Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 30 septembre 2019, n° 17/12776

  • Préjudice·
  • Consolidation·
  • Pension d'invalidité·
  • Poste·
  • Rente·
  • Victime·
  • Déficit fonctionnel permanent·
  • Professionnel·
  • Santé·
  • Titre

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 3, 30 sept. 2019, n° 17/12776
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/12776
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 8 juin 2017, N° 15/15967
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 3

ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2019

(n° 2019/ , 26 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/12776 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TUK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/15967

APPELANT

Monsieur E Y

né le […]

[…]

[…]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant

Assisté de Me Benoist ANDRE de l’ASSOCIATION Cabinet ANDRE – PORTAILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0111, avocat plaidant substitué par Me Laurence ANDRE de l’ASSOCIATION Cabinet ANDRE – PORTAILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0111, avocat plaidant

INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

[…]

[…]

Représentée par Me Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

SA LA GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES ET EMPLOYÉ S DE L’ÉTAT ET DES SERVICES PUBLICS (GMF)

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro : 775 691 140

[…]

[…]

Représentée par Me Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120 substitué par Me Clémentine POYTO de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120

CRAMIF agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro

[…]

[…]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

PARTIE INTERVENANTE :

C.P.A.M DU VAL- DE-MARNE venant aux droits de la CRAMIF

1 à […]

[…]

Représenté par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, présidente, et Madame Clarisse GRILLON, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Françoise D’ARDAILHON MIRAMON, présidente

Madame Clarisse GRILLON, conseillère

Madame Sophie REY, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT : Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 16 septembre 2019, prorogé au 30 septembre 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, présidente et par Madame Laure POUPET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été présentée par le magistrat signataire.

***********

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 28 août 1981, M. E Y, né le […] et alors âgé de 20 ans, a été victime d’un accident corporel de la circulation (accident de la vie privée) dans lequel a été impliqué un véhicule assuré par la GMF, qui ne conteste pas le droit à entière indemnisation de la victime.

Par ordonnance de référé du 4 mai 1984, le docteur X a été désigné en qualité d’expert pour examiner M. Y. L’expert, après s’être adjoint le concours du docteur Z, sapiteur stomatologue, a clos son rapport le 1er décembre 1984, en ayant notamment évalué le déficit fonctionnel permanent au taux de 26 %.

L’indemnisation de la victime a été transigée le 14 octobre 1985 avec l’assureur du véhicule impliqué.

M. Y ayant invoqué une aggravation de son état de santé, le docteur A a été désigné (après remplacement) en qualité d’expert par ordonnance de référé du 8 septembre 2014. Il a clos son rapport le 4 avril 2015.

Par jugement du 9 juin 2017 (instance n°15/15967), le tribunal de grande instance de Paris, saisi par M. Y, a :

— dit que le droit à indemnisation de ce dernier du fait de l’aggravation de son état des suites de l’accident de la circulation survenu le 28 août 1981 est entier,

— rejeté la demande de complément d’expertise,

— condamné la GMF à payer à M. Y la somme de 199 335,66 € à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, détaillée ci-après,

— débouté M. Y du surplus de ses demandes principales,

— condamné la GMF à payer à la CPAM du Val de Marne les sommes suivantes :

> 2 453,30 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2016, au titre des dépenses de santé avant consolidation,

> 6 710,15 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2016, au titre des dépenses de santé futures,

> 1 055 € avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion,

> 1 500 € avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la GMF à payer à la CRAMIF les sommes suivantes :

> 105 793,77 € au titre des arrérages échus et du capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d’invalidité servie à M. Y avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016, date de sa première demande,

> 1 500 € avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du code civil,

— rejeté la demande présentée au titre des dispositions de l’article L.211-13 du code des assurances,

— condamné la GMF aux dépens comprenant les frais d’expertise, et à verser à M. Y la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du même code.

Sur appel interjeté par déclaration du 26 juin 2017, et selon dernières conclusions notifiées le 22 mars 2019, M. E Y demande à la cour de :

— déclarer irrecevable l’appel incident de la GMF sur les frais de médecin conseil, du fait de sa tardiveté,

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

> rejeté la demande d’expertise complémentaire sollicitée par la GMF,

> exclu l’imputation des arrérages échus de la pension invalidité sur les postes de pertes de gains actuels et de déficit fonctionnel temporaire,

> liquidé de manière satisfactoire les postes suivants : dépenses de santé actuelle, frais divers, tierce personne temporaire, incidence professionnelle, déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique définitif,

> fait droit à la demande d’anatocisme,

> condamné la GMF à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, du fait de la première instance et aux dépens,

— infirmer le jugement en ce qu’il a :

> sous-évalué les postes suivants : dépenses de santé futures et déficit fonctionnel permanent,

> rejeté l’indemnisation des postes suivants : perte de gains actuels, perte de gains futurs, préjudice sexuel, préjudice esthétique temporaire,

> actualisé les postes : tierce personne future, perte de gains futurs, aménagement du logement, matériels spécialisés,

> dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du jugement,

— débouter la GMF de son appel incident,

statuant à nouveau,

— dire que seule la part de la pension invalidité relative à l’aggravation de son préjudice sera

imputable,

— dire que la CPAM ne peut capitaliser sa créance en utilisant un euro de rente à un âge antérieur à la date de capitalisation,

— condamner la GMF à lui verser une indemnité de 805 604,17 € en réparation de ses préjudices patrimoniaux,

— subsidiairement, condamner la GMF à lui verser une indemnité de 709 865,27 € en réparation de ses préjudices patrimoniaux,

— condamner la GMF à lui verser une indemnité de 46 220 € en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux,

— dire que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter de l’assignation signifiée à la GMF le 19 octobre 2015,

— dire que ces intérêts intégrés au capital produiront eux-mêmes intérêts,

— condamner la GMF à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, du fait de la première instance,

— condamner la société GMF à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, du fait de la présente instance,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la GMF aux dépens de première instance,

— débouter la GMF de sa demande de condamnation aux dépens,

— condamner la société GMF aux entiers dépens de la présente instance, incluant les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Jeanne Baechlin, avocat aux offres de droit, selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— déclarer le jugement (sic) à intervenir commun à la CPAM du Val de Marne venant aux droits de la CRAMIF et à la GMF en sa qualité de mutuelle.

Selon dernières conclusions notifiées le 22 mars 2019, la garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF) demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

> alloué à M. Y :

— dépenses de santé futures : 44 674,76 €

— assistance par tierce personne : 136 732,48 €

> condamné la GMF à verser à la CRAMIF la somme de 105 793,77 € au titre des arrérages échus et du capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d’invalidité servie à M. Y avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016 date de sa première demande,

> indemnisé la tierce personne avant consolidation sur la base d’un coût horaire de 15 € puis après consolidation de 16 €,

> fait application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais du mois de mars 2013,

> condamné la GMF à payer à M. Y la somme de 1 020 € au titre des frais d’expertise,

> condamné la GMF à payer à M. Y la somme 745,42 € au titre du logement adapté,

statuant à nouveau,

— juger que le BCRIV 2018 devra être appliqué,

— débouter M. Y de sa demande tendant à voir appliquer les barèmes de capitalisation publiés par la Gazette du Palais de 2016 ou de 2018,

— fixer l’entier préjudice de M. Y tel que récapitulé ci-après :

> total des préjudices patrimoniaux : 70 317,51 €

(sauf imputation du reliquat des arrérages échus et du capital représentatif de la pension d’invalidité versés par la CRAMIF et tierce personne à compter du 1er avril 2019),

> total des préjudices extra-patrimoniaux : 32 220 €

(à déduire reliquat des arrérages échus et capital représentatif de la pension d’invalidité versée à M. Y),

à déduire provisions : – 120 000 €

par conséquent,

— débouter M. Y de sa demande relative aux dépenses de santé futures à hauteur de 111 500,18 € à titre principal et de 100 723,92 € à titre subsidiaire,

— subsidiairement, allouer à M. Y la somme de 33 682,07 € au titre des dépenses de santé futures,

— débouter M. Y du surplus de sa demande,

— juger que la tierce personne avant consolidation sera indemnisée sur la base d’un coût horaire de 13 €, soit la somme de 9 087 €, pour la période allant du 12 octobre 2012 au 6 janvier 2015, date de la consolidation,

— juger que la tierce personne après consolidation sera indemnisée sur la base d’un coût horaire de 15 € du 6 janvier 2015 au 31 mars 2019 soit la somme totale de 19 863,90 €,

— juger que l’indemnisation au titre de la tierce personne permanente à compter du 1er avril 2019 sera versée à M. Y sous forme de rente annuelle de 5 220 € payable à terme échu avec échéance trimestrielle et revalorisée selon les modalités de la loi n°74-1118 du 27 décembre 1974,

— juger que le service de la rente sera suspendu en cas d’hospitalisation à partir du 46e jour,

— à titre subsidiaire et pour le cas où la cour accepterait le règlement de ce poste de préjudice sous forme de capital, juger que le montant du capital sera calculé en prenant en considération le BCRIV 2018 soit : 15 € x 6h x 58 semaines x 21,44 (taux d’euro de rente viager pour un homme âgé de 58 ans le 1er avril 2019 selon le BCRIV 2018) =

111 916,80 €,

— allouer à M. Y la somme de 500 € au titre des frais divers,

— allouer à M. Y la somme 763,61 € au titre du logement adapté,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la GMF à verser à la CRAMIF la somme de 105 793,77 € au titre des arrérages échus et du capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d’invalidité servie à M. Y,

— débouter la CPAM du Val de Marne venant aux droits de la CRAMIF de sa demande formulée à hauteur de 105 793,56 €,

— juger que les arrérages échus et le capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d’invalidité servie à M. Y s’imputeront sur les sommes qui seront allouées à M. Y au titre de l’incidence professionnelle, puis du déficit fonctionnel permanent,

— juger que la GMF ne pourra se voir condamner à verser à la CPAM du Val de Marne venant aux droits de la CRAMIF, qu’une somme dans la limite de 56 160 € au titre des arrérages échus et du capital représentatif à échoir de la pension d’invalidité servie à M. Y,

— en tout état de cause, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M. Y les sommes de :

> 103 € au titre des dépenses de santé actuelles,

> 40 000 € au titre de l’incidence professionnelle sur laquelle s’impute la rente invalidité,

> 8 060 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

> 4 000 € au titre des souffrances endurées,

> 16 160 € au titre du déficit fonctionnel permanent sur lequel s’impute la rente invalidité,

> 4 000 € au titre du préjudice esthétique permanent,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de M. Y formées au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs, de complément d’expertise, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice sexuel et des dispositions de l’article L.211-13 du code des assurances,

— juger que la cour devra statuer en deniers ou quittances, provisions et sommes versées au titre de l’exécution provisoire non déduite,

— débouter M. Y du surplus de ses demandes plus amples et/ou contraires,

— débouter M. Y de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

— débouter la CPAM du Val de Marne venant aux droits de la CRAMIF du surplus de ses demandes plus amples et/ou contraires,

— débouter la CPAM du Val de Marne venant aux droits de la CRAMIF de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

— condamner M. Y aux entiers dépens de la procédure d’appel.

