Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 1re ch.

  • Protection au titre du droit d'auteur protection du modèle·
  • Reproduction des caractéristiques protégeables·
  • Contrefaçon de modèle contrefaçon de modèle·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Appréciation selon les ressemblances·
  • Modèle communautaire non enregistré·
  • Sur le fondement du droit d'auteur·
  • Travail de création indépendant·
  • Combinaison d'éléments connus

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Sacs "Faye", cuir d’inspiration Seventies ; "Nina", en bleu marine, nude ou noir ; "Léopard", motif léopard

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 22 juin 2021, n° 19/16343
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/16343
Publication : PIBD 2021, 1165, IIID-
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 10 juillet 2019, N° 17/06751
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 11 juillet 2015
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 8 novembre 2018, 2017/06751
  • Tribunal de grande instance de Paris, 11 juillet 2019, 2017/06751
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Brevets cités autres que les brevets mis en cause : CHLOÉ ; MNG ; MANGO
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Référence INPI : D20210035
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 22 juin 2021

Pôle 5 – Chambre 1 (n° 114/2021) Numéro d’inscription au répertoire général : 19/16343 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CARUA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 juil et 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3e chambre – 1re section – RG n° 17/06751

APPELANTE SAS CHLOE Société au capital de 10 130 648 euros Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 562 076 299 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 5-7, Avenue Percier 75008 PARIS Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 Assistée de Me Vincent FAUCHOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

INTIMÉES SARL MANGO FRANCE Société au capital de 60 749 688 euros Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 403 259 138 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 43, rue Lafayette 75009 Paris Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151 Assistée de Me Serge LEDERMAN de la SAS DGFLA2, avocat au barreau de PARIS, toque : K0035

SAS MANGO HAUSSMANN Société au capital de 10 914 000 euros Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 572 030 849 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 54, boulevard Haussmann 75009 Paris Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151 Assistée de Me Serge LEDERMAN de la SAS DGFLA2, avocat au barreau de PARIS, toque : K0035

Société PUNTO FA S.L. Société de droit espagnol, Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BARCELONE sous le numéro ES-B59088948 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège Cal e Mercaders 9-11, Pol. Ind. Riera de Caldes – PALAN-SOL ITA I PLEGAMANS 08184 Barcelone (Espagne) Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151 Assistée de Me Serge LEDERMAN de la SAS DGFLA2, avocat au barreau de PARIS, toque : K0035

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Déborah BOHÉE, conseil ère et Mme Isabel e DOUILLET, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquel e a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabel e DOUILLET, Présidente de chambre Mme Françoise BARUTEL, Conseil ère, Mme Déborah BOHÉE, Conseil ère qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Karine A

ARRÊT :

• Contradictoire • par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par Isabel e DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine A, Greffière à laquel e la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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EXPOSÉ DU LITIGE

La société CHLOE, qui fait partie du groupe RICHEMONT, se présente comme une société créatrice de mode à l’origine de créations de vêtements et d’accessoires haut de gamme sous la marque 'CHLOE'.

El e fait valoir qu’el e a créé en juil et 2014, pour sa col ection printemps-été 2015, une ligne de sacs en cuir d’inspiration Seventies, intitulée 'Faye', déclinée sous plusieurs formes :

La société CHLOE expose que le sac 'Faye’ a été divulgué au public lors d’un défilé le 28 septembre 2014, et qu’el e le commercialise au prix de 1 050 euros dans ses points de vente et chez les distributeurs CHLOE.

Les sociétés MANGO FRANCE et MANGO HAUSSMANN sont toutes deux des filiales de la société de droit espagnol PUNTO FA. La société MANGO FRANCE expose qu’el e exploite 137 boutiques sur le territoire français dans lesquel es el e distribue des articles de prêt-à- porter et des accessoires à destination d’une clientèle dynamique, jeune et citadine. La société MANGO HAUSSMANN exploite, quant à el e, la boutique à l’enseigne MANGO située 54, boulevard Haussmann à Paris (75009). L’ensemble de ces boutiques commercialise des articles revêtus des marques 'MNG’ et 'MANGO', créés par la société PUNTO FA ou par les fournisseurs auxquels cel e- ci fait parfois appel en vue de se voir proposer de nouveaux modèles destinés à compléter ses col ections.

