Cour d'appel de Paris, 31 janvier 2018, n° 15/11747

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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Me Frédéric Chhum · consultation.avocat.fr · 26 janvier 2020

4) Sur le calcul de l'indemnité réparant le préjudice de discrimination En application de l'article L1134-5 du code du travail, le salarié victime de discrimination est fondé à obtenir réparation de l'entier préjudice résultant de la discrimination, donc pendant toute sa durée. Dès lors, une fois le graphique de courbe réalisé, le chiffrage de l'indemnité réparant la discrimination se calcule de la manière suivante : écart de rémunération entre la moyenne de rémunération des salariés non-discriminés et la rémunération du salarié discriminé divisé par 2 puis multiplié par le nombre de …

 

Village Justice · 17 janvier 2020

Dans son jugement très médiatisé du 15 octobre 2019, le Conseil de prud'hommes de Nantes a condamné la société Generali Vie à payer à une salariée une indemnité de 161.000 euros pour discrimination en raison du sexe. Dans ce jugement, le Conseil de prud'hommes a fait application de la méthode Clerc élaborée par le célèbre syndicaliste de la CGT Métallurgie, François Clerc, laquelle instaure un mécanisme permettant de qualifier la discrimination d'une part, puis de chiffrer précisément le préjudice financier en résultant d'autre part. Explications : 1. Sur la qualification et la …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 31 janv. 2018, n° 15/11747
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/11747
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 20 septembre 2015

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

S MINŪTES

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 Chambre 10

ARRÊT DU 31 JANVIER 2018

(n° 15/11747 31 F) Ĵ

Numéro d’inscription au répertoire général :

Décision déférée à la Cour jugement rendu le 21 Septembre 2015 par le Conseil de prud’hommes de Paris – RG n°

APPELANTS Société SNCF – EPIC SNCF venant aux droits de la société SNCF

[…]

[…]

[…]

représenté par : Me Aurélie CORMIER LE GOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

Me Nabila EL AOUGRI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

#

Me Joël GRANGE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

[…]

9 rue Jean-Philippe Rameau

93200 Saint-Denis représenté par : Me Aurélie CORMIER LE GOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

Me Nabila EL AOUGRI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

Me Joël GRANGE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

INTIME Monsieur X

comparant en personne assisté de Me Clélie DE LESQUEN-JONAS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0006

EN PRÉSENCE DU:

[…]

[…] représenté par Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1077



COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 31 mars 2017 qui en ont délibéré

Greffier: Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au Ministère Public, représenté lors des débats par Monsieur Antoine PIETRI, Substitut général, qui a fait connaître son avis.

ARRET:

- contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été

-

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, présidente de chambre et par
Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SNCF a été créée par une convention du 31 août 1937 approuvée par un décret-loi du même jour, conclue entre l’État et les compagnies ferroviaires privées existant alors. Il en est résulté l’existence d’un réseau unique de chemin de fer, placé sous la responsabilité de l’État

La SNCF est ensuite devenue un établissement public à caractère industriel et commercial en application de la loi du 30 décembre 1982.

Par un décret du 1er juin 1950, les personnels de la SNCF exerçant les métiers du dictionnaire des filières ont été soumis à un statut de nature réglementaire élaboré par une commission mixte, composée de représentants de la SNCF et de représentants des organisations syndicales, présidée puis approuvée par le ministre des travaux publics et des finances et le ministre du budget.

En 1970, un nouveau statut des cheminots du cadre permanent dénommés « agents statutaires » a été adopté.

Ce statut prévoit notamment les conditions auxquelles un salarié est recruté sous ce régime ainsi que des dispositions particulières en matière de classification. L’article 2 du chapitre 5 du Statut stipule que pour être admis dans un emploi du cadre permanent, « tout candidat doit être français ou naturalisé, remplir des conditions d’aptitude physique et professionnelles […] n’avoir à l’extrait de casier n° 2 aucune


condamnation entachant l’honneur ou la probité, être en règle en ce qui concerne sa situation militaire, et être âgé de 18 ans au moins et de 30 ans au plus au jour de son admission ».

En matière de classification, le système d’avancement qui était composé de 10 niveaux jusqu’en 1992, comprend depuis lors des qualifications allant de A, la moins élevée à H la plus élevée correspondant de A à C au collège « exécution », pour D et E au collège des « agents de maîtrise » et de F à H au collège des « cadres '>.

En dehors de la qualification A, chaque qualification comprend deux niveaux.

Il existe aussi des positions de rémunération allant de 1 à 35 qui permettent de définir la rémunération de base de l’agent.

Les agents du cadre permanent peuvent évoluer en qualification, en niveau et en position de rémunération.

Ces évolutions sont décidées en fonction des compétences acquises selon un système de notation réalisée par le directeur d’établissement, revue par une commission dite de notation. Des listes d’aptitude sont établies dans chaque établissement. Dans certains cas, des examens de barrage sont prévus et plus spécialement pour le passage de A en B et de D en E.

Les agents cadre permanent relèvent aussi d’un régime spécial de retraite.

Monsieur X de nationalité marocaine, a été engagé par la SNCF comme cheminot, le 3 avril 1974.

Il a été soumis à un régime particulier mêlant des règles de droit du travail et des dispositions statutaires regroupées dans une annexe Al d’un règlement appelé «< PS 25 » devenu < RH 0254 »>.

La relation contractuelle a cessé le 30 décembre 2007.

Estimant avoir été victime d’une discrimination du fait de sa nationalité, voire de son origine, caractérisée notamment par une différence de traitement par rapport aux agents du cadre permanent, tant en ce qui a trait au déroulement de carrière qu’au régime de retraite qui lui a été appliqué, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris aux fins d’indemnisation de ses divers préjudices matériels et moral résultant des discriminations alléguées.

Il a aussi demandé au conseil de prud’hommes de relever que le départ volontaire à la retraite reposait sur une discrimination du fait de l’âge et qu’il doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à l’octroi de dommages et intérêts et d’une indemnité de licenciement.

Il a enfin sollicité une indemnité pour le non respect du règlement RH 0077.

En cours d’instance, la loi du 4 août 2014 portant sur la réforme ferroviaire a créé un groupe public ferroviaire constitué de trois établissements publics :

l’établissement public dénommé SNCF, créé au 1er décembre 2014, en charge des fonctions de holding et des fonctions mutualisées du groupe public ferroviaire (article L. 2102-1 du Code des transports et article 25-1 de la loi du 4 août 2014) : l’Epic SNCF;

- deux établissements publics, correspondant à deux établissements publics préexistants mais dont la dénomination a été modifiée à effet au 1er janvier 2015: l’Epic SNCF Mobilités (anciennement dénommée Société Nationale des Chemins de Fer français) et

l’Epic SNCF Réseau (anciennement dénommé Réseau ferré de France).

Dans ce contexte, l’Epic SNCF Mobilités a conclu devant le conseil de prud’hommes en mars 2015.



Par un jugement du 21 septembre 2015, le conseil de prud’hommes de Paris, statuant en départage, a rejeté le moyen tiré de la prescription, a condamné « la SNCF » au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices pour la discrimination dans le déroulement de la carrière et au titre de la retraite et d’une indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Il n’a pas été fait droit au surplus des demandes.

La < SNCF » a relevé appel du jugement.

Aux termes de conclusions déposées au greffe le 16 septembre 2016, l’Epic SNCF a sollicité sa mise hors de cause et l’Epic SNCF Mobilités a indiqué être le véritable employeur et contester le jugement.

Courant avril 2017, l’Epic SNCF Mobilités a relevé appel du jugement.

In limine litis, l’intimé soulève l’irrecevabilité des appels formés par l’Epic SNCF et par

l’Epic SNCF Mobilités.

Les Epic SNCF et SNCF Mobilités concluent à la recevabilité des appels formés.

L’Epic SNCF Mobilités demande à la cour de relever que les salariés sont forclos en leurs demandes, en conséquence, d’infirmer le jugement entrepris. Il considère que le défenseur des droits est irrecevable à formuler des prétentions.

A titre subsidiaire, l’Epic SNCF Mobilités conclut au débouté des prétentions émises et réclame 100 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre très subsidiaire, si une discrimination est retenue dans le déroulement de carrière et au titre des droits à retraite, l’Epic SNCF Mobilités sollicite la réduction des condamnations prononcées à de plus justes proportions faute pour l’intimé de justifier d’un préjudice individualisé.

Il considère que la cour est incompétente pour se prononcer sur la demande d’affiliation au régime spécial de retraite de SNCF Mobilités, cette demande relevant de la seule compétence du Tribunal des affaires de sécurité sociale.

En tout état de cause, il conclut au rejet des autres demandes.

Après avoir exposé qu’il ne maintenait pas sa demande d’affiliation au régime spécial de retraite, Monsieur X a relevé appel incident du jugement sur le quantum des indemnités allouées, sur le rejet du surplus de ses prétentions, sollicité la condamnation de l’Epic SNCF Mobilités au paiement d’indemnités diverses en réparation des préjudices subis et formé des demandes nouvelles.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues lors de l’audience.

MOTIFS

A titre préliminaire et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient de joindre les affaires 15/11389 et 17/04273, sous le numéro 15/11389.



Sur la recevabilité ;

Relevant que l’Epic SNCF sollicite sa mise hors de cause et se fondant plus spécialement sur les dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, relatives au défaut de qualité à agir et sur celles de l’article 546 du même code selon lesquelles le droit d’appel appartient aux seules parties, Monsieur X conclut à l’irrecevabilité de l’appel formé au nom de SNCF, société mère et de l’intervention volontaire ultérieure de SNCF

Mobilités en date du 16 septembre 2016. Il considère que le jugement a été rendu à l’encontre de la partie désignée en première instance, comme étant « la SNCF » devenue Epic SNCF Mobilités. Il fait reproche aux deux entités Epic SNCF et Epic SNCF Mobilités d’avoir en réalité entretenu une confusion.

Il en déduit que le jugement a été régulièrement notifié, le 26 octobre 2015 à la

< SNCF » devenue à la suite de la loi du 4 août 2014, l’Epic SNCF Mobilités, que non seulement l’Epic SNCF, issu de ladite loi n’avait qualité, ni de partie, ni d’employeur, pour interjeter appel mais encore que l’intervention de l’Epic SNCF Mobilités était irrecevable pour le double motif qu’une partie en première instance ne peut intervenir volontairement, et qu’il ne pouvait ainsi régulariser un appel alors qu’il était forclos.

Pour le même motif de tardiveté de l’appel, il conclut à l’irrecevabilité de l’appel interjeté par l’Epic SNCF Mobilités en avril 2017.