Selon dernières conclusions d’intervention volontaire notifiées le 22 février 2019, la CPAM du Val de Marne venant aux droits de la CRAMIF demande à la cour de :

— déclarer recevable l’intervention volontaire de la CPAM du Val de Marne venant aux droits de la CRAMIF selon la convention relative au transfert de l’activité du service recours contre tiers de la CRAMIF à la CPAM de Paris en date du 30 mars 2018,

— lui donner acte de ce qu’elle a attribué à M. Y une pension d’invalidité de première catégorie qui a pris effet le 15 mai 2013 et qui a été surclassée en deuxième catégorie à compter du 13 octobre 2014, imputable aux séquelles de l’accident du 28 août 1981,

— juger que sa créance s’élève au 18 juillet 2018 à la somme de 105 793,56 €,

— juger que sa créance s’impute sur le poste des pertes de gains professionnels actuels pour ce qui concerne les prestations servies avant le 6 janvier 2015, date de la consolidation de l’aggravation et sur les postes des pertes de gains professionnels futurs, de l’incidence professionnelle, et du déficit fonctionnel permanent pour les prestations servies après cette date,

— condamner la compagnie d’assurance GMF à lui rembourser la somme de 3 447,12 € au titre des arrérages échus du 15 mai 2013 au 13 octobre 2014, la somme de 20 737,09 € au titre des arrérages échus du 14 octobre 2014 au 30 juin 2018, et d’autre part les arrérages à échoir à compter du 1er juillet 2018 au fur et à mesure de leur échéance et jusqu’à la date de substitution d’une pension de retraite servie par la CNAV, à moins qu’ils ne préfèrent s’en libérer par le paiement du capital représentatif qui s’élève à 81 609,35 €, soit la somme totale de 105 793,56 €,

— condamner la compagnie d’assurance GMF à lui payer des intérêts de droit à compter du 4 mai 2016, date de la première demande formulée par conclusions signifiées devant le tribunal, pour les arrérages échus à cette date et à compter de chaque échéance pour les arrérages à échoir postérieurement,

— ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

— débouter la GMF de ses conclusions dirigées contre elle,

— condamner la compagnie d’assurance GMF au paiement à son profit de la somme de supplémentaire de 2 500 €, s’ajoutant à celle de 1 500 € allouée à ce titre par le tribunal, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais non répétibles exposés devant la cour,

— condamner la compagnie d’assurance GMF aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Stéphane Fertier, membre de l’AARPI JRF Avocats, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 15 avril 2019.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Les prétentions des parties peuvent être récapitulées comme suit :

jugement

demandes

offres

préjudices patrimoniaux temporaires - dépenses de santé à charge

103,00 €

103,00 €

103,00 €

— frais divers

1 020,00 €

1 020,00 €

500,00 €

— assistance par tierce personne

10 485,00 €

10 485,00 €

9 087,00 €

— perte de gains professionnels

0,00 €

31 112,75 €

0,00 €

permanents - dép. de santé futures à charge

44 674,76 €

111 500,18 €

0,00 €

subs. 100 723,12 €

subs. 33 682,07 €

— frais de logement adapté

745,42 €

776,50 €

763,61 €

subs. 727,35 €

— assistance par tierce personne

126 247,48 €

158 996,16 €

19 863,90 €

subs. 146 136,17 € + r. ann. 5 220,00 €

subs. 111 916,80 €

— perte de gains prof. futurs

0,00 €

451 560,58 €

0,00 €

subs. 411 557,88 €

— incidence professionnelle

0,00 €

40 000,00 €

* 40 000,00 €

subs. 8 000,00 €

préjudices extra-patrimoniaux temporaires - déficit fonctionnel temporaire

8 060,00 €

8 060,00 €

8 060,00 €

— souffrances endurées

4 000,00 €

4 000,00 €

4 000,00 €

— préjudice esthétique temporaire

0,00 €

1 000,00 €

0,00 €

permanents - déficit fonctionnel permanent

0,00 €

26 160,00 €

* 16 160,00 €

— préjudice esthétique permanent

4 000,00 €

4 000,00 €

4 000,00 €

— préjudice sexuel

0,00 €

3 000,00 €

0,00 €

— TOTAL

199 335,66 €

851 774,17 €

102 537,51 €

* à déduire reliquat arrérages échus et capital représentatif de la pension d’invalidité

Le docteur A, expert, a émis l’avis suivant sur l’aggravation du préjudice corporel subie par M. Y :

— aggravation brutale des douleurs lombaires à compter du 12 octobre 2012, constituée par un 'véritable bloc lombaire’ du fait d’une dégénérescence arthrosique post-traumatique rachidienne, avec des conséquences fonctionnelles,

— déficit fonctionnel temporaire partiel de 40 % du 12 octobre 2012 au 6 janvier 2015,

— assistance temporaire par tierce personne : 6 heures par semaine,

— nouvelles souffrances endurées : 2,7/7,

— consolidation fixée au 6 janvier 2015 (à l’âge de 54 ans),

— adaptation du logement : installation de barres d’appui dans les toilettes et dans la douche,

— dépenses de santé futures : achat de quatre paires de chaussures orthopédiques à tige montante à renouveler tous les deux ans,

— retentissement professionnel : la victime n’a jamais eu de cessation complète d’activité,

— déficit fonctionnel permanent : aggravation de 8 %, soit 34 % au total, en raison principalement d’importantes douleurs avec irradiations des deux membres inférieurs, d’une grande fatigabilité et d’une limitation du périmètre de marche,

— nouveau préjudice esthétique : 1,5/7,

— préjudice sexuel : absence de préjudice au sens médico-légal de la définition en raison de l’aggravation de l’état du demandeur, mais difficultés positionnelles.

Au vu de ces éléments et des pièces produites par les parties, l’aggravation du préjudice corporel de M. Y sera indemnisée comme suit.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

* dépenses de santé actuelles

Les parties acquiescent à l’indemnisation de 103 € allouée en première instance.

* frais divers

M. Y soulève sur le fondement de l’article 909 du code de procédure civile l’irrecevabilité de la demande de la GMF sollicitant l’infirmation du jugement lui ayant alloué la somme de 1 020 € au titre des frais de médecin conseil restés à sa charge, au motif qu’elle a déposé des conclusions d’appel incident le 22 novembre 2017, dans lesquelles elle sollicitait la confirmation du jugement entrepris sur ce point, et que dès lors ses conclusions du 22 février 2019 ont été notifiées après l’expiration du délai pour faire appel incident.

Si la demande était déclarée recevable, il sollicite la confirmation du jugement ayant fait droit à sa demande, en soulignant que l’assureur n’a pas à déterminer le montant que doit régler une victime à son médecin conseil et que les frais d’assistance à expertise constituent un préjudice indemnisable à part entière.

La GMF sollicite l’infirmation du jugement et offre la somme de 500 € en faisant valoir :

— que si la nomenclature Dintilhac prévoit la prise en charge des frais de médecin conseil au titre des frais divers, l’article R.4127-53 du code de la santé publique dispose que les honoraires du médecin 'doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte de la réglementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances particulières’ ; que s’agissant d’une convention d’honoraires établie entre la victime et son médecin, cette convention lui est inopposable à défaut d’y être partie,

— que le montant réclamé par M. Y apparaît excessif au regard de la simple assistance à une seule expertise et alors qu’aucun rapport n’a été rédigé par ce médecin conseil.

L’article 914 du code de procédure civile dispose, dans sa version en vigueur à la date de l’appel : le conseiller de la mise en état est, lorsqu’il est désigné et jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour prononcer la caducité de l’appel, pour déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910. Les parties ne sont plus recevables à invoquer la caducité ou l’irrecevabilité après son dessaisissement, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.

En application de ce texte, M. Y n’est pas recevable à soulever devant la cour l’irrecevabilité de

l’appel incident formé par la GMF sur ce poste de préjudice

Au vu de l’état de frais n°2435 établi par le docteur B, fixant ses honoraires d’assistance à expertise à la somme de 1 020 € (facture acquittée), il sera fait droit à la demande de M. Y. La présence d’un médecin conseil pour l’assister au cours de l’expertise judiciaire est en lien de causalité directe avec l’accident et l’aggravation de son état. Elle permet l’égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d’indemnisation et doit être prise en charge dans sa totalité, la GMF soutenant vainement que le montant des honoraires serait excessif alors qu’il n’apparaît pas critiquable au vu des spécialités de ce médecin et des tarifs couramment pratiqués.

* assistance par tierce personne

A la suite du dire adressé par le conseil de la victime, l’expert a majoré de 4 à 6 heures par semaine le besoin d’assistance par tierce personne de M. Y, imputable l’aggravation de son état de santé (aide à la toilette, habillage et déshabillage, ménage).

La période indemnisable court du 12 octobre 2012 au 6 janvier 2015.

Les parties acquiescent à l’avis expertal concernant le volume du besoin d’aide avant consolidation (soit 6 h x 116,5 semaines) et s’opposent uniquement sur le taux horaire, M. Y réclamant la confirmation du jugement ayant retenu un coût horaire de 15 € tandis que la GMF offre 13 €.

L’indemnisation sera fixée à hauteur de 15 € de l’heure s’agissant d’une assistance non médicalisée et non spécialisée, de sorte que la somme de 10 485 € sera allouée à la victime en confirmation du jugement (6h x 15 € x 116,5).

* perte de gains professionnels actuels

M. Y sollicite l’infirmation du jugement qui a rejeté sa demande d’indemnisation à ce titre au vu des conclusions de l’expert et en l’absence de justificatifs, notamment médicaux, de nature à établir une perte de revenus en lien direct et certain avec l’aggravation de son état.

