Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 17 mai 2017, n° 15/03403

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 17 mai 2017, n° 15/03403
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 15/03403
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Rochefort, 3 mai 2015
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

XXX

ARRET N° 229

R.G : 15/03403

X

C/

XXX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS Chambre Sociale ARRÊT DU 17 MAI 2017 Numéro d’inscription au répertoire général : 15/03403

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 04 mai 2015 rendu par le Conseil de Prud’hommes de ROCHEFORT SUR MER.

APPELANT :

Monsieur B X

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représenté par Me Serge DESMOTS, avocat au barreau de NIMES

INTIMEE :

XXX

N° SIRET : 331 577 965

XXX

92309 LEVALLOIS-PERRET

Représentée par Me Nathalie RIVIERE, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2017, en audience publique, devant

Monsieur Jean ROVINSKI, Président.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean ROVINSKI, Président

Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller

Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Christine PERNEY

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur Jean ROVINSKI, Président, et par Madame Christine PERNEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Expertises Galtier a pour activité essentielle la réalisation d’expertises après sinistres et les évaluations immobilières et industrielles. Par contrat de travail à durée indéterminée du 14 janvier 2008, Monsieur X a été recruté par la société Expertises Galtier en qualité d’expert estimateur débutant, coefficient 200, selon la grille de classification de la convention collective nationale des entreprises d’expertises en matière d’évaluations industrielles et commerciales. A partir du 31 décembre 2009, Monsieur X est devenu expert estimateur, coefficient 330, statut cadre. A compter de 2011, la société Expertises Galtier a mis en place une procédure de saisie directe en informatique par l’expert des données d’expertises (logiciel EP2010). Il en résulte que les experts estimateurs, en plus de leur mission sur site pour collecter les informations, doivent réaliser complètement leur dossier, tâche qui incombait auparavant à leurs assistants. Monsieur X a été contraint de s’adapter à ses nouvelles fonctions mais a déploré être obligé de consacrer plus de temps à son travail pour conserver un niveau de rémunération semblable. Le 4 mars 2014, Monsieur X a refusé d’effectuer une mission qu’il jugeait peu rentable. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 mars 2014, la société Expertises Galtier a convoqué Monsieur X à un entretien préalable fixé le 21 mars 2014 à 10 heures. Le jour même de l’entretien, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Rochefort afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Expertises Galtier. Par courrier recommandé avec avis de réception du 2 avril 2014, la société Expertises Galtier a notifié à Monsieur X, mis à pied à titre conservatoire à la suite de son entretien, son licenciement pour faute grave.

Par jugement du 4 mai 2015, le conseil de prud’hommes de ROCHEFORT-SUR-MER a :

— jugé que les modifications des conditions de travail de Monsieur X étaient légitimes et que la fixation de sa rémunération par la société Expertises Galtier ne présentait pas d’irrégularités ;

— jugé que le licenciement de Monsieur X reposait sur une cause sérieuse ; – condamné la société Expertises Galtier à payer à Monsieur X les sommes suivantes :

—  11.979,72 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis ;

—  1.197,97 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;

—  5.127,32 euros nets au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

—  1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— condamné la société Expertises Galtier à remettre à Monsieur X sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de 3 semaines à partir de la notification du jugement, le certificat de travail rectifié, l’attestation Pôle Emploi modifiée et un bulletin de paie rectificatif ;

— dit que le conseil de prud’hommes se réservait le droit de liquider ladite astreinte ;

— débouté Monsieur X du surplus de ses demandes ;

— débouté la société Expertises Galtier de sa demande reconventionnelle et l’a condamné aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 22 juillet 2015, Monsieur X a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions reçues au greffe le 22 septembre 2016 et soutenues oralement à l’audience, Monsieur X demande à la Cour de :

— infirmer le jugement du conseil des prud’hommes, sauf en ce qu’il a condamné la société Expertises Galtier à lui payer la somme de 11.979,72 euros brut au titre de l’indemnité de préavis outre celle de 1.197,97 euros brut au titre des congés payés afférents ainsi que celle de 5.127,32 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

— juger que son contrat de travail a été modifié unilatéralement par l’employeur ;

