Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 15 octobre 2021, n° 21/07851

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 11, 15 oct. 2021, n° 21/07851
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/07851
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 12 avril 2021, N° 2020017687
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 15 OCTOBRE 2021

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07851 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDRNN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2021 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2020017687

APPELANTE

S.A. ELECTRICITE DE FRANCE (EDF) prise en la personne de ses représentants légaux

[…] immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 552 081 317

représentée par Me Michel GUÉNAIRE de l’AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03, assistée de Me Laurent AYNES, avocat au barreau de PARIS, toque : R170

INTIMEE

S.A.S. HYDROPTION prise en la personne de ses représentants légaux

[…] immatriculée au registre du commerce et des sociétés de TOULON sous le numéro 804 986 552

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, assistée de Me Etienne GOUESSE, avocat au barreau de PARIS, toque : R145

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Denis ARDISSON, Président de la chambre.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Denis ARDISSON, Président de la chambre Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

- signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

1. Le 26 octobre 2016, la société Electricité de France (“EDF”) et la société Hydroption, ont signé un accord-cadre pour l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (“ARENH”) créé par la loi du 7 décembre 2010 portant Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité (“loi NOME”), codifiée aux articles L. 336-1 et suivants du code de l’énergie laquelle a été précédée du rapport de la commission sur l’organisation du marché de l’électricité présidée par M. X et de l’avis de l’Autorité de la concurrence du 17 mai 2010 n° 10-A-08 relatif au projet de loi.

Le cadre de la loi NOME

2. L’article L. 336-1 du code de l’énergie prévoit que : “Afin d’assurer la liberté de choix du fournisseur d’électricité tout en faisant bénéficier l’attractivité du territoire et l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électronucléaire français, un accès régulé et limité à l’électricité nucléaire historique, produite par les centrales nucléaires mentionnées à l’article L. 336-2, est ouvert, pour une période transitoire définie à l’article L. 336-8, à tous les opérateurs fournissant des consommateurs finals résidant sur le territoire métropolitain continental ou des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes. Cet accès régulé est consenti à des conditions économiques équivalentes à celles résultant pour EDF de l’utilisation de ses centrales nucléaires mentionnées au même article L. 336-2”.

3. L’article L. 336-2 prévoit que, jusqu’au 31 décembre 2025, EDF cède de l’électricité aux fournisseurs qui en font la demande, pour un volume maximal déterminé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en fonction des prévisions, fournies par les entreprises intéressées, de consommation des consommateurs finals et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes et en fonction de ce que représente la part de la production des centrales nucléaires dans la consommation totale des consommateurs finals.

4. L’article L. 336-3 énonce que “Le volume maximal cédé à un fournisseur mentionné à l’article L. 336-2 est calculé pour une année par la Commission de régulation de l’énergie, dans le respect du présent article et de l’article L. 336-4, en fonction des caractéristiques et des prévisions d’évolution de la consommation des consommateurs finals et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, que l’intéressé fournit et prévoit de fournir sur le territoire métropolitain continental, et en fonction de ce que représente la part de la

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production des centrales mentionnées à l’article L. 336-2 dans la consommation totale des consommateurs finals. De manière transitoire, jusqu’au 31 décembre 2015, afin de refléter la modulation de la production des centrales mentionnées à l’article L. 336-2, les règles de calcul de ce volume tiennent compte des catégories et du profil de consommation des clients du fournisseur dans la mesure où cela ne conduit pas à ce que la part du volume global maximal mentionné à l’article L. 336-2 attribuée au titre d’une catégorie de consommateurs s’écarte de manière significative de ce que représente la consommation de cette catégorie de consommateurs dans la consommation totale du territoire métropolitain continental. Si la somme des volumes maximaux définis à l’alinéa précédent pour chacun des fournisseurs excède le volume global maximal fixé en application de l’article L. 336-2, la Commission de régulation de l’énergie répartit ce dernier entre les fournisseurs de manière à permettre le développement de la concurrence sur l’ensemble des segments du marché de détail. La Commission de régulation de l’énergie fixe, selon une périodicité infra-annuelle, le volume cédé à chaque fournisseur et le lui notifie. Les échanges d’informations sont organisés, sous le contrôle de la Commission de régulation de l’énergie, notamment par le gestionnaire du réseau public de transport, de telle sorte qu’Électricité de France ne puisse pas avoir accès à des positions individuelles. A compter du 1er août 2013, les droits des fournisseurs sont augmentés de manière progressive en suivant un échéancier sur trois ans défini par arrêté du ministre chargé de l’énergie, pour tenir compte des quantités d’électricité qu’ils fournissent aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes. Ces volumes supplémentaires s’ajoutent au plafond fixé en application de l’article L. 336-2. En cas de circonstances exceptionnelles affectant les centrales nucléaires mentionnées à l’article L. 336-2, les ministres chargés de l’énergie et de l’économie peuvent, par arrêté conjoint, suspendre le dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique et la cession par Électricité de France de tout ou partie des volumes d’électricité correspondant à ce dispositif”.