Il fait valoir :

— que s’il est exact que dans son dire à l’expert, son conseil a mentionné qu’il n’avait pas eu de cessation d’activité, ne pouvant supporter de rester à ne rien faire, les éléments communiqués justifient sa perte de revenus et le docteur A a pris acte de ses observations en laissant au tribunal l’appréciation de ce poste de préjudice au regard des justificatifs produits,

— qu’au début de l’aggravation de son état de santé, il travaillait comme cuisinier en restauration collective et a été contraint dans un premier temps de ralentir son rythme de travail, puis dans un second temps de cesser toute activité, s’agissant d’une activité nécessitant la station debout prolongée et le port de charges lourdes, ce qui devenait de plus en plus difficile voire irréalisable certains jours ; que c’est la raison pour laquelle il a fait valoir ses droits au chômage à compter du 27 août 2012 ; qu’il lui a cependant été difficile de rester inactif si bien qu’il a accepté d’effectuer des extras à temps partiel (20 heures par semaine environ) jusqu’en octobre 2014, ces revenus déclarés fiscalement venant en complément des indemnités Assedic ; que sa grande fatigue et les douleurs importantes ressenties en fin de journée l’ont contraint à abandonner toute activité en octobre 2014,

— que les courtes missions d’intérim lui permettaient de cesser son activité jusqu’à ce que son état de santé lui permette de travailler à nouveau, ce qui explique qu’il n’ait jamais eu de visite pour déterminer son aptitude au travail ; qu’il n’a jamais été placé en arrêt de travail durant la période avant consolidation ni par conséquent bénéficié du versement d’indemnités journalières,

— que l’expert a évalué son déficit fonctionnel temporaire au taux de 40 % entre le 12 octobre 2012 au 6 janvier 2015 et que durant cette période, il a perçu une pension invalidité de première catégorie à compter du 15 mai 2013, puis de deuxième catégorie à compter du 13 octobre 2014 ; qu’il résulte de l’article L.341-4 du code de la sécurité sociale que le bénéficiaire d’une pension de première catégorie est un invalide capable d’exercer une activité rémunérée tandis que le bénéficiaire d’une pension de deuxième catégorie est absolument incapable d’exercer une profession quelconque,

— que dès le 22 avril 2013, il s’est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé par la MDPH ; que ces éléments mettent en évidence que dans un premier temps, il ne pouvait plus travailler dans les mêmes conditions qu’antérieurement à son aggravation, puis dans un second temps, qu’il ne pouvait plus exercer d’activité professionnelle.

Il évalue sa perte de gains comme suit (page 33 des conclusions) :

— moyenne des revenus perçus en 2011 et 2012 : 1 623,75 € par mois, soit à compter de l’aggravation jusqu’à la consolidation (26 mois 26 jours) une somme de 43 624,75 € correspondant aux revenus escomptés,

— salaires effectivement perçus durant cette période : 12 512 €,

— soit une perte égale à 31 112,75 €.

La GMF conclut au rejet de la demande en confirmation du jugement, en soulignant:

— que le parcours professionnel de M. Y démontre qu’il a toujours pu travailler depuis son accident, même postérieurement au mois d’octobre 2014, et que ses licenciements pour motif économique ne sauraient être imputables à l’accident,

— que l’expert n’a retenu aucune période d’arrêt d’activité et que rien dans son rapport ne permet d’établir la nécessité d’un arrêt de travail justifié par les séquelles de l’accident,

— que M. Y ne verse aux débats aucun document émanant de la médecine du travail et qu’il est surprenant qu’il n’ait perçu aucune indemnité journalière et qu’il ne produise aucun arrêt de travail ; qu’il a toujours travaillé jusqu’au 15 mai 2013, date de sa mise en invalidité, et même postérieurement ainsi qu’il résulte de ses déclarations lors de la réunion d’expertise du 16 janvier 2015.

Ce poste de préjudice tend à compenser les répercussions de l’invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à la consolidation de son état de santé. L’évaluation de la perte de gains alléguée doit être effectuée in concreto, au regard de la preuve d’une perte de revenus qui incombe à la victime pour la période du 12 octobre 2012 au 6 janvier 2015.

Il résulte des pièces versées aux débats que le parcours professionnel de M. Y a été le suivant.

Man’uvre dans une entreprise de 'fers et métaux', il a été contraint de changer d’orientation professionnelle en raison de l’accident. Il est devenu démarcheur vérificateur dans un cabinet immobilier jusqu’en 1985, jusqu’à la date de son licenciement pour motif économique. Il a connu une période de chômage jusqu’en 1989, date à partir de laquelle il est devenu ouvrier spécialisé en verrerie industrielle avec machine automatisée de 1989 à 1994, date de son licenciement pour motif économique. Il a ensuite travaillé avec son épouse qui venait d’ouvrir un café restaurant jusqu’en 2000, date de la vente du fonds de commerce. Du 1er septembre au 30 novembre 2008, il a travaillé comme adjoint technique contractuel au FAE d’Arcueil, puis jusqu’au 12 juillet 2010 en qualité d’adjoint technique stagiaire de deuxième classe (cuisine). Il a ensuite travaillé dans la restauration collective en qualité de cuisinier extra du 13 juillet 2010 au 12 octobre 2012, date de la crise de

lombalgie aiguë correspondant au début de l’aggravation de son état de santé fixé par l’expert. Il a fait valoir ses droits au chômage à compter du 27 août 2012, tout en continuant à travailler en intérim, en effectuant des extras à temps partiel plusieurs fois par semaine, puis uniquement certains samedis à compter de février 2014. Il a abandonné toute activité en octobre 2014.

Il est ainsi établi qu’au cours des années ayant précédé l’aggravation de son état de santé, M. Y a occupé des emplois de cuisinier de septembre 2008 à octobre 2012, dans la restauration collective puis dans le cadre de missions d’intérim ou d’extras de courte durée, tout en percevant l’allocation d’aide au retour à l’emploi à compter du 27 août 2012.

Le relevé de carrière versé aux débats ne démontre nullement de nombreuses périodes de chômage confirmant une situation précaire comme l’affirme la GMF.

Si le docteur A n’a pas retenu de période de cessation complète d’activité professionnelle en lien avec l’aggravation, comme souligné par les premiers juges, il a toutefois renvoyé à l’appréciation du tribunal l’existence du préjudice professionnel décrit par M. Y (la cour renvoie aux développements ci-après concernant les pertes de gains futurs).

Dans l’expertise initiale en date du 1er décembre 1984, le docteur X mentionnait que la victime n’avait pu reprendre la profession qu’elle exerçait avant l’accident. Il dérivait une reconversion dans un travail de bureau avec de petits déplacements, sans travail de force ou nécessitant une station debout prolongée, et fixait le déficit fonctionnel permanent subi par M. Y au taux de 26 %.

Le docteur A précise au titre du rappel des faits (page 7 du rapport) que M. Y a toutefois occupé plusieurs emplois dans la restauration, au cours desquels il ressentait des douleurs lombaires avec des irradiations dans les deux membres inférieurs ainsi qu’une fatigabilité importante ; qu’il a consulté régulièrement son médecin traitant qui lui a prescrit des antalgiques et des anti-inflammatoires, et ce jusqu’au 12 octobre 2012, date à laquelle il a ressenti des douleurs extrêmement violentes ayant donné lieu à un bilan radiologique lombaire mettant en évidence d’importantes séquelles traumatiques vertébrales. Un bilan spécialisé a été réalisé le 15 février 2013 au centre de rééducation de Coubert, suivi de divers examens en septembre et octobre 2013 (IRM et radiographie du rachis lombaire, échographie, hospitalisation de jour) puis en mai 2014 (échographie).

Les doléances exprimées par M. Y sont mentionnées comme suit dans le rapport (page 11) : 'Depuis l’indemnisation de 2005 (sic), le demandeur nous dit qu’il éprouve des douleurs lombaires importantes, avec des irradiations dans les deux membres inférieurs. Il a noté aussi une fatigabilité nette. Il nous dit que cela a impliqué un ralentissement de son activité depuis 2010. Il a souvent dû consulter son médecin traitant qui lui prescrit des anti-inflammatoires'.

Après avoir décrit 'un véritable bloc lombaire du fait de la dégénérescence arthrosique post-traumatique rachidienne, avec des conséquence fonctionnelles', l’expert a majoré de 8 % le déficit fonctionnel permanent résultant de l’aggravation, tout en précisant que depuis sa survenance le 12 octobre 2012 jusqu’à la consolidation, M. Y a souffert d’un déficit fonctionnel temporaire évalué au taux de 40 %.

Au vu de ce rappel chronologique et des précisions ainsi apportées par l’expert, il ne peut être reproché à M. Y de ne pas produire de justificatifs médicaux de nature à établir une perte de revenus en lien avec l’aggravation de son état, dès lors qu’il est justifié :

— d’un déficit fonctionnel temporaire de 40 % et de séquelles orthopédiques liées à la dégénérescence arthrosique rachidienne dont les conséquence fonctionnelles sont les suivantes : une grande fatigabilité, une raideur au réveil, des difficultés pour l’habillage, le déshabillage et la toilette, un

périmètre de marche limité à 500 mètres et de conduite automobile limité à 100 km, une impossibilité de porter des charges lourdes,

— de sa reconnaissance en qualité de travailleur handicapé à compter du 22 avril 2013,

— de son état d’invalidité constaté par le médecin conseil de la CPAM réduisant des 2/3 au moins sa capacité de travail ou de gains, justifiant le versement d’une pension d’invalidité première catégorie à compter du 15 mai 2013 puis d’invalidité deuxième catégorie à compter du 13 octobre 2014.

Si M. Y est parvenu à poursuivre son activité professionnelle et n’a fait l’objet d’aucun arrêt de travail, il résulte toutefois de ses avis d’imposition et des bulletins de salaire versés aux débats que le nombre d’heures travaillées était en baisse constante et que la réduction progressive de son activité a entraîné une baisse significative de ses revenus, divisés par deux entre 2011 (20 070 €) et 2013 (10 304 €), jusqu’à sa cessation d’activité en octobre 2014.