Faisant le constat que le jugement a été rendu à l’encontre de « la SNCF » malgré le dépôt en mars 2015 de conclusions sous la nouvelle dénomination d’Epic SNCF

Mobilités, les deux entités Epic SNCF et Epic SNCF Mobilités observent que

« le Conseil de prud’hommes de Paris a manifestement opéré une confusion entre l’établissement public SNCF Mobilités (anciennement dénommé Société Nationale des Chemins de Fer français), […] l’employeur […], avec l’établissement public SNCF, créé le 1er décembre 2014 par la loi du 4 août 2014 »>. L’Epic SNCF relève plus spécialement qu’il a été condamné au paiement de sommes diverses que Monsieur X est susceptible de recouvrer à son encontre, qu’il a donc qualité et intérêt à relever appel. L’Epic SNCF Mobilités ajoute, qu’en tout état de cause, à défaut de notification régulière du jugement, les délais d’appel n’ont pas couru à son égard, qu’il est donc recevable en son appel formé en avril 2017.

Ainsi que l’a évoqué Monsieur l’avocat général, la loi du 4 août 2014 a prévu que les trois entités juridiques créées, constituant un groupe unique, sont solidaires et indissociables. Dans ces conditions, de par la solidarité légale et les effets qui y sont attachés en matière de représentation mutuelle, l’Epic SNCF, condamné par la juridiction prud’homale au paiement de sommes diverses, avait qualité et intérêt à agir pour interjeter appel du jugement, alors même que les parties s’accordent in fine sur le fait que le véritable employeur de Monsieur X était l’Epic SNCF Mobilités.

L’appel de l’Epic SNCF est donc recevable.

Par ailleurs, l’article 549 du code de procédure civile permet qu'« un appel incident puisse émaner sur un appel principal, de toute personne, même non intimée ayant été partie en première instance ».



En l’espèce, l’Epic SNCF Mobilités était bien partie en première instance, des conclusions ayant été déposées en son nom. L’appel incident formé par l’Epic SNCF Mobilités sur l’appel principal de l’Epic SNCF est en conséquence recevable.

Par ailleurs, l’Epic SNCF Mobilités ne pouvait interjeter appel du même jugement en avril 2017, alors que l’instance était pendante devant la cour conformément à l’adage :

< appel sur appel ne vaut »>.

L’appel formé en avril 2017 par l’EPIC SNCF Mobilités est donc irrecevable.

Sur la demande de mise hors de cause formulée par l’Epic SNCF;

L’Epic SNCF sera mis hors de cause dans la mesure où les parties s’accordent pour retenir que seul l’Epic SNCF Mobilités est l’employeur de Monsieur X et où aucune demande n’est formulée à son encontre.

Sur le moyen tiré de la prescription des demandes en réparation de la discrimination en raison de sa nationalité caractérisée par une différence de traitement dans l’évolution de la carrière par rapport à celles des agents permanents;

Après avoir souligné que Monsieur X n’a jamais évoqué, depuis son embauche, une discrimination à raison de sa nationalité, caractérisée par une différence de traitement dans l’évolution de sa carrière avec celles des agents permanents, ni n’a contesté sa qualification ou sollicité la moindre information à ce sujet, l’Epic SNCF Mobilités soulève la prescription des demandes formulées à ce titre. Il rappelle qu’avant 2008, la prescription trentenaire commençait à courir à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle celui-ci s’était révélé à la victime, si celle-ci établissait de n’en avoir pas eu précédemment connaissance. Il en déduit que la « révélation de la discrimination '> ne doit pas être comprise comme étant la connaissance du manquement et du préjudice en résultant, mais comme étant la connaissance de la situation prétendument discriminatoire ayant conduit à la réalisation du préjudice.

Faisant le constat que la différence de traitement invoquée a pour origine l’existence de deux grilles de classification, l’une pour les agents statutaires, l’autre pour les agents contractuels, qu’elle n’a pas à être appréciée à la date de la cessation de la relation, le salarié n’incriminant aucune décision prise à son sujet tout au long de sa carrière, l’Epic SNCF Mobilités considère que le point de départ de la prescription correspond à la date de l’embauche, Monsieur X ayant été informé lors de la signature du contrat de travail qu’il serait soumis au règlement PS 21 et non au statut des cadres permanents, lequel règlement s’appliquait à tous les agents contractuels alors dénommés « agents auxiliaires ». Il relève que tous les salariés sont constamment informés des règles en vigueur dans l’entreprise au moyen d’un affichage. Il conteste avoir reconnu en 2007 la réalité d’une inégalité de traitement, et suggère qu’une telle reconnaissance serait, en tout état de cause, inopérante si l’action du salarié était déjà prescrite.

Il estime que la position du salarié selon laquelle la révélation de la discrimination suppose la communication par l’employeur d’éléments de comparaison est contraire aux règles de preuve et aurait pour effet de rendre une telle action imprescriptible. Enfin, le point de départ de la prescription ne peut en aucun cas être, selon lui, lié au départ en retraite des collègues statutaires, le salarié ne justifiant pas, alors qu’il lui


incombe d’établir la date de la révélation de la discrimination, n’avoir pris, qu’à cette date, conscience de la discrimination.

Par conséquent, le salarié ayant été engagé le 3 avril 1974, soit plus de trente ans avant la saisine du conseil de prud’hommes de Paris, l’Epic SNCF Mobilités fait valoir que ses demandes sont prescrites.

Alléguant ne pas fonder son action sur une discrimination à l’embauche mais en lien avec le blocage de sa carrière, Monsieur X soutient que le point de départ de la prescription de son action correspond au jour non pas de la connaissance de la discrimination mais de la révélation de la discrimination caractérisée par la connaissance

d’éléments suffisamment précis de comparaison, qu’à ce jour, en dépit de nombreuses sommations adressées à l’Epic SNCF Mobilités, il n’est toujours pas en possession des éléments lui permettant de cerner l’exacte étendue de la discrimination subie et en conclut que le délai n’a pas couru. En tout cas, il conteste avoir eu connaissance de l’existence de la discrimination alléguée au moment de son embauche, les contrats de travail n’opérant aucune distinction entre les agents marocains et les agents français, prévoyant ème expressément une égalité de traitement. Il estime que la référence au règlement du PS 21 lors de l’embauche n’est pas constitutive d’une révélation de la discrimination ni même de la connaissance de

l’existence des 2 grilles de classification distinctes. Il fait observer que ce règlement n’était ni annexé au contrat de travail, ni communiqué et qu’il concernait les « auxiliaires temporaires », seul le chapitre 11 lui étant applicable. Il estime que l’Epic SNCF Mobilités ne l’a jamais informé de façon explicite que l’application du règlement PS 21 le cantonnerait au collège « exécution », contrairement aux agents statutaires.

Monsieur X considère que la révélation de la discrimination ne peut résulter du passage du PS 21 au PS 25 puis au RH 0254, aucun élément de comparaison ne lui ayant alors été communiqué. La date de la rupture de contrat ne peut pas davantage, selon lui, constituer le point de départ de la prescription, la différence de traitement opérée ayant un caractère continu puisqu’elle découle d’actes et de décisions répétés qui se sont échelonnés dans le temps, qu’il n’a pas été en possession, lors de la rupture du contrat des éléments de comparaison de nature à lui révéler la réalité et l’ampleur de la discrimination subie.

En tout état de cause, le salarié considère que le délai de prescription a été interrompu du fait de la reconnaissance par l’Epic SNCF Mobilités des discriminations imposées puisque le 7 décembre 2007, ce dernier a admis que la classification prévue à l’Annexe 1

A était privée des collèges « maîtrise » et « cadre », et évoqué que cela nécessiterait un

< effort de promotion accompagné d’examens professionnels ». Il ajoute que l’Epic SNCF Mobilités a organisé, à compter de 2007 pour les agents contractuels de nationalité marocaine de plus de 60 ans une garantie de passage à la filière commerciale 3 mois avant leur départ en retraite pour leur permettre d’accéder à la classe D. Il renvoie également aux discussions engagées par la direction avec les agents contractuels des établissements de la région Paris Est.

Avant la loi du 17 juin 2008 publiée le 19 juin 2008 portant réforme de la prescription, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrivait par trente ans. Désormais, l’article L.1134-5 du code du travail dispose que l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par 5 ans à compter de la révélation de la discrimination.



Par ailleurs, l’article 2222 du Code civil prévoit qu’en cas de réduction du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi intérieure.

Il s’en déduit que la durée des prescriptions en cours ne pouvait excéder 30 ans et par suite était acquise au plus tard 5 ans après l’entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2013.

Par ailleurs, la prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance. Il est vain pour le salarié de soutenir que le délai de prescription n’a pas commencé à courir à défaut d’avoir obtenu de l’employeur la communication d’éléments de comparaison suffisants pour lui permettre de connaître l’exacte étendue de la discrimination subie, ce constat étant insuffisant pour caractériser le fait qu’il n’avait pas connaissance de l’existence de faits précis de nature à révéler la discrimination invoquée.

Or, l’examen des pièces versées au débat montre que les déclarations de candidature à un emploi d’auxiliaire, remplies par les salariés non français, indiquaient expressément qu’ils étaient engagés aux conditions du règlement PS 21, dont ils avaient < pris connaissance », que l’Epic SNCF Mobilités établissait régulièrement des bilans sociaux, dont se prévaut d’ailleurs le salarié, aux termes desquels la situation des agents contractuels était clairement distinguée de celle des salariés permanents. De même, les statuts des divers agents étaient régulièrement publiés.

Monsieur X a donc été informé, dès la date de son embauche, qu’il relevait du règlement des agents contractuels et non de celui des agents permanents.

Néanmoins, la discrimination en raison de la nationalité caractérisée par une différence de traitement dans l’évolution de la carrière par rapport à celles des agents statutaires découle d’une série d’actes, de décisions concrets qui se sont effectivement étalés dans le temps en sorte que c’est seulement lorsque la collaboration a cessé, soit à la date de la rupture du contrat de travail que le salarié a pu disposer des éléments suffisants pour avoir connaissance de la réalité de la discrimination.

C’est vainement qu’il est soutenu que le délai de prescription a été interrompu en 2007. Le courriel émis par le pôle « relation sociale et animation RH » de la direction de Paris

Est en date du 7 décembre 2007, ne pouvant valoir reconnaissance par l’Epic SNCF Mobilités de la discrimination invoquée. De même, la mesure prise pour favoriser le passage des agents contractuels de nationalité marocaine à la classe D ne peut caractériser une reconnaissance de la discrimination.

En conséquence, les demandes du salarié dont le contrat de travail a été rompu le 30 décembre 2007, et qui a saisi le conseil de prud’hommes le 6 février 2007, ne sont pas prescrites.

Sur la prescription des demandes relatives à la retraite ;

L’Epic SNCF considère que ces demandes sont prescrites dès lors qu’elles ne sont que la conséquence de la discrimination au titre de la carrière invoquée par le salarié et qu’elles suivent donc les mêmes règles de prescription que précédemment exposées.