La société CHLOE indique qu’en juil et 2016, el e a découvert qu’un sac reprenant la même combinaison de caractéristiques que cel e de son sac 'Faye', était commercialisé en France sur le site internet de la société MANGO, exploité par la société PUNTO FA, sous les références 'Nina’ (en bleu marine, 'nude’ ou noir) et 'Léopard’ (en motif léopard).

Le 4 août 2016, el e a effectué un achat du sac 'Nina’ dans sa version bleue marine dans le magasin exploité à Paris par la société MANGO HAUSSMANN et a fait établir un constat par huissier de justice sur le site internet édité par la société PUNTO FA.

La société CHLOE a adressé à la société MANGO FRANCE une lettre de mise en demeure le 18 août 2016, demandant l’arrêt immédiat de la commercialisation des sacs litigieux. Le conseil de la société MANGO FRANCE a répondu, le 26 septembre 2016, qu’il contestait le caractère protégeable du sac Faye, ainsi que la matérialité de la contrefaçon.

Par acte du 21 avril 2017, la société CHLOE a fait assigner les sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN (ci-après, les Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

sociétés MANGO) et PUNTO FA devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur et de dessin et modèle communautaire non enregistré.

Par ordonnance du 8 novembre 2018, sur un incident formé par la société CHLOE, le juge de la mise en état du tribunal a pris acte de la communication par les sociétés MANGO HAUSSMANN et PUNTO FA d’une attestation relative aux ventes en France du sac 'Nina’ référencé 73020191 (correspondant aux versions en marine, 'nude’ et noir) et a ordonné aux sociétés défenderesses de communiquer : le nombre de sacs commercialisés par MANGO FRANCE et, le cas échéant, restant en stock, portant la référence MANGO 73020191 'Nina’ et 73025005 'Léopard’ et le nombre des ventes réalisées par les sociétés MANGO sur le territoire français pour le sac référencé 73025005 'Léopard', et la date de début de commercialisation des sacs MANGO 73020191 'Nina’ et 73025005 'Léopard', en France.

Par un jugement rendu le 11 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

— débouté la société CHLOE de ses demandes formées au titre du droit d’auteur sur le sac 'Faye',

— dit que le sac Faye bénéficie de la protection du droit des dessins ou modèles communautaires non enregistrés,

— débouté les sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSMANN et PUNTO FA de leur demande de nul ité du modèle communautaire non enregistré au titre du sac 'Faye’ de la société CHLOE,

— débouté la société CHLOE de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de dessin ou modèle communautaire non enregistré,

— condamné la société CHLOE aux dépens et au paiement à chacune des sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSMANN et PUNTO FA de la somme de 4 000 euros, soit 12 000 euros au total, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 6 août 2019, la société CHLOE a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions numérotées 4 transmises le 12 mars 2021, la société CHLOE demande à la cour :

— de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le sac Faye bénéficie de la protection offerte par le droit du dessin ou modèle communautaire non enregistré et rejeté les demandes de nul ité des sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSMANN et PUNTO FA,

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

— débouté la société CHLOE de ses demandes formées au titre du droit d’auteur sur le sac Faye,

— débouté la société CHLOE de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de dessin ou modèle communautaire non enregistré,

— condamné la société CHLOE aux dépens et à payer aux sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSMANN et PUNTO FA 4 000 euros à chacune soit 12 000 euros au total, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— statuant à nouveau et y ajoutant :

— à titre principal :

— de juger que la société CHLOE est recevable et bien fondée à agir en contrefaçon des droits d’auteur et de dessin et modèle communautaire non enregistré afférents au sac Faye,