5. Enfin, en application de l’article L. 337-13, le prix de l’électricité cédé par EDF est arrêté par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie, pris sur proposition de la CRE. En vertu d’un arrêté du 17 mai 2011, ce prix est fixé à 42 euros, hors taxes, par mégawatt-heure (“MWh”) à compter du 1 janvier 2012.er

Le contrat-cadre ARENH

6. L’article L. 336-5 du code de l’énergie prévoit que le fournisseur souhaitant exercer les droits qui découlent du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) conclut avec EDF, dans le délai d’un mois suivant sa demande, un accord-cadre déterminant les modalités d’exercice de ces droits “par la voie de cessions d’une durée d’un an” et dont les stipulations sont conformes à un modèle déterminé par arrêté du ministre chargé de l’énergie pris sur proposition de la CRE.

7. L’article R. 336-9 du code de l’énergie dispose que “tout fournisseur ayant signé un accord-cadre avec EDF transmet à la CRE, au moins quarante jours avant le début de chaque période de livraison, un dossier de demande d’achat d’électricité au titre de l’ARENH” et l’article R. 336-10 précise que : “La transmission d’un dossier de demande d’ARENH à la Commission de régulation de l’énergie vaut engagement ferme de la part du fournisseur d’acheter les quantités totales de produit qui lui seront cédées au cours de la période de livraison à venir calculées conformément à l’article R. 336-13 sur la base de sa demande et notifiées conformément à l’article R. 336-19 par la Commission de régulation de l’énergie”.

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8. L’article R. 336-19 prévoit que trente jours au moins avant le début de chaque période de livraison, la CRE notifie :

- à chaque fournisseur, les quantités et profils des produits qu’EDF lui cède sur la période de livraison à venir ;

- au gestionnaire du réseau public de transport et à EDF la quantité d’électricité que cette société doit injecter chaque demi-heure de la période de livraison à venir au titre de l’ARENH ;

- et au gestionnaire du réseau public de transport la quantité d’électricité que reçoit, chaque demi-heure de la période de livraison à venir, chaque responsable d’équilibre des fournisseurs bénéficiaires de l’ARENH.

9. Le modèle d’accord-cadre pour l’ARENH annexé, en dernier lieu, à l’arrêté du 12 mars 2019 portant modification de l’arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité rappelle, dans son article 4 que “A compter de la réception de la notification de cession annuelle d’électricité et de garanties de capacité, l’acheteur s’engage à prendre livraison de la totalité des produits cédés, objets de la notification”.

10. L’article 10 du modèle d’accord-cadre dispose que “La force majeure désigne un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l’exécution des obligations des Parties dans des conditions économiques raisonnables”.

11. Cet article 10 précise que “La Partie souhaitant invoquer le bénéfice de la force majeure devra, dès connaissance de la survenance de l’événement de force majeure, informer l’autre Partie, la CDC et la CRE, par lettre recommandée avec accusé de réception, de l’apparition de cet événement et, dans la mesure du possible, leur faire part d’une estimation, à titre indicatif, de l’étendue et de la durée probable de cet événement. / La Partie souhaitant se prévaloir d’un événement de force majeure s’efforcera, dans des limites économiques raisonnables, de limiter les conséquences de l’événement de force majeure et devra, pendant toute la durée de cet événement, tenir régulièrement l’autre Partie informée de l’étendue et de la durée probable de cet événement. / Les obligations des Parties sont suspendues pendant la durée de l’événement de Force majeure”.

12. L’article 13-1 du modèle d’accord-cadre prévoit toutefois que l’exécution de l’accord-cadre pourra être suspendue en cas de survenance d’un événement de force majeure, tel que défini à l’article 10, et que, dans cette hypothèse, “la suspension prend effet dès la survenance de l’événement de force majeure et entraîne de plein droit l’interruption de la cession annuelle d’électricité et de garanties de capacité”, la partie invoquant la force majeure devant la notifier à la CRE, à la Caisse des dépôts et consignations et à l”autre partie dans les conditions définies à l’article 10.

Naissance du litige

13. En suite des mesures adoptées par le Gouvernement pour contenir à compter du 17 mars 2020, la propagation de l’épidémie de Covid-19 en France, une diminution de la consommation d’électricité a été enregistrée sur le segment du marché industriel, entraînant une baisse des prix de l’électricité sur les marchés de gros que la société Hydroption a mis en avant pour réclamer à EDF, le 18 mars 2020, la suspension de leur contrat et la fourniture d’électricité pour une durée indéterminée en application de la clause de force majeure et de sa mise en oeuvre stipulées aux articles 10 et 13-1 précités.