— dire que sa rémunération variable n’est pas fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur et fait porter le risque d’entreprise sur le salarié ;

— condamner la société Expertises Galtier à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des congés payés non pris au visa de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

— dire qu’aucune convention individuelle de forfait n’a été établie par écrit avec son accord, que le nombre d’heures correspondant à la rémunération convenue n’a pas été déterminé et que sa rémunération n’incluait pas la rémunération des heures supplémentaires majorées ;

— prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Expertises Galtier ;

— dire que la rupture du contrat du 3 avril 2014 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— juger que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— condamner la société Expertises Galtier à lui payer les sommes suivantes :

—  30895,01 euros bruts au titre des heures supplémentaires ; – 3089,51 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;

—  5000 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos ;

—  4000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail ;

—  55000 euros net au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  23959,44 euros net au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

—  3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société Expertises Galtier aux dépens.

Par conclusions reçues au greffe le 4 novembre 2016 et développées oralement à l’audience, la société Expertises Galtier demande à la Cour de :

— confirmer le jugement rendu sauf en ce qu’il l’a condamnée au paiement des sommes suivantes : 11979,72 euros au titre de l’indemnité de préavis outre la somme de 1197,97 euros au titre des congés payés afférents, 5127,37 euros au titre de l’indemnité de licenciement ainsi que 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— dire que la Cour doit se prononcer sur le licenciement et non sur la demande de résiliation judiciaire ;

— juger que le licenciement repose sur une faute grave ;

— juger que le contrat de travail n’a pas été modifié unilatéralement ;

— dire que le salaire n’est pas fixé unilatéralement par l’employeur ;

— dire que Monsieur X a pu prendre l’intégralité de ses congés payés et le débouter à ce titre ;

— débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes ;

— condamner Monsieur X à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner M. X aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises.

SUR CE

Sur la modification unilatérale du contrat de travail

M. X rappelle que le contrat de travail ne peut pas être modifié unilatéralement par l’employeur, s’agissant notamment des fonctions confiées au salarié et qu’il n’a jamais consenti à ses nouvelles fonctions après avoir reçu une formation rudimentaire et des moyens matériels insuffisants (absence de tablette électronique). Il conteste l’appréciation de la société Expertises Galtier qui affirme qu’il n’y a pas eu transfert des missions des assistantes vers les experts mais un simple changement dans les conditions d’accomplissement des tâches. Monsieur X fait valoir que ses fonctions initiales consistaient à se déplacer sur site, à prendre les informations puis à les transmettre à l’assistante administrative sous forme manuscrite afin que celle-ci saisisse ensuite les données recueillies sur informatique ; qu’en 2011, a été mis en place une procédure de saisie informatique dévolue en partie à l’assistante mais également à l’expert estimateur et que ces nouvelles tâches ont demandé un investissement supplémentaire et un temps important consacré à la frappe informatique (descriptif bâtiment). Monsieur X ajoute qu’à partir de 2014 les missions des assistantes ont été dévolues intégralement aux estimateurs, comme le rappelle le compte rendu de la réunion nationale du 1er février 2014 et indique que ces modifications ont eu pour conséquence d’adjoindre des fonctions supplémentaires auxquelles il n’avait jamais consenti (réalisation sur informatique des plans des sites expertisés). Etant rémunéré en grande partie en fonction des honoraires perçus par l’entreprise, Monsieur X fait valoir qu’il a été contraint d’augmenter son temps de travail par des heures supplémentaires pour conserver son niveau de rémunération.

La société Expertises Galtier estime que ce n’est pas le contrat de travail de Monsieur X qui a été modifié mais seulement ses conditions de travail et ce d’une manière légitime puisque la modification a constitué en une évolution des moyens techniques mis à disposition des experts, la modification de 2011 consistant en la mise en place d’une procédure de saisie directe en informatique par l’expert et celle de 2014 par la mise en oeuvre d’un nouveau logiciel permettant aux experts de réaliser des plans simples et de valoriser les machines. La société Expertises Galtier en conclut que Monsieur X ne peut donc soutenir que ces modifications relèvent d’une transfert des missions des assistantes vers les experts puisqu’elles relèvent d’un changement dans les conditions d’accomplissement des tâches.