— de juger que les sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN et PUNTO FA ont commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur et de dessin et modèle communautaire non enregistré afférents au sac Faye, en commercialisant, en offrant à la vente et/ou en faisant la promotion du sac MANGO portant la référence 73020191 ' NINA,

— en conséquence :

— de condamner in solidum les sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN et PUNTO FA à payer à la société CHLOE la somme de 550 000 €, à parfaire, de dommages et intérêts répartie pour moitié au titre de la réparation de l’atteinte aux droits d’auteur, soit la somme de deux cent soixante-quinze mil e euros (275 000 €) et pour moitié au titre de la réparation de l’atteinte au dessin et modèle communautaire non enregistré afférents au sac Faye de la société CHLOE,

— de débouter les sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN et PUNTO FA de l’ensemble de leurs demandes,

— d’interdire aux sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN et PUNTO FA de commander, de fabriquer, de présenter, d’exporter, de livrer, de faire la promotion et/ou de commercialiser le sac MANGO portant la référence 73020191 ' NINA, sous astreinte de deux mil e euros (2 000€) par infraction constatée, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la cour restant saisie pour statuer sur l’astreinte définitive,

— d’ordonner la destruction sous contrôle d’huissier, et aux frais solidaires avancés des sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN et PUNTO FA, de l’intégralité des stocks éventuels Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

pouvant se trouver en France auprès des magasins et/ou entrepôts de ces sociétés, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la cour restant saisie pour statuer sur l’astreinte définitive,

— d’ordonner la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir :

. dans trois (3) journaux ou revues de son choix et aux frais avancés des sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN et PUNTO FA dans la limite de 7 000 euros H.T. par insertion,

. en page d’accueil du site Internet accessible à l’adresse http://shop.mango.com/FR/femme et/ou www.mango.com, et ce pendant une durée d’un mois, dans le mois qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard,

— de condamner in solidum les sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN et PUNTO FA à verser à la société CHLOE la somme globale de 45 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris les honoraires des huissiers de justice, dont distraction au profit de la SCP DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 3 transmises le 1er mars 2021, les sociétés MANGO et PUNTO FA demandent à la cour :

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a :

— dit que le sac Faye bénéficie de la protection offerte par le droit du dessin ou modèle communautaire non enregistré ;

— débouté les sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSMANN et PUNTO FA de leur demande de nul ité du modèle communautaire non enregistré au titre du sac Faye de la société CHLOE ;

— et statuant à nouveau :

— de prononcer la nul ité du dessin et modèle communautaire non enregistré revendiqué par la société CHLOE et portant sur le sac Faye ;

— de confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

— de déclarer irrecevable la demande nouvel e en concurrence déloyale et parasitaire ;

— de condamner la société CHLOE à verser à chacune des sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN, PUNTO FA 'et MANGO Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

ON LINE’ la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel ;

— de condamner la société CHLOE aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Me FROMANTIN, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est du 16 mars 2021.

MOTIFS

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’el es ont transmises, tel es que susvisées.

Sur la fin de non-recevoir opposée par les sociétés MANGO et PUNTO FA

Il y a lieu de constater qu’au terme de ses dernières conclusions, la société CHLOE ne forme pas de demande en concurrence déloyale et parasitaire, ce qui n’est pas contesté par les sociétés intimées, de sorte que la demande de ces dernières tendant à voir déclarer irrecevable cette prétention comme nouvel e en cause d’appel est sans objet.

Sur la contrefaçon de droits d’auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés sur le sac 'Faye’ de la société CHLOE Sur la protection du sac 'Faye’ Sur la protection du sac par le droit d’auteur : l’originalité

Il sera rappelé que le tribunal a estimé que l’originalité du sac 'Faye’ n’était pas démontrée, les caractéristiques revendiquées – au nombre desquel es ne se trouvait pas, en première instance, la présence de la chaîne reliant l’anneau central à la partie droite et haute du sac – se retrouvant dans plusieurs modèles commercialisés avant la présentation au public du sac de la société CHLOE et relevant d’un fonds commun de la mode.

