Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 1er avril 2021, n° 18/03304

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 8, 1er avr. 2021, n° 18/03304
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/03304
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Longjumeau, 24 janvier 2018, N° 16/00709
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 01 AVRIL 2021

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/03304 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5GEK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU – RG n° 16/00709

APPELANT

Monsieur Y X

[…]

[…]

Représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

INTIMÉE

SARL RUBI FRANCE

[…]

[…]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Présidente et Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Pascale MARTIN, présidente, rédactrice

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Fabienne SCHALLER, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par Madame Pascale MARTIN, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Germans Boada est une société de droit espagnol, notamment spécialisée dans la fabrication d’outils de coupe et de pose de carreaux de céramique.

La filiale française du groupe dénommée société Rubi France a embauché selon contrat à durée indéterminée du 1er novembre 1997 à effet du 1er janvier 1998, M. Y X,en qualité de directeur commercial.

En son dernier état, la rémunération mensuelle fixe du salarié était de 9 856 euros bruts sur treize mois outre un avantage voiture, à laquelle s’ajoutait une rémunération variable annuelle en fonction des objectifs fixés.

Par lettre remise en main propre le 11 mai 2016, la société a notifié un avertissement à M. X qu’il a contesté par courrier du 19 mai suivant.

Par lettre recommandée du 22 juin 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 1er juillet.

Selon lettre recommandée du 8 juillet 2016, M. X a été licencié pour cause réelle et sérieuse et a été dispensé d’effectuer son préavis.

Par acte du 4 août 2016, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau aux fins de contester ce licenciement, sollicitant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral.

Par jugement du 25 janvier 2018 (notifié le 13 février 2018), le conseil de prud’hommes a statué ainsi :

Dit et Juge irrecevables les enregistrements audio objet des pièces N°3-1, 4-1, 9-3 et 13-1 et leurs transcriptions objet des pièces N° 3-2,4-2, 9-1, 9-2 et 13-2 communiqués aux débats par M. X;

Ordonne que ces pièces soient écartées des débats ;

Déboute M. X de sa demande d’accueil supplétoire ;

Fixe la moyenne des salaires de M. X à 13 252,19 euros ;

Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. X de l’intégralité de ses demandes ;

Déboute la société Rubi France de sa demande fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X aux entiers dépens de la présente procédure.

Par déclaration du 21 février 2018, le conseil de M. X a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2020, M. X demande à la cour de :

Infirmer partiellement le jugement,

Déclarer recevable la pièce N°9-4 versée aux débats en ce qu’elle doit être considérée comme un compte-rendu bâti sous forme de mot à mot de l’entretien préalable à licenciement de Mme A X assistée par M. X,

Déclarer recevables les enregistrements audio objet des pièces n°3-1, 4-1, 9-3, et 13-1 et leurs transcriptions objet des pièces n°3-2,4-2,9-1,9-2 et 13-2 communiquées aux débats par M. X,

Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société RUBI FRANCE à lui verser la somme de 334.000,00 € nets de cotisations sociales et de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société RUBI FRANCE à lui verser la somme de 50.000,00 € nets de cotisations sociales et de CSG-CRDS de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à défaut, exécution fautive du contrat de travail ;

Débouter la société RUBI FRANCE de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes ;

Condamner la société RUBI FRANCE la somme de 12.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me FROMANTIN sur le fondement de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 20 août 2019, la société Rubi France formule les demandes suivantes :

Dire et juger recevables et bien fondés les moyens, fins et conclusions de la société ;

Vu l’article 9 du code civil

Vu l’article 6 § 1 de la Convention EDH

Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Longjumeau, section encadrement, du 25 janvier 2018 (RG : 16/00709) en ce qu’il a :

— dit et jugé irrecevables les enregistrements audio, objets des pièces N°3-1, 4-1, 9-3 et 13-1 (désormais N°6, 7, 22 et 43) et leurs transcriptions, objets des pièces N° 3-2, 4-2, 9-1, 9-2 et 13-2 (désormais N°6, 7, 20, 21 et 43), communiquées par M. Y X,

— ordonné que ces pièces soient écartées des débats,

— débouté M. X de sa demande d’accueil de serment supplétoire,

— dit que le licenciement de M. Y X reposait sur une cause réelle et sérieuse,

— débouté M. Y X de l’intégralité de ses demandes,

— condamné M. Y X aux entiers dépens de la procédure.

Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que « la pièce N°9-4 (désormais N°23) intitulée « synthèse de l’entretien préalable de convocation ' 1 er juillet 2016 », comportant une mention manuscrite de M. X et sa signature ainsi que la copie de sa pièce d’identité, peut être considérée comme un compte-rendu bâti sous forme de mot à mot de l’entretien préalable de M me X assistée de M. X, et donc une pièce ayant valeur d’attestation et fondée à être recevable à ce titre ».