Par contrat de travail du 14 janvier 2008, M. X a reçu pour mission essentielle d’effectuer les expertises qui lui seraient confiées, le détail de ses attributions naturellement évolutives dans le respect du caractère substantiel de sa fonction et de sa qualification (article III). Aux termes de son article IV, M. X s’engageait à la plus grande assiduité et à la stricte observation des directives qui lui seraient données afin d’assurer la qualité des prestations fournies, emportant l’obligation de rendre compte de son activité par l’établissement de comptes rendus détaillés dont la périodicité et les modalités lui seraient précisées en fonction des nécessités de l’entreprise.

Comme il a été jugé par le conseil de prud’hommes, la saisie informatique plutôt que manuelle des informations techniques et chiffrées nécessaires à l’établissement également informatique des rapports avec un outil adapté doit être considérée comme une évolution technologique inévitable et même bénéfique en raison des gains de temps générés, commune à tous les domaines d’activité professionnelle.

L’employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, changer les conditions de travail d’un salarié, la circonstance que la tâche donnée à celui-ci soit différente de celle qu’il effectuait antérieurement, dès l’instant qu’elle correspond à sa qualification, ne caractérisant pas une modification de son contrat de travail.

En l’espèce, M. X demeurait chargé de la mission essentielle qui lui était confiée de réaliser les expertises qui lui étaient attribuées, selon les modalités techniques déterminées par l’employeur et au moyen des outils adaptés mis à sa disposition. Il importe peu que M. X ait été chargé de tâches de saisie des données à l’aide d’un logiciel informatique, la société Expertises Galtier demeurant tenue de s’assurer que la charge de travail confiée à l’intéressé demeure compatible avec les exigences inhérentes à l’organisation de son travail et au respect des règles légales encadrant la durée du travail.

La société Expertises Galtier verse aux débats plusieurs attestations propres à établir les avantages liés à l’utilisation de ce nouvel outil informatique pour laquelle des formations avaient été assurées (attestations Edine et Lenglin). M. X qui ne démontre pas ne pas avoir été mis en possession des outils nécessaires à la mise en oeuvre des opérations de saisie des données informatiques et à leur exploitation, ne caractérise donc pas une modification unilatérale de son contrat de travail par la société Expertises Galtier.

Sur la fixation unilatérale du salaire par l’employeur et la charge du risque d’entreprise

Si une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié, celle-ci ne peut être fondée que sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur, ne doit pas faire porter le risque d’entreprise sur le salarié et avoir pour effet de réduire sa rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels (Cass soc 2 juillet 2002 n°0013111 et 17 octobre 2007 n°0544621). Monsieur X précise qu’en application de son contrat de travail, sa rémunération est 'fondée sur un intéressement sur les estimations à hauteur de 20%'. Tout d’abord, il estime que les honoraires sur lesquels était calculée sa rémunération étaient fixés par le seul employeur car il ne pouvait pas négocier ou conclure un contrat de prestation auprès des clients ni en fixer le prix. Ensuite, il explique qu’il n’avait pas le choix des missions à accomplir, seule la direction pouvant fixer le prix de la prestation et par conséquent fixer, d’une manière discrétionnaire, le montant de sa rémunération. Monsieur X précise que c’est le problème qu’il a rencontré avec le client ISIDORE, auquel a été consenti un honoraire faible pour la prestation à accomplir, à savoir 219 euros HT par site, alors, à titre de comparaison, qu’il avait été pratiqué un honoraire de 395 euros HT par site pour le client MAISADOUR et 600 à 2.300 euros HT par site pour le client AXEREAL.

Monsieur X estime en outre qu’il supporte le risque d’entreprise puisque, d’après son contrat de travail, l’intéressement n’est acquis qu’à l’encaissement des honoraires, que les éventuels frais de recouvrement n’entrent pas dans l’assiette de calcul de la rémunération et qu’il a été confronté à des périodes sans mission (août et septembre 2012).

