. Elle sollicite dès lors la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré que le préavis concédé à la société Keroler pour l’arrêt du crumble était suffisant. Concernant l’effectivité du préavis accordé, elle fait valoir que la demande de dommages-intérêts en compensation de la prétendue insuffisance des volumes commandés pendant le préavis concédé pour le crumble est irrecevable car formulée pour la première fois en cause d’appel et qu’en tout état de cause il n’y a aucun engagement de volumes entre les deux sociétés sur quelque produit que ce soit.

La société Mc Donald’s a notifié à la société Keroler le déférencement du crumble, le 14 septembre 2009, avec un préavis expirant le 30 avril 2010, soit avec un préavis de 7 mois et demi pour une relation commerciale d’une durée non contestée de 14 ans (1995/septembre 2009), le produit étant fabriqué depuis presque 5 ans.

La société Mc Donald’s considère que la demande en dommages et intérêts pour insuffisance de volume de commandes pendant le préavis serait nouvelle en appel, alors que l’absence d’effectivité du préavis constitue seulement un moyen nouveau justifiant la demande d’indemnisation formée devant les premiers juges, de sorte qu’il est recevable conformément à l’article 563 du code de procédure civile.

La société Keroler soutient que la moyenne annuelle des commandes entre 2007 et 2009 s’établit à 163 tonnes, soit une moyenne de 40.750 colis de crumble par an, alors que pour toute l’année 2010, seuls 14.024 colis ont été commandés de sorte que de toute évidence, le préavis de 7 mois n’aurait pas été respecté. Mais, la société Keroler oublie que le préavis a expiré le 30 avril 2010 et n’a pas couru sur toute l’année 2010. A la suivre dans ses calculs, si on retient une moyenne annuelle de 40.750 colis, elle correspond à 3.396 colis par mois, soit 13.584 colis sur les 4 mois de l’année 2010 (3.396 colis, x 4). Or, la société Keroler reconnaît pour ces 4 mois une commande de 14.024 colis, soit des commandes d’un montant supérieur. Par suite, elle échoue à démontrer la baisse de commandes durant le préavis.

Dans ces circonstances, et eu égard à l’ancienneté des relations commerciales, à la nature de l’activité et à ses contraintes, au volume d’affaires, à la part prépondérante du client McDonald’s dans le chiffre d’affaires de la société Keroler, mais en l’absence d’accord d’exclusivité entre les parties et à défaut de la justification d’une dépendance imposée par l’intimée, c’est à juste titre que les premiers juges ont évalué le délai de préavis suffisant pour permettre à la société Keroler de prendre toutes dispositions utiles pour se réorganiser, à 7 mois et demi. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

' Le pancake

La société Keroler indique que la part de marché de ce produit dans son chiffre d’affaires total était de 12,04 % en 2010, et de 13,66 % en 2011. Elle conteste le point de départ du préavis accordé par la société McDonalds et considère qu’il doit être fixé au 12 juillet 2012, date à laquelle la société McDonald’s l’a informée par courrier qu’elle cessait toute collaboration avec elle. En cela, elle soutient avoir bénéficié pour les pancakes d’un préavis de 9 mois qu’elle juge insuffisant et en conteste l’effectivité pour l’année 2013. Elle demande que le préavis suffisant soit fixé à 18 mois, porté à 36 mois s’agissant de produits MDD. Elle sollicite dès lors la condamnation solidaire des intimées à lui payer la somme de 1.833.541 € au titre de l’insuffisance de préavis accordé suite au déréférencement des pancakes et à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le tarif 2013 ne devait pas trouver à s’appliquer, la somme de 581.362 €, sur la base du tarif antérieur au 1er janvier 2013.

En réplique, la société McDonald’s conteste ces allégations et conclut que la date de lancement de l’appel d’offres le 11 janvier 2012 doit être retenue comme point de départ du délai de préavis. Elle soutient que le doublement du préavis pour cause de fourniture de produits sous marque de distributeur n’a pas lieu de s’appliquer en l’espèce. Elle sollicite dès lors la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré que le préavis concédé à la société Keroler pour l’arrêt des pancakes était suffisant. Elle considère que la demande en dommages et intérêts pour insuffisance de volume de commandes pendant le préavis serait nouvelle en appel et donc irrecevable.