Et, statuant à nouveau,

Constater, dire et juger que la pièce adverse N°23 (ex 9-4) n’est pas une véritable attestation au sens de l’article 202 du code de procédure civile mais constitue une reproduction de la pièce adverse N°21 (ex 9-2), transcription d’un enregistrement audio obtenu de façon déloyale ;

En conséquence, dire et juger irrecevables la pièce adverse N°23 (ex 9-4) et l’écarter des débats ;

Dire et juger irrecevables les passages des conclusions de M. X du 5 novembre 2018 (point 8, page 8 et point 10, page 10) faisant expressément référence au Page 40 sur 42 contenu des enregistrements audio ou des transcriptions de ces derniers jugés irrecevables;

Débouter M. X de sa demande au titre de « l’exécution de son contrat de travail».

Subsidiairement (si le jugement était infirmé et le licenciement jugé sans cause réelle et

sérieuse),

Constater, dire et juger que M. X n’établit pas la réalité et l’étendue de son préjudice;

En conséquence, fixer les dommages-intérêts dus par RUBI FRANCE au bénéfice de M. X à une somme correspondant à 6 mois de salaire bruts.

En toutes hypothèses,

Condamner M. Y X à payer à la société RUBI FRANCE une somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du CPC, outre les entiers dépens de première instance et d’appel (dont le droit de plaidoirie de 13 €).

Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile , aux conclusions des parties.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur les pièces produites par M. X

L’appelant qui demande sur ce point l’infirmation partielle du jugement ne développe cependant aucun moyen à l’appui.

La société intimée rappelle que les pièces litigieuses sont irrecevables en ce qu’elles constituent les transcriptions écrites d’enregistrements audio effectués clandestinement.

Elle relève que la numérotation des pièces est différente en cause d’appel et fournit un tableau de correspondance page 9 de ses conclusions.

Elle considère que la pièce n° 23 (ex 9-4) retenue par le conseil de prud’hommes comme recevable doit également être écartée des débats comme provenant d’un enregistrement audio.

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il en résulte que seules peuvent avoir valeur de preuve, les documents obtenus par des moyens légalement admissibles.

Il relève incontestablement du procès équitable et du principe d’égalité des armes que les preuves susceptibles d’être produites devant un juge soient recueillies loyalement, l’enregistrement d’une conversation réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus constituant un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve.

Il en va de même de la retranscription desdits enregistrements.

La cour constate que M. X produit en cause d’appel :

— une clef USB contenant les pièces n° 6-1, 7-1, 22-1 et 43-1, correspondant à des enregistrements audio,

— les pièces numérotées 6 et 7 selon bordereau de communication et produites dans le dossier de l’appelant sous les n° 6-2 et 7-2, lesquelles sont des transcriptions traduites de l’espagnol en français d’un enregistrement audio d’une réunion de travail du 30/05/2016, et d’une conversation téléphonique du 16/06/2016,

— la pièce n°43, transcription écrite d’une conversation téléphonique(') du 13 juin 2016.

Il y a lieu de confirmer l’appréciation faite par le conseil de prud’hommes quant au caractère illicite de ces mêmes pièces présentées sous une numérotation différente, étant précisé qu’ aucun des interlocuteurs n’avait été informé au préalable de l’enregistrement qui serait fait de ses propos.

Concernant les pièces n°20, 21 et 23 (la pièce n°22 n’existant pas mais correspondant à l’enregistrement audio n°22-1), il s’agit de la transcription écrite des entretiens préalables du salarié et de son épouse qui ont eu lieu le même jour, les époux s’assistant mutuellement.

Ces pièces sont fournies en deux exemplaires à chaque fois, la différence portant sur une mention apposée sur chacune d’elle par M. X et son épouse, attestant « que ce document est la teneur exacte de l’entretien préalable » avec fourniture de la copie de la carte d’identité des intéressés.

Même si la loi n’a pas prévu de mode de retranscription du compte rendu de l’entretien préalable, les parties en présence peuvent se mettre d’accord pour rédiger un procès-verbal, signé par chacune d’elles.

Un enregistrement de l’entretien pourrait être envisagé mais sous réserve d’offrir les mêmes garanties d’accord et d’authenticité qu’au procès-verbal écrit.

Or, en l’espèce, il est incontesté que le document à la fin duquel Mme A B, assistant son mari, a attesté, est la retranscription de l’enregistrement effectué par elle, à l’insu de l’employeur, et s’agissant d’un procédé déloyal, même non pénalement sanctionné, il est tout aussi irrecevable que l’enregistrement lui-même, étant précisé que le salarié ne soutient ni ne démontre que la production de ces pièces était nécessaire à l’exercice de ses droits et que l’atteinte était proportionnée au but poursuivi.