S’agissant du préjudice lié au fait de n’avoir pas été affilié au régime spécial de retraite, il considère que cette demande est également prescrite, le point de départ étant nécessairement la date d’embauche, date à laquelle le salarié a su qu’il relevait du régime général de retraite comme tous les agents contractuels et non du régime de retraite spécial. Ainsi, le règlement PS 21 dont le salarié a reconnu avoir eu connaissance,


prévoyait expressément que les agents auxiliaires étaient affiliés au régime général de la sécurité sociale. De même, tous ses bulletins de salaire ne mentionnaient que des versements de cotisation à l’assurance vieillesse et aux régimes de retraite complémentaire mais non au régime spécial de retraite.

Le salarié fait valoir qu’aucun élément probant de comparaison n’a, à ce jour, été communiqué par l’employeur permettant une comparaison avec les homologues du cadre permanent, de sorte que le délai de prescription n’a pas encore commencé à courir.

La cour rappelle que la prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

C’est en vain que le salarié fait valoir que le délai de prescription n’a pas commencé à courir au motif que l’employeur n’a produit aucun élément de comparaison probant lui permettant de connaître l’étendue exacte de la discrimination subie et d’établir une comparaison avec les autres agents du cadre permanent.

S’il n’est pas contesté que le salarié était informé dès son embauche qu’il ne relevait pas du régime spécial de retraite, la cour rappelle que le préjudice né d’une discrimination dans l’application d’un régime de retraite ne devient certain qu’au moment où le salarié s’est trouvé en droit de prétendre à la liquidation de ses droits à pension. Le point de départ du délai de prescription n’est pas la date d’embauche du salarié mais celle à laquelle il prétend à la liquidation de ses droits à la retraite.

En conséquence, dans le cas d’espèce, les demandes au titre de la retraite ne sont pas prescrites.

Sur la demande tendant à voir reconnaître une discrimination prohibée en lien avec la nationalité ;

Monsieur X considère avoir fait l’objet d’une discrimination en raison de sa nationalité.

Il fait valoir que toute discrimination en raison de la nationalité est prohibée, en droit interne tant par les principes constitutionnels et spécialement par la Constitution de 1958 garantissant en son article 5 le principe de non discrimination que par les articles 1132-1 et suivants du code du travail.

Il invoque aussi des dispositions internationales engageant la France, et plus spécialement : le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, la convention franco-marocaine du 1er juin 1963,

- l’accord euro-méditerranéen du 26 février 1996,

- l’article 1 de la convention n° 111 de l’OIT du 15 juin 1960 ratifiée par la France le 28 mai 1981, prohibant toute distinction ou exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité des chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession,

- l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme « CEDH » ratifiée par la France lequel pose le principe de non discrimination, cette disposition débordant la sphère des droits énoncés par la convention.



Subsidiairement, il n’exclut pas l’application combinée de cet article 14 avec l’article

1er du Protocole 1 de la CEDH posant le principe selon lequel, toute personne a droit au respect de ses biens.

Très subsidiairement, il propose de faire une application combinée des dispositions des articles 14 et 8 de la CEDH. L’article 8 protège la vie privée dès lors que les obstacles mis à la possibilité qui était la sienne d’évoluer sur un plan professionnel l’ont privé non seulement du bénéfice de l’ascenseur social mais aussi de nouer des relations avec des catégories sociales supérieures ce qui a eu immanquablement un impact sur sa vie privée. Il fait encore référence aux directives européennes du 20 juin 2000 et du 27 novembre

2000 sur les conditions d’emploi.

Le Défenseur des droits, qui participe à la défense de l’intérêt public en luttant « contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France » et promouvant l’égalité (article 4-3° de la loi du 21 mars 2011) argue aussi de l’application directe des conventions passées avec le Maroc et la France ou l’Union Européenne.

Conformément à l’article L. 1134-1 du code du travail, il incombe au salarié qui estime avoir été victime d’une discrimination prohibée, de fournir des éléments de fait susceptibles de laisser présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, l’autre partie doit prouver que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forge alors sa conviction après avoir ordonné le cas échéant toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Comme faits laissant présumer une discrimination en lien avec sa nationalité caractérisée par un traitement différencié par rapport aux « agents statutaires », Monsieur X invoque : un déroulement de carrière moins favorable du fait qu’il n’a pas été soumis au statut 4

réservé aux seuls agents du cadre permanent. En effet, l’application à son encontre des dispositions de l’annexe A1 du règlement PS 25 devenu RH 0245 a limité ses possibilités d’évolution au sein du seul collège « exécution » puisqu’il ne pouvait pas accéder au collège des agents de maîtrise et a fortiori des cadres, bien qu’il fût recruté pour occuper un emploi relevant du dictionnaire des filières à l’instar des agents du cadre permanent. Il invoque aussi une stagnation au sein de chaque classe relevée par un représentant syndical qui indiquait : « l’article 2.2 de l’annexe qui prévoit le déroulement de carrière de certains contractuels (dictionnaire des filières), d’une façon identique des agents du

CP n’est pas appliqué, la plupart du temps », un refus d’accès aux examens ou l’absence de prise en compte des résultats de ces examens en cas de réussite pour l’évolution dans la carrière, ainsi que cela ressort des réponses faites à deux salariés relevant comme lui de l’annexe A1 et communiquées aux débats,

- une absence d’intégration dans le processus de notation pour un avancement, comme pour le contingent des agents statutaires, soit par « notation en priorité », soit « au choix », tel que décrit par Messieurs Y, Z, et Finez dans une communication des 25 et 27 janvier 2012,

- une quasi absence de formations du fait de son exclusion en tant qu’agent contractuel de l’accord collectif sur la formation et à tout le moins de l’absence d’entretien individuel pourtant prévu par cet accord,


un accès différencié aux soins, confirmé par les déclarations de Madame C. B,

Responsable de l’Administration du Personnel selon lesquelles « il n’est pas possible aux agents relevant du PS 25 de bénéficier des prestations du service médical de l’Entreprise dans le cadre de la médecine de soins, ni d’accéder aux installations médicales de la

SNCF sauf en cas d’urgence », une absence de facilités de circulation sur le réseau au moins jusqu’en 1982, date à partir de laquelle l’Epic SNCF Mobilités a consenti aux agents contractuels des tarifs préférentiels et billets de trains gratuits jusqu’alors réservés aux seuls cheminots du cadre

permanent, des prestations sociales moins favorables. En effet, les agents statutaires reçoivent en T

cas d’arrêt maladie la totalité de leur salaire au-delà du premier jour alors que les agents contractuels affiliés au régime général ne sont pas rémunérés durant les trois premiers jours d’arrêt et connaissent un plafonnement de leur rémunération au taux de l’indemnité journalière entre le quatrième et le dixième jour, un traitement différent en matière de retraite puisque l’appartenance de l’agent au cadre permanent conditionne son affiliation au régime spécial de retraite de la SNCF plus avantageux que le régime de droit commun appliqué aux salariés relevant de l’annexe

Al du règlement RH 0254. Ce régime spécial de retraite confère en effet des avantages, tant sur l’âge de départ à la retraite, que sur la durée de la cotisation, la base de calcul de la pension, ou encore les majorations pour enfants,

- des pensions de réversion de retraite pour les conjoints moins avantageuses.

Les faits ainsi présentés et matériellement établis au vu des éléments communiqués, des bilans sociaux, des termes mêmes des règlements, des annexes et du statut, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une discrimination au détriment de
Monsieur X, en raison de sa nationalité étrangère ou de son origine étrangère, alors même qu’il occupait un emploi relevant du dictionnaire des filières réservé aux agents du cadre permanent, et ce, dans des conditions d’activité strictement analogues aux dits agents.

Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur d’établir que ses décisions à l’égard du salarié étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en lien avec la nationalité.

L’Epic SNCF Mobilités explique que la non application au salarié du statut réservé aux seuls agents du cadre permanent était fondée sur la clause de nationalité française, incluse dans le statut à valeur réglementaire, ayant d’abord réservé aux seuls ressortissants français, puis à compter de 1991, aux ressortissants communautaires,

l’application desdites règles. Il renvoie à cet égard à l’article 2 du chapitre 5 du statut, qui prévoit que le candidat à un tel poste doit être français ou naturalisé français et précédemment rapporté. Il explique que l’existence de cette clause de nationalité est justifiée par l’une de ses missions consistant à participer depuis sa création à l’exercice de la puissance publique. Cette clause répond donc selon lui à l’intérêt général d’organisation de la défense du

pays. Il rappelle que cette mission est expressément reconnue par l’article 1er de la LOTI

(Loi d’orientation des transports intérieurs Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982),

-

rappelée par le Décret n° 83-817 du 13 septembre 1983 portant approbation du cahier des charges de la société nationale des chemins de fer français (devenu l’article 1er de

l’annexe) et renvoie encore à l’article 42 de ce décret ainsi libellé : « Lorsque la sécurité du pays est menacée et que des troupes ou du matériel militaire doivent être dirigés


d’urgence vers l’un des points du territoire national desservi par le chemin de fer, la S.N.AF. est tenue de mettre sans délai l’ensemble de ses moyens de transport à la disposition de l’État, sur la demande du Président de la République, ou du Premier ministre, ou du ministre chargé de la défense ou du ministre chargé des transports ».

L’Epic SNCF Mobilités fait aussi valoir que le statut des relations collectives entre

SNCF Mobilités et son personnel ne prévoit, pour les agents statutaires, une fois passée la période d’essai de 12 mois qui précède l’intégration définitive au statut, que deux causes de rupture, « la radiation des cadres » et la « révocation ». En conséquence, une réglementation spécifique devait être prévue pour toute personne étrangère bénéficiant d’un titre de séjour en France afin de pouvoir tenir compte d’un cas de rupture du contrat en lien avec le retrait ou le non renouvellement d’un titre de séjour.

L’Epic SNCF Mobilités considère encore que la différence de traitement découle directement de la différence de réglementations applicables aux agents statutaires et contractuels relevant de l’annexe A1 du RH 0254 dès lors que l’évolution de carrière des agents statutaires relève d’un régime de droit public puisqu’il est défini par un acte administratif réglementaire, tandis que les contrats le liant aux agents non statutaires sont tous régis par les dispositions du code du travail et les conventions collectives et par un autre règlement adopté par l’entreprise à valeur réglementaire et distinct du statut. Il en déduit que la coexistence de deux régimes juridiques distincts empêche de reconnaître la similitude des situations et par suite, de procéder à des comparaisons pertinentes.