Le 11 janvier 2012, la société McDonald’s a invité la société Keroler à participer à un appel d’offre sur le pancake, lui précisant que si son offre n’était pas retenue, leurs relations cesseraient concernant ce produit à compter du mois de juillet 2012. La société McDonald’s n’a pas retenu l’offre de la société Keroler et par courrier du 12 juillet 2012, elle a notifié à la société Keroler le déréférencement du pancake moyennant un préavis expirant le 1er janvier 2013, qu’elle a accepté de proroger sur demande de la société Keroler, de trois mois supplémentaires jusqu’au 31 mars 2013, soit avec un préavis de 14 mois et demi.

En notifiant à la société Keroler son intention de recourir à une procédure d’ appel d’offres pour le pancake en lui précisant qu’à défaut, leurs relations commerciales cesseraient sur ce produit en juillet 2012, la société Mc Donald’s a clairement manifesté son intention de rupture pour ce produit et a ainsi fait courir un préavis dont la durée doit s’imputer sur celle du préavis jugé nécessaire.

Ainsi, la société Keroler a bénéficié d’un préavis de 14 mois et demi. La société Keroler soutient que ce préavis n’a pas été effectif, seulement 9.350 colis ayant été commandés entre le 1er janvier et le 31 mars 2013 alors que la moyenne annuelle des colis s’établissait à 49.995 colis/an pour les deux années pleines précédant le déférencement et 46.090 colis en 2012 incluant 6 mois de préavis. Mais pour les mêmes raisons que précédemment évoquées pour les brisures de crumble, et alors même que l’absence d’effectivité du préavis constitue seulement un moyen nouveau recevable en appel, il apparaît que le chiffre moyen de commandes sur 3 mois ne peut être comparé à celui d’une année entière. Par suite, la société Keroler échoue à démontrer l’insuffisance de commandes pendant le préavis et par voie de conséquence l’absence d’effectivité du préavis.

Dans ces circonstances, et eu égard à l’ancienneté des relations commerciales de 17 ans (1995/2012), le produit étant fabriqué depuis au moins 1998, à la nature de l’activité et à ses contraintes, au volume d’affaires, à la part prépondérante du client McDonald’s dans le chiffre d’affaires de la société Keroler, mais en l’absence d’accord d’exclusivité entre les parties et à défaut de la justification d’une dépendance imposée par l’intimée, c’est à juste titre que les premiers juges ont évalué le délai de préavis suffisant pour permettre à la société Keroler de prendre toutes dispositions utiles pour se réorganiser, à 14 mois et demi. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

En définitive, la société Keroler ne démontre pas que les déférencement successifs des trois produits constituent des ruptures brutales partielles des relations commerciales établies. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes d’indemnisation au titre des pertes de la marge brute sur les 3 produits (McCrispy, brisures de crumble et pancake) et pour le préjudice matériel du fait de la fermeture du site de Breal sous Montfort et des suppressions de postes.

Sur la demande en indemnisation pour volumes manquants de la mandise pendant le préavis

Si la société Keroler estime suffisant le préavis de 36 mois que lui a accordé la société McDonald’s pour le produit mandise, elle argue d’une baisse significative du niveau de commandes durant le préavis. Elle sollicite dès lors la condamnation solidaire des intimées à lui payer la somme de 4.448.991,05 € au titre du volume manquant de commandes suite à ce déréférencement et à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le tarif 2013 ne devait pas trouver à s’appliquer, la somme de 1.569.802 € (sur la base du tarif antérieur au 1er janvier 2013) au titre de l’insuffisance de volume de commandes durant le préavis accordé suite au déréférencement des mandises. En réplique à la société McDonald’s qui considère que cette demande, nouvelle en appel, est irrecevable et ce d’autant que pour la mandise, aucun grief n’avait été formulé jusqu’à présent, la société Keroler ne fait valoir aucune observation.

En première instance, la société Keroler ne formait aucune demande pour rupture brutale concernant la mandise, ne contestant ni la durée suffisante du préavis de 3 ans qui lui avait été accordé, ni son effectivité.

En appel, dans le dispositif de ses dernières écritures qui seul lie la cour conformément aux dispositions de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la société Keroler sollicite, pour la première fois, le versement d’une somme de 4.448.991,05 € correspondant au volume manquant de commandes pour la mandise durant le préavis. Par suite, cette demande en indemnisation est nouvelle en appel et partant irrecevable conformément aux dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.