En appel, la société CHLOE revendique désormais les caractéristiques suivantes du sac 'Faye’ :

1) un sac de forme rectangulaire composé d’une poche principale à soufflets encadrée de deux pans de cuir rigides ; 2) un rabat couvrant la moitié de la surface avant du sac ; 3) un effet contrastant dû au cuir suédine utilisé sur le rabat du sac par rapport au corps du sac en cuir ;

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4) un anneau doré de type jonc surdimensionné, centré et partiel ement dissimulé par le bord inférieur du rabat couvrant l’autre moitié du sac, ledit anneau étant maintenu au rabat par une gaine de cuir ; 5) une longue bandoulière ajustable en cuir lisse, sur laquel e sont fixées deux vis en métal ; 6) une chaîne métal ique dorée reliant l’extrémité droite du sac à l’anneau, attachée par un mousqueton ; 7) une fermeture grâce à une pression discrète placée sous le rabat ; 8) l’intérieur du sac étant composé de trois poches à soufflets ; 9) le rabat contrastant prend naissance au dos du sac, sur le quart supérieur et est cousu. El e fait valoir que le choix de cette combinaison de caractéristiques révèle le parti pris esthétique de la Maison CHLOE et l’ADN de ses créations qui, en matière de maroquinerie, combinent systématiquement des lignes épurées à un élément 'fort', souvent surdimensionné, aboutissant à un équilibre singulier entre féminité et modernité. El e plaide que le sac 'Faye’ présente ainsi un style à la fois féminin et masculin, grâce à la combinaison inattendue d’un sac de forme baguette aux lignes épurées, associé à un élément qui bouscule, en l’occurrence l’anneau surdimensionné, apportant la dureté de l’acier en contraste avec la délicatesse d’une pochette raffinée en cuir, soulignée par le détail du rabat en suédine contrastant par rapport au cuir du sac, les proportions choisies apportant un équilibre à la création et la combinaison de ces différentes caractéristiques traduisant un apport créatif.

Les sociétés MANGO et PUNTO FA opposent que la société CHLOE s’obstine à vouloir obtenir un monopole sur un genre de sac à main associant une forme baguette banale à un anneau métal ique central relevant du fonds commun de la maroquinerie. El es font valoir que la seule descriptiondétail ée du sac 'Faye’ est insuffisante à caractériser son originalité, et ce même avec l’ajout de la chaîne métal ique dorée rejoignant l’anneau métal ique central et le bord droit du sac, et à traduire l’empreinte personnel e et le processus créatif du styliste. El es soutiennent que l’originalité al éguée reflète en réalité l’apport stylistique exprimé par plusieurs marques concurrentes qui, depuis plusieurs dizaines d’années, proposent des sacs de forme baguette (HERMES, CELINE, MIU MIU, YVES SAINT-LAURENT, GUCCI), mélangeant les matières pour un effet contrastant (PAUL SMITH, TOSCA BLUE, BCBG, JIMMY CHOO…) ou comportant un anneau surdimensionné (SEQUOIA, TOSCA BLUE, GIVENCHY, JIMMY CHOO, HERMES, BULGARI, GUESS…), la société CHLOE ayant ainsi associé un sac baguette classique et dénué d’originalité à un anneau surdimensionné en métal qui constitue un élément esthétique devenu banal. Selon les intimées, le seul ajout de la chaîne métal ique à la description objective faite par la société CHLOE ne justifie pas l’infirmation du jugement, l’appelante restant taisante sur l’apport de cette chaîne à l’originalité al éguée.