Il s’en déduit que s’il n’a jamais eu de cessation complète d’activité comme relevé par l’expert judiciaire, M. Y n’a pu continuer à travailler au même rythme et à maintenir son niveau de rémunération après la survenance de l’aggravation de son état de santé. La baisse de ses revenus, telle que démontrée ci-après, est dès lors imputable à l’aggravation et constitue par conséquent un préjudice indemnisable.

M. Y justifie avoir perçu avant la survenance de l’aggravation les salaires suivants :

— en 2011 : 20 070 € (avis d’imposition 2012),

— en 2012 : 12 605,11 € (revenus justifiés en pièce n°24, perçus entre le 4 janvier et le 28 septembre 2012).

Son revenu mensuel moyen s’élevait par conséquent à la somme de :

(20 070 € + 12 605,11 €) / 21 mois = 1 555,96 €.

Sa perte théorique de gains s’établit donc comme suit à compter du 12 octobre 2012 jusqu’à la consolidation : 1 555,96 € x 26,79 mois = 41 684,10 €.

Il justifie avoir perçu les revenus suivants :

— en 2012 : il se déduit de la différence entre les revenus dont il justifie jusqu’au 28 septembre 2012 (12 605,11€) et les revenus déclarés au titre de l’année 2012 (15 750 €) que M. Y a perçu entre octobre et décembre 2012 des salaires pour un montant total de 3 144,89 €,

— en 2013 : 10 304 € (avis d’imposition 2014),

— en 2014 : 2 208 € (avis d’imposition 2015),

— soit un total de 15 656,89 €.

Sa perte de gains professionnels actuels est par conséquent fixée à la somme de 26 027,21 € (41 684,10 € – 15 656,89 €).

Les arrérages échus versés jusqu’au 6 janvier 2015 par la CRAMIF au titre de la pension d’invalidité de deuxième catégorie liée à l’aggravation étant imputables sur le poste de perte de gains professionnels actuels en application de la subrogation légale dont bénéficie ladite caisse (dont le recours sera examiné infra), ce poste de préjudice est liquidé à la somme de 24 928,04 € (26 027,21 €

—  1 099,17 €).

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

* dépenses de santé futures

Le tribunal a entériné les conclusions de l’expert judiciaire en évaluant comme suit ce poste de préjudice :

— quatre paires de chaussures orthopédiques par an, au coût de 1 207,92 €, soit une dépense annuelle de 4 831,68 €,

— sur la base d’un renouvellement tous les deux ans et avec capitalisation selon l’euro de rente pour un homme de 55 ans issu du barème publié par la Gazette du Palais 2013 : 4 831,68 €/2 x 21,270 = 51 384,91 €,

— soit la somme de 44 674,76 € revenant à la victime après déduction de la créance de la CPAM (6 710,15 €).

M. Y conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a fait droit à sa demande de quatre paires de chaussures orthopédiques par an, mais à son infirmation concernant l’évaluation de cette dépense. Il fait valoir :

— que l’évaluation du préjudice corporel devant avoir pour objet de replacer la victime dans les mêmes conditions d’existence qui étaient les siennes avant l’accident, c’est à juste titre que l’expert a fait droit à sa demande de fixer ses besoins à quatre paires par an (deux paires pour l’hiver et deux paires pour l’été), ce qui correspond au nombre moyen de chaussures achetées par les Français,

— que le tribunal a omis quatre paires de chaussures sur les deux années servant de référence, puisque sur deux ans ce sont huit paires dont il doit pouvoir bénéficier,

— enfin, que la CPAM n’indemnise qu’une paire de chaussures orthopédiques tous les deux ans, à hauteur 404,47 €.

Il sollicite l’évaluation de son préjudice comme suit :

— dépense première année : 1 207,92 € x 4 paires = 4 831,68 €

— dépense deuxième année : 1 207,92 x 3 paires + (1 207,92 € – 404,47 €) = 4 427,21 €

— soit une dépense totale de 9 258,89 € capitalisée sur une base de renouvellement tous les deux ans et selon l’euro de rente pour un homme de 55 ans à la date d’attribution issu du barème publié par la Gazette du Palais du 28 novembre 2017 au taux de 0,50 %, version la plus actualisée des précédents barèmes, soit :

9 258,89 €/2 ans x 24,085 = 111 500,18 €.

La GMF conclut au rejet de la demande aux motifs :

— que M. Y a indiqué à l’expert qu’il n’avait jamais porté ce type de chaussures, qu’il n’en porterait pas car il les trouve 'disgracieuses’ et qu’il préférait porter des chaussures montantes,

— que le juge n’est pas tenu par le rapport médical,

— que sauf preuve du contraire, M. Y n’a pas fait usage de chaussures médicales spécifiques depuis l’aggravation de son état et que le replacer dans la situation qui était la sienne avant l’accident ne signifie pas qu’il soit indemnisé au titre de frais qu’il n’a jamais engagés et n’engagera jamais.

Subsidiairement, elle considère qu’elle n’a pas à prendre en charge l’acquisition des chaussures mais la différence entre des chaussures ordinaires et des chaussures orthopédiques, ce qui réduit forfaitairement le coût de 1/3 et offre de liquider ce poste de préjudice sur la base de deux paires de chaussures par an de la manière suivante :

— acquisition : 1 207,92 € x 2 x 2/3 = 1 610,56 €

— renouvellement : 1 610,56 € x 23,06 (euro de rente viagère à 55 ans issu du BCRIV 2018) = 37 139,51 €

— à déduire : remboursement CPAM pour l’acquisition (404,47 €) + remboursement CPAM pour les renouvellements (404,47 € /2 x 23,06)

— soit un solde revenant à la victime égal à 33 682,07 €.

Ce poste de préjudice comprend les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, postérieurs à la consolidation de la victime, mais qui sont médicalement prévisibles, répétitifs et rendus nécessaires par l’état pathologique permanent et chronique de la victime.

Dans son pré-rapport, l’expert indiquait que 'du fait de la paralysie du nerf sciatique poplité externe et du steppage à la marche, une attelle de releveur du pied doit être prescrite ; cependant le demandeur refuse le port de celle-ci et préfère porter des chaussures montantes ; il convient donc d’envisager l’achat d’une paire de chaussures orthopédiques à tige montante, à renouveler tous les deux ans'.

A la suite du dire du conseil de la victime, il a conclu son rapport comme suit : 'Il convient d’envisager l’achat de quatre paires de chaussures à tige montante par an (deux pour l’été et deux pour l’hiver), qu’il convient de renouveler tous les deux ans'.

La GMF ne peut tirer argument de ce que M. Y préfère porter des chaussures montantes et n’a pas fait usage de chaussures orthopédiques depuis l’aggravation de son état, pour tenter de contourner le principe de la réparation intégrale du préjudice en affirmant qu’il ne peut être indemnisé de frais qu’il n’engagera jamais, alors que M. Y sollicite l’indemnisation d’un besoin défini par l’expert et imputable à l’accident, soit une créance indemnitaire de valeur dont il peut se prévaloir dès la date de consolidation.

Ce poste de préjudice sera donc évalué sur la base des conclusions de l’expert, qui contrairement à ce qu’indique M. Y, n’a pas retenu un besoin de huit paires sur les deux années de référence mais bien de quatre paires par an renouvelable tous les deux ans. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

La réparation intégrale ayant pour objectif de replacer la victime dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit, seul le surcoût lié à l’acquisition de chaussures orthopédiques au lieu de chaussures ordinaires sera mis à la charge de la GMF. Au vu du devis versé aux débats fixant le coût d’une paire de chaussures orthopédiques à la somme de 1 207,92 € (pièce n°23), non contesté par l’intimée, $ce surcoût sera fixé à 1 157,92 €, étant observé que la GMF n’hésite pas à affirmer que M. Y dépenserait pour l’achat d’une paire de chaussures une somme de 402,64 € (1/3 de 1 207,92 €) soit l’équivalent de 26 % son revenu de référence fixé à 1555,96 €.

Les parties s’accordent sur un renouvellement tous les deux ans mais s’opposent sur le choix du barème de capitalisation. Il sera fait application du barème publié par la Gazette du Palais pour 2018 au taux de 0,50 % dès lors que ce barème et le BCRIV 2018 invoqué par la GMF sont élaborés sur la base des mêmes tables de mortalité 2010-2012 publiées en 2015 et sur l’évolution du taux de l’inflation durant la même période de référence (2014 à 2016), mais qu’ils diffèrent quant au taux de rendement des capitaux appliqué, celui publié par la Gazette du Palais fondé sur le TEC 10 (taux de rendement des emprunts d’Etat à 10 ans) étant économiquement plus pertinent pour un capital indemnitaire.

Ce poste de préjudice sera indemnisé de la manière suivante :

— dépense annuelle : (1 157,92 € x 4) /2 = 2 315,84 €,

— dépense capitalisée à compter du premier renouvellement, soit le 7 janvier 2017, selon l’euro de rente viagère issu du barème GP 2018 pour un homme de 56 ans : 2 315,84 € x 23,386 = 54 158,23 €,

— total : 56 474,07 €.

Il résulte de l’attestation de frais futurs établie le 15 juillet 2015 par le médecin conseil de la CPAM (pièce n°30) que la part de remboursement pour une paire de chaussures orthopédiques tous les deux ans s’élève à la somme de 404,47 €, le coût total des frais futurs après capitalisation viagère étant fixé à 6 710,15 €.

Ce poste de préjudice sera donc liquidé à la somme de 49 359,45 € [soit 56 474,07 € – (404,47 € + 6 710,15 €)].

* frais de logement adapté

Le tribunal a constaté l’accord des parties sur le coût initial d’une barre d’appui (25,08 €), d’une barre d’appui angulaire (180,60 €) et d’une planche de bains (37,20 €) et leur renouvellement tous les 10 ans. Faisant application du barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais 2013 au taux de 1,20 %, il a indemnisé ce poste de préjudice comme suit :

— au titre de l’achat initial : 25,08 € + 180,60 €+ 37,20 € = 242,88 €,

— au titre du renouvellement : 242,88 /10 ans x 20,691 (euro de rente pour un homme de

56 ans) = 502,54 €,

— soit la somme de 745,42 € revenant à la victime.

Les besoins identifiés par l’expert (barre d’appui dans les toilettes et dans la douche et planche de bains) ne sont pas contestés par les parties, qui s’accordent sur le coût du matériel (242,88 €) et la périodicité du renouvellement (10 ans) mais s’opposent sur le barème de capitalisation utilisé pour la liquidation de ce poste de préjudice, tout en retenant l’euro de rente viagère à l’âge de 58 ans à la date d’attribution.