En conséquence, c’est à tort que le conseil de prud’hommes n’a pas écarté la pièce litigieuse.

Même si les conclusions de l’appelant ne peuvent être regardées comme irrecevables, les développements faits par M. X dans ses écritures ayant pour socle les preuves déclarées irrecevables, doivent être écartés.

Sur la rupture du contrat de travail

A) Sur le bien fondé du licenciement

En vertu des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

En l’espèce, la lettre de licenciement rappelle l’avertissement délivré le 11 mai 2016 puis, indique :

« Après nous avoir assuré de votre volonté de corriger votre attitude, nous avons eu à nouveau à déplorer de graves fautes de comportement.

Ainsi :

— des salariés nous ont encore rapporté des propos et gestes insultants à leur égard ;

— lors de la réunion téléphonique avec les responsables du groupe GERMANS BOADA du 25 mai 2016, nous avons pu constater, d’après vos commentaires la plupart du temps sur la défensive, et en aucun cas constructifs, que vous n’aviez pas accepté nos remarques et nos recommandations et que vous n’aviez pas l’intention de changer votre comportement ni votre manière d’exercer vos fonctions.

Enfin, vous nous avez adressé le 20 juin 2016 un courriel purement calomnieux dans lequel vous accusez notre société de se livrer à des pressions, tant sur vous-même que sur votre épouse A C, mais aussi d’être responsable de l’arrêt maladie de cette dernière.

Votre attitude est incompatible avec l’exercice de fonctions à responsabilités comme celles de directeur commercial de notre société.

Par ailleurs, ces faits et événements mettent en cause la bonne marche de l’entreprise.

En conséquence, nous sommes contraints de vous licencier pour cause réelle et sérieuse ».

L’appelant considère que les griefs invoqués à l’appui de l’avertissement ont été inventés, mettant en parallèle les attestations des salariés avec celles fournies lors d’un procès antérieur, versant également aux débats des attestations et mails de collaborateurs et partenaires commerciaux en sa faveur ; il précise en tout état de cause que la société ne fait pas la preuve de la réitération des faits. Il estime que l’insubordination reprochée n’est pas démontrée et que son mail du 20 juin 2016 n’avait rien de calomnieux.

L’intimée fait état d’insultes, brimades et humiliations commises par M. X sur les membres du personnel et des effets préjudiciables de ces agissements répréhensibles sur le fonctionnement de la société (conséquences sur la santé des salariés, hausse du taux de rotation du personnel de la filiale) et produit à l’appui des attestations.

Elle rappelle que par sa lettre d’avertissement du 11 mai 2016, elle avait mis en demeure M. X de cesser immédiatement ses agissements mais qu’il a persisté dans son comportement.

En vertu de l’article L.1235-1 du Code du travail, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, en formant sa conviction sur les éléments produits par les parties.

En application de l’article L. 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

Toutefois, lorsque des faits de même nature se reproduisent, l’employeur peut faire état des précédents, même s’ils ont été sanctionnés en leur temps, pour justifier une sanction aggravée, notamment un licenciement reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié.

La cour constate que si le salarié a contesté les faits reprochés dans l’avertissement invoquant une attitude de fermeté et d’exigence sans intention de nuire ainsi qu’une inadéquation des moyens humains, il ne demande pas l’annulation de cette sanction, dans le cadre de l’instance prudhomale.

En conséquence, la société est fondée à s’en prévaloir dans le cadre d’un licenciement disciplinaire en raison de la réitération de faits semblables.

Il ressort indubitablement des témoignages produits par l’intimée que M. X a eu un comportement inadapté à l’égard des membres du personnel de la société mais les faits rapportés datent pour l’essentiel des années 2014 et 2015, le dernier fait indiqué par M. D B. (pièce n°9-5) remontant à avril 2016.

Dès lors, la société avait épuisé son pouvoir disciplinaire par l’avertissement délivré le 11 mai 2016, lequel ne fait référence à aucun nom ni date.

En effet, à supposer que la société ait reçu postérieurement à cette date des témoignages d’autres salariés, elle ne donne aucune précision sur ce point dans la lettre de licenciement, alors qu’elle indiquait dans l’avertissement qu’elle envisageait une enquête et les attestations produites sont toutes postérieures au licenciement, de sorte que la cour constate l’absence de démonstration de la découverte après le 11 mai 2016 de faits similaires matériellement vérifiables ou de la réitération de mêmes faits entre le 11 mai 2016 et le 22 juin 2016, date de la convocation à l’entretien préalable.