Ceci étant exposé, il sera rappelé qu’en vertu de l’article L.111-1 du code de la propriété intel ectuel e, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

incorporel e exclusif et opposable à tous. L’article L.112-1 du même code protège par le droit d’auteur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’el es soient des créations originales. Il se déduit de ces dispositions, le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Selon l’article L. 112-2, 14° du même code, sont considérées comme œuvres de l’esprit les créations des industries saisonnières de l’habil ement et de la parure.

La notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur. Toutefois, l’originalité doit être appréciée au regard d’œuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Si, au vu des pièces fournies par les sociétés MANGO et PUNTO FA, la cour rejoint le tribunal qui a estimé à juste raison que la combinaison d’un sac à main avec un anneau central prééminent était déjà présente sur différents modèles de créateurs avant la commercialisation du sac 'Faye', les sacs baguette de forme rectangulaire, bi-matière, avec un rabat couvrant la moitié du sac faisant par ail eurs partie, de longue date, du patrimoine des sacs à main et étant répandus sur le marché, et que le sac revendiqué en première instance ne traduisait donc pas d’effort réel ement créatif mais relevait d’un fonds commun non appropriable, il en est désormais différemment dès lors que la société CHLOE revendique expressément comme l’une des caractéristiques de son sac la 'chaîne métallique dorée reliant l’extrémité droite du sac à l’anneau, attachée par un mousqueton'.

Cet élément, ajouté aux autres caractéristiques revendiquées, confère au sac 'Faye’ une physionomie propre, l’ensemble évoquant, comme le souligne l’appelante, un style à la fois féminin et masculin, al iant délicatesse des lignes du sac et rudesse de la chaîne et du mousqueton en métal, traduit un effort créatif et un parti pris esthétique original et rend le sac 'Faye’ éligible à la protection du droit d’auteur.

Sur la protection du sac 'Faye’ par le droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés : le caractère individuel

Les sociétés MANGO et PUNTO FA demandent l’infirmation du jugement qui a reconnu la validité du modèle communautaire non enregistré et rejeté leur demande de nul ité dudit modèle en développant une argumentation similaire à cel e présentée au titre de l’originalité du sac, faisant valoir que le modèle ne présente pas un caractère individuel suffisamment prononcé en l’absence Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

d’identification du processus créatif et au regard de l’existence de nombreux modèles divulgués antérieurement sous différentes marques et produisant la même impression d’ensemble.

La société CHLOE demande la confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu la validité du modèle, mais argue que cette validité ne saurait dépendre de la seule présence de la chaîne métal ique en métal reliant l’anneau au bord du sac dès lors, selon el e, que le sac 'Faye’ ne produit la même impression visuel e qu’aucun des modèles antérieurs cités par les intimées et ce, indépendamment de la chaîne.

Ceci étant exposé, l’article 4 § 1 du règlement communautaire n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires dispose que la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

En application de l’article 6 § 1 a) du même règlement, un dessin ou modèle communautaire non enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de cel e que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant cette même date.

En application de l’article 11 du même règlement, un dessin ou modèle communautaire non enregistré est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s’il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de tel e sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté.

Le tribunal a rappelé à juste raison que la protection au titre du dessin ou modèle communautaire ne peut porter que sur l’apparence du dessin ou modèle revendiqué, et non sur les caractéristiques décrites arbitrairement par celui qui se prétend bénéficiaire de cette protection.

En l’espèce, sur les 49 antériorités invoquées par les sociétés MANGO et PUNTO FA, plusieurs doivent être écartées d’emblée car concernant des sacs qui ne sont pas de forme rectangulaire de type baguette (les sacs TOSCA BLUE A/H 2009/2010, BULGARI avril 2010, LANCEL avril 2011, GUESS A/H 2010/2011et FERRAGAMO) ou qui ne comportent pas de rabat couvrant environ la moitié de la surface avant du sac (HERMES 1975, SEQUOIA 1989, SEQUOIA A/H 2010/2011 pièce 11.24, SEQUOIA A/H 2010/2011 pièce 11.22, JIMMY CHOO 2007) ou qui ne comprennent pas un anneau de grande tail e (HERMES 1973, HERMES 1974, HERMES 1975, CELINE décembre 2012, MIU-MIU A/H 2011/2012, MIU-MIU P/E 2012, YSL 2012, GUCCI 2014, PAUL SMITH décembre 2011,LULU GUINNESS, TOSCA BLUE A/H 2009- Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