M. Y sollicite la somme de 776,50 € (détaillée en page 44 et 45 de ses conclusions), tandis que la GMF offre la somme de 763,61 €, laquelle ne correspond ni à son propre calcul ni à la confirmation du jugement de première instance, contrairement à ce qu’elle indique en page 30 des conclusions.

Ce poste de préjudice sera calculé comme suit :

— coût d’acquisition = 242,88 €

— dépense annuelle capitalisée conformément à la demande de la victime (euro de rente viagère pour un homme de 58 ans issu du barème GP 2018) :

(242,88 € / 10 ans) x 22,00 = 534,34 €

— total = 777,22 €.

En application de l’article 5 du code de procédure civile, l’indemnisation de ce poste de préjudice sera liquidée à la somme de 776,50 € demandée par la victime.

* assistance par tierce personne

M. Y sollicite la confirmation du jugement ayant fait droit à sa demande d’indemnisation de ce poste de préjudice sous forme de capital, en l’absence de risque compte tenu de son âge et de son degré d’autonomie, mais son infirmation du fait de l’actualisation et la fixation du coût horaire d’indemnisation non à 16 € mais à 18 € pour la période future, réclamant une somme totale de 158 996,16 € (détaillée en page 36 des conclusions).

La GMF propose l’indemnisation de ce poste de préjudice sur la base d’un coût horaire de 15 € et sous la forme d’une rente trimestrielle, en soulignant qu’elle apparaît avantageuse pour la victime ayant encore une longue espérance de vie, puisqu’elle serait ainsi protégée contre l’inflation grâce au mécanisme légal de la revalorisation. Elle offre une somme de 19 863,90 € pour la période échue au 31 mars 2019 et à compter du 1er avril 2019, une rente annuelle de 5 220 € payable à terme échu avec échéance trimestrielle et revalorisée selon les modalités de loi n°74-1118 du 27 décembre 1974.

Subsidiairement, elle propose pour la période future le versement d’un capital d’un montant de 111 916,80 € calculée sur la base de 58 semaines et d’une dépense annuelle capitalisée selon l’euro de rente viagère pour un homme de 58 ans issu du BCRIV 2018.

Si le mode de réparation du dommage relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, le choix entre rente ou capital est dicté par l’intérêt de la victime, dont la sécurité financière doit être garantie pour l’avenir. L’indemnisation réclamée est destinée à compenser un handicap par une aide humaine pérenne. La GMF ne démontre pas que le versement de celle-ci sous forme de rente serait davantage conforme à l’intérêt de M. Y, âgé de 59 ans (moins une semaine) à la date de la liquidation et souffrant d’importantes séquelles orthopédiques. La preuve n’est pas davantage rapportée qu’il serait dans l’incapacité de gérer en bon père de famille un capital alloué en compensation de son préjudice.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande d’indemnisation sous forme de capital pour la période future.

Conformément à la demande, le coût horaire d’indemnisation sera fixé à 16 € pour les arrérages échus. Pour la période future, il sera porté à 18 € compte tenu de l’érosion monétaire et l’indemnisation sera calculée sur la base de 58 semaines, non contestée par l’intimée.

Le juge ayant l’obligation d’évaluer le préjudice à la date la plus proche du jour où il statue, ce poste de préjudice sera liquidé comme suit, en distinguant les arrérages échus de la période future, avec capitalisation sur la base de l’euro de rente viagère pour un homme de 59 ans au jour de la liquidation issu du barème GP 2018 :

> du 7 janvier 2015 au 15 septembre 2019 :

6h x 16 € x 244,71 semaines = 23 492,57 €

> à compter du 16 septembre 2019 :

6h x 18 € x 58 semaines x 21,312 = 133 498,37 €.

Ce poste de préjudice est ainsi liquidé à la somme de 156 990,94 €.

* perte de gains professionnels futurs

M. Y sollicite l’infirmation du jugement qui a rejeté sa demande d’indemnisation au motif que le seul examen des revenus perçus et les affirmations du requérant ne peuvent caractériser le préjudice allégué faute de conclusions expertales ou d’éléments médicaux suffisamment probants pour les étayer.

Il fait valoir :

— qu’il a été considéré par son organisme social comme souffrant d’une incapacité rendant absolument impossible toute activité professionnelle,

— que la modification de la nature de son handicap, justifiée par la lecture du rapport d’expertise, a eu des conséquences sur son parcours professionnel ; que s’il a pu travailler après l’accident, il a été contraint de ralentir le rythme au fur et à mesure des années, parallèlement à l’apparition de l’aggravation de son état de santé ; que c’est au moment où les douleurs sont devenues insupportables et son handicap de plus en plus invalidant qu’il a fait le choix de travailler en intérim, ce qui lui permettait de ne pas travailler en période de crise, d’où ses périodes d’inactivité ; qu’il a toujours eu la volonté de travailler à chaque fois qu’il en était physiquement capable,

— que sa perte de revenus à compter du 7 janvier 2015 est illustrée par le descriptif de ses emplois et salaires correspondants ; qu’il ne sollicite pas l’indemnisation d’une perte totale de revenus puisqu’il déduit ceux qu’il a perçus depuis sa consolidation ; qu’ils ont été particulièrement modestes en 2017 compte tenu de son état de santé puis très réduits en 2018 puisqu’il n’a travaillé qu’en janvier et en août ; qu’il ne travaille plus depuis.

Il évalue comme suit sa perte théorique de gains, sur la base d’un salaire moyen mensuel de 1 623,75 € (selon détail en pages 41-41 des conclusions) :

> du 6 janvier 2015 au 31 mars 2019 :

(1 623,75 € x 50 mois) + (1 623,75 € x 26/30 jours) = 82 594,75 €

> à compter du 1er avril 2019 :

— perte annuelle : 1 623,75 € x 12 mois = 19 485 €

— capitalisée sur la base de l’euro de rente viagère afin de compenser la perte de retraite, pour un homme de 58 ans, issu du barème GP 2018 : 19 485 € x 22,000 = 428 670 €.

Après déduction des salaires perçus de 2015 à 2018 (16 466,17 €) et imputation de la créance de la CPAM (arrérages échus imputables à l’aggravation : 16 453,75 € + capital représentatif strictement imputable à l’aggravation : 26 784,25 €), il évalue sa perte de gains à la somme de 451 560,58 €.

La GMF sollicite la confirmation du jugement en faisant valoir :

— que l’expert n’a pas conclu à l’impossibilité d’exercer une quelconque activité professionnelle,

— que les pièces versées aux débats démontrent que M. Y a continué à travailler depuis son aggravation (comme en attestent ses bulletins de salaire de 2000 à 2018),

— qu’il ne justifie pas de sa demande et ne fait qu’opérer un calcul hypothétique,

— qu’à supposer qu’il existe une perte ou diminution de ses revenus professionnels futurs provenant de la perte de son emploi ou de la réduction de son temps de travail, la causalité médico-légale n’est pas établie, et que même dans cette hypothèse, la cour ne doit pas perdre de vue la précarité de sa situation initiale,

— qu’il a déjà été indemnisé à hauteur du taux d’AIPP initial fixé à 26 % et que ce n’est pas le différentiel de 8 % qui peut justifier les sommes 'faramineuses’ sollicitées par la victime.

Ce poste de préjudice indemnise la victime de la perte ou la diminution directe de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité spécifique partielle ou totale à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour elle d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé.

Dans son rapport clos le 1er décembre 1984, le docteur X écrivait au titre des conséquences de l’accident du 28 août 1981 : 'La victime n’a pu reprendre la profession qu’elle exerçait avant l’accident. Elle a été reconvertie dans un travail de bureau avec de petits déplacements. Elle ne peut pas faire de travail de force ou de travail nécessitant une station debout prolongée'.

Le désaccord qui oppose les parties s’agissant du préjudice professionnel imputable à l’aggravation de son état de santé trouve sa source, notamment, dans l’expertise judiciaire réalisée par le docteur A, qui n’a pas répondu aux questions précises de sa mission.

Ainsi :

— en réponse à la question n°10 a) ('donner un avis détaillé sur la difficulté ou l’impossibilité, temporaire ou définitive, pour la victime de poursuivre l’exercice de sa profession', il écrit dans son pré-rapport : 'M. Y n’a jamais eu de cessation complète d’activité', sans aucun autre développement,

— puis en réponse au dire détaillé du conseil de la victime, soulignant que l’aggravation de son état l’a contraint à ralentir le rythme puis à cesser toute activité, l’expert indique dans son rapport définitif : 'Je prends acte de cela. Les justificatifs seront produits au tribunal',

— enfin, à la question n°10 b) ('donner un avis détaillé sur la difficulté ou l’impossibilité, temporaire ou définitive, pour la victime d’opérer une reconversion'), et malgré l’évolution de la situation professionnelle de M. Y telle que décrite dans le dire précité, il écrit : 'sans objet'.

Ces réponses lacunaires ne permettent en aucun cas d’affirmer, comme le fait la GMF, qu’aucun préjudice ne serait établi puisque l’expert ne conclut pas à une impossibilité d’exercer une quelconque activité professionnelle. L’expert ne s’est en effet prononcé ni sur l’aptitude de M. Y à l’exercice de la profession de cuisinier, ni sur la nécessité ou non d’une reconversion professionnelle, ou à tout le moins d’un aménagement nécessaire de son poste de travail (temps partiel).

Dans le dire adressé à l’expert le 26 mars 2015, le conseil de M. Y écrivait :

'L’aggravation de son état l’a contraint dans un premier temps à ralentir le rythme et dans un second temps à cesser toute activité. En effet, en 2012, date à laquelle vous avez fait partir le début de son aggravation, M. Y travaillait en intérim, en restauration collective à temps complet (35 heures), et ce depuis les années 2000 (…).

En effet, le métier de cuisinier en restauration collective nécessite de rester debout de façon prolongée, de porter des charges lourdes, ce qui accentuait sa fatigabilité et devenait de plus en plus pénible voire irréalisable certains jours. C’est la raison pour laquelle il a fait valoir ses droits au chômage à compter du 27 août 2012.