L’Epic SNCF Mobilités conteste enfin avoir réservé un traitement défavorable aux agents contractuels dans les faits comme au regard des textes applicables. Il fait plus spécialement valoir que :

Monsieur X ne prouve pas avoir connu une évolution de carrière TY W

défavorable. En effet, l’Epic SNCF Mobilités conteste que la comparaison avec la progression de carrière des agents statutaires permette de retenir que Monsieur X aurait progressé jusqu’au niveau « cadre » s’il avait été lui même agent statutaire, peu d’agents statutaires embauchés dans les mêmes conditions initiales occupant en fin de carrière un poste de la catégorie « cadre », les règles appliquées aux « agents contractuels de l’annexe A1 » sont équivalentes

à celles qui sont réservées aux « agents statutaires » puisque l’évolution de carrière obéit aux mêmes règles avec la possibilité de passer des examens et de bénéficier de formations, les agents contractuels bénéficient des mêmes rémunérations de base, des mêmes

-

majorations et compléments de salaire, des progressions ont été reconnues et certains agents contractuels ont même évolué vers les catégories « agent de maîtrise » ou « cadre ». En effet, l’Epic

SNCF Mobilités souligne que dès 1982, des agents contractuels relevant de

l’annexe Al ont pu évoluer vers l’annexe C et accéder à la classe D, relevant de la catégorie « agent de maîtrise », aucun agent contractuel n’a occupé un poste différent de celui au titre duquel il

-

était classé, observation étant faite que le versement d’une cotisation à l’Argic ne vaut pas reconnaissance de la qualité de cadre du salarié, des facilités de circulation ont été accordées aux agents auxiliaires donc

-

contractuels et leurs familles dès 1947 et 1956,

si « la médecine de soins » n’était pas accessible aux agents contractuels, des


dispensaires désignés sous le vocable « centres d’hygiène sociale » étaient à la disposition de tous les agents qu’ils fussent statutaires ou contractuels, les agents contractuels bénéficiaient de la médecine du travail, le RH 0254 1

rappelant qu’en matière de santé au travail les règles applicables aux deux catégories d’agents sont strictement identiques, les conditions de travail étaient identiques pour les divers agents, s’agissant de la retraite, la différence de régime résulte d’un décret ministériel et non du statut, ce qui implique que le critère d’affiliation est la qualité d’agent statutaire non discriminatoire en soi, le principe d’égalité ne s’applique pas entre différents régimes de retraite, un accord collectif avait mis en place un dispositif de départ possible pour les agents contractuels relevant de l’annexe A1 du règlement RH 0254 dès 55 ans.

Il convient donc d’analyser les éléments ainsi invoqués par l’Epic SNCF Mobilités pour cerner si le traitement différencié réservé au salarié dans le déroulement de sa carrière et dans l’application d’un régime distinct de retraite notamment est ou non susceptible de caractériser une discrimination directe ou indirecte en lien avec sa nationalité.

Sur la clause de nationalité;

Il est exact que :

- les dispositions légales posées aux termes des articles 1132-1 et suivants du code du travail sur la prohibition des discriminations en matière d’évolution de carrière fondées notamment sur la nationalité n’ont été opposables aux Epic qu’à compter du 27 mai 2008, le juge judiciaire n’est pas le juge de la constitutionnalité d’un statut ayant valeur réglementaire,

- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 n’a pas vocation à s’appliquer, les conditions d’emploi n’entrant pas dans le champ des droits civils et politiques énumérés par les 27 articles de ce texte,

- la convention n° 111 de l’OIT, entrée en vigueur le 15 juin 1960, et qui n’a été ratifiée par la France que le 28 mai 1981, prohibe effectivement la discrimination en matière d’emploi et de profession, mais ne prévoit aucune prohibition de la discrimination fondée sur la nationalité. En effet, le BIT a pris le soin de préciser dans le rapport de 1996 que la notion d’ascendance nationale ne vise pas les distinctions qui pourraient être faites entre les citoyens d’un pays donné et les personnes d’un autre pays mais les distinctions faites entre les citoyens d’un même pays en fonction du lieu de naissance, de l’ascendance ou de l’origine étrangère.

Au regard de la convention franco-marocaine du 1er juin 1963, qui prévoit aux termes de son article que « les travailleurs marocains jouissent sur le territoire français du même traitement que les travailleurs français en ce qui concerne les conditions d’hygiène, de travail, de sécurité, de logement, les salaires, les congés payés, et les allocations chômage », il importe de rappeler les principes suivants. L’article 55 de la Constitution dispose que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois et impose au juge d’écarter l’application d’une disposition législative ou réglementaire si elle s’avère contraire à une norme conventionnelle internationale.

Toutefois, le principe de la séparation des pouvoirs des ordres administratif et judiciaire impose aux juridictions de l’ordre judiciaire, statuant en matière civile, en cas de contestation sérieuse portant sur la conformité d’un texte réglementaire à un traité international, de surseoir à statuer jusqu’à ce que la question préjudicielle de la légalité


de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, seule compétente pour connaître de ce contrôle de légalité. Il n’en va autrement que lorsqu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge judiciaire saisi au principal.

En l’absence, en l’espèce, d’une jurisprudence établie des juridictions de l’ordre administratif sur l’application du principe de non-discrimination fondée sur la nationalité marocaine, tel que posé par cette convention bilatérale franco-marocaine du 1er juin 1963, la demande tendant à déclarer inopposable la clause de nationalité incluse dans le statut au motif de son incompatibilité avec la convention franco-marocaine du 1er juin 1963, ne peut être utilement accueillie par le juge judiciaire sauf à présenter préalablement une question préjudicielle auprès de la juridiction de l’ordre administratif. Le juge judiciaire ne peut donc écarter la clause contenue dans le statut sur le fondement de la convention franco-marocaine du 1er juin 1963.

S’agissant de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, ratifiée par la France le 31 décembre 1973, publiée au Journal Officiel par un décret du 3 mai 1974, il convient de relever qu’elle n’a été ratifiée par l’Union Européenne qu’en 2007. Il s’en déduit donc qu’elle n’a été incorporée au droit de l’Union européenne qu’à cette date.

A défaut pour le juge judiciaire de pouvoir se fonder directement sur le droit de l’Union européenne pour la période antérieure à la ratification de la CEDH par l’Union européenne, il y a lieu de relever qu’eu égard à la jurisprudence établie du Conseil d’État sur la portée de l’application du principe de non-discrimination fondée sur la nationalité dans la jouissance d’un droit garanti résultant des dispositions combinées de l’article 14 de la CEDH et l’article 1er du Protocole 1 additif sur le respect des « biens »>,

(arrêt Diop), la cour a le pouvoir d’examiner la compatibilité de la clause de nationalité incluse dans l’article 2 du statut de l’Epic SNCF Mobilités avec ces dispositions conventionnelles, et ce, pour accueillir, le cas échéant, la contestation émise en l’espèce.

Selon l’article 14 de la CEDH, « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques, ou toutes autres opinions, la fortune, la naissance, ou toute autre situation ».

Ce texte pose donc le principe de la prohibition de la discrimination y compris sur la nationalité.

Il peut en outre être combiné avec l’article 1er du Protocole 1 additif sur le respect des

< biens ». En effet, la différence de traitement en matière d’évolution de carrière, de formation, et d’application des régimes spéciaux en matière de retraite avec les autres salariés français réservée à Monsieur X a un impact certain sur l’évolution des ressources du salarié, puis sur le montant de sa retraite. A ce titre le traitement différencié réservé à l’agent relevant de l’annexe A1 du règlement RH 0254 présente assurément un intérêt patrimonial pour le salarié. Les revenus salariaux, les pensions de retraite, voire les créances de dommages et intérêts ayant pour objet de réparer les préjudices matériels résultant des disparités de traitement opérées constituent ainsi des < biens » au sens de la CEDH. En tant que tels, leur respect doit aussi être assuré sur le fondement de l’article 1er du Protocole 1 additif de la CEDH.

Le traitement différencié et donc discriminatoire réservé aux agents de l’annexe Al peut toutefois être justifié s’il est nécessaire à la poursuite d’un objectif légitime et constitue le


moyen approprié pour l’atteindre.

A cet égard, la cour relève que l’Epic SNCF Mobilités observe lui-même que

< sa (la clause de nationalité) légitimité et son opportunité peuvent être discutées », qu’un représentant de l’Epic SNCF Mobilités avait expliqué en 2006, que « l’incorporation au Cadre Permanent des agents SNCF étrangers actuellement contractuels, résultant d’une suppression de la clause de nationalité » en raison de la

« dépense annuelle supplémentaire pour l’Entreprise […] », représentait un « enjeu […] trop lourd financièrement pour la SNCF », qu’une résolution a été présentée à

l’Assemblée Nationale dans le courant de l’année 2016 pour la suppression de cette clause. Au surplus, force est de relever que les agents de l’annexe A1, de nationalité étrangère, ont effectivement occupé des emplois normalement réservés aux agents statutaires désignés comme étant seuls habilités pour remplir la mission d’intérêt général dévolue à l’Epic SNCF.

Enfin, il n’est pas davantage justifié que la clause de nationalité constitue le moyen approprié et proportionné pour régler les conséquences des questions relatives au renouvellement ou au retrait des titres de séjour en France, sur la poursuite de la collaboration entre l’Epic SNCF Mobilités et les salariés étrangers.

La clause de nationalité ne peut en conséquence constituer une justification objective et pertinente aux différences de traitement réservées aux agents contractuels relevant de

l’annexe A1 par rapport aux agents statutaires.

Sur la différence de réglementations applicables à l’origine de situations distinctes et par suite incomparables ;

Les « agents statutaires » et les agents contractuels soumis à l’annexe Al du RH0254 exerçaient les mêmes métiers, relevant du même « dictionnaire des filières », dans des conditions strictement analogues. La différence de réglementations applicables ne saurait donc résulter d’une différence dans les fonctions exercées par divers agents.

Par ailleurs, l’Epic SNCF Mobilités n’établit pas que les conditions d’application du statut autres que la clause de nationalité (telles que fixées par l’article 2 du chapitre 5 dudit

Statut) n’étaient pas remplies par Monsieur X.

La différence de réglementations applicables aux agents statutaires et aux agents contractuels soumis à l’annexe A1 du RH0254 résultait donc uniquement de l’application de la clause de nationalité prévue au sein du statut. Or, il a été précédemment analysé et retenu que la clause de nationalité excluant les salariés étrangers de l’accès au statut devait être écartée en l’espèce du fait de sa non conformité aux dispositions conventionnelles susvisées. Ladite clause ne saurait donc justifier l’existence de réglementations différentes entre les agents statutaires et les agents contractuels relevant de l’annexe Al du RH0254, sauf à établir une discrimination indirecte.

Dans ces conditions, la différence de réglementations applicables aux agents selon qu’ils relèvent du statut ou de l’annexe A1 du PS 24 devenu PS 0254 ne peut pas davantage constituer un élément objectif étranger à toute discrimination au moins indirecte.