14. Par lettre du 23 mars 2020, EDF s’est opposée à la demande, estimant que les critères de la force majeure n’étaient pas remplis.

15. Saisie par l’Association française indépendante de l’électricité et du gaz, (“AFIEG”) et l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie, des conditions de mise en

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oeuvre de la clause de force majeure, la CRE a adopté une délibération le 26 mars 2020 n° 2020-071 portant “communication sur les mesures en faveur des fournisseurs prenant en compte des effets de la crise sanitaire sur les marchés d’électricité et de gaz naturel” au terme de laquelle elle a :

- considéré que la force majeure ne trouverait à s’appliquer que si l’acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l’exécution de l’obligation de paiement de l’ARENH, alors qu’en l’espèce les conséquences d’une suspension totale des contrats ARENH en raison de l’activation des clauses de force majeure seraient disproportionnées et créeraient un effet d’aubaine pour les fournisseurs au détriment d’EDF, qui irait à l’encontre des principes de fonctionnement du dispositif qui repose sur un engagement ferme des parties sur une période d’un an,

- décidé de ne pas transmettre au gestionnaire de réseau de transport français Réseau de transport d’électricité une évolution des volumes d’ARENH livrés par EDF aux fournisseurs concernés liée à une activation de la clause de force majeure,

- supprimé les compléments de prix CP2 pour l’année 2020,

- demandé aux gestionnaires de réseaux et à EDF de répliquer, vis-à-vis des fournisseurs qui en feront la demande, les facilités de paiement octroyées aux entreprises par ordonnance,

- invité EDF à accorder à certains fournisseurs dont la situation le justifie des facilités de paiement supplémentaires.

16. Le 4 mai 2020, la société Hydroption a assigné EDF devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de reconnaître l’application de la force majeure stipulée à l’accord-cadre et sa suspension à compter du 16 mars 2020 et déclarer EDF responsable du refus d’accepter cette suspension jusqu’au 31 août 2020 et la condamner en réparation du préjudice à payer une somme à parfaire de 8.768.385 euros à titre de dommages et intérêts.

* *

17. Par ailleurs, saisi d’un recours en référé contre la communication de la CRE du 26 mars 2020, le Conseil d’Etat a retenu dans son ordonnance du 17 avril 2020 que l’urgence n’était pas caractérisée et a rejeté la demande de suspension de la délibération de la CRE.

18. Enfin, aussi saisie en référé par un fournisseur alternatif d’énergie, et sur intervention volontaire de l’AFIEG, la cour d’appel de Paris a, par arrêt du 28 juillet 2020, confirmé l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris qui a “ordonné à EDF de faire tout ce qu’il y a lieu en vue de parvenir à la suspension de l’accord cadre liant les parties et notamment l’interruption de la cession annuelle visée au paragraphe relatif au point 3 de l’article 13-1 de l’accord cadre susvisé”.

* *

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris 13 avril 2021 qui a :

- débouté EDF de ses exceptions de nullité des articles 10 et 13 du contrat pour illicéité et pour potestativité,

- dit que c’est à bon droit que la société Hydroption a notifié à EDF, dès le 18 mars 2020, la survenance d’un événement constitutif d’un cas de force majeure afin que cette dernière suspende l’exécution du contrat et notamment cesse de lui fournir

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de l’électricité ARENH,

- dit que EDF a commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité en continuant à livrer de l’électricité ARENH après la notification par la société Hydroption de la survenance d’un événement constitutif d’un cas de force majeure,

- débouté EDF de sa demande de dire qu’une indemnisation du préjudice de la société Hydroption serait constitutive d’une aide d’Etat au sens du Traité de l’Union Européenne,

- condamné EDF à payer à la société Hydroption, au titre du préjudice subi du fait de la non suspension du contrat ARENH pendant la période du 17 mars au 31 mai 2020, la somme de 5.880.000 euros,

- débouté la société Hydroption de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la résistance abusive,

- condamné EDF à payer à la société Hydroption la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l’exécution provisoire,

- condamné EDF aux dépens ;

* *

Vu l’appel du jugement interjeté le 28 avril 2021 par la société Electricité de France ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre du 2 juin 2021 autorisant l’assignation à jour fixe pour l’audience du 9 septembre 2021 ;

* *

Vu les conclusions que la société Electricité de France a signifiées le 18 mai 2021 ainsi que les conclusions en réponse remises par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juillet 2021 et les dernières du 3 septembre 2021 aux termes desquelles elle entend voir, en application de l’article 107, paragraphe 1 , du Traité sur le fonctionnement de l’Unioner européenne :

- annuler le jugement pour défaut de motivation,

- réformer le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société Hydroption de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- juger que les conditions de la force majeure stipulées à l’article 10 de l’accord-cadre ne sont pas réunies,