Sur la demande subsidiaire en indemnisation pour abus de dépendance économique et déséquilibre significatif

La société Keroler prétend, à titre subsidiaire, avoir été victime d’un abus de dépendance économique au sens de l’article L.420-2 du code de commerce, en arguant de la notoriété de la marque McDonald’s, de l’importance de la part de la société McDonald’s dans son chiffre d’affaires, variant selon les années de 37 à 40 %, de son impossibilité à trouver d’autres canaux de distribution compte tenu notamment de l’exclusivité de fait imposée par la société McDonald’s et de la stagnation du prix des pancakes et des mandises rendant, selon elle, toute diversification impossible faute de trésorerie suffisante.

Elle ajoute que la société McDonald’s l’a soumise à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l’article L.442-6, I, 2° du code de commerce en refusant de renégocier de bonne foi le tarif applicable à des produits à marque de distributeur dans un contexte de flambée du prix des matières premières et en refusant de payer les commandes passées au tarif qui lui a été notifié par la société Keroler et que la société McDonald’s avait accepté en passant commande. Elle sollicite dès lors la condamnation solidaire des intimées à l’indemniser du préjudice subi du fait de l’exploitation abusive de son état de dépendance économique et du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en lui versant la somme totale de 10.490.615 €, soit 2.594.883 € pour les pancakes et 7.901.732 € pour les mandises.

En réplique, la société McDonalds fait valoir, à titre préliminaire, que tous les faits antérieurs au 23 octobre 2007 sont prescrits par application des dispositions de l’article 110-4 du code de commerce. Puis elle soutient, concernant l’abus de dépendance économique dont la société Keroler serait victime, que les conditions cumulatives posées à l’article L420-2 du code du commerce ne sont pas réunies en l’espèce. Elle fait valoir en effet que ni l’existence d’un état de dépendance économique au sens du texte, ni l’affectation du fonctionnement ou de la structure de la concurrence, ni l’abus d’exploitation d’une situation de dépendance économique ne sont établis. Elle sollicite dès lors la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté la société Keroler de ses prétentions sur le fondement de l’article L.420-2 du code de commerce.

Concernant le déséquilibre significatif, elle fait valoir, à titre liminaire, que l’article L.442-6, I, 2°, entré en vigueur le 6 août 2008, ne s’applique pas aux faits antérieurs à sa promulgation, et partant qu’aucun grief, ni a fortiori aucun préjudice ne saurait être revendiqué de ce chef par la société Keroler avant le 6 août 2008. Sur le fond, elle soutient que les conditions du déséquilibre significatif ne sont pas réunies en l’espèce et sollicite en conséquence le débouté de la société Keroler à ce titre.

La société Martin-Brower oppose les mêmes arguments que la société McDonald’s, ajoutant qu’elle-même, ne s’occupant que de l’aspect logistique de la relations commerciale entre les parties, n’a jamais ni participé aux négociations sur le prix des produits commandés ni n’a été sollicitée à ce titre.

Sur l’abus de dépendance économique au sens de l’article L.420-2 alinéa 2 du code de commerce

L’état de dépendance économique se définit comme l’impossibilité, pour une entreprise, de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec une autre entreprise.

Il a été vu ci-dessus que la société Keroler, non tenue par une clause d’exclusivité, avait fourni les produits en cause à des acteurs majeurs de la grande distribution (ED et Carrefour) jusqu’en 2010 et les avait distribués dans ses propres boutiques à compter de 2012, et qu’elle ne justifiait d’aucun obstacle juridique ou factuel à sa faculté de diversification. Par suite, peu important la part du chiffre d’affaires qu’elle réalisait avec les sociétés intimées, elle ne justifie pas d’un état de dépendance économique au sens du texte précité. En outre, elle ne démontre pas le comportement abusif des sociétés intimées qu’elle dénonce, soit le fait de lui avoir imposé des prix dont l’évolution ne tenait pas compte de celle du prix des matières premières alors qu’il a été établi que tout au long de la relation d’affaires, les prix des produits ont toujours été fixés d’un commun accord, à la suite de négociations sur une hausse tarifaire acceptable par chacune des parties et qu’en outre, comme observé par les premiers juges, elle ne produit aucun élément probant, s’agissant de l’évolution des prix de vente, permettant d’apprécier l’impact de cette évolution sur son prix de revient et sur sa marge, l’attestation du commissaire aux comptes produite en appel (pièce n°333) étant inopérante à cet égard. Enfin, elle ne démontre pas comme l’ont également relevé, à raison, les premiers juges, ni même n’allègue l’atteinte portée à la concurrence par la pratique qu’elle invoque, sur un marché que, de surcroît, elle ne définit pas.