2010 et A/H 2010/2011, BCBG A/H 2021/2013, JIMMY CHOO A/H 2011/2012, MICHAEL KORS 2013), de sorte que l’impression globale produite par chacun de ces modèles est très éloignée de cel e produite par le sac CHLOE qui est un sac de type baguette, rectangulaire, avec un rabat couvrant environ la moitié de la surface avant du sac et un anneau prééminent partant du bord inférieur du rabat et couvrant la partie basse de la surface avant du sac. Force est de constater que les autres antériorités, si el es se rapprochent du sac 'Faye’ en ce qu’el es sont des sacs de forme baguette, rectangulaires, avec un rabat couvrant environ la moitié de la surface avant du sac, avec effet de contraste de matières et un anneau prééminent dans le bas du sac, caractéristiques qui se retrouvent en particulier sur les modèles SEQUOIA, ne comportent pas de chaîne métal ique reliant l’anneau central à l’un des côtés du sac. La cour fait sienne l’analyse des premiers juges qui ont estimé que la présence de cette chaîne, visuel ement significative et atypique pour un sac à main, produit sur l’utilisateur averti, amateur de sacs à main, sensible aux formes de ces objets, une impression visuel e globale différente de cel e générée par les antériorités mises en avant par les sociétés intimées. Le modèle communautaire non enregistré présente ainsi un caractère individuel.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que le sac 'Faye’ bénéficie de la protection du modèle communautaire non enregistré et rejeté la demande de nul ité des sociétés MANGO et PUNTO FA.

Sur les actes de contrefaçon Contrefaçon de droits d’auteur La société CHLOE, qui rappel e que la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et non par les différences, fait valoir que les sociétés MANGO et PUNTO FA ont repris la forme et la combinaison des caractéristiques du sac 'Faye', mais également les déclinaisons de couleurs de ce sac (bleu marine, nude, noir et 'léopard') et les matières (reprise du contraste de matières dû à l’utilisation d’un rabat en cuir exotique ou suédine), ce qui ne peut être le fruit du hasard. El e argue que le choix délibéré des sociétés MANGO et PUNTO FA de supprimer le détail stylistique constitué par la chaîne métal ique reliant l’anneau au bord du sac et d’ajouter une boule dorée sur l’anneau – qui évoque au demeurant immédiatement l’emprise du mousqueton sur l’anneau présent sur le sac 'Faye’ – ne peut leur permettre d’échapper au grief de contrefaçon.

Les sociétés MANGO et PUNTO FA répondent que ne peuvent être retenues au titre de la contrefaçon des ressemblances provenant de la reprise d’éléments banals ou relevant d’un genre ou d’un fonds commun et qu’il existe entre les sacs en litige des différences significatives.

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L’article L.122-4 du code de la propriété intel ectuel e dispose que 'Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque'.

La contrefaçon s’apprécie au regard des ressemblances et non des différences.

En l’espèce, les ressemblances entre les sacs en litige tiennent à la reprise sur le sac commercialisé par les sociétés MANGO et PUNTO FA d’une forme baguette rectangulaire, d’un rabat contrastant (effet bi- matière) couvrant la moitié du sac et d’un gros anneau central doré partiel ement dissimulé par le bord inférieur du rabat et couvrant le bas du sac. Ces caractéristiques, comme il a été dit, ressortissent toutefois à un fonds commun non appropriable. Il en est de même d’autres détails mis en avant par la société CHLOE, également repris sur le sac MANGO, tels que la bandoulière ajustable sur laquel e sont fixées des vis en métal, la fermeture pression placée sous le rabat, le rabat cousu au dos du sac, les soufflets donnant au sac sa profondeur.