La société Expertises Galtier précise que les modalités de calcul et de versement de la rémunération font l’objet de l’article VI du contrat de travail de Monsieur X. Elle ajoute que la fixation des honoraires, et par conséquent celle de la partie variable du salaire du salarié, ne résulte pas uniquement de la 'volonté de l’employeur’ mais d’un ensemble de facteurs et contraintes économiques et commerciaux (nature du dossier, prix du marché, enjeux économiques, nécessité de rentabilité). La société Expertises Galtier estime que Monsieur X ne peut pas soutenir, même implicitement, que c’est par sa seule volonté que les prix sont tirés vers le bas, uniquement pour impacter sa rémunération et lui causer préjudice.

Il est stipulé au contrat de travail de M. X que sa rémunération est fondée après la première année sur un intéressement sur les estimations à hauteur de 20%, calculé sur le montant des honoraires hors taxes, hors frais de dossiers, encaissés sur les affaires qu’il aura personnellement traitées, que les honoraires servant de base à cet intéressement sont ceux acquis par le travail personnel de M. X et qui sont retenus pour l’établissement du compte d’exploitation de la Direction Générale à laquelle il est rattaché, que n’entrent pas dans le montant des honoraires servant d’assiette au calcul de la rémunération, la fraction d’honoraires correspondant aux travaux qui restent à exécuter, la fraction d’honoraires correspondant au concours de collègues ou d’auxiliaires, les commissions payées aux intermédiaires, les frais d’ouverture de dossier et les éventuels frais de recouvrement et que la rémunération mensuelle brute du salarié ne peut pas être inférieure au salaire minimum garanti par la convention collective pour son coefficient, précision donnée que dans l’hypothèse où un complément de salaire devrait être versé à M. X pour assurer le respect du salaire minimum garanti, ce complément serait à valoir sur les rémunérations contractuelles à échoir au titre des douze mois suivants.

La convention collective applicable dans son chapitre III (article 24) dispose que les minimas mensuels définis à l’article IV résulteront d’une moyenne étendue sur une période d’une année et qu’un collaborateur n’aura pas la possibilité de refuser les affaires qui lui seront proposées. Le mode de fixation des honoraires des experts évaluateurs de la société Expertises Galtier comme de ceux des entreprises de ce secteur professionnel repose donc sur un intéressement sur les honoraires facturées et encaissées pour les dossiers réalisés, variable d’un mois sur l’autre.

La fixation de la partie variable de la rémunération du salarié ne résulte pas uniquement de la 'volonté de l’employeur’ mais d’un ensemble de facteurs et contraintes économiques et commerciaux (nature du dossier, prix du marché, enjeux économiques, nécessité de rentabilité).

Monsieur X ne peut pas soutenir que c’est par la seule volonté de la société employeur que les prix étaient tirés vers le bas, uniquement pour impacter la rémunération de son collaborateur et lui causer préjudice. Il appartient à la société Expertises Galtier par l’entremise de ses directions régionales, dont l’activité ne peut pas être linéaire tout au long de l’année, d’adopter des solutions de bonne gestion permettant de réguler l’activité de ses collaborateurs et de leurs rémunérations en répartissant les missions qui leur sont confiées selon l’ampleur des tâches et le caractère lucratif variable de chaque dossier, dès lors que les dossiers simples sur le plan technique et nécessitant un temps de travail limité génèrent un honoraire plus intéressant que ceux, plus complexes, nécessitant un temps de travail plus long pour un honoraire moindre. L’équilibre de la charge de gestion des dossiers et leur rentabilité s’équilibrent au sein de la société Expertises Galtier, sur la base de facteurs économiques et commerciaux qui s’imposent à elle mais dont elle tient compte dans leurs répercussions sur chacun de ses collaborateurs. Le risque d’entreprise n’est dans ces conditions pas supportée par le salarié du seul fait que l’intéressement n’est acquis qu’à l’encaissement des honoraires, que les éventuels frais de recouvrement n’entrent pas dans l’assiette de calcul de la rémunération et qu’il a été confronté à des périodes sans mission, dès lors qu’il appartient à la société employeur de moduler l’impact des aléas économiques et commerciaux dans la répartition des missions, chaque collaborateur estimateur appelé quant à lui à organiser le temps passé pour chacune d’elles afin d’en effectuer le plus grand nombre pour améliorer sa rémunération.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision du conseil de prud’hommes de ce chef et de dire que la rémunération de M. X n’était pas fixée de manière unilatérale par l’entreprise Expertises Galtier sur laquelle continuait à peser le risque d’entreprise.