Par suite, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée des demandes formées à ce titre.

Sur le déséquilibre significatif par application de l’article L.442-6, I, 2° du code de commerce

Le refus de renégocier de bonne foi les conditions tarifaires fixées en novembre 2007, dans un contexte de flambée des prix

La société Keroler indique ne pas contester que toute modification des tarifs doive faire l’objet d’une négociation mais que toutefois le co-contractant ne doit pas profiter de sa situation de force pour empêcher une négociation.

Mais, les sociétés intimées lui opposent, à juste titre, l’absence d’application de ce texte sur la période en cause, ces dispositions issues de la loi LME étant entrées en vigueur le 6 août 2008.

Le refus d’appliquer les nouvelles conditions tarifaires en janvier 2013

La société Keroler qui a tenté d’imposer unilatéralement de nouvelles conditions tarifaires, de surcroît, non justifiées par l’augmentation du coût des matières premières, ne saurait sérieusement prétendre que la société Mc Donald’s a refusé de les négocier. Par suite, elle sera déboutée des demandes formées à ce titre.

Sur les autres demandes de la société Keroler

La société Keroler estime que l’entière réparation de son préjudice nécessite dès lors une campagne de communication d’une intensité suffisante pour la rétablir dans ses droits vis-à-vis du grand public et pour compenser les effets du marketing excessif de la société McDonald’s tendant à s’approprier ce produit. Elle demande la condamnation des intimées à couvrir sur justificatifs les frais d’une campagne de communication jusqu’à hauteur de 1.000.000 euros HT sur des produits de la société Keroler ayant été commercialisés par McDonald’s. Elle sollicite également la publication de l’arrêt à intervenir dans les deux mois qui suivront son prononcé aux frais des intimées dans le journal Le Figaro Économie ainsi que le journal Les Échos, et ce sous astreinte de 5.000 € par jour commençant à courir à l’expiration du délai de deux mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir. Enfin, elle souhaite la communication de divers éléments soit le nom du nouveau fournisseur de pancakes et le prix de vente de la mandise facturé aux franchisés, sous astreinte.

Mais, d’une part, les demandes de condamnation au titre des frais de campagne et de communication du prix de vente de la mandise aux franchisés, sous astreinte, cette dernière demande étant, au demeurant, non motivée par l’appelante, sont irrecevables comme étant nouvelles en appel.

D’autre part, compte tenu du sens de la présente décision qui voit échouer la société Keroler dans toutes ses prétentions, les autres demandes non justifiées seront rejetées et le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur la demande incidente de la société McDonald’s pour procédure abusive

La société McDonald’s sollicite la condamnation de la société Keroler à lui verser la somme de 50.000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile et conclut à l’infirmation du jugement sur ce point.

La société Keroler réplique qu’elle n’a aucunement abusé de son droit d’agir et n’a fait preuve d’aucune légèreté blâmable.

Or, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’intenter une action en justice est susceptible de constituer un abus, l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit. Il n’apparaît nullement en l’espèce que l’action en justice initiée par la société Keroler ait dégénéré en abus de sorte que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Mc Donald’s sera rejetée, le jugement entrepris étant confirmé à ce titre.

Sur les autres demandes

En définitive, le jugement entrepris sera entièrement confirmé, en ce compris la condamnation de la société Keroler aux dépens de première instance. La société Keroler qui succombe également en appel, en supportera les dépens et devra verser à chacune des sociétés Mc Donald’s et [A] [Q] la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

et y ajoutant,

DÉCLARE irrecevables les demandes d’indemnisation au titre de la mandise, de communication du prix de vente de la mandise aux franchisés, sous astreinte et de condamnation au titre des frais de campagne ;

DÉBOUTE la société Keroler du surplus de ses demandes ;

DÉBOUTE la société McDonald’s de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la société Keroler aux dépens de l’appel ;

AUTORISE Maître François Teytaud, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Keroler à verser, à chacune des sociétés Mc Donald’s France Services et [A] [Q], la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

[J] [F] [F] [X]

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 11 avril 2018, n° 15/02833