Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 3 octobre 2019, n° 16/02236

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, ch. soc., 3 oct. 2019, n° 16/02236
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 16/02236
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MHD/CD

Numéro 19/3867

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 03/10/2019

Dossier : N° RG 16/02236 -

N° Portalis DBVV-V-B7A-

GHTM

Nature affaire :

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

E Y

C/

SAS WILAU PROPRETÉ

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 03 Octobre 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 24 Juin 2019, devant :

Madame X, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame X, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut

d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame THEATE, Présidente

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame X, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame E Y

[…]

[…]

Représentée par Maître QUILLIVIC, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SAS WILAU PROPRETÉ venant aux droits de la SA CONFO-NET

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Maître TANDONNET de la SCP TANDONNET – LIPSOS LAFAURIE, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 14 JUIN 2016

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : F 14/00273

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société CONFO-NET fournit des prestations de nettoyage.

Elle relève de la Convention Collective nationale des Entreprises de Propreté.

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 27 mars 2013, elle a engagé Madame E Y en qualité de comptable.

Le 02 juin 2014, la société CONFO-NET a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception à cette salariée, intitulée ' mise au point , pour relever l’absence de tenue du cahier d’appel clients, entre mi-mars et début mai, et la perte consécutive d’un marché de nettoyage, ce que la salariée a contesté par lettre recommandée avec accusé de réception du 04 juillet 2014.

Le 09 juillet 2014, l’employeur a remis en main propre à Madame E Y, un avertissement fondé sur les précédents griefs relevés dans le courrier de 'mise au point', et sur d’autres griefs dont le défaut de communication.

Le 15 juillet 2014, la salariée a adressé un arrêt maladie à son employeur.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 23 juillet 2014, la société CONFO-NET a notifié de nouveaux reproches à la salariée, et l’a convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé au 04 août 2014.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 07 août 2014, elle l’a licenciée pour faute grave.

Par requête du 22 septembre 2014, Madame E Y a saisi le conseil de prud’hommes de Tarbes pour contester ce licenciement et demander la condamnation de la SARL CONFO-NET à lui payer les indemnités consécutives outre diverses sommes au titre des rappels de salaire et complément maladie. Elle a également réclamé la remise des documents de fin de contrat et des bulletins de paie.

La tentative de conciliation ayant échoué, l’affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement.

Par jugement du 14 juin 2016, auquel il conviendra de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud’hommes de Tarbes, section commerce, statuant en formation paritaire, a :

* jugé le licenciement pour faute grave de Madame E Y bien-fondé ;

* ordonné à la SARL CONFO-NET, prise en la personne de son représentant légal, le remboursement de la somme de 82,77 € indûment prélevée pour une erreur de caisse ;

* condamné la SARL CONFO-NET à lui verser les sommes suivantes :

—  2.500 € au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

—  300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

* condamné la SARL CONFO-NET, en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens.

***********

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juin 2016, l’avocat Madame E Y a interjeté appel de ce jugement au nom et pour le compte de sa cliente à qui il avait été notifié le 18 juin 2016.

Le 07 septembre 2018, en raison d’un changement de dénomination sociale, la SAS WILAU PROPRETÉ est venue aux droits de la SA CONFO-NET.

***********

Selon conclusions enregistrées au greffe le 02 avril 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame E Y, appelante demande à la Cour :

* de réformer le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné la SARL CONFO-NET à payer à Madame E Y les sommes suivantes :

— de 82,77 € indûment prélevée pour une erreur de caisse ;

—  2.500 € au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Statuant à nouveau,

* de juger le licenciement de Madame E Y dépourvu de cause réelle et sérieuse, et abusif ;

En conséquence,

* de condamner la société WILAU PROPRETÉ à payer à Madame E Y les sommes suivantes :

—  30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

—  708,33 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

—  2.500 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis :

—  250 € à titre d’indemnité de congés payés sur le préavis ;

—  100 € au titre du rappel d’heures supplémentaires ;

—  10 € à titre d’indemnité de congés payés sur le rappel d’heures supplémentaires ;

—  105 € au titre du rappel de complément maladie ;

—  2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance ;

* d’ordonner la remise des documents de fin de contrat dûment rectifiés, ainsi que les bulletins de salaires rectifiés pour les mois d’août à septembre 2014 ;

* de débouter la société WILAU PROPRETÉ de toutes ses demandes ;