En revanche, la chaîne métal ique fixée à l’anneau central par un mousqueton et reliant cet anneau central à l’un des côtés du sac, qui combinée aux autres caractéristiques fait l’originalité du sac, ne se retrouve pas sur le sac MANGO, lequel est en outre pourvu d’une boule métal ique dorée, très apparente, posée sur la partie basse et centrale de l’anneau et qui, contrairement à ce qui est soutenu, se différencie nettement du mousqueton présent sur le sac revendiqué. Ainsi, faute de reproduire les caractéristiques originales protégeables du sac 'Faye', le sac MANGO n’en constitue pas la contrefaçon.

Les couleurs dans lesquel es est décliné le sac 'Faye’ – bleu marine, nude, noir et motif léopard – n’ont rien d’inhabituel dans le secteur de la maroquinerie, pour des sacs à main, et, comme il a été dit, des sacs 'bi-matière’ existaient avant la présentation au public du sac de la société CHLOE.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté la société CHLOE de l’ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur.

Contrefaçon du dessin ou modèle communautaire non enregistré

La société CHLOE soutient que le sac litigieux incorpore les éléments individuels caractérisant le sac 'Faye', les différences tenant à l’ajout de la boule dorée, au surplus amovible, et à la suppression de la chaîne ne modifiant en rien l’impression d’ensemble commune qui se dégage des deux modèles. El e souligne qu’il existe en matière d’accessoires et plus particulièrement de sacs à main un grand degré Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

de liberté de création qui permettait aux sociétés MANGO et PUNTO FA de se différencier nettement de modèles existants sans reprendre la combinaison de caractéristiques propres au sac 'Faye'.

Les sociétés MANGO et PUNTO FA s’opposent pour les raisons précédemment exposées au titre du droit d’auteur.

L’article 19 (2) du règlement (CE) 6/2002 dispose que 'Le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d’interdire les actes visés au paragraphe 1 que si l’utilisation contestée résulte d’une copie du dessin ou modèle protégé.

L’utilisation contestée n’est pas considérée comme résultant d’une copie du dessin ou modèle protégé si elle résulte d’un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu’il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire'.

L’élément qui donne au sac CHLOE son caractère individuel, à savoir la chaîne métal ique fixée à l’anneau central par un mousqueton et reliant cet anneau central au côté du sac, ne se retrouve pas sur le sac MANGO.

C’est donc à juste raison que les premiers juges ont retenu que le sac MANGO ne reproduisant pas cet élément et présentant en outre une boule métal ique dorée à l’intérieur de la partie basse de l’anneau, partie intégrante du sac puisqu’el e est vissée et qu’il n’est démontré aucune incitation adressée au consommateur aux fins de la retirer, ne constitue pas la copie du sac 'Faye', même si les sociétés intimées ne démontrent pas les efforts créatifs indépendants qui auraient pu aboutir au sac litigieux.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté la société CHLOE de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de dessin ou modèle communautaire non enregistré.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société CHLOE, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’el e a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société CHLOE au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN et PUNTO FA peut être équitablement fixée à 12 000 € au total, soit 4 000 € à chacune, cette somme complétant cel e al ouée en première instance.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à dire que le sac 'Faye’ de la société CHLOE est original et donc éligible à la protection du droit d’auteur,

Y ajoutant,

Constate qu’est sans objet la fin de non-recevoir des sociétés intimées relative à la demande en concurrence déloyale et parasitaire, en réalité inexistante, de la société CHLOE,

Condamne la société CHLOE aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me FROMANTIN conformément à l’article 699 du code de procédure civile, et au paiement à chacune des sociétés MANGO FRANCE, MANGO HAUSSMANN et PUNTO FA de la somme de 4 000 € (soit 12 000 € au total) en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 1re ch.