Il a cependant été particulièrement difficile moralement pour M. Y de rester inactif. C’est la raison pour laquelle il a accepté d’effectuer des extras (déclarés fiscalement et qui venaient en complément de ses Assedic) à temps partiel (20 heures par semaine environ) chez des amis restaurateurs jusqu’en février 2014. Il est bien évident, que compte tenu des relations qui les unissaient, ils acceptaient les pauses qu’il était contraint d’effectuer pendant le service quand cela s’avérait nécessaire. Il n’en demeure pas moins qu’il se trouvait dans un état de grande fatigue et perclus de douleurs à la fin de la journée.

Constatant que son état de santé ne lui permettait plus d’effectuer des extras plusieurs fois par semaine, il a décidé de limiter ces derniers à certains samedis dès le mois de février 2014 (environ un ou deux samedis par mois). Malheureusement, et bien que cela demeurait très important pour son moral, il a été contraint d’abandonner toute activité en octobre 2014. Depuis, il est chômage et ne perçoit plus que les Assedic'.

Les avis d’imposition versés aux débats établissent toutefois que postérieurement à la consolidation fixée le 6 janvier 2015, et malgré les séquelles de l’aggravation et les limitations fonctionnelles en résultant (décrites supra), M. Y a poursuivi une activité professionnelle lui procurant des revenus, en complément de la pension d’invalidité versée par la CPAM et des indemnités chômage. Les bulletins de salaire produits au titre de l’année 2017 montrent qu’il a été employé comme cuisinier, chef de partie ou chef de cuisine, second de cuisine ou conseiller technique culinaire.

La poursuite d’une activité salariée n’est pas contestée par l’intéressé, qui souligne que sa demande d’indemnisation ne porte pas sur une perte totale de gains futurs puisqu’il propose à la cour d’évaluer son préjudice professionnel en déduisant les salaires perçus postérieurement à sa consolidation, de 2015 à 2018 (page 40 des conclusions), tout en affirmant qu’il ne travaille plus depuis le mois d’août 2018.

Force est de constater qu’il ne produit aucun avis médical circonstancié qui établirait que les séquelles de l’aggravation de son état de santé seraient à l’origine d’une inaptitude, totale ou partielle, à l’exercice de son métier de cuisinier ou de tout autre profession.

S’il démontre ainsi avoir conservé une capacité de gains, il est démontré que celle-ci est nettement réduite par comparaison avec les revenus perçus avant l’aggravation. Il résulte en effet des salaires perçu entre janvier 2015 et août 2018 inclus (dernier bulletin de salaire communiqué) que, contrairement au revenu de référence retenu pour l’évaluation de la perte de gains avant consolidation, fixé à la somme de 1 555,96 €, M. Y a perçu un salaire moyen mensuel de 374,23 € établi comme suit :

2015

4 322,00 €

2016

5 325,00 €

2017

5 445,00 €

du 01 au 08/2018

1 374,17 €

total

16 466,17 €

salaire moyen mensuel

374,23 €

Il convient donc de considérer que l’aggravation de l’état de santé de M. Y est à l’origine, non d’une perte totale de gains, mais d’une réduction de sa capacité de gains, laquelle constitue un préjudice indemnisable imputable à la majoration des séquelles orthopédiques.

La GMF est mal fondée à soutenir que M. Y aurait déjà été indemnisé à hauteur du taux d’AIPP initial fixé à 26 % et que 'ce n’est pas le différentiel de 8 % qui justifierait les sommes faramineuses sollicitées’ (page 30 des conclusions), alors que d’une part, aucune perte de gains professionnels futurs n’a été indemnisée au titre du préjudice initial (la transaction concernant uniquement les postes suivants : ITT, IPP à 26 %, souffrances endurées, préjudices esthétique et d’agrément – pièce n°34), et que d’autre part, l’amalgame entre le taux du déficit fonctionnel permanent (8 % au titre de l’aggravation) et la capacité résiduelle de travail et de gains est dénué de pertinence.

Ce poste de préjudice sera donc indemnisé en tenant compte, pour les déduire de sa perte théorique de gains, soit des salaires effectivement perçus par l’intéressé, soit de sa capacité résiduelle de gains, et ce en application du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

> pour la période échue, soit du 7 janvier 2015 au 15 septembre 2019 :

La perte théorique de gains s’élève pour cette période à :

1 555,96 € x 56,16 mois = 87 382,71 €.

Jusqu’au mois d’août 2018 inclus, M. Y justifie avoir perçu des revenus salariaux pour un montant de 16 466,17 € (cf. supra).

Pour la période du 1er septembre 2018 au 15 septembre 2019, sa capacité de gains résiduelle est évaluée comme suit : 374,23 € x 12,46 mois = 4 662,92 €.

Sa perte de gains pour la période échue est dès lors évaluée à 66 253,62 € [87 382,71 € – (16 466,17 € + 4 662,92 €)].

> pour la période future à compter du 16 septembre 2019 :

La perte de gains mensuelle s’élève à 1 555,96 € – 374,23 € = 1 181,73 €, soit une perte annuelle de 14 180,76 €.

Né le […], M. Y sollicite la capitalisation viagère de sa perte de gains annuelle 'afin de compenser la perte de retraite', sans autre explication.

En application des articles L.161-17-2 et L.161-17-3 du code de la sécurité sociale, l’âge légal d’ouverture du droit à une pension de retraite pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 est fixé à 62 ans, et la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein est fixée à 167 trimestres pour les assurés nés entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960.

Le relevé de carrière versé aux débats fait mention, à la date du 31 mars 2015, d’une durée de cotisation de 133 trimestres. M. Y ne démontre pas que l’aggravation de son état aurait causé une perte de durée de cotisation pour l’assurance vieillesse puisque selon l’article R.351-12 alinéa 1er et § 3° du code de la sécurité sociale, chaque trimestre civil comportant une échéance de paiement des arrérages d’une pension d’invalidité est compté comme période d’assurance.

L’indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs sera dès lors liquidée à compter du 16 septembre 2019 avec capitalisation temporaire jusqu’à l’âge légal d’ouverture du droit à la retraite, puis capitalisation viagère, la perte de droits de retraite étant calculée en application du taux plein (50

%) fixé par l’article R.351-27 du code de la sécurité sociale, soit :

— jusqu’à l’âge de la retraite, sur la base de l’euro de rente temporaire pour un homme de 59 à 62 ans issu du barème GP 2018 : 14 180,76 € x 2,911 = 41 280,19 €

— à compter de la retraite, sur la base de l’euro de rente viagère pour un homme de 62 ans : (14 180,76 € x 50 %) x 19,268 = 136 617,44 €

— total : 177 897,63 €.

La perte de gains futurs est évaluée à la somme de 244 151,25 € (66 253,62 € + 177 897,63 €).

Après déduction du montant de la créance de la CRAMIF au titre de la pension d’invalidité strictement imputable à l’aggravation (dont le recours sera examiné infra), ce poste de préjudice est liquidé à la somme de 200 904,80 € (244 151,25 € – 43 246,45 €).

* incidence professionnelle

Le tribunal a alloué à M. Y la somme de 40 000 € en réparation de ce poste de préjudice, compte tenu de l’aggravation de son état constituée de douleurs rachidiennes qualifiées de 'bloc lombaire’ par l’expert et justifiant une aggravation de son taux de déficit fonctionnel permanent, de la pénibilité accrue dans l’exercice de sa profession, de sa dévalorisation sur le marché du travail en raison de la moindre résistance physique qui est désormais la sienne, et enfin de l’offre d’indemnisation de la GMF.

M. Y sollicite la confirmation du jugement dans l’hypothèse où la cour considérerait qu’il peut travailler, la somme de 40 000 € indemnisant alors la pénibilité de l’emploi occupé et la fatigabilité dans l’exercice de la profession. Il réclame en revanche, dans l’hypothèse où la cour considérerait qu’il ne peut plus travailler à l’avenir, la somme de 8 000 € à titre de réparation de l’incidence professionnelle subie pendant la période durant laquelle il a travaillé.

La GMF sollicite la confirmation du jugement entrepris qui, ayant rejeté sa demande au titre des pertes de gains futurs, indemnisé la pénibilité de sa vie professionnelle future à hauteur de 40 000 €, somme sur laquelle s’impute la rente invalidité.

L’incidence professionnelle tend à indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou de la nécessité de devoir abandonner la profession exercée avant le dommage au profit d’une autre choisie en raison de la survenance de son handicap.

M. Y subit sur le plan professionnel une pénibilité et une fatigabilité accrues en lien avec l’aggravation de son état.

Compte tenu de son âge au jour de sa consolidation (54 ans) et de la durée prévisible pendant laquelle l’incidence professionnelle est susceptible d’être subie (soit 8 ans jusqu’à son départ à la retraite), l’indemnisation de ce poste de préjudice est liquidée à la somme de 12 000 €, en l’absence de reliquat de créance de la CRAMIF au titre de la pension d’invalidité de deuxième catégorie versée à la victime.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

* déficit fonctionnel temporaire

Les parties acquiescent à l’indemnisation de 8 060 € allouée en première instance.

* souffrances endurées

Les parties acquiescent à l’indemnisation de 4 000 € allouée en première instance.

* préjudice esthétique temporaire

M. Y conclut à l’infirmation du jugement ayant rejeté sa demande au motif qu’il ne justifie pas d’un préjudice esthétique temporaire distinct du préjudice esthétique permanent.

Il sollicite la somme de 1 000 € en faisant valoir qu’il a subi une altération de son apparence physique évidente durant la période de déficit fonctionnel temporaire, du fait de ses difficultés à la marche, à la fois lente et précautionneuse, et que l’expert a coté ce préjudice à 1,5/7.

La GMF sollicite le rejet de la demande en confirmation du jugement.

L’expert précise que la marche est réalisée 'avec un steppage important à droite (il doit sur-fléchir la hanche pour passer le pas)' et conclut son rapport de la manière suivante : 'Les nouvelles atteintes esthétiques sont qualifiées de très légères à légères et sont évaluées à 1,5/7, justifiées par la marche lente et précautionneuse liée au bloc lombaire'.

Si l’expert ne s’est pas prononcé sur l’existence d’un préjudice esthétique avant consolidation, ce préjudice spécifique temporaire n’en demeure pas moins établi puisqu’il résulte de l’évaluation au degré 1,5/7 de l’atteinte esthétique liée à l’altération de la marche du fait des séquelles orthopédiques que dès avant la consolidation de son état de santé, et pour les mêmes raisons, M. Y présentait déjà une altération de son apparence physique au moins équivalente.