Sur l’absence de cinquième semaine de congés payés

Monsieur X rappelle qu’eu égard à la finalité des congés payés annuels assignée par le directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. Monsieur X estime que l’employeur ne donne aucune information sur les bulletins de salaire quant aux périodes de congés pris et ne prend aucune précaution pour que tous les salariés bénéficient de leurs congés. Compte tenu de la quantité de travail exigée depuis les nouvelles procédures de 2011 et 2014, Monsieur X explique qu’il n’a jamais été en mesure de prendre sa cinquième semaine de congés payés et qu’il a dû écourter ses congés ou travailler pendant ses congés, ce qui fonde sa demande d’indemnité au titre des congés non pris.

La société Expertises Galtier fait valoir que le volume de travail de M. X lui permettait de prendre ses congés et de préserver un bon équilibre de vie.

Il ressort des bulletins de salaire du mois d’août de chaque année de M. X que ce dernier percevait des congés payés 'personnel fixe’ et des congés payés 'à l’intéressement’ en sorte qu’il est démontré, bien qu’aucune mention de prise de congés n’apparaisse sur les autres bulletins de salaire mensuels de l’intéressé, que M. X a bien perçu une indemnité de congés annuelle de 10% de sa rémunération annuelle. Il appartenait à M. X, dans l’organisation de son travail, de prendre ses congés et notamment sa cinquième semaine payés, ce dernier ne faisant pas la preuve que la mise en oeuvre des nouvelles procédures de 2011 à 2014 ait été de nature à l’en empêcher.

Il y a lieu en conséquence au rejet de la demande de M. X de ce chef.

Sur l’absence de convention individuelle de forfait et sur la réclamation, le décompte des heures supplémentaires et le non-respect invoqué par M. X des dispositions relatives aux durées maximales de travail

Monsieur X rappelle les termes de l’article L3121-38 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016 qui dispose que la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois. Il rappelle encore que, pour être valable, la convention de forfait requiert trois conditions cumulatives :

— elle exige l’accord du salarié en application de l’article L3121-40 ancien du code du travail

— elle doit déterminer le nombre d’heures correspondant à la rémunération convenue

— elle doit assurer une rémunération au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant au forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires, en application de l’article L3121-41 ancien du code du travail.

Monsieur X fait valoir, au visa de l’article L.3121-38 du code du travail, qu’aucune convention de forfait n’a jamais existé et qu’aucune des conditions ne se trouvait remplie. Il précise qu’il n’a jamais signé une convention individuelle de forfait et qu’à l’époque de la signature de son contrat de travail, le 14 janvier 2008, les articles L.212-15-1 et suivants du code du travail réservaient cette convention aux seuls cadres, alors que son contrat mentionne : 'Statut non cadre'. Il estime que si la convention de forfait devait être reconnue dans son contrat de travail, celui-ci ne précise aucune durée de forfait ni même de période de référence à la semaine ou au mois et que sa rémunération n’était pas égale à celle qu’il aurait dû percevoir augmentée des heures supplémentaires. M. X indique qu’il ressort du contrat de travail et des bulletins de paie que le salaire n’inclut pas les heures supplémentaires de 35 à 48 h et leurs majorations et que sa rémunération minimale, en application de l’avenant n°50 du 27 octobre 2008, aurait dû s’élever à 1.357,60 euros, soit 2.036,39 euros incluant les heures supplémentaires majorées alors qu’il lui a été versé une rémunération de 2.000 euros.