* de condamner la société WILAU PROPRETÉ à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

***********

Selon conclusions transmises par voie dématérialisée le 28 mai 2019, la SAS WILAU PROPRETÉ venant aux droits de la SA CONFO-NET, intimée demande à la Cour de :

* confirmer le jugement dont appel, en ce qu’il a :

— jugé le licenciement pour faute grave de Madame E Y bien-fondé et l’a déboutée de ses demandes y afférent,

— dire en conséquence que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

— qu’il a débouté la salariée de ses demandes ;

* l’infirmer en ce qu’il a condamné la SARL CONFO-NET au paiement des sommes suivantes :

—  82,77 € indûment prélevée pour une erreur de caisse ;

—  2.500 € au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

—  300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Statuant à nouveau,

* débouter Madame E Y de l’ensemble de ses demandes ;

* condamner Madame E Y au paiement de la somme 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

MOTIFS

A titre liminaire, il importe de relever que Madame Y se prévaut des dispositions de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile selon lesquelles :

'Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé.'

en soutenant que le jugement attaqué ne répond pas à cette exigence de motivation.

Cependant, la sanction prévue par la loi pour le défaut de motivation est la nullité du jugement (article 458 du code de procédure civile : 'Ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité') à laquelle ne conclut pas Madame Y.

Les développements sur l’absence de motivation sont dès lors inopérants.

I – SUR L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL :

Sur les heures supplémentaires

Il résulte des dispositions de l’article L. 3121-22 du code du travail que les heures supplémentaires sont les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale applicable ou de la durée considérée comme équivalente.

L’article L. 3171-4 prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail, accomplies, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, Madame Y soutient que sur la période du 25 juin 2014 au 07 juillet 2014 elle a accompli 06 heures supplémentaires, dont elle fournit le détail précis dans ses écritures (page 16 de ses conclusions) et réclame à ce titre la condamnation de l’employeur au paiement de la somme

de 100 €, outre 10 € pour les congés payés y afférents.

L’employeur conclut au débouté de la salariée, en l’absence d’élément propre à étayer sa demande.

Il ressort du contrat de travail que Madame Y avait été engagée sur la base de 151,67 heures de travail hebdomadaires réparties de la façon suivante : de 8 h 30 à 12 heures et de 14 h à 17 h 30 du lundi au vendredi.

Il était toutefois précisé au contrat que ces horaires pouvaient être modifiés 'en fonction du calendrier pour dégager le temps nécessaire pour que les paies soient établies pour le 31 ou le 1er.'

Il est surtout stipulé que 'le paiement des heures supplémentaires au-delà de 35 heures par semaine est subordonné à l’accord de la direction pour réaliser ces heures et la justification précise de votre emploi du temps'.

Il en découle que la seule énonciation d’heures de travail détaillées, certes précise mais dépourvue de tout autre élément probatoire propre à attester :

* de l’exécution effective de ces heures ;

* de leur motif et/ou de l’emploi du temps de la salariée au cours de ces heures ;

* d’un accord et en tous cas de toute indication sur la manière dont l’employeur aurait pu, ne serait ce qu’avoir eu connaissance de l’accomplissement de ces heures supplémentaires ;

est insuffisante à étayer sa demande.

Le jugement qui a débouté Madame Y de ce chef de la demande est donc confirmé.

Sur le complément maladie

En l’absence de dispositions de la convention collective de branche ou d’un accord collectif de travail, l’article L. 1226-1 du code du travail (codification de la loi de mensualisation) prévoit qu’en cas d’absence pour maladie (professionnelle ou non) ou d’accident du travail, un salarié bénéficie d’un maintien de salaire partiel à condition :

* de justifier d’une ancienneté d’un an dans l’entreprise (l’ancienneté s’appréciant au 1er jour de l’absence salarié) ;

* d’avoir justifié dans les 48 heures de cette absence (envoi de l’avis d’arrêt de travail à la CPAM et à l’employeur) ;

* d’être pris en charge par la sécurité sociale : les indemnités complémentaires ne sont dues par l’employeur que s’il y a versement des IJSS ;

* d’être soigné sur le territoire français ou dans un Etat membre de l’UE ou de l’EEE.