Concernant l’insubordination à l’égard de ses supérieurs hiéarchiques, les attestations des membres du comité directeur sont convergentes quant à une explosion de colère de la part de M. X lors d’une visio-conférence d’octobre 2015 mais aucun élément n’est produit concernant la réunion téléphonique avec les responsables du groupe GERMANS BOADA du 25 mai 2016, permettant de constater la réitération d’un comportement de même nature, le libellé de la lettre de licenciement ne faisant état au demeurant d’aucune parole déplacée ou injurieuse ni d’un manquement caractérisé à la loyauté.

S’agissant du mail qualifié de calomnieux dans la lettre de licenciement, aucun terme ne permet de l’identifier comme tel et il s’inscrit dans le contexte plus global de la situation professionnelle du couple, les deux époux étant déjà convoqués à l’entretien préalable .

En conséquence, la cour, infirmant le jugement déféré, estime que le licenciement n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

B) Sur les conséquences financières du licenciement

Le salarié expose qu’à ce jour, il est loin d’avoir retrouvé le niveau de rémunération qu’il avait au sein de la société en tant que directeur de filiale et établit son préjudice à l’équivalent de deux années de

rémunération brute.

La société fait valoir d’une part que dès novembre 2016, M. X a retrouvé un poste de directeur commercial et d’autre part qu’il a créé avec son épouse à la même époque, une société de conseil en développement dont les comptes ne sont pas produits aux débats.

Aux termes de l’article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. X estimé avec la part variable par ce dernier à 13 920,36 euros et par la société à 13 707,57 euros, de son âge (54 ans), de son ancienneté (18 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l’article sus-visé, une somme nette de 100 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande d’exonération de cotisations sociales et de CSG-CRDS n’est pas fondée, le régime des indemnités étant prévu à l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale.

Il convient de faire application de la sanction prévue à l’article L.1235-4 du code du travail.

Sur la demande distincte de dommages et intérêts

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l’article 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, l’employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le salarié invoque à l’appui de pressions et 'agressions psychologiques répétées’ les éléments suivants :

— l’avertissement du 11 mai 2016,

— l’annonce qui lui a été faite fin mai 2016 de la nécessité que son épouse et subordonnée quitte l’entreprise, sans mise en cause de ses prestations professionnelles,

— devant son refus, la mise en place pour son épouse d’une proposition de départ négocié le 6 juin 2016,

— sa rétrogradation de directeur de filiale en directeur commercial, se voyant interdire d’intervenir dans les relations entre la société et son épouse,

Il indique avoir été en arrêt maladie pour 'syndrome anxiodépressif réactionnel à conflit travail’du 20 juin au 1er juillet 2016.

Le salarié ne saurait établir les pressions invoquées par la délivrance de l’avertissement du 11 mai 2016, dont il n’a pas demandé l’annulation et qui a été déclaré justifié par les témoignages produits aux débats démontrant que M. X avait au cours des années précédentes, humilié plusieurs de ses subordonnés, par son attitude despotique et agressive voire violente.

L’appelant n’établit pas non plus une rétrogradation dans ses fonctions au mois de juin 2016 mais seulement le fait qu’il lui a été demandé de ne pas intervenir dans le cadre du départ demandé de son épouse.

L’arrêt de travail est intervenu dans ce contexte de stress pour le couple, mais cet élément à lui seul ne peut caractériser une situation de harcèlement moral.

Les mêmes événements sont invoqués par le salarié, en cause d’appel, pour justifier d’une exécution fautive du contrat de travail, mais ils sont également inopérants, aucune faute ne pouvant être relevée à l’encontre de la société.

En conséquence, la demande indemnitaire de M. X doit être rejetée.

Sur les frais et dépens

Il convient d’allouer à M. X la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

La société doit être condamnée aux dépens mais la distraction de ceux-ci doit être rejetée, la représentation par avocat n’étant pas obligatoire en matière sociale.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DÉCLARE irrecevables en cause d’appel, les pièces suivantes produites par M. X :

— la clef USB contenant les pièces n° 6-1, 7-1, 22-1 et 43-1,

— les pièces numérotées 6 et 7 selon bordereau de communication et figurant au dossier de l’appelant sous les n° 6-2 et 7-2,

— la pièce n°43,

— les pièces n°20, 21 et 23,

JUGE que les développements faits par l’appelant, dans ses conclusions en référence à ces pièces doivent être écartés,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

DIT le licenciement pour motif personnel, dénué de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Rubi France à payer à M. Y X les sommes suivantes :

—  100 000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. X du surplus de ses demandes,

ORDONNE le remboursement par la société Rubi France à POLE EMPLOI des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 3 mois,

DIT qu’à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à POLE EMPLOI , par le greffe,

CONDAMNE la société Rubi France aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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