Sur le moyen tiré de l’absence de traitement différencié entre les agents contractuels de l’annexe Al et les agents statutaires ;



Avant 2004, aucune garantie de pouvoir accéder à la catégorie « agent de maîtrise » n’était prédéfinie pour les agents contractuels soumis à l’annexe Al du règlement RH0254. En tout état de cause, aucune disposition réglementaire n’envisage un passage des agents contractuels de l’annexe A1 dans la catégorie « cadres ».

Le basculement des agents contractuels relevant de l’annexe Al vers l’annexe C, effectivement accordé à sept agents, ne permettait pas, à défaut d’être prédéfini de manière précise, de compenser effectivement les limites d’évolution de carrière desdits agents aux trois classes de la catégorie « exécution » et de rétablir une équivalence de traitement dans le déroulement de carrière de tous les agents.

Il n’est pas davantage établi qu’une fois le basculement opéré, lesdits agents contractuels ont bénéficié dans le cadre des négociations sur la rémunération notamment – des mêmes avantages que ceux que le statut réservait aux agents statutaires.

Par ailleurs, d’après le panel de comparants fourni par l’Epic SNCF Mobilités lui-même, seuls 61 % des agents statutaires embauchés à la même période que Monsieur

X sont restés classés dans la catégorie « exécution » tandis que 94,65 % des agents contractuels de l’annexe A1 sont demeurés en classe A.

Par ailleurs, 96 % des agents statutaires recrutés en classe A sont passés en classe B, tandis que près de 9,9 % des agents contractuels soumis à l’annexe Al sont restés en classe A pendant toute leur carrière, 19,62 % agents statutaires sont restés en classe B tandis que 28,26 % des agents contractuels de l’annexe Al y sont demeurés.

Au surplus, en l’absence d’évaluation, au moins jusqu’en 2004, et d’entretien systématique pour les actions de formation et l’application des procédures de VAE,

l’attribution aux agents contractuels des qualifications A, B ou C, en dehors de la réussite aux examens, était aléatoire.

Contrairement aux mesures applicables aux agents statutaires, aucun contingent d’agents contractuels relevant de l’annexe Al n’était prédéfini pour un passage « au choix ». Ces agents étaient soumis à la seule appréciation des directeurs d’établissement, et ce sans qu’aucun recours ne puisse être exercé auprès d’une commission à défaut d’être réglementairement reconnu et organisé.

Or, il est établi que dans certains établissements, tels que ceux de Dunkerque, du Havre et de Dijon, aucun agent contractuel n’a bénéficié d’un passage en classe B. Tous les agents contractuels de nationalité étrangère travaillant à la gare de Lyon ont connu une évolution de carrière strictement identique. En Ile de France, tous les agents de la filière

« transport- mouvement » sont classés en C et tous les agents de la filière

< équipement » sont classés en B.

C’est donc vainement que l’Epic SNCF Mobilités prétend que les agents contractuels relevant de l’annexe Al du règlement RH 0254, en ce inclus Monsieur X, ont bénéficié de conditions d’évolution de carrière similaires à celles des agents statutaires et que ses décisions à cet égard reposaient sur des éléments objectifs pertinents étrangers à toute discrimination directe et indirecte en lien avec la nationalité étrangère de l’agent.

S’agissant plus spécialement du régime de retraite, une différence de statut juridique entre des salariés placés dans une situation comparable au regard d’un avantage, tel

l’affiliation à un régime de retraite spécial, ne suffit pas à elle seule à exclure l’application du principe d’égalité de traitement.

Il appartient à l’employeur de démontrer que la différence de traitement entre des salariés


placés dans la même situation au regard dudit avantage repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

En l’espèce, l’application du statut aux salariés de l’Epic SNCF Mobilités était une condition d’application à leur égard du décret relatif au régime spécial de retraite.

Or, il a déjà été retenu que la non application du statut aux agents contractuels soumis à l’annexe Al reposait sur la clause de nationalité contenue au sein dudit statut, écartée en

l’espèce.

Dès lors, la différence de traitement à cet égard ne repose pas sur des raisons objectives pertinentes et caractérise une discrimination indirecte.

Si les différences relatives à l’âge de départ à la retraite ont pu être partiellement compensées dans le cadre de l’application d’accords collectifs spécifiques, mais à des conditions financières distinctes, l’Epic SNCF Mobilités ne méconnaît pas, en réalité, l’existence de différences entre les régimes appliqués aux agents statutaires et aux agents contractuels soumis à l’annexe Al en lien avec la durée de cotisations, les bonus, les décotes, les années de référence servant de base de calcul des pensions, les majorations pour les enfants élevés et ne prouve pas que la différence de traitement à cet égard est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination indirecte.

En conclusion, nonobstant les autres objections évoquées en matières de facilités de circulation et d’accès aux soins notamment, si au regard des constats opérés, il est avéré que l’Epic SNCF Mobilités a effectivement, à compter de 2004 mis en place des mesures de nature à atténuer les différences de traitement dans le déroulement de carrière entre les agents statutaires et les agents contractuels relevant de l’annexe Al occupant les mêmes fonctions, la cour retient, à l’instar des premiers juges, qu’il n’établit pas que les décisions prises tout au long de la carrière de l’agent reposaient sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination directe et indirecte en lien avec la nationalité du salarié, la clause de nationalité ne pouvant en aucun cas justifier ces différences de traitement dans aucun des domaines liés à l’évolution des carrières.

L’Epic SNCF Mobilités ne justifie pas davantage par des éléments objectifs pertinents les différences d’application de régimes de retraite.

Sur les préjudices allégués ;

Sur le préjudice de carrière ;

D’après les dispositions propres au statut, la carrière des agents du cadre permanent évolue, soit par un changement de grade avec changement de qualification, soit par un changement de grade avec changement de niveau de rémunération dans la qualification, soit par classement à la position de rémunération supérieure, soit par l’attribution d’un échelon supérieur qui dépend exclusivement de l’ancienneté.

Si les agents évoluent pour certains passages d’une classe à une autre (de A à B et de D à E) par la réussite à des examens de passage, il a été relevé qu’ils peuvent aussi évoluer au choix. Pour ce faire, ils sont inscrits sur un tableau d’aptitude consécutivement à

l’évaluation réalisée par leur supérieur hiérarchique, et avis donné par une commission de notation.

Monsieur X, relevant de l’annexe A1 du règlement PS 25, ne bénéficiait pas de garanties similaires puisqu’il n’a pas fait l’objet d’une évaluation au moins jusqu’en 2004, et qu’il ne pouvait dans ces conditions ni bénéficier d’une inscription systématique aux


commissions de notation, ni d’une évolution au choix.

Chaque partie a formulé plusieurs propositions quant à l’évaluation du préjudice subi au titre du déroulement de la carrière.

Monsieur X renvoie pour l’évaluation de son préjudice aux statistiques d’une pièce communiquée par l’Epic SNCF Mobilités correspondant à un panel de 5121 agents du cadre permanent embauchés entre 1973 et 1975, à une qualification comparable et ayant quitté l’entreprise après 33 ans d’ancienneté. Il soutient que la position de rémunération moyenne des agents permanents ressort à E2 ce qui correspond à une position de rémunération de 23 sur une grille allant de 1 à 35 servant à déterminer la rémunération de base des agents, alors que la rémunération moyenne des salariés relevant de l’annexe Al ressort à une position de rémunération de B2 soit de 11. Il en déduit que le nombre moyen de positions prises pour l’ensemble des cadres permanents pour la période de 2008 à 2014 est de 0,7 pour 33 ans d’ancienneté, alors qu’il est de 0,29 pour les agents de l’annexe Al pour une ancienneté moyenne de 38 ans et propose de reconstituer la carrière en se basant sur le nombre moyen de positions prises soit 0,7 sur la période d’ancienneté qui a été la sienne.

Or, c’est pertinemment que l’Epic SNCF Mobilités souligne que la démarche résultant de cette proposition d’évaluation de préjudice reviendrait à reconnaître au salarié un droit à promotion tout au long de sa carrière lui garantissant d’atteindre un niveau « cadre ».

L’évaluation du préjudice subi par le salarié dans le cadre de l’évolution de sa carrière implique une étude comparative du déroulement de sa carrière avec celui de salariés placés dans une situation identique, ou à tout le moins comparable, soit présentant la même ancienneté après être entrés dans les mêmes conditions.

Or, les bilans sociaux restituent à une date donnée la situation d’emploi et de rémunération de l’ensemble des agents employés par l’Epic SNCF Mobilités et ce, quels que soient leur date d’embauche, leur fonction, et leur niveau de classification au moment de l’embauche.

En toute hypothèse, l’examen de ces bilans sociaux révèle que la proportion de cadres de

l’effectif total des agents statutaires s’établissait en 2013 à 18 %, pour 30 % d’agents de maîtrise, et 51 % d’agents d’exécution, quels que soient la date d’embauche et le niveau

d’embauche initial.

De même, il doit être relevé que l’examen des données dudit bilan social, ventilant les agents selon leur ancienneté ne peut être opéré dans les conditions proposées par Monsieur X puisque sont aussi incluses les situations d’agents de conduite, de cadres hors classe, relevant de systèmes de classification spécifiques.

Pour des motifs similaires, la liste d’agents contenue dans une pièce numérotée 118 communiquée par l’Epic SNCF Mobilités à la suite d’une demande du salarié et correspondant à la situation de l’ensemble des agents recrutés au cadre permanent entre 1973 et 1975, précisant leur qualification à l’entrée et à la sortie ainsi que la date de cessation de leur contrat de travail, ne peut être retenue comme base de comparaison. Ce document appréhende les situations de tous les agents statutaires recrutés au cours de cette période sur tous les niveaux de classification allant du plus bas niveau au plus élevé. En effet, parmi les 5821 agents figura sur cette liste, seuls 1121 avaient été recrutés au niveau le plus bas, observation étant faite que l’assimilation de l’indice de rémunération A à la classe A, sans tenir compte du niveau de qualification,


déterminant dans le système de classification en vigueur jusqu’en 1992 aboutit à une comparaison erronée. En effet, les statistiques appréhendées des salariés embauchés sur tous les niveaux de qualification (1A à 10 A) correspondent aux actuelles qualifications de A à G.

Un autre panel figurant en pièce 99 a été communiqué par l’Epic SNCF Mobilités.

Celui-ci explique qu’il correspond à une liste de 4246 agents extraits à partir d’une base de 152 074 agents du groupe présentant les caractéristiques suivantes : agents statutaires restés au cadre permanent durant toute leur carrière, embauchés entre 1972 et 1980, au niveau de qualification le plus bas, ayant quitté l’entreprise entre 2010 et 2015. Il ajoute qu’ont été retirés du panel une centaine d’agents ayant basculé en cours de carrière sur les postes de conduite soumis à une classification différente.