Selon les dispositions de l’article R. 323-1 du code de la sécurité sociale le délai de carence appliqué au versement des indemnités journalières est de 3 jours ('pour l’application du premier alinéa de l’article L. 323-1 : 1°) le point de départ de l’indemnité journalière définie par le 5° de l’article L. 321-1 est le quatrième jour de l’incapacité de travail (…)'

Or, la salariée affirme que l’employeur a appliqué un délai de carence de 4 jours, soit un différentiel de 7 heures représentant un montant brut de 105 €.

L’employeur le conteste et soutient que la salariée a été intégralement remplie de ses droits à la suite de la régularisation intervenue en août 2014 ayant entraîné le versement d’une somme complémentaire de 85,96 €.

Indépendamment de l’erreur matérielle affectant la demande de l’appelante (qui se réfère à une période d’absence de juillet et août 2015), et de la régularisation intervenue (voir second bulletin de salaire édité pour le mois d’août 2014), il ressort de ces pièces (bulletin de salaire des mois de juillet et août 2014) que Madame Y a été absente pendant 14 jours en juillet 2014 et 5 jours en août 2014. Ces 19 jours représentent 133 heures de travail. Or l’employeur a payé 105 heures au titre de la prise en charge des jours de maladie, soit un solde de 28 heures correspondant comme le fait valoir Madame Y à 4 jours de travail, et non de trois jours. L’employeur lui doit en conséquence une somme de 105 € correspondant à 7 heures de travail payées au taux de 90 % (15 € bruts).

Par infirmation du jugement dont appel qui a débouté Madame Y de ce chef de la demande, la société WILAU PROPRETÉ est condamnée à payer à la salariée la somme de 105 € bruts à titre de complément de salaire dû au titre de la maladie.

Sur le remboursement de la somme de 82,77 €

L’employeur conclut, à titre incident, à l’infirmation du jugement qui l’a condamné, sur le fondement de l’article L. 1331-2 du code du travail relatif aux sanctions pécuniaires illicites, à verser cette somme à Madame Y.

La société WILAU PROPRETÉ ne formule cependant aucune critique à l’encontre de la disposition du jugement contestée et ne saisit la cour d’aucun moyen susceptible d’étayer son appel incident.

Le jugement est en conséquence confirmé de ce chef, conformément à la demande de Madame Y.

II – SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Sur la régularité du licenciement

Au motif que seuls certains des motifs de la lettre de licenciement du 07 août 2014, auraient été abordés par l’employeur lors de l’entretien préalable du 04 août 2014, privant ainsi la salariée de la possibilité de se défendre sur les griefs non évoqués, à savoir :

* 'les documents officiels qu’elle aurait emmenés ou donnés à Monsieur Z ;

* la disparition de fichiers comptables le 11 juillet 2014 ;

* l’absence de réponse aux SMS de l’employeur pour récupérer documents comptables, registres et clé de caisse'.

Le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur à verser à la salariée la somme de 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière.

La société WILAU PROPRETÉ conteste l’irrégularité dont elle affirme que la preuve n’est pas rapportée. Madame Y conclut à la confirmation du jugement pour les motifs retenus par le conseil de prud’hommes.

Selon l’article L. 1232-3 du code du travail :

'Au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié', à défaut, la procédure est irrégulière.

Pour étayer la condamnation les premiers juges se sont basés sur une lettre rédigée le 05 août 2014 par Madame Y, certifiée conforme par la déléguée du personnel Madame N-O (pièce de l’appelante n° 7).

Cette pièce est cependant dépourvue de valeur probante, non seulement parce qu’elle a été rédigée par la salariée elle-même, mais surtout parce que ce 'compte rendu’ n’en est pas un. Il s’agit en effet seulement de la réponse de Madame Y à six griefs formulés à son encontre par l’employeur, ce qui n’exclut pas que l’employeur en ait évoqué d’autres et ce d’autant plus, qu’à aucun moment cette lettre ne prétend à l’exhaustivité.

Madame E Y est en conséquence déboutée de sa demande à ce titre et le jugement déféré est infirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 2.500 € pour non-respect de la procédure de licenciement.

Sur le licenciement verbal

Selon les dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1233-2 du code du travail, tout licenciement, qu’il soit prononcé pour motif personnel ou pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Ce sont les motifs énoncés dans la lettre de licenciement, qui fixent les limites du litige. Il en découle que le licenciement verbal est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse. De plus, malgré son irrégularité le licenciement verbal a pour effet de rompre le contrat, il ne peut dès lors être régularisé par une lettre de licenciement notifiée postérieurement.