Compte tenu de la durée de la période indemnisable et de l’âge de M. Y à la date de l’aggravation (52 ans), il sera fait droit à sa demande et la somme de 1 000 € lui sera allouée en réparation de ce poste de préjudice.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

* déficit fonctionnel permanent

L’expert a évalué l’aggravation de l’état de santé de M. Y au taux de 8 %, le déficit fonctionnel permanent étant ainsi fixé à 34 % contre 26 % retenu en 1984.

M. Y considère que l’indemnité allouée à ce titre par le tribunal est insuffisante (16 160 € sur la base d’une valeur du point d’incapacité fixée à 2 020 €), en ce qu’elle ne prend pas en compte la perte de qualité de vie personnelle, sociale et familiale liée à la privation ou à la gêne des agréments normaux de la vie courante.

Il fait valoir :

— qu’il convient de l’indemniser sur la base de la valeur du point de l’incapacité initiale, soit dans la séquence 26-35 % pour une victime âgée de 54 ans à la date de consolidation sur aggravation, mais également au regard des souffrances physiques et morales endurées après consolidation des blessures et de la perte de qualité de vie personnelle, sociale et familiale,

— que sur le plan strictement physiologique, l’incapacité physiologique résultant des atteintes de la locomotion justifie une indemnité de 16 160 € sur la base de la valeur du point de 2 020 € ; que la gêne définitive dans la jouissance des agréments normaux de la vie courante justifie la somme de

10 000 € à titre d’indemnisation complémentaire.

La GMF conclut à la confirmation du jugement en offrant une somme de 16 160 €, somme sur laquelle s’impute la rente invalidité.

Le déficit fonctionnel permanent tend à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte aux fonctions physiologiques de la victime, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien.

Compte tenu de l’aggravation de 8 % du taux de déficit fonctionnel permanent, du taux global de déficit fonctionnel actuel (34 %), et M. Y étant âgé de 54 ans au jour de la consolidation de son aggravation, l’indemnisation de ce poste de préjudice, dans l’ensemble de ses composantes compte tenu du déficit fonctionnel, des douleurs persistantes et de la perte de qualité de vie induite par ces handicaps, sera liquidée à la somme de 22 000 €.

* préjudice esthétique permanent

Les parties acquiescent à l’indemnisation de 4 000 € allouée en première instance.

* préjudice sexuel

Le tribunal a débouté M. Y de sa demande, en rappelant les conclusions de l’expert tout en relevant que l’expertise initiale de 1984 avait retenu au titre des séquelles imputables à l’accident 'des troubles sexuels importants avec impuissance’ ; que le préjudice sexuel, qui ne faisait pas encore l’objet d’une indemnisation autonome, a été intégré dans l’indemnité allouée au titre de l’incapacité permanente partielle lors de la transaction ; qu’il résulte de ces éléments qu’aucune aggravation du préjudice sexuel imputable à l’accident n’est caractérisée.

M. Y sollicite l’infirmation du jugement et la somme de 3 000 €, en soulignant que rien dans la transaction ne permet de dire que le préjudice sexuel a été indemnisé en tant que composante du poste d’incapacité permanente partielle, et que parmi les troubles sexuels décrits dans l’expertise initiale, il n’est pas fait mention de difficultés positionnelles, lesquelles résultent désormais des douleurs très importantes du rachis lombaires.

La GMF conclut au rejet de la demande en faisant valoir que l’expert a conclu à l’absence de préjudice sexuel au sens médico-légal lié à l’aggravation mais à des 'difficultés positionnelles', que l’expertise initiale de 1984 a retenu des troubles sexuels importants avec impuissance, qui ont été indemnisés lors de la transaction au titre de l’incapacité permanente partielle, et qu’aucune aggravation de ce préjudice spécifique n’est caractérisée.

Le préjudice sexuel recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement :

— le préjudice morphologique, lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi,

— le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer,

— le préjudice lié à l’acte sexuel, résultant de la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir).

Si l’expertise initiale réalisée par le docteur X mentionnait 'des troubles sexuels importants avec impuissance’ (page 6 du rapport) alors que M. Y décrivait 'une impuissance sexuelle complète’ (page 3), le docteur A, appelé à se prononcer sur les conséquences de l’aggravation de l’état de santé, décrit quant à lui : 'Il n’existe pas de préjudice sexuel au sens médico-légal de la définition en raison de l’aggravation de l’état du demandeur, mais des difficultés positionnelles'.

Les doléances exprimées par M. Y lors des opérations d’expertise sont ainsi rapportées par l’expert : 'Il nous dit qu’il a constaté une baisse de sa libido ; il nous parle de sa vie sexuelle qu’il a dû adapter à ses douleurs rachidiennes et à la limitation des mobilités à ce niveau'.

Il s’en déduit que l’altération de la capacité physique de réaliser l’acte sexuel est imputable à l’aggravation des séquelles orthopédiques, à l’origine d’une majoration de 8 % du déficit fonctionnel permanent, un préjudice sexuel positionnel étant retenu par l’expert.

Dès lors, compte tenu de son âge à la consolidation (54 ans), il sera fait droit à la demande de M. Y et la somme de 3 000 € lui sera allouée en réparation de ce poste de préjudice.

2 – Sur les demandes présentées par la CPAM du Val de Marne venant aux droits de la CRAMIF

La CPAM du Val de Marne venant aux droits de la CRAMIF expose qu’elle a attribué à M. Y, pour l’aggravation des séquelles de l’accident du 28 août 1981, une pension d’invalidité de première catégorie qui a pris effet le 15 mai 2013, surclassée en deuxième catégorie à compter du 13 octobre 2014, et sollicite, sur le fondement de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale, le remboursement de sa créance, détaillée comme suit :

> au titre de la catégorie 1 :

— arrérages échus du 15 mai 2013 au 13 octobre 2014 : 3 447,12 €

> au titre de la catégorie 2 :

— arrérages échus du 14 octobre 2014 au 30 juin 2018 : 20 737,09 €

— capital représentatif des arrérages à échoir à compter du 1er juillet 2018 : 81 609,35 €

— total : 105 793,56 €.

Elle soutient :

— que la rente invalidité indemnise autant les pertes de gains professionnels actuels que les pertes de gains professionnels futurs, et sollicite l’imputation de sa créance relative aux arrérages de la pension sur les pertes de gains professionnels actuels pour les prestations versées du 15 mai 2013 au 6 janvier 2015, et sur les pertes de gains professionnels futurs, l’incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent pour les prestations versées à compter du 7 janvier 2015,

— que certaines erreurs ont été commises par la victime quant à la répartition de sa créance sur les différents postes de préjudices ; que devront s’imputer sur les pertes de gains professionnels actuels les arrérages échus du 15 mai 2013 au 6 janvier 2015 (soit 7 966,94 €), tandis que s’imputeront sur les pertes de gains professionnels futurs, l’incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent les arrérages échus du 7 janvier 2015 au 30 juin 2018 (soit 39 405,26 €) outre les arrérages à échoir à compter du 1er juillet 2018 (dont le capital représentatif s’élève à 65 043,38 €).

— que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a énoncé que le poste de déficit fonctionnel temporaire était un poste à caractère personnel sur lequel ne pouvait s’imputer la créance de la CRAMIF.

M. Y souligne que la totalité de la créance de la CPAM ne peut s’imputer sur le préjudice lié à l’aggravation, puisque la pension invalidité de première catégorie a été allouée au titre du préjudice initial.

Il fait valoir :

> sur le capital représentatif des arrérages à échoir de la créance de la CPAM :

— que pour déterminer le nouveau montant des arrérages à échoir à compter du 1er juillet 2018, soit à une date où il est âgé de 57 ans, la caisse utilise un euro de rente à l’âge de 55 ans qui n’est pas admissible, puisque cela revient à comptabiliser à la fois des arrérages échus et des arrérages à échoir sur une même période,

— que si l’on se réfère au barème utilisé par la caisse, les arrérages à échoir s’élèvent à : 11 570,87 € x 5,424 = 57 336,40 € (et non 81 609,35 €),

> sur l’imputation de la créance de la CPAM venant aux droits de la CRAMIF :

— qu’il n’y a pas lieu à imputation des arrérages échus de la pension d’invalidité sur les postes de déficit fonctionnel temporaire et de perte de gains actuels,

— qu’il a perçu, pour la première fois depuis son accident, une pension d’invalidité de première catégorie le 15 mai 2013, qui a été réévaluée en deuxième catégorie à compter du 13 octobre 2014 en rapport avec l’aggravation, ce que précise l’attestation du service médical de la CRAMIF ; que dès lors, le versement de la pension d’invalidité de première catégorie étant lié à l’accident initial, cette pension ne saurait être imputée sur les préjudices liés à l’aggravation et seule la différence entre les deux pensions d’invalidité est imputable à l’aggravation des séquelles,

— que la pension imputable s’élève à la somme de 43 238 € au titre des arrérages échus du 7 janvier 2015 au 30 juin 2018 outre le capital représentatif des arrérages à échoir à compter du 1er juillet 2018 (selon calcul détaillé en pages 20 et 41 des conclusions),

> sur l’absence d’imputation des arrérages échus de la pension d’invalidité sur les postes de déficit fonctionnel temporaire et de pertes de gains professionnels actuels :

— que la Cour de cassation indique expressément que la rente invalidité indemnise d’une part les pertes de gains professionnels futurs et d’autre part l’incidence professionnelle, et qu’en l’absence de ces dernières, cette pension indemnise nécessairement le poste de déficit fonctionnel permanent ; qu’elle ne mentionne pas les postes de préjudice concernant la période antérieure à la consolidation que sont le déficit fonctionnel temporaire ni la perte de gains professionnels actuels,

— que le jurisprudence produite par la caisse ne concerne que l’imputabilité de la rente invalidité sur les postes de préjudices post-consolidation.

La GMF conclut au rejet de la demande formulée à hauteur de 105 793,56 € en faisant valoir :

— que la créance ne peut être imputée sur le déficit fonctionnel temporaire,

— que les tiers payeurs ne pouvant exercer leur recours que sur les seules indemnités pour lesquelles ils ont effectivement versé des prestations et à concurrence des sommes allouées pour chaque poste de préjudice, la pension d’invalidité s’impute sur l’incidence professionnelle (40 000 €) et sur le déficit fonctionnel permanent (16 160 €), de sorte qu’elle ne peut être condamnée à régler la créance de la CRAMIF que dans la limite de la valorisation de ces postes de préjudice, soit 56 160 €.