- juger que EDF n’était pas tenue de suspendre l’accord-cadre,

- juger par conséquent que EDF n’a commis aucune faute contractuelle engageant sa responsabilité,

- juger subsidiairement que l’article 10 de l’Accord-cadre est entaché de nullité,

- juger en tout état de cause, que la société Hydroption n’a subi aucun préjudice,

- débouter la société Hydroption de ses demandes dirigées contre EDF et de ses demandes formulées au titre de son appel incident,

- écarter les demandes d’irrecevabilité formulées par la société Hydroption,

- réformer le jugement sur le quantum de l’indemnité allouée à la société Hydroption au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Hydroption à payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Hydroption aux entiers dépens de la présente instance ;

* *

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Vu les conclusions remises pour la société Hydroption par le réseau privé virtuel des avocats les 4 juin, 30 août, 7 septembre 2021, ainsi que les dernières du 9 septembre 2021 aux termes desquelles elle entend voir, en application des articles 1101 et suivants, 1170, 1195, 1217, 1218, 1231 et s., 1303 et suivants et 1351, du code civil, et 918 et 954 du code de procédure civile :

en liminaire,

- rejeter comme irrecevables les conclusions responsives n° 2 et n°3 de EDF,

- rejeter comme irrecevables les pièces nouvelles n° 24 à 26 de EDF contenues dans ses conclusions responsives, ainsi que les développements qui les citent, soit les point 71 (p. 34 à 35 des conclusions responsives n° 3 du 3 septembre 2021), 103 (p. 48 à 52 des mêmes conclusions) et 104 (p. 53 des mêmes conclusions), 111 et 112 (p. 57 à 59 des mêmes conclusions),

subsidiairement,

- rejeter comme irrecevables, les moyens nouveaux de EDF contenus dans ses conclusions responsives, à savoir :

le moyen selon lequel “Le tribunal de commerce a dénaturé l’article 10 de l’accord-cadre” (§4.3.2, p. 21 à 27 des conclusions responsives n°3 de EDF), le moyen tiré de ce que le tribunal aurait dénaturé l’article 10 de l’accord-cadre en ce que “ le sens donné par le Tribunal à l’article 10 de l’accord-cadre est contraire à la finalité de l’institution de la force majeure : exonérer le débiteur empêché d’exécuter ses obligations, et non protéger le créancier empêché de jouir du contrat” (§4.3.1.2 – B, p.23 des conclusions responsives n° 3 de EDF), le moyen tiré de ce que le tribunal aurait dénaturé l’article 10 de l’Accord-cadre en ce que “le sens donné par le tribunal à l’article 10 de l’Accord-cadre est contraire à l’économie générale du contrat » (§4.3.1.2- D, p.24-25 des conclusions responsives n° 3 d’EDF), le moyen tiré de ce que « l’article 10 de l’accord-Cadre n’a pas pour objet une protection contre la survenance d’une absence ou d’une baisse de profitabilité” (B du §4.3.1.3- B, p.28 des conclusions responsives de EDF), le moyen tiré de ce “qu’Hydroption avait l’obligation contractuelle d’imputer la diminution éventuelle de la consommation de son portefeuille de clients sur des volumes acquis autrement que par le dispositif ARENH et ce afin de minimiser l’éventuel préjudice résultant pour elle de la survenance d’un événement de force majeure” (§104, p. 53 des conclusions responsives n° 3 de EDF),

sur le fond, à titre principal,

- confirmer le jugement sauf en ce qu’il a limité la période au titre de laquelle EDF a commis une faute contractuelle du fait de la non-suspension du contrat ARENH à la période du 17 mars au 31 mai 2020, limité le montant du préjudice de la société Hydroption à la somme de 5.880.000 euros, débouté la société Hydroption de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la résistance abusive,

- condamner EDF à verser la somme de 8.673.802 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non-suspension du contrat ARENH du 18 mars 2020 à l’avant-dernière semaine du mois d’août,

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- condamner EDF à verser la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa résistance abusive,

subsidiairement, sur le premier de ces deux chefs,

- condamner EDF à verser la somme de 8.673.802 euros en réparation de la perte de chance subie du fait de la non-suspension du contrat ARENH du 18 mars 2020 à l’avant-dernière semaine du mois d’août,

sinon,

- condamner EDF à verser la même somme de 8.673.802 euros correspondant à l’enrichissement de EDF et l’appauvrissement corrélatif d’Hydroption pendant la période du 18 mars 2020 à l’avant-dernière semaine du mois d’août,

sinon encore,

- condamner EDF à verser à la somme de 3.487.602 euros en réparation de la perte éprouvée du fait de la non-suspension du contrat ARENH du 18 mars 2020 à l’avant-dernière semaine du mois d’août, en tout état de cause,

- condamner EDF à verser la somme de 100.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance d’appel,

- condamner EDF aux entiers dépens outre les frais d’exécution engagés par Hydroption pour faire exécuter le jugement.

* *

La clôture de l’instruction a été ordonnée par le président à l’audience du 9 septembre 2021.

SUR CE, LA COUR,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.

I. Sur le rejet des conclusions et des moyens nouveaux de EDF

19. La société Hydroption demande que soient écartées des débats les conclusions que EDF a successivement remises en réponse le 20 juillet 2021 et le 3 mai 2021 (dites “n°3” par Hydroption) ainsi que ses pièces numéros 24, 25 et 26, alors qu’en matière d’assignation à jour fixe telle régie par l’article 918 et suivants du code de procédure civile, l’appelant ne peut plus présenter de prétentions et moyens nouveaux non contenus dans les conclusions jointes à sa requête ni produire de nouvelles pièces – sauf si ces éléments constituent une réponse aux conclusions de l’intimé.

Appréciation des moyens nouveaux

20. La société Hydroption soutient que sont nouveaux et doivent être écartés les moyens suivants :

21. Le moyen selon lequel “Le Tribunal de commerce a dénaturé l’article 10 de l’Accord-cadre” (§4.3.1.2, p. 21 à 27 des conclusions responsives n°3), et dont la société Hydroption soutient qu’ils “sont suivis de développements d’un moyen nouveau, en droit

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et en fait (…) fondés sur une allégation nouvelle de violation des dispositions de l’article 1192 du code civil qui n’a jamais été envisagée jusqu’alors”. Toutefois, la généralité de cette critique ne peut être contrôlée, la règle d’interprétation des contrats étant quant à elle déjà visée dans les premières conclusions de EDF.

22. Le moyen tiré de ce que “le Tribunal aurait dénaturé l’article 10 de l’Accord-cadre en ce que le sens donné par le Tribunal à l’article 10 de l’Accord-cadre est contraire à la finalité de l’institution de la force majeure : exonérer le débiteur empêché d’exécuter ses obligations, et non protéger le créancier empêché de jouir du contrat” (§4.3.1.2 – B, p.23 des conclusions responsives n° 3 d’EDF). Au demeurant, il s’agit d’une reformulation des mêmes moyens tirés de l’imprévision et de la “profitabilité” de la clause de force majeure que EDF avait déjà développés dans ses premières conclusions.

23. Le moyen tiré de ce que “le Tribunal aurait dénaturé l’article 10 de l’Accord-cadre en ce que le sens donné par le Tribunal à l’article 10 de l’Accord-cadre est contraire à l’économie générale du contrat” (§4.3.1.2- D, p.24 des conclusions responsives n° 3 d’EDF) et dont la société Hydroption soutient qu’il est nouveau pour être formulé au visa de l’article 1189, alinéa 1, du code civil. Néanmoins, l’argumentation sur les objectifs et l’économie du dispositif ARENH au soutien de l’interprétation de la clause est amplement exposée dans les premières conclusions de EDF et le simple visa de la règle d’interprétation n’ajoute pas à la portée du moyen.

24. Le moyen tiré de ce que “l’article 10 de l’Accord-Cadre n’a pas pour objet une protection contre la survenance d’une absence ou d’une baisse de profitabilité” (B du §4.3.1.3- B, p.28 à 30 des conclusions responsives n° 3 d’EDF), et dont la société Hydroption soutient que

“Les dernières explications apportées par EDF et son analyse, moyen par moyen, n’est pas convaincante et se raccroche à une conception extensive du moyen qui ne correspond pas à l’analyse de la jurisprudence. Toutefois, là encore, les moyens tirés de l’imprévision et de la “profitabilité” de la clause de force majeure que EDF étaient déjà développés dans ses premières conclusions aux points 52, 53, 55 et 61 et il ne se dégage pas de leur reformulation, une modification de leur portée.

25. Le moyen tiré de ce que “Hydroption avait l’obligation contractuelle d’imputer la diminution éventuelle de la consommation de son portefeuille de clients sur des volumes acquis autrement que par le dispositif ARENH et ce afin de minimiser l’éventuel préjudice résultant pour elle de la survenance d’un événement de force majeure” (§104, p. 53 des conclusions responsives n° 3 de EDF). Cependant, cet argumentaire reprend aussi, sans en modifier la portée, celui des premières écritures de EDF développées aux points 52, 53, 55 et 61.

26. Il s’en suit que les conclusions ne portent pas atteinte au caractère contradictoire de la procédure à jour fixe, et tandis par ailleurs que l’objet du contrat en litige porte sur le coeur d’activité de chacune des parties, la société Hydroption ne peut sérieusement soutenir être déroutée par la reformulation de EDF de ses premières conclusions, le conseil de la société Hydroption ayant au surplus écarté la proposition du président à l’audience du 9 septembre 2021 de lui permettre de répliquer par renvoi de l’affaire à une autre audience ou par communication d’observations en délibéré.

27. Enfin, la demande de la société Hydroption tendant à faire constater ceux des moyens que EDF abandonnés aux termes de ses dernières conclusions est dépourvue d’objet, en sorte qu’il n’y a pas lieu de la trancher.

Appréciation des pièces nouvelles

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28. La société Hydroption entend voir écarter des débats les pièces nouvelles que EDF a communiquées, d’abord pour contester la durée de la baisse de consommation d’électricité associée à la force majeure, alors qu’elles auraient pu être jointes avec la requête signifiée le 19 mai 2021.

29. La demande sera retenue en ce qui concerne la pièce n° 25 relative au “Bilan électrique 2020 de RTE” qui était établi le 3 mars 2021 avant la signification de la requête.

30. En revanche, la pièce n° 24 relative aux “Mesures de déconfinement, la consommation en électricité reprend progressivement” de RTE datée du 19 mai 2020 pouvait valablement être communiquée, alors qu’elle a été publiée le jour de la signification de la requête et qu’elle apporte une mesure extérieure aux parties des valeurs sur lesquelles elles s’opposent au litige.

31. De même, pour voir écarter la pièce n° 26 et correspondant à un complément d’analyse par le cabinet FTI Consulting / Compass Lexecon établi le 8 juillet 2021, et dont EDF se prévaut pour contester la preuve du préjudice de la société Hydroption, cette dernière relève qu’elle n’a pas modifié la base de sa demande de dommages et intérêts depuis la première instance pour conclure de cette pièce, qu’elle ne pouvait être produite après la signification de la requête et les conclusions le 19 mai 2021.

32. Mais alors que les termes du jugement, en particulier le paragraphe “IV Sur le montant du préjudice subi par HYDRO” ne permettent de déduire que les objections de ce rapport sur les volumes ARENH, les valeurs auxquelles le prix ARENH peut être comparé avec le prix spot et enfin sur l’opportunité de prendre en compte la restitution de la valeur des garanties de capacité dans la détermination du préjudice reconstitué sur les bases d’une suspension de l’accord-cadre, cette pièce comme les moyens qui la reprennent entre dans la réponse de EDF aux moyens nouveaux développés en cause d’appel par la société Hydroption en sorte que la demande sera aussi écartée.

II. Sur la nullité du jugement

33. Pour conclure à la nullité du jugement, EDF soutient qu’il n’est motivé que par référence à d’autres décisions prises par le juge des référés qui n’ont pas l’autorité de la chose jugée.

34. Néanmoins, il n’est pas interdit au juge de viser des décisions dont l’objet se rattache au litige, de surcroît lorsque les parties s’en prévalent, et tandis que, ainsi que cela ressort des écritures de EDF elles-mêmes, il est manifeste que les premiers juges ont amplement discuté et motivé leur décision sur la base, déterminante pour le litige, des conditions auxquelles la société Hydroption a été confrontée par l’événement de la pandémie et les mesures du Gouvernement et de l’impossibilité qui en résultait pour elle acquérir l’électricité dans les conditions stipulées au contrat, il convient de rejeter la demande d’annulation du jugement.

III. Sur les conditions de mise en oeuvre de la clause de force majeure

35. Pour voir confirmer le jugement, sauf en ce qu’il a limité l’indemnisation de son préjudice qu’elle entend établir fu 16 mars au 31 août 2020 à la somme de 8.656.385 euros, la société Hydroption relève que le caractère extérieur aux parties de la pandémie et des mesures gouvernementales prises pour son confinement, ainsi que leur nature imprévisible

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au moment de la souscription du contrat, ont rendu impossible l’exécution de son obligation d’achat d’électricité dans des conditions économiques raisonnables, au sens de l’article 10 précité, et invoque, en premier lieu, les dispositions du gouvernement adoptées pour la fermeture de tous les lieux accueillant du public non indispensable à la vie de la Nation le 14 mars 2020, l’interdiction des déplacements hors domicile, sauf exceptions limitativement énumérées par les pouvoirs publics par décret du 16 mars 2020, modifié, et l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire national décidé par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

36. En deuxième lieu, la société Hydroption relève, qu’elle n’avait aucune prise sur la chute de la demande d’électricité et des prix sur le marché de gros, et tandis que l’électricité produite et fournie par EDF n’est pas stockable, elle n’a pu trouver soudainement des clients nouveaux alors que l’économie est entrée en récession.

37. En troisième lieu, elle oppose les conséquences qui en sont résultées sur la diminution de la consommation globale d’électricité de l’ordre de 15 à 20%, toutes choses étant égales par ailleurs (consommations sous condition de saisonnalité météorologique équivalente), et se prévaut, des constats du Réseau de transport d’électricité (“RTE”), gestionnaire de réseau de transport français responsable du réseau public de transport d’électricité haute tension en France métropolitaine, selon lesquels la demande des fournisseurs en ARENH n’a été satisfaite qu’à hauteur de 68%, et précisant que “Le 26 mars, les prix à terme de l’échéance avril 2020 sur le marché français étaient au plus bas depuis 2002, que sur les marchés journaliers (prix spot), les prix sont également très bas, avec des moyennes journalières autour de 20€/MWh et des niveaux très faibles notamment le week-end. L’évolution sur une période de deux mois apparaît moins brutale que sur les marchés à terme, car les prix étaient relativement bas depuis début février du fait de températures relativement douces et d’une production éolienne importante. La baisse atteint tout de même environ 40 % entre le début du mois de février et la fin du mois de mars sur le marché français (contre environ 25 % en 2019)”.

38. En quatrième lieu, pour déduire qu’elle ne pouvait supporter ces baisses à des conditions économiques raisonnables, la société Hydroption se prévaut, d’une part, des écarts d’injection et de soutirage d’électricité ARENH de mars à août 2020 pour en déduire les parts non consommées par ses clients (pièce n°28) qu’elle a enregistrés de 20% en mars 2020, 23% en avril, 27% en mai, 26% en juin, 10% en juillet et 15% en août, écarts corroborés par ceux enregistrés par RTE (pièce n°28 bis) et conclut que l’ARENH a couvert seulement 68% de la demande de ses souscripteurs sur la période du 16 mars au 31 août 2020.

39. D’autre part, la société Hydroption rapporte ces baisses aux écarts entre le tarif ARENH et les prix du marché de gros intra-journalier enregistrés sur la bourse européenne d’électricité Epex Spot (pièces n°25 à 27bis et 29), qu’elle compare encore aux écarts de valeurs enregistrées mois par mois en 2018, 2019 et 2020 et pour déduire qu’elle a acheté l’électricité ARENH à un prix deux à trois fois supérieur à celui du cours auquel elle était revendue, à perte, au prix compris entre 20 et 25 euros le Mwh, la société Hydroption retraitant ces écarts pour déduire la perte de marge qu’elle revendique à titre de dommages et intérêts.

40. Enfin, la société Hydroption estime que les mesures du Gouvernement, qui ont directement affecté la fourniture d’électricité, et le refus de EDF d’interrompre le contrat

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constituent le point de départ d’appréciation de la force majeure pour conclure qu’il n’y a pas lieu de prendre en considération le volume annuel d’électricité livré ni de rapporter l’écart entre le tarif et les prix de bourse sur la période de mars à août 2020 à d’autres valeurs de prix, ou à des critères de rentabilité de la revente d’électricité.

41. En cinquième lieu, la société Hydroption conclut que la baisse de consommation d’électricité a eu pour effet un bouleversement de l’équilibre du contrat ARENH dont les objectifs principaux consistaient à faire bénéficier le consommateur de la compétitivité du parc électronucléaire historique français, stimuler la concurrence sur le marché aval de la fourniture au détail d’électricité et stimuler la concurrence sur le marché amont en favorisant les investissements dans les installations de production.

42. Elle estime en particulier que ces objectifs sont poursuivis au travers du prix de marché de gros devant permettre d’atteindre au moyen d’un prix avantageux conformément aux termes de l’article L. 336-1 du code de l’énergie, que les volumes limités d’énergie électrique couverts par le dispositif ARENH étaient consentis “à des conditions économiques équivalentes à celles résultant pour EDF de l’utilisation de ses centrales nucléaires, de manière à permettre aux concurrents de EDF d’acheter de l’électricité à un prix avantageux” ainsi que l’a indiqué l’Autorité de la concurrence dans son avis du 22 janvier 2019 n° 19-A-01 concernant un projet de décret relatif au dispositif ARENH énonçant que “le mécanisme a été conçu en faisant l’hypothèse d’un maintien des prix de marché de gros à des niveaux supérieurs à celui de l’ARENH”.

43. La société Hydroption en déduit que l’ARENH n’a pas vocation à permettre les arbitrages des fournisseurs dans des conditions de fonctionnement normal de marché de fourniture de l’électricité, mais de sécuriser un approvisionnement dans des conditions raisonnablement avantageuses et que le dispositif n’a pas été conçu avec la perspective, même fortuite, de procurer un avantage à EDF lui permettant, au détriment de ses concurrents nouveaux entrants, de vendre sa production à des conditions sans rapport avec le cours réel de l’électricité comme cela a pu être le cas de mars à août 2020, EDF ayant de surcroît pu diminuer sa propre production pour s’adapter à la chute de la demande d’électricité tout en maintenant ses cours et les prix de marché journaliers enregistrés en bourse.