En l’occurrence, Madame E Y soutient que la décision de la licencier a été prise avant la notification de son licenciement le 07 août 2014. Elle en veut pour preuve les attestations de collègue, et la certification conforme par la déléguée du personnel qui l’a assistée, d’une lettre qu’elle a elle-même rédigée et qui ne comporte aucune allégation sur un quelconque licenciement verbal.

Les deux premières attestations (de Mesdames A et F G sont tout autant dépourvues de valeur probante : il s’agit en effet d’attestations stéréotypées, non circonstanciées et au demeurant contredites, au moins pour ce qui concerne l’appelante, par les faits constants de l’espèce. Selon ces deux salariées, en effet, le gérant de la société les aurait informées du licenciement de Madame Y 'le lundi 4 août 2014 avant même que ces personnes (dont Madame Y ) ne soient convoquées'. Or, il est établi par les propres pièces de l’appelante qu’elle a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 23 juillet 2014, l’entretien préalable ayant été fixé au lundi 04 août 2014 auquel la salariée s’est présentée.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté Madame Y de ses demandes fondées sur le licenciement verbal.

Sur les motifs du licenciement

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave, dont la preuve incombe à l’employeur, se définit comme un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Pour qualifier la faute grave, il appartient donc au juge de relever le ou les faits constituant pour le salarié licencié une violation des obligations découlant de son contrat travail ou des relations de travail susceptible d’être retenue, puis d’apprécier si ledit fait est de nature à exiger le départ immédiat du salarié.

La lettre de licenciement sert de cadre strict au contrôle du juge.

En l’espèce, la lettre de licenciement notifiée le 07 août 2014 pour faute grave, énonce dans un contexte d’exécution déloyale du contrat de travail, les griefs suivants :

* la remise tardive de la clef de la caisse ;

* la disparition de documents officiels emportés sans l’accord du gérant pour un rendez-vous avec un banquier auquel la salariée n’avait pas obtenu l’autorisation de son employeur de se rendre ;

* des fautes dans la tenue de la comptabilité ;

* la tenue occulte et incompréhensible de la caisse comptable et de la caisse d’espèces ;

* la tenue non-conforme, non sécurisée et virtuelle du livre des entrées et sorties du personnel ;

* la disparition de fichiers informatiques à la suite de la notification de l’avertissement ;

* une absence de réponse aux SMS du 16 juillet 2014 concernant les documents comptables et sociaux obligatoires ;

* la mise à disposition, sans contrat écrit d’une employée au domicile d’un dirigeant de grande surface ;

* des centaines d’heures de conversations personnelles passées avec le directeur d’exploitation Monsieur Z ;

* le harcèlement de son conjoint à deux reprises dans les locaux de l’entreprise.

1 - Sur le refus de restituer la clef de la caisse

L’employeur reproche à la salariée, placée en arrêt de travail à compter du 15 juillet 2014, d’avoir conservé la clef de caisse, pourtant nécessaire au fonctionnement de l’entreprise, jusqu’au 22 juillet 2014. Il précise que seule l’intervention de la déléguée du personnel a rendu cette restitution possible.

De son côté, la salariée expose que son époux s’est rendu dans l’entreprise pour restituer la clef de caisse le 17 juillet 2014, mais qu’en raison du comportement agressif de l’employeur la clef n’a pu être remise que le 22 juillet 2014.

Chacun des protagonistes verse aux débats diverses attestations, la salariée y ajoute un dépôt de plainte.

Pendant la période d’arrêt de travail pour maladie, les obligations contractuelles sont suspendues. Le salarié n’est plus sous l’autorité de son employeur, est dispensé d’exécuter sa prestation de travail, et n’est pas tenu de poursuivre une collaboration avec l’employeur. Pour autant, il ne peut refuser de restituer, à la demande de l’employeur, les documents et matériels nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise (Cass. soc., 6 févr. 2001, no 98-46.345, JSL, no 75-2).

Tout d’abord, il sera utilement relevé que la salariée ne conteste pas la réalité de la demande de

restitution de l’employeur.

Il n’est par ailleurs pas discuté que la clef litigieuse était nécessaire au fonctionnement de l’entreprise.