M. X rappelle qu’en l’absence de convention de forfait, la rémunération versée doit correspondre à la durée légale du travail et que les heures supplémentaires effectuées doivent être rémunérées au taux horaire contractuel légalement majoré. Monsieur X précise, au visa de l’article L.3121-4 du code du travail interprété à la lumière de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, que les temps de déplacement pour se rendre au domicile d’un client étaient un temps de travail effectif dès lors qu’il était un salarié itinérant amené à travailler en dehors de tout lieu de travail habituel ou fixe (CJUE 10 septembre 2015 C-266/14). Monsieur X rappelle qu’en application de l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisées par le salarié et qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction ; que le salarié doit seulement étayer sa demande et non apporter la preuve ou un début de preuve, précisant qu’outre sa qualité avéré de salarié itinérant, il produit trois cahiers manuscrits qui relatent les heures effectuées et celles de déplacement, ajoutant que, de son propre aveu, l’employeur est incapable d’apporter la preuve des heures effectivement réalisées, en l’absence de contrôle de la durée du travail et incapable également de rapporter un début de preuve du temps de travail effectif, ce qui est pourtant une obligation en application de l’article D.3171-8 du code du travail. M. X demande en outre la réparation du préjudice subi pour ne pas avoir bénéficié des contreparties obligatoires en repos dues en vertu des heures effectuées au-delà du contingent annuel réglementaire de 220 heures.

M. X demande en conséquence l’allocation des sommes suivantes :

—  2011 6638,57€ bruts et 663,86€ bruts au titre des congés payés afférents

—  2012 10800,51€ bruts et 1080,05€ bruts au titre des congés payés afférents

—  2013 11603,56€ bruts et 1160,36€ bruts au titre des congés payés afférents

—  2014 1852,37€ bruts et 185,24€ bruts au titre des congés payés afférents

— dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie en repos : 5000€

Monsieur X fait valoir que son décompte d’heures de travail démontre que depuis 2011 et la mise en oeuvre de la procédure 'EP2010", il a de moins en moins été mis en mesure de respecter les durées maximales de travail ou minimales de repos, précisant que la société Expertises Galtier reconnaît qu’il '(lui) appartenait de s’organiser librement', aveu qui prouve que l’employeur n’avait aucun moyen de contrôler les durées maximales de travail et minimales de repos. Monsieur X demande de ce chef le paiement de la somme de 4000€ à titre de dommages et intérêts.

La société Expertises Galtier précise que le métier d’expert ainsi que le mode de collaboration voulue par elle s’inscrivent dans un contexte de grande autonomie puisque M. X se rendait seul, le plus souvent, au domicile des clients et qu’il devait traiter et finaliser les dossiers jusqu’à la communication des éléments de facturation au service comptable. La société Expertises Galtier précise que le volume de travail global confié aux experts est parfaitement compatible avec une gestion équilibrée et raisonnable des temps. La société Expertises Galtier considère que le caractère forfaitaire de la rémunération est prévue par le contrat en ses articles IV et VI ; que son article VI stipule implicitement que le temps effectif de travail peut aller jusqu’à 48 heures sur une même semaine, puisqu’il limite le temps de travail effectif aux limites légales et conventionnelles. Elle estime que la convention de forfait répond bien aux conditions posées par la loi et la jurisprudence. La société Expertises Galtier ajoute que la rémunération de Monsieur X était au moins égale à la rémunération minimale pour le nombre d’heures correspondant au forfait augmentée des majorations pour heures supplémentaires. La société Expertises Galtier fait valoir qu’en application de l’article R.3243-1 du code du travail, qui énumère les mentions obligatoires sur le bulletin de salaire, celui ci prévoit l’indication de la nature de la base de calcul de salaire lorsque, par exception, cette base de calcul n’est pas la durée du travail et qu’ici, les bulletins de salaire de Monsieur X porte la mention 'participation au chiffre d’affaires', les conditions de cette participation faisant l’objet de l’article VI de son contrat de travail. De plus, la société Expertises Galtier estime que les conventions de forfait hebdomadaire existaient déjà pour les non-cadres avant la loi d’août 2008 et qu’elle a mis en place un intéressement spécifique calculé sur le bénéfice net annuel de l’entreprise, depuis le 1er janvier 2010 avec l’accord du comité d’entreprise. La société Expertises Galtier estime donc que la rémunération de Monsieur X présentait un caractère forfaitaire