44. En sixième lieu, la société Hydroption entend apprécier les conditions économiques raisonnables stipulées à l’accord-cadre d’après les modifications apportées à la clause et des travaux actuels sur la réforme de l’ARENH pour la période post 2025 et des travaux qui envisagent de faire flotter le niveau de prix de l’ARENH de 10% dans un prix plancher et un prix plafond de 40 et 46 euros le Mwh.

45. Au demeurant, ni les dispositions précitées de la loi NOME, ni l’équilibre des objectifs politiques et économiques qu’elles poursuivent pour l’ouverture de l’électricité électronucléaire de EDF aux marchés de l’électricité, ne font dépendre, en droit, de l’intangibilité du tarif réglementé de vente d’électricité et des volumes d’électricité de base régulée négociés chaque année entre EDF et les fournisseurs alternatifs, la liberté des fournisseurs alternatifs d’exécuter, en aval, les prix sur leur volume d’électricité ARENH à la hausse, comme à la baisse, auprès des clients finals ou sur les marchés de gros, de gré à gré ou en bourse, en intra-journalier ou à terme, en France, et sur la zone de couplage en Europe.

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46. D’autre part, si la pandémie et les mesures gouvernementales pour la contenir ont affecté la consommation d’électricité à destination des professionnels, et constituent pour les fournisseurs d’électricité un événement extérieur et imprévisible au moment de la souscription du contrat-cadre passé avec EDF, la clause de force majeure de l’article 10 prévoit que la portée de cet événement dépend de la preuve de l’impossibilité pour l’une ou l’autre des parties d’exécuter son obligation, liée et subordonnée, à celle de ses conditions économiques raisonnables dont l’objet s’apprécie, sur la base contractuelle des volumes annuels d’électricité au tarif réglementé de 42 euros, hors taxes, par MWh, pour EDF, d’après ses conditions de production et de fourniture de son électricité, et pour les fournisseurs alternatifs comme la société Hydroption, d’après leurs conditions de revente effective de leurs volumes d’électricité.

47. Et en l’espèce, tels qu’ils sont invoqués aux points 37 à 39 de l’arrêt, les valeurs moyennes sur la chute de la consommation d’électricité et les écarts arithmétiques entre les volumes de fourniture d’électricité ARENH anticipée par la société Hydroption, avec les volumes non consommés, rapportés aux écarts du tarif réglementé avec les valeurs de cours intra-journaliers de l’électricité sur le marché Epex Spot, ne reposent, ni sur la preuve des engagements des clients de la société Hydroption, ni sur celle des conditions dans lesquelles elle a effectivement revendu les volumes d’électricité qu’elle a achetés du 16 mars au 31 août 2020.

48. Il ne peut en conséquence être déduit que la société Hydroption n’a pas acheté les volumes d’électricité dans des conditions économiques raisonnables, la cour retenant surabondamment de ces valeurs et de ces écarts, d’une part, qu’ils ne permettent pas des comparaisons avec des indicateurs financiers sur l’exécution du contrat ARENH pour la fourniture des 122 MWh qui lui ont été alloués sur l’année 2020 ni, d’autre part, qu’ils peuvent pertinemment être retraités pour déterminer la perte de marge que la société Hydroption revendique à titre de dommages et intérêts, et de surcroît sur la base de la perte de chance.

49. Il en résulte que la cause exonératoire de la force majeure n’était pas démontrée et que EDF n’était pas tenue de satisfaire à la demande de suspension du contrat, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenue la responsabilité de EDF de ce chef et l’a condamnée à verser les dommages et intérêts à la société Hydroption.

50. Enfin, la demande de la société Hydroption, subsidiaire et nouvelle en cause d’appel, en condamnation de la société EDF sur le fondement de l’enrichissement sans cause n’est pas recevable par application de l’article 1303-3 du code civil dont il n’autorise pas qu’elle soit formée alternativement à l’action en responsabilité contractuelle au titre de laquelle sont réclamés, et rejetés, les dommages et intérêts.

IV. Sur les dommages et intérêts au titre de l’abus de procédure, des dépens et des frais irrépétibles

51. La société Hydroption succombant à l’action, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’abus de procédure de EDF, mais infirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

52. Statuant à nouveau de ces derniers chefs y compris en cause d’appel, la société Hydroption supportera les dépens et sera condamnée à payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article de l’article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS,

Ecarte des débats la pièce n°25 communiquée par la société Electricité de France relative au “Bilan électrique 2020 de RTE” ;

Déclare recevables les conclusions et les pièces n°24 et n°26 remises les 20 juillet et 3 septembre 2021 par la société Electricité de France ;

Rejette la demande de nullité du jugement ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf celle qui a débouté la société Hydroption de sa demande au titre de l’abus de procédure ;

Déboute la société Hydroption de ses demandes de dommages et intérêts ;

Condamne la société Hydroption aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne la société Hydroption à payer à la société Electricité de France la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 15 octobre 2021, n° 21/07851