Les attestations concordantes de Madame B, de Monsieur Z et de Monsieur C sur l’altercation qui a opposé le 15 juillet 2014 l’époux de Madame Y au gérant de la société, ne sont pas susceptibles d’établir la restitution de la clef en cause à l’employeur alors que d’une part, ni Madame B, ni Monsieur C ne précisent l’objet de la venue de Monsieur Y, d’autre part, les déclarations de Monsieur Z ne peuvent à elles seules suffire à prouver la 'tentative’ de restitution des clés au regard de l’animosité perceptible dans les termes mêmes de l’attestation établie par ce salarié en conflit avec le dirigeant de la société CONFO-NET.

Surtout cette altercation n’explique en rien que la clef de la caisse n’ait pas été restituée le jour même ou les jours suivants.

Madame H I, déléguée du personnel confirme qu’elle a dû intervenir pour récupérer non sans difficultés, cette clef auprès de Madame Y, ce que cette dernière reconnaît dans ses écritures.

La rétention de la clef de caisse, pourtant nécessaire à la poursuite de l’activité de l’entreprise, par la comptable de l’entreprise constitue certainement une faute qui lui est imputable.

Le grief est en conséquence matériellement établi.

2- Sur la tenue non-conforme de la comptabilité, des cahiers de caisse et du livre des entrées et sorties du personnel

La société WILAU PROPRETÉ reproche à la salariée d’avoir 'privilégié Monsieur Z' en acceptant des dépenses sans lien avec son activité, notamment en ne dénonçant pas au gérant des 'pleins d’essence’ plusieurs fois par jour ou à des dates rapprochées.

Madame Y s’en défend au motif qu’elle n’était pas chargée de contrôler les frais du directeur d’exploitation de l’entreprise ce travail relevant des fonctions du responsable administratif, Monsieur D fils.

Ce grief ne peut cependant être retenu à l’encontre de la salariée dans la mesure où l’employeur ne démontre ni le caractère anormal de ces dépenses, ni qu’il en ait fait reproche au principal intéressé, Monsieur Z.

La société WILAU PROPRETÉ fait ensuite valoir que la salariée aurait fait preuve de 'négligence volontaire et fautive' en ne signalant pas des anomalies inquiétantes telles que :

— des travaux exécutés sans devis ni procès-verbal ni paiement ;

— des encours alarmants pour plusieurs clients dont la société GSN dans laquelle était associé Monsieur Z et qui utilisait des ouvriers de CONFO-NET en sous-traitance sans les payer).

Cependant, ces griefs ne sont pas énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Ils sont en conséquence inopérants.

En troisième lieu, la société WILAU PROPRETÉ reproche à la salariée d’avoir tenté, le 11 juillet 2014, de faire disparaître des fichiers comptables à la suite de la notification de l’avertissement dont

elle a fait l’objet le 09 juillet 2014 (document qui ont néanmoins pu être récupéré avec l’aide d’une société de services informatique).

Madame Y conteste à juste titre ce grief dès lors que l’employeur n’en rapporte pas la preuve. Aucun document n’est en effet produit par l’intimée pour étayer cette accusation. Le grief est en conséquence écarté.

L’employeur expose en quatrième lieu qu’à la faveur de l’ouverture de la caisse il a découvert que Madame Y tenait une comptabilité 'occulte’ et omettait d’enregistrer des opérations de caisse.

Madame Y ne le conteste pas mais affirme qu’elle aurait simplement mis en oeuvre une directive de l’employeur, lequel ne lui aurait 'pas fourni tous les éléments lui permettant de justifier que la caisse était à jour'.

La salariée ne justifie pas de la directive pour la moins surprenante et en tous cas parfaitement illicite, dont elle allègue.

De plus, l’explication relative à l’absence d’éléments lui permettant de justifier que la caisse était à jour est incompréhensible dans la mesure où :

* d’une part, les deux reconnaissances de dette produites par l’employeur, à savoir:

— celle du 25 mars 2014 au profit de Monsieur J K portant sur une somme de 50 € ;

— celle du 21 mai 2014 au profit de Monsieur L M portant sur une somme de 80 € ;

non retranscrites dans le Grand Livre, se trouvaient dans la caisse placée sous le contrôle de la salariée comptable,

* d’autre part, il lui était seulement demandé d’enregistrer les mouvements d’entrée et sortie de fonds chaque fois qu’ils avaient lieu.

Il est enfin avéré qu’à plusieurs reprises le Grand Livre s’est trouvé en position débitrice (soit du 24 janvier 2014 au 06 février 2014, puis du 12 au 17 mars 2014) sans que la salariée ne soit en mesure d’expliquer cette anomalie.