Le désaccord des parties concerne l’assiette du recours subrogatoire et le montant de la créance.

> sur l’assiette du recours

Dans les motifs de ses conclusions, la CPAM étend son recours subrogatoire aux postes de pertes de gains professionnels actuels et déficit fonctionnel temporaire. Cette dernière demande n’est pas reprise dans leur dispositif, qui seul saisit la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile et ne vise que le poste de pertes de gains professionnels actuels.

En droit, la créance du tiers payeur servant à la victime une pension d’invalidité est imputable prioritairement sur les postes de perte de gains professionnels et incidence professionnelle, et, le cas échéant pour le reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent s’il existe.

Il sera dès lors fait droit à la demande de la CPAM tendant à exercer son recours subrogatoire au titre de la pension d’invalidité versée à M. Y sur les postes de pertes de gains professionnels actuels et futurs, comme indiqué au paragraphe suivant.

> sur le montant de la créance

La caisse verse aux débats une attestation de créance établie le 7 février 2019 par 'Mme C, pour le responsable du service recours contre tiers’ (pièce n°14), qui mentionne que M. Y est titulaire d’une pension d’invalidité deuxième catégorie ayant pris effet le 15 mai 2013 (sic), qui lui est attribuée pour les séquelles d’un accident du 28 août 1981. Cette attestation détaille les arrérages versés au titre de la catégorie 1 et les arrérages versés ainsi que le capital représentatif des arrérages à échoir de la catégorie 2, dont les montants sont ceux indiqués supra.

Elle communique cependant une attestation d’imputabilité établie le 30 janvier 2018 par le docteur D, praticien conseil du recours contre tiers, qui indique (pièce n°8) : 'Une pension d’invalidité première catégorie lui a été attribuée à compter du 15 mai 2013. Un passage en deuxième catégorie lui a été attribué à compter du 13 octobre 2014. La mise en invalidité deuxième catégorie de M. Y est en rapport avec l’aggravation des séquelles de l’accident'.

Il s’en déduit que le versement de la pension de première catégorie est lié à l’accident initial et que seul le surclassement en deuxième catégorie est en lien avec l’aggravation dont M. Y sollicite aujourd’hui l’indemnisation.

La CPAM produit trois attestations de créance, dont la plus actualisée est celle établie le 7 février 2019 (pièce n°14).

Or d’une part, la caisse y mentionne une pension d’invalidité de deuxième catégorie versée à la victime 'qui a pris effet le 15 mai 2013', ce qui est erroné, et d’autre part, elle utilise pour le calcul du capital représentatif des arrérages à échoir du 1er juillet 2018 jusqu’à la date de la substitution d’une pension de retraite servie par la CNAV un euro de rente de 7,053 qui ne figure pas dans le barème produit par la caisse (pièce n°7), servant à déterminer la valeur forfaitaire de pensions d’invalidité attribuées aux assurés sociaux en cas d’accident causé par un tiers (fondé sur les tables de mortalité INSEE 2006-2008 et un taux de 1,29 %), issu de l’arrêté du 19 décembre 2016 modifiant l’arrêté du 27 décembre 2011 modifié relatif à l’application des articles R.376-1 et R.454-1 du code de la sécurité sociale.

Cette attestation sera par conséquent écartée.

L’attestation de créance la plus actualisée est datée du 18 juillet 2018 (pièce n°9) et fixe sa créance à la somme totale de 112 415,58 € ainsi détaillée :

— arrérages versés du 15 mai 2013 au 6 janvier 2015 : 7 966,94 €

— arrérages versés du 7 janvier 2015 au 30 juin 2018 : 39 405,26 €

— capital représentatif des arrérages à échoir au 1er juillet 2018 : 11 721,64 x 5,549 = 65 043,38 €.

Si la caisse produit une créance actualisée en distinguant les arrérages échus avant et après consolidation, elle n’a pas distingué entre les pensions d’invalidité de première et deuxième catégories, ne répondant pas à la demande pertinente de la victime tendant à n’imputer à l’aggravation de son préjudice que les seuls arrérages échus et à échoir correspondant à l’invalidité de deuxième catégorie. La caisse n’a pas davantage critiqué le calcul proposé par la victime, consistant à déduire le montant de la pension de première catégorie versée au titre du préjudice initial pour n’imputer à l’aggravation que le solde correspondant à l’invalidité de deuxième catégorie.

Dès lors, au vu de l’attestation du 18 juillet 2018 et des revalorisations intervenues (telle que mentionnées pièce n°9), la créance de la CPAM sera fixée comme suit :

période avant consolidation :

> du 13 octobre 2014 au 6 janvier 2015 :

pension annuelle cat. 2 : 11 559,31 €

pension annuelle cat. 1 : 6 894,22 €

solde imputable à l’aggravation : 4 665,09 €

soit sur la période : 4 665,09 € x 86 jours /365 = 1 099,17 €

période après consolidation :

> du 7 janvier 2015 au 13 octobre 2015 :

pension annuelle cat. 2 : 11 559,31 €

pension annuelle cat. 1 : 6 894,22 €

solde imputable à l’aggravation : 4 665,09 €

soit sur la période : 4 665,09 € x 280 jours /365 = 3 578,70 €

> du 14 octobre 2015 au 31 mars 2016 :

pension annuelle cat. 2 : 11 559,31 €

pension annuelle cat. 1 : 6 894,22 €

solde imputable à l’aggravation : 4 665,09 €

soit sur la période : 4 665,09 € x 170 jours /365 = 2 172,78 €

> du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 :

pension annuelle cat. 2 : 11 570,87 € (pièce victime n°67)

pension annuelle cat. 1 : 6 894,22 €

solde imputable à l’aggravation : 4 676,65 €

> du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 :

pension annuelle cat. 2 : 11 721,64 €

pension annuelle cat. 1 : 6 894,22 €

solde imputable à l’aggravation : 4 827,42 €

> du 1er avril 2018 au 30 juin 2018 :

pension annuelle cat. 2 : 11 721,64 €

pension annuelle cat. 1 : 6 894,22 €

solde imputable à l’aggravation : 4 827,42 €

soit sur la période : 4 827,42 € x 91 jours /365 = 1 203,55 €

> soit du 7 janvier 2015 au 30 juin 2018 : 16 459,10 €.

A compter du 1er juillet 2018, le capital représentatif des arrérages à échoir sera calculé comme suit, sur la base de l’euro de rente pour un homme de 57 ans à la liquidation au 1er juillet 2018 selon barème issu de l’arrêté précité du 19 décembre 2016 :

4 827,42 € x 5,549 = 26 787,35 €.

Il en résulte que la créance de la CPAM imputable sur le poste de perte de gains professionnels actuels s’élève à la somme de 1 099,17 € , et sur le poste de perte de gains professionnels futurs à la somme totale de 43 246,45 € (16 459,10 € + 26 787,35 €).

La GMF sera par conséquent condamnée à verser à la CPAM du Val de Marne venant aux droits de la CRAMIF la somme de 44 345,62 €, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016, date des conclusions valant première demande, en confirmation du jugement du 9 juin 2017 sur ce point.

3 – Sur les autres demandes

M. Y sera débouté de sa demande tendant à faire courir les intérêts au taux légal sur les sommes allouées par la cour à compter de l’assignation signifiée à la GMF le 19 octobre 2015, aucune circonstance particulière ne justifiant une dérogation aux dispositions de l’article 1153-1 devenu 1231-7 alinéa 2 du code civil fixant le point de départ des intérêts de droit courant sur les créances indemnitaires à la date du jugement entrepris à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus.

Il est fait droit à sa demande de capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’ancien article 1154 devenu 1343-2 du code civil.

Les dépens d’appel incomberont à la GMF, partie débitrice de l’indemnisation.

La demande indemnitaire de M. Y, fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, sera accueillie en cause d’appel dans son principe et dans son montant.

La demande de la CPAM, présentée sur le même fondement, sera accueillie à hauteur de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Reçoit l’intervention volontaire de la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne venant aux doits de la caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France, selon la convention relative au transfert de l’activité du service recours contre tiers de la CRAMIF à la CPAM de Paris en date du 30 mars 2018,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 9 juin 2017 en ce qu’il a :

— dit que le droit à indemnisation de ce dernier du fait de l’aggravation de son état des suites de l’accident de la circulation survenu le 28 août 1981 est entier,

— rejeté la demande de complément d’expertise,

— condamné la GMF à payer à E Y les sommes suivantes à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement :

— dépenses de santé à charge

103,00 €

— frais divers

1 020,00 €

— assistance par tierce personne

10 485,00 €

— déficit fonctionnel temporaire

8 060,00 €

— souffrances endurées

4 000,00 €

— préjudice esthétique permanent

4 000,00 €

— condamné la GMF à payer à la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne les sommes suivantes :

> 2 453,30 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2016, au titre des dépenses de santé avant consolidation,

> 6 710,15 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2016, au titre des dépenses de santé futures,

> 1 055 € avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion,

> 1 500 € avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la GMF à payer à la caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France la somme de 1 500 € avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du code civil,

— rejeté la demande présentée au titre des dispositions de l’article L.211-13 du code des assurances,

— condamné la GMF aux dépens comprenant les frais d’expertise, et à verser à M. Y la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du même code,

Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la GMF à payer à E Y les sommes suivantes à titre de réparation du préjudice corporel causé par l’aggravation de son état de santé suite à l’accident du 28 août 1981, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, capitalisables annuellement :

— perte de gains professionnels actuels

24 928,04 €

— dépenses de santé futures

49 359,45 €

— frais de logement adapté

776,50 €

— assistance par tierce personne

156 990,94 €

— perte de gains professionnels futurs

200 904,80 €

— incidence professionnelle

12 000,00 €

— préjudice esthétique temporaire

1 000,00 €

— déficit fonctionnel permanent

22 000,00 €

— préjudice sexuel

3 000,00 €

Condamne la GMF à payer à la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne, venant aux doits de la caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France, la somme de 44 345,62 € au titre de son recours subrogatoire sur les postes de perte de gains professionnels actuels et futurs, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016, capitalisables annuellement,

Condamne la GMF aux dépens d’appel, dont recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la GMF à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, à E Y la somme de 3 000 € et à la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne la somme de 1 500 €.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 30 septembre 2019, n° 17/12776