Monsieur X conteste la valeur probante de ce panel alléguant d’une part, que les conditions de constitution du panel et de sélection entre les agents référencés ne sont pas définies, ni justifiées, d’autre part, que l’impératif de confidentialité des données nominatives du personnel pour justifier l’anonymisation de cette liste ne peut lui être opposé.

Il est exact qu’il ne peut être a priori opposé au salarié qui demande à l’employeur de produire certains éléments, ni le secret de la vie personnelle des autres salariés, ni le fait qu’il appartient au demandeur à un procès d’établir lui même la preuve de ce qu’il

avance.

Mais dans le cas d’espèce, la cour relève qu’outre le fait que Monsieur X ne sollicite pas expressément l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile et qu’il soit enjoint judiciairement à l’Epic SNCF Mobilités de produire les documents nécessaires à la protection de ses droits dont seul celui-ci dispose, l’huissier de justice présent lors des opérations d’extraction sur la base des éléments sus visés, atteste que le panel a bien été réalisé à partir des données du personnel figurant sur le système informatique, qu’une extraction nominative du tableau a été enregistrée sur un

CD-ROM resté en sa possession après qu’il avait pu constater la stricte correspondance entre le tableau nominatif extrait en sa présence et le tableau anonymisé.

Il convient en conséquence de retenir que ce panel présente des garanties probantes suffisantes pour servir de base à une étude comparative de la situation de Monsieur X avec celles des agents du cadre permanent embauchés à une même époque et selon des conditions de qualification et de classification identiques.

Sur le mode de calcul du préjudice;

La cour retient les panels de comparants proposés par l’Epic SNCF Mobilités en ce compris le tableau établi par lui sur la répartition de 821 agents contractuels de l’annexe

Al ayant engagé un contentieux prud’homal à son encontre.

Panel d’agents statutaires

Qualification Répartition en nombre Répartition en Collège pourcentage



A 17 0,40%

Exécution 19,62 % B 833

1750 с 41,22%

Agent de 35,19% D 1494 maîtrise E 40 0,94 %

F 80 1,88%

Cadre 0,61 % G 26

0,14% H 6

Total 4246 100,00%

Agents contractuels relevant de l’annexe Al

Répartition en Répartition en nombre Collège Qualification pourcentage

9,87 % А 81

Exécution 28,26 % 232

с 464 56,52 %

Agent de 43 5,24 % maîtrise 0% 0

0,12% F

1

Cadre G 0% 0

H 0% 0

Total 821 100,00%

Au regard de la répartition des agents statutaires entre les diverses classes, il convient

d’appliquer des pourcentages de répartition identiques pour les agents contractuels relevant de l’annexe A1 afin de déterminer une répartition entre lesdites classes, similaire à celles des agents statutaires.

En effet, puisque 0,4 % et non 9,87 % d’agents auraient dû rester en classe A, seuls 3,3 agents auraient dû terminer leur carrière en classe A et non 81. Un écart théorique de 77,7 agents peut en conséquence être relevé entre ce nombre théorique de 3,3 agents et le nombre d’agents effectivement restés dans cette classe A.

Puisque 77,7 agents sur 81 auraient dû accéder à la classe supérieure, le pourcentage des agents concernés ressort à 95,94 %.

De même, seuls 19,62 % des agents contractuels auraient dû cesser leur activité en classe

B, soit sur un panel de 821 agents, 161,1 agents et non 232 agents correspondant à

28,26 % dudit panel.

Pour limiter à 161,1 agents, le nombre d’agents terminant leur carrière en B alors que théoriquement 77,7 agents contractuels relevant de la classe A auraient dû accéder à la classe B et rejoindre les 232 agents ayant terminé leur carrière en classe B, 148,6 agents auraient dû accéder à une classe sup ieure [soit 232+77,7 = 309,7-161,1 148,6].

-

Le pourcentage des agents concernés est donc de 47,99 % (148,6/309,7).



Ces 148,6 agents devant théoriquement accéder à la classe C portent l’effectif théorique de la classe C à 464 (nombre réel d’agents en C) + 148,6 soit 612,6. Pour atteindre le nombre d’agents devant terminer leur carrière en classe C selon le pourcentage à retenir (41,22 % des 821 étrangers du panel), soit 338,4 agents, il faut que 274,3 agents évoluent. 44,77 % des agents de la classe C ainsi reconstituée sont donc concernés.

En appliquant ces dispositions à chaque étape d’évolution, il reste dans chaque classe précisément un nombre théorique d’agents en rapport avec les pourcentages de répartition des agents statutaires selon le panel communiqué et précédemment repris et ce, conformément aux données figurant dans le tableau suivant :

Agents contractuels relevant de l’annexe Al

Probabilité de Effectif monter dans la Ecart Nombre Ecart en théorique avant Collège Qualification catégorie cumulé théorique nombre ajustement supérieure

95,94 % 81

-77,7 -77,7 3,3 A

47,99% 309,7

-70,9 -148,6 161,1 Exécution B

44,77%

-125,6 -274,3 612,6 338,4 C

Agent de 8,95 % 245,9 -28,4 317,3 288,9 D

72,76% 28,4 7,7 -20,7 E 7,7 maîtrise

28,57% 15,5

-6,2 21,7 14,5 F

18,75 %

5

6,2

-1,2 Cadre 5 G

1,2 1,2

0 H

1,2

Il est à noter que ces données permettent de déterminer la probabilité pour les agents de chaque classe de passer dans la classe supérieure ainsi que cela est mentionné dans le tableau ci dessus.

A partir de ce constat, il est possible de cerner les probabilités pour chaque agent, en fonction de la classe à partir de laquelle il a commencé, de terminer au moins dans chaque classe en multipliant ces probabilités.

En l’occurrence, pour un agent de la classe A, il y avait 95,94 % de chances de monter au moins en B. Mais puisqu’une fois en classe B, il avait une chance de l’ordre de 47,99 % de monter en classe C, il sera retenu qu’il disposait d’une chance de l’ordre de 46,05 % (95,94 % x 47,99 %) d’accéder au moins en classe C. Comme un agent de la classe C disposait d’une chance de 44,77 % d’atteindre la classe D, l’agent de la classe A parvenu en classe C avait une chance de 20,61 % (44,77 % x 46,05 %) de parvenir à la classe D et ainsi de suite…

Ce mode de calcul permet d’établir le tableau suivant :

Agent de Cadre Exécution maîtrise



Pour A de

Pour B de

Pour C de

Pour D de

Pour E de

Pour F de

Pour G de

monter au

monter au Collège Probabilités monter au

monter au

monter au

monter au

monter au

moins en

moins en

moins en

moins en

moins en

moins en

moins en

A

Exécution 95,94 % B

46,05 %

47,99 % C

Agent de

20,61 %

21,49 % 44,77 % D maîtrise E 1,84 % 1,92 % 4,01 % 8,95%

1,34 % 1,40 %

2,91 % 6,51 % 72,76 % F

0,38 % 0,40%

0,83 %

1,86 % 20,79 % 28,57% G Cadre

5,36 % 18,75 % 0,007% 0,07 % 0,16% 0,35 % 3,90 % H

La probabilité pour chacun des agents contractuels de l’annexe A1 de ne pas finir « au moins » dans une catégorie mais « exactement » dans une catégorie peut alors être calculée.

Ainsi, par exemple, pour un agent de la classe A, la probabilité de finir exactement en B correspond à la probabilité de finir au moins en classe B dont il faut soustraire la probabilité de finir au moins en classe C (probabilité de finir au moins en B: 95,94 % – probabilité de finir au moins en C : 46,05 % = 49,89 %) et ainsi de suite pour chaque classe.

Pour un agent de la classe B, la probabilité de finir en D correspondait à la probabilité de finir au moins en classe D (21,49 %) – celle de finir au moins en classe E (1,92 %), soit

19,56 % et ainsi de suite pour chaque classe.

Ces données apparaissent dans le tableau suivant :

Agent de Cadre Exécution maîtrise

Pour A de

Pour B de

Pour C de

Pour D de Pour E de

Pour F de

Pour G de

monter au Collège Probabilités monter au

monter au

monter au

monter au monter au

monter au

moins en

moins en

moins en

moins en moins en

moins en

moins en

4,06 % A

52,01 % 49,89 % B Exécution

C

25,43 %

26,51 % 55,23 %

Agent de

18,77 %

19,56 % 40,76 % 91,05 % D maîtrise 0,50%

0,52 %

1,09 %

2,44 % 27,24 % E

0,96 %

1% 2,08 % 4,65 % 51,97 % 71,43% F

0,31 % 0,32 % 0,68 % 1,51 % 16,89 % 23,21 % 81,25 % Cadre G

5,36 % 18,75 % 0,07 % 0,07 % | 0,16 % | 0,35 % 3,90 % H

Par ailleurs, il est nécessaire de déterminer les salaires moyens des différentes classes de

l’année au cours de laquelle a cessé l’exercice par chaque agent contractuel de l’annexe



Al d’un métier du dictionnaire des filières.

La cour dispose d’une grille des salaires non discutée par les parties pour les années 2008

à 2014.

F G H D E B C A

3322 3933 4688 2681 2719 2054 2347 2008 1870

3425 4064 4854 2740 2768 2093 2396 2009 1870

3462 4117 4944 2758 2783 2109 2403 2010 1879

3552 4204 5046 2856 2860 2495 2011 1938 2189

3634 4320 5284 2932 2919 2560 2012 1991 2250

26082038 2307 2986 2963 3687 4384 5273 2013

3000 3728 4425 5340 2071 2317 2624 3018 2014

Il se déduit de l’analyse de cette grille des salaires que l’évolution de ceux-ci au sein de chaque classe est quasi constante et linéaire.

Une projection linéaire peut en conséquence être calculée pour déterminer le salaire moyen des agents statutaires d’une classe donnée à la date à laquelle tel agent a cessé

d’occuper un emploi du dictionnaire des filières.

On obtient ainsi le tableau suivant :

A B с D E F H

1974 562 394 625 637 1050 1015 1142 1038

1975 600 442 675 697 1099 1083 1225 1146

1976 637 491 725 757 1148 1152 1308 1255

1977 675 539 776 817 1197 1220 1391 1363

1978 712 588 826 877 1245 1289 1474 1471

1979 750 636 877 936 1294 1357 1556 1580

1980 787 685 927 996 1343 1425 1639 1688

1981 825 733 978 1056 1392 1494 1722 1796

1982 862 782 1028 1116 1441 1562 1805 1905

1983 900 830 1078 1176 1490 1630 1888 2013

1984 938 879 1129 1236 1539 1699 1971 2121

1985 975 927 1179 1296 1588 1767 2053 2230

1986 1013 976 1230 1356 1637 1835 2136 2338

1987 1050 1024 1280 1416 1685 1904 2219 2446

1988 1088 1073 1331 1475 1734 1972 2302 2555

1989 1125 1121 1381 1535 1783 2040 2385 2663


1991 1200 1218 1482 1655 1881 2177 2550 2880

1992 1238 1267 1532 1715 1930 2246 2633 2988

1775 19791993 1275 1315 1583 2314 2716 3097

1994 1313 1364 1633 1835 2028 2382 2799 3205

1995 1350 1412 1684 1895 2077 2451 2882 3313

1996 1388 1461 1734 1955 2125 2519 2964 3422

1997 1426 1509 21741784 2015 2587 3047 3530

1835 2074 22231998 1463 1558 2656 3130 3638

1501 1606 1885 21341999 2272 2724 3213 3747

2000 1538 1655 1936 2194 2321 2792 3296 3855

2001 1576 1703 1986 2254 2370 2861 3379 3963

1613 1752 2037 2314 24192002 2929 3461 4072

2003 1651 1800 2087 2374 2468 4180 2997 3544

1849 2137 2434 25172004 1688 4289 3066 3627

2005 1726 1897 2494 25662188 3134 3710 4397

2006 1763 1946 2238 2554 2614 3203 3793 4505

2007 1801 1994 2289 2613 2663 4614 3271 3875

2054 23472008 27191870 2681 4688 3322 3933

2009 1870 2093 2396 2740 2768 3425 4064 4854

2010 1879 2109 2403 2758 2783 3462 4117 4944

2011 1938 2189 2495 2856 2860 3552 4204 5046

2012 1991 2250 2560 2932 2919 5184 3634 4320

2986 29632013 2038 2307 2608 3687 4384 5273

2014 2071 2317 2624 3018 3000 3728 4425 5340

2015 2101 2382 2692 3093 3054 3818 4538 5480

2016 2139 2431 2743 3152 3103 3886 4621 5589

2017 2176 2479 2793 3212 3152 3954 4704 5697

Par cette projection, il est possible de déterminer le salaire moyen que tel agent contractuel de l’annexe Al par exemple de la classe A aurait dû percevoir au cours de

l’année pendant laquelle il a cessé d’occuper un poste du dictionnaire des filières et ce, de la façon suivante : Probabilité de rester en A * salaire moyen l’année zz des statutaires en A + Probabilité de monter en B* salaire moyen cette année zz des statutaires en B+

+ Probabilité de monter en H * salaire moyen cette année zz des statutaires en H.

Enfin, pour fixer le préjudice matériel lié à l’évolution de carrière, la cour fait application de la méthode Clerc de la manière suivante :

(Salaire moyen pondéré – salaire final)*13/2*Durée de travail = Préjudice total.



Il doit être précisé que la détermination des chances d’évolution est basée sur un panel de comparants ayant au moins 30 années de carrière.

Aussi pour les agents qui ont occupé un poste du dictionnaire des filières pendant une période inférieure à 30 années, le calcul dont les modalités ont été précédemment exposées sera-t-il pondéré en fonction du nombre d’années au cours desquelles l’agent a occupé un poste du dictionnaire des métiers. Ainsi, un agent n’ayant que 20 ans de carrière sur un emploi du dictionnaire des filières verra-t-il son préjudice fixé de la manière suivante : Préjudice total 20/30* (Salaire moyen pondéré – salaire final) * 13/2 * Durée de

travail.

Au regard de ces éléments et compte tenu de la situation de Monsieur X engagé le 3 avril 1974, de la date de la rupture du contrat de travail intervenue le 30 décembre

2007, de la classe B atteinte en fin de carrière, du dernier salaire perçu, soit 1495,68 euros, la cour fixe son préjudice à la somme de 173.017 euros.

Sur la demande au titre du préjudice de retraite;

Monsieur X demande que le préjudice subi du fait de sa non affiliation au régime spécial de retraite réservé aux agents du cadre permanent soit fixé en tenant compte, après reclassement, du pourcentage de pension après surcote, du nombre

d’enfants dont il a assumé la prise en charge, et de façon générale, des règles applicables aux agents statutaires. Il soutient que son préjudice correspond à la retraite qu’il aurait perçue s’il avait bénéficié des dispositions réservées aux agents statutaires, déduction faite de la retraite qu’il a effectivement reçue de la CNAV, le tout sur 12 mois et application du barème de capitalisation compte tenu de l’espérance de vie.

L’Epic SNCF Mobilités propose de retenir que le préjudice de retraite correspond exactement à 30 % du montant des dommages et intérêts reconnus pour le préjudice de carrière.

Au regard des éléments dont elle dispose, et se référant à la méthode Clerc, la cour retiendra que le préjudice de retraite correspond non pas à 30 % du montant des dommages et intérêts accordés pour le préjudice de carrière mais à 35 % de celui-ci compte tenu du fait que les agents du statut bénéficient, de façon générale, d’une retraite

plus favorable.

Dans ces conditions, le préjudice de Monsieur X en lien avec la perte de chance de bénéficier d’une retraite plus favorable sera arrêté à la somme de 60.555 euros.

Sur la demande au titre du départ volontaire ;

Monsieur X estime que la rupture découlant du départ volontaire qu’il considère comme ayant été qualifiée de manière erronée par l’Epic SNCF Mobilités de mise à la retraite, et comme lui ayant été imposée est illégale. Il sollicite la requalification de cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait en effet valoir que la mise à la retraite s’entend de la possibilité donnée à l’employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié dans certaines conditions définies par les articles L 1237-5 à L 1237-8 du Code du travail (ancien article L 122-14-13),


qu’il ne remplissait ni les conditions d’âge de départ à la retraite prévues par les textes en vigueur (60 et 65 ans), ni le nombre de trimestres d’assurance requis pour prétendre à une retraite à taux plein (à partir de 160 trimestres), qu’il n’a pas sollicité ses droits à pension à l’occasion dudit départ « volontaire » de l’entreprise, et qu’il n’a bénéficié

d’aucune indemnité de départ à la retraite.

Il en déduit qu’à défaut d’une liquidation de la retraite auprès de la caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF (CPRP) au moment de sa mise en inactivité, le départ volontaire sans contrepartie ne peut s’analyser comme une mise à la retraite mais comme un licenciement.

Il considère que l’article L 2251-1 du Code du travail dispose qu’un accord ne peut déroger aux dispositions légales qui revêtent un caractère d’ordre public, que par suite l’accord collectif du 10 septembre 1999 ne peut déroger aux règles d’ordre public applicables en matière de licenciement.

A défaut d’invoquer un motif personnel de rupture et de mettre en œuvre une procédure de licenciement, le départ dit « volontaire » s’analyse nécessairement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce d’autant plus que le seul motif était l’âge correspondant à un motif discriminatoire et la durée d’activité lesquels ne peuvent caractériser un motif réel et sérieux de licenciement et ce, nonobstant son accord.

Il fait observer que son départ volontaire n’a fait qu’aggraver sa situation au regard de sa retraite à raison de l’absence de salaire et de cotisations durant la période chômée.

Il fait remarquer que la mise en place du départ dit «< volontaire » est constitutive d’une preuve supplémentaire de l’assimilation par SNCF Mobilités des agents contractuels de l’annexe Al aux agents du cadre permanent et renvoie à la lettre de la CGT libellée en ces termes :

« Depuis plusieurs années, la Fédération CGT des cheminots vous interpelle sur la situation particulière des salariés étrangers recrutés à la SNCF en nombre, particulièrement dans les années 70. L’accord, sur le départ anticipé de certains contractuels, que nous avons signé le 10 septembre 1999 fait un pas vers une harmonisation des conditions sociales en vigueur pour les personnels à statut et ceux régis par le règlement PS25 […] ».

L’Epic SNCF Mobilités répond que la possibilité d’un départ volontaire a été ouverte aux agents contractuels relevant de l’Annexe Al par des accords collectifs conclus de sorte qu’ils ne peuvent s’estimer lésés même s’ils n’ont pas saisi la possibilité qui leur était ainsi offerte de quitter l’entreprise dès 55 ans.

Il expose en effet que deux accords collectifs sur la fin de carrière des agents contractuels de nationalité étrangère ont été conclus les 10 septembre 1999 et

30 septembre 2004 mettant en œuvre un régime dérogatoire particulièrement favorable permettant le départ desdits agents dès lors qu’ils atteignaient l’âge de 55 ans au plus tard en 2005 et comptaient 25 ans de service à temps complet, avec la garantie d’un revenu de remplacement servi par le régime d’assurance chômage propre à SNCF Mobilités (le «< SATRAPE ») égal à 57,4 % du salaire brut (incluant donc les primes et indemnités).

Il précise que ce revenu de remplacement ne pouvait en tout état de cause être inférieur au minimum de pension SNCF, garanti à 64 100 pensionnés SNCF (soit 962 euros par mois au 1er janvier 2004) dont les agents étrangers auraient bénéficié s’ils avaient été admis au cadre permanent. Il était en outre prévu qu’il serait servi jusqu’à l’âge où l’agent pouvait bénéficier d’une pension à taux plein, soit au plus tard jusqu’à 65 ans.

Il ajoute que ce dispositif initialement adopté en 1999 a été prolongé et même amélioré


par l’accord collectif du 30 septembre 2004, que ce nouvel accord s’est appliqué aux agents qui étaient partis en départ volontaire au titre de l’accord précédent de 1999, en cours d’indemnisation à la date d’application du nouvel accord. Le montant du revenu de remplacement a été porté à 65 %, sans aucune dégressivité, et ce jusqu’à ce que l’agent soit en droit d’obtenir une pension du régime général de sécurité sociale à taux plein (50 %). L’Epic SNCF Mobilités insiste sur le fait que ce montant était beaucoup plus élevé que celui auquel auraient pu prétendre les salariés, entre 55 et 65 ans, en vertu du régime spécial de retraite s’ils en avaient bénéficié. Il relève que dès 1999 et plus encore dans la version appliquée à partir de 2004, ce dispositif de départ volontaire assurait aux agents contractuels de nationalité étrangère : non seulement la possibilité de pouvoir cesser leur activité dans les mêmes conditions que les agents statutaires, soit à compter de 55 ans, mais aussi la possibilité de percevoir, entre 55 ans et la date de liquidation de leur

- retraite par le régime général, un revenu correspondant à 57,4 % puis 65 % de leur rémunération brute totale, soit un montant de pension supérieur à celui auquel pouvait prétendre un agent du cadre permanent disposant de la même ancienneté. Il indique avoir mandaté un cabinet d’actuaires. Selon l’étude opérée, ces agents pouvaient bénéficier :

- d’une retraite d’environ 1.500 euros au régime général s’ils optaient pour le dispositif de départ volontaire à 55 ans (correspondant à environ 1 650 euros à 1 700 euros s’ils

n’ont pas exercé cette option et ont continué à travailler), contre une retraite d’environ 1 250 euros au régime spécial s’ils avaient été au cadre permanent et avaient pris leur retraite à 55 ans, comme ils en forment la demande.

Outre qu’il considère que Monsieur X a été aussi bien traité qu’un agent statutaire partant en retraite à 55 ans, l’Epic SNCF Mobilités rappelle qu’il a été volontaire au départ à 55 ans en application de ces dispositifs.

D’après le règlement PS 25 dont il convient de préciser qu’il a été élaboré après concertation avec les organisations syndicales la résiliation du contrat de travail est :

-à l’initiative de l’Epic SNCF Mobilités par licenciement, par la mise à la retraite dans les conditions prévues à l’article L. 1237-5 du code du travail,

- à l’initiative de l’agent (l’agent quittant volontairement l’entreprise pour bénéficier d’un droit à pension de vieillesse perçoit l’indemnité de retraite),

- d’un commun accord entre les parties par rupture conventionnelle.

Deux accords collectifs sur la fin de carrière des agents contractuels de nationalité étrangère au sein de l’Epic SNCF Mobilités s’analysant comme mettant en place un dispositif de préretraite ont été conclus les 10 septembre 1999 et 30 septembre 2004 mettant en œuvre un régime dérogatoire permettant le départ desdits agents dès lors qu’ils atteignaient l’âge de 55 ans au plus tard en 2005 et comptaient 25 ans de service à temps complet, avec la garantie d’un revenu de remplacement servi par le régime d’assurance chômage propre à SNCF Mobilités (le « SATRAPE ») égal à 57,4 % du salaire brut incluant les primes et indemnités, porté à 65% par le second accord.

Monsieur X s’est porté candidat pour en bénéficier. Outre qu’en tout état de cause, le principe de non-discrimination en raison de l’âge n’est pas applicable à la rupture d’un contrat de travail résultant de l’adhésion volontaire d’un salarié à un dispositif de préretraite prévu par un accord collectif, la cour rappelle que le départ volontaire du salarié est un acte unilatéral par lequel il a manifesté de façon claire


et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Dans la mesure où Monsieur X a adhéré volontairement à un dispositif de départ volontaire prévu par un accord collectif, aucune disposition d’ordre public n’interdisant la mise en place d’un tel dispositif, et où il n’invoque pas de vice du consentement, ni ne justifie de faits ou de manquements imputables à l’employeur antérieurs ou contemporains à ce départ de nature à établir que lorsqu’il a donné son consentement, celui-ci était équivoque, les conséquences financières attachées à ce départ étant alors connues de lui, ces demandes à ce titre ne peuvent prospérer.

Le jugement déféré sera confirmé y compris en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande d’indemnité de licenciement.

Sur le préjudice de formation;

S’il n’est pas utilement contesté que l’Epic SNCF Mobilités a mis en place diverses formations ainsi qu’il l’expose dans ses écritures, il est patent que l’accord de formation négocié avec les représentants des personnels imposait pour tous les agents, y compris les agents contractuels, un entretien individuel systématique et la mise en œuvre de procédures de validation des expériences et acquis.

Or, Monsieur X en tant qu’agent contractuel de l’annexe Al n’a pas bénéficié de cet entretien individuel ni n’a été pressenti pour être soumis aux procédures de VAE.

Outre que l’article L. 6321-1 du code du travail impose à l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail, de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations, il est avéré que l’Epic SNCF Mobilités n’a pas pleinement respecté les dispositions de l’accord collectif sur la formation s’agissant de la mise en place d’un entretien annuel systématique et des procédures de VAE.

Le préjudice en résultant pour l’agent sera exactement réparé par l’allocation d’une somme de 3.000 euros.

Sur les demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et de l’inaction dans le traitement du dossier ;

L’Epic SNCF Mobilités estime que cette demande est indissociable des demandes de dommages et intérêts précédemment formulées au titre du préjudice de carrière et de retraite puisqu’il s’agit d’indemniser les conséquences de la non application au salarié des règles statutaires en raison de sa nationalité. Dans ces conditions, cette demande se trouve également prescrite.

Le salarié ne formule aucune observation particulière.

***

S’agissant du moyen tiré de la prescription, le régime applicable à ces demandes est similaire à celui qui a été précédemment exposé pour les demandes formées au titre des préjudices relatifs au déroulement de la carrière ou au titre de retraite.

Dans le cas d’espèce, le salarié n’est pas forclos en ses demandes à ces titres.


Monsieur X rappelle qu’il est resté cantonné au collège d’exécution toute sa carrière et donc aux tâches les plus pénibles. Il estime que le fait pour l’Epic SNCF Mobilités de l’avoir fait travailler dans de telles conditions durant toute sa carrière caractérise un manquement grave, empreint d’indignité et est en soi à l’origine d’un préjudice moral avéré. S’agissant des agents ayant atteint la classe C, il constate qu’ils ont exercé des fonctions

d’encadrement sans que celles-ci ne soient jamais reconnues ce qui constitue une dévalorisation personnelle manifeste. Il ajoute que le blocage de carrière auquel il s’est trouvé confronté constitue une absence de reconnaissance professionnelle qui est moralement dévalorisante et ce, malgré son grand professionnalisme. Cette dévalorisation personnelle s’est accompagnée d’un traitement manifestement vexatoire, les salariés marocains étant traités de façon identique suivant la filière et la région du lieu de travail, les reléguant au statut de clones.

Monsieur X considère que ce blocage de carrière a eu des répercussions sociales en l’empêchant de bénéficier de l’ascenseur social. Il ajoute que la discrimination dans l’accès aux soins et aux facilités de circulation pour lui et sa famille, relève aussi du préjudice moral.

Le salarié estime par ailleurs que l’inaction de l’Epic SNCF Mobilités face à l’ampleur des discriminations subies dont il avait parfaitement conscience, est manifestement fautive et a contribué à aggraver son préjudice moral.

L’Epic SNCF Mobilités estime que l’agent ne justifie pas de l’existence d’un préjudice moral distinct du préjudice matériel consécutif à la discrimination de carrière dont il prétend avoir été victime. Il constate qu’il ne s’est jamais plaint durant toute sa carrière d’un tel préjudice et qu’il ne produit aucune pièce le concernant personnellement à l’appui de sa demande. estim que la demande à ce titre est mal fondée et en tout cas excessive.

Concernant l’inaction dans le traitement du dossier qui lui est reprochée, l’Epic SNCF

Mobilités rappelle qu’il applique régulièrement un acte de nature règlementaire qui lui même exclut que des salariés de nationalité étrangère puissent être recrutés au Statut. Il estime dès lors qu’aucune inaction dans le traitement du dossier ne peut lui être reprochée ni justifier l’octroi de dommages et intérêts.

Il a été précédemment relevé que le salarié avait été victime d’une discrimination en raison de sa nationalité dans le déroulement de sa carrière et par suite au moment de la liquidation de sa retraite. De même, il est avéré que l’agent n’a pas bénéficié du même accès aux soins et des mêmes facilités de circulation que les agents permanents de l’Epic SNCF Mobilités, et que ce dernier a tardé à prendre les mesures de nature à compenser les disparités relevées. Le préjudice moral résultant de ces manquements sera justement réparé par l’allocation

d’une somme de 5.000 euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts liée au non-respect du RH0077 des agents de mouvement;

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre de jours de travail, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le


salarié; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures

d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Le salarié explique que selon l’article 32 V du RH0077, l’ensemble des agents des établissements d’exploitation de SNCF mobilités devaient obligatoirement bénéficier de 114 ou 118 repos périodiques et de 52 repos périodiques doubles, triples décomptés par année civile. Or selon lui, les agents de mouvement n’ont jamais bénéficié de ces jours de repos.

Il estime qu’il appartenait à l’employeur d’informer chaque année ses agents qu’ils avaient acquis des repos périodiques, qu’il a délibérément omis de le faire et constate que l’Epic SNCF Mobilités ne produit pas les fiches d’utilisation de chaque agent.

Pour étayer ses dires, Monsieur X produit le dossier de Monsieur victime d’un grave accident du travail en 2012 et dans lequel l’inspecteur du travail a constaté un « non-respect du décret n°99-1161 du 29 décembre relatif à la durée du travail du personnel de la SNCF (règlement RH0077) (…) Monsieur n'a pas bénéficié d’au moins un repos périodique double (soit d’une durée de 60h00). Il n’a pas non plus bénéficié d’un repos périodique comprenant un samedi et un dimanche. Aucune programmation de ces repos n’a été remise au cours de l’enquête ».

Les éléments produits par le salarié ne sont pas de nature à étayer ses prétentions. En effet, les seuls documents versés aux débats concernent un salarié qui plus est n’est pas partie à la cause. Il ne peut dès lors être déduit de ce cas spécifique que l’ensemble des agents de mouvement ne bénéficiait pas des dispositions du RH0077.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation formée à ce titre.

Sur les frais de procédure ;

L’équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a alloué à l’agent une indemnité de 100 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de lui accorder une nouvelle indemnité de 150 euros pour les frais exposés dans la présente instance.

Comme il succombe dans la présente instance, l’Epic SNCF Mobilités sera débouté du chef de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Ordonne la jonction des affaires 15/11389 et 17/04273 sous le numéro 15/11389,



PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Ordonne la jonction des affaires 15/11389 et 17/04273 sous le numéro 15/11389,

Dit que l’appel principal formé par l’Epic SNCF et l’appel incident formé par l’Epic

SNCF Mobilités sont recevables,

Dit que l’appel formé en avril 2017 par l’Epic SNCF Mobilités est irrecevable,

Met hors de cause l’Epic SNCF,

Rejette le moyen tiré de la prescription des différentes demandes formulées,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a reconnu l’existence d’une discrimination dans le déroulement de la carrière et au titre de la retraite, en ce qu’il a alloué au salarié une indemnité de 100 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il a rejeté les demandes au titre de la rupture de la relation contractuelle, du non respect du règlement RH 0077,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l’Epic SNCF Mobilités à verser à Monsieur les sommes

suivantes :

- 173.017 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en lien avec le déroulement de carrière,

- 60.555 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en lien avec les droits à pension de retraite,

- 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en lien avec à la

formation,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, et pour inaction dans le dossier,

- 150 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit n’y avoir lieu à la réévaluation des sommes allouées en fonction du taux d’inflation

publié par l’INSEE,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne l’Epic SNCF Mobilités aux entiers dépens.

LE PRESIDENT LE GREFFIER


1

1


1. C D E F

1990 1163 1170 1431 1595 1832 2109 2467 2772

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Cour d'appel de Paris, 31 janvier 2018, n° 15/11747