Sachant que les fonctions de Madame Y (voir contrat de travail) étaient notamment :

'* le suivi régulier de la trésorerie avec la tenue des livres de banque et les rapprochements bancaires ;

* d’assurer le suivi l’enregistrement des encaissements et la relance des comptes clients ;(…)'

les faits sus-énoncés établissent des manquements graves à ces obligations professionnelles.

S’agissant du livre des entrées et sorties du personnel, l’employeur expose qu’il a eu la surprise de constater que ce document avait disparu du bureau de Madame Y qui avait la charge de le tenir à jour ; que les recherches entreprises lui ont permis de constater que la salariée avait créé à son insu un registre sur support informatique – tableau 'EXCEL’ – ne répondant pas aux exigences légales.

Madame Y considère qu’elle n’est pas responsable de la disparition du registre 'papier’ qui se trouvait dans son bureau jusqu’à son arrêt maladie. Elle conteste en revanche que le (tableau

'EXCEL') enregistré dans l’un de ses fichiers informatiques puisse être assimilé à un registre d’entrée et sortie du personnel, expliquant qu’il ne s’agissait pour elle que d’un simple outil de travail.

Les parties s’accordent en conséquence sur le fait que le tableau 'EXCEL’créé par la salariée ne répond pas aux conditions posées par la loi pour faire office de registre unique du personnel.

Or, aux termes de l’article L. 1221-13 du code du travail l’établissement et la mise à jour de ce document est obligatoire, et il appartient à l’employeur d’en justifier à tout moment.

Madame Y ne conteste pas qu’il relevait de ses fonctions d’assurer le 'suivi de l’administratif du personnel', et notamment de tenir à jour le livret manuscrit des entrées et sorties du personnel. Il lui incombait par suite de garantir la conservation de ce document de travail, indispensable à l’entreprise.

Sa disparition engage donc sa responsabilité, sauf pour elle à établir qu’elle ne serait pas de son fait, ce qu’elle ne fait pas. Aucun de ses collègues n’a pu confirmer l’existence de ce document ; l’attestation établie par Madame H I (pièce n° 7-1 de l’employeur) démontre que les déclarations de Madame Y – qui doivent être replacées dans le contexte des difficultés rencontrées pour obtenir la restitution des clefs de la caisse – sur l’emplacement de ce registre ont été des plus évasives ; enfin Madame Y ne conteste pas n’avoir pas donné suite aux messages de l’employeur du 16 juillet 2014 concernant la localisation de ce registre (notamment).

La faute est établie et le grief fondé.

3 – Sur le manquement à l’obligation de loyauté à l’égard de la SARL CONFO-NET

L’article L. 1222-1 du code du travail, énonce :

'le contrat de travail est exécuté de bonne foi'.

En l’espèce, l’employeur expose que le licenciement de Madame E Y s’inscrit dans le contexte plus vaste du litige qui a opposé la Société CONFO-NET à son ancien directeur d’exploitation, Monsieur Z, la société WILAU PROPRETÉ reprochant à ce dernier d’avoir créé sa propre entreprise à son insu, dans des conditions parfaitement déloyales (débauchage de salariés notamment). L’employeur soutient que Madame Y était non seulement informée mais également associée au projet de Monsieur Z ce qui serait établi par :

* la création, à seulement quelques jours de son licenciement d’une société concurrente 'SAS MIDI PYRÉNÉES AQUITAINE NETTOYAGE’ dite MPA avec le concours de Monsieur Z ;

* la préparation durant l’exécution de son contrat de travail, de ce projet de création ; corroborée par la fréquence anormale des conversations téléphoniques passées entre les deux protagonistes ;

* un rendez-vous avec le banquier, pendant les heures de travail et sans l’autorisation de son employeur de s’y rendre pour lequel Madame Y aurait emporté des documents officiels qu’elle n’a pas restitués (procès-verbal d’assemblée générale, rapport de gestion, bilan) ;

* le détournement de l’un de ses clients, dès le mois de juillet 2014 par la société MPA qui a emporté le marché.

La salariée s’en défend au double motif que son association avec Monsieur Z est postérieure à son licenciement, et que le devis déposé ne l’a été au nom et pour le compte de la société MPA qu’en septembre 2014.

En tout état de cause, il convient de relever que ni la création, à seulement quelques jours de son licenciement d’une société concurrente, ni le détournement de l’un de ses clients en juillet 2014 ne sont des motifs énoncés dans la lettre de licenciement. Ils sont en conséquence inopérants.

De plus, la société WILAU PROPRETÉ ne produit pas le moindre document pour établir la rencontre de Madame Y avec le banquier de la société CONFO-NET, sur son temps du travail, et en prévision duquel elle aurait emporté des documents 'officiels’ qui n’auraient jamais été restitués. Au demeurant, la date de ces faits, dont la réalité ne peut en conséquence être considérée comme établie, n’est pas même précisée.

Sur la mise à disposition, sans contrat écrit d’une employée travaillant gratuitement au domicile d’un dirigeant de l’Intermarché, Madame Y ne conteste pas les faits allégués par l’employeur s’en défend en expliquant qu’elle n’avait pas le droit de se rendre sur les chantiers, qu’elle ignorait par conséquent les tâches des salariés et que lorsqu’un contrat devait être signé il était remis à un chef d’équipe. Cette explication n’est pas sérieuse.

Il importe en effet de rappeler que les fonctions confiées à Madame Y recouvraient les tâches suivantes :

'* création et finalisation lors de chaque embauche de tous les documents et formalités obligatoires, contrat de travail compris, en liaison avec l’exploitation ;

* veiller à ce que chaque dossier salarié soit complet et documenté ;

* contrôler les heures travaillées pour l’établissement des salaires ;

* tenir à jour des informations nécessaires à l’établissement des salaires comme le tableau des congés et des absences'(…).

Il en résulte que la salariée ne peut prétendre s’exonérer de la carence grave qui lui est reprochée ' aux termes de laquelle elle a laissé travailler une salariée de l’entreprise, pendant plusieurs semaines dans des conditions parfaitement anormales ' en soutenant qu’elle avait remis le contrat de travail au chef d’équipe pour signature.

Il en va différemment de la fréquence considérée comme étant 'anormale’ par l’employeur des conversations téléphoniques qu’elle a pu avoir avec Monsieur Z, et qu’elle explique comme étant justifiées par les besoins de leur activité respective au sein de l’entreprise.

En effet, si l’importance de ces communications est démontrée par la communication des relevés d’appels téléphoniques de Monsieur Z à Madame Y de mi-février 2014 à mi-juillet 2014, il n’en demeure pas moins :

* qu’elle n’était que destinataire de ces appels ;

* que leur contenu est ignoré et peut en effet s’expliquer par l’exercice des fonctions respectives de ces salariés ;

* le doute doit profiter à la salariée.

Pour l’ensemble de ces motifs, le grief est écarté.

S’agissant en dernier lieu de l’altercation du 17 juillet 2014 entre le gérant de la société CONFO-NET et l’époux de Madame Y, les déclarations des uns et des autres sur le déroulement des faits et de l’origine de l’incident, étayés par des attestations contradictoires, ne permettent pas de

retenir une quelconque faute à l’encontre de Madame Y.

Il reste que de graves manquements aux obligations professionnelles et comptables de Madame Y sont établis : tenue d’une comptabilité occulte, mouvements de caisse non enregistrés, absence de registre unique du personnel, engagement d’une salariée dans des conditions occultes. Ces manquements sont tous susceptibles d’engager la responsabilité de l’employeur, et donc à ce titre, parfaitement incompatibles avec la poursuite du contrat de travail même pendant la période du préavis.

Le jugement déféré, qui a considéré que le motif du licenciement (fautes graves) était établi et débouté la salariée de l’ensemble des prétentions formées à ce titre est en conséquence confirmé.

III – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Il appartient à Madame Y qui succombe pour l’essentiel de supporter la charge des dépens et de verser à la société WILAU PROPRETÉ la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile sa propre demande fondée sur les mêmes dispositions étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ; sauf en ce qu’il a alloué à Madame E Y la somme de 2.500 € au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ; et l’a débouté de sa demande en complément de salaire pour arrêt maladie ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTE Madame E Y de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

CONDAMNE la SAS WILAU PROPRETÉ venant aux droits de la SARL CONFO-NET au paiement de la somme de 105 € (cent cinq euros) bruts à titre de complément de salaire pendant arrêt maladie ;

CONDAMNE Madame E Y à verser à la société WILAU PROPRETÉ la somme de 1.000 € (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les prétentions de Madame Y à ce titre ;

CONDAMNE Madame E Y aux dépens.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 3 octobre 2019, n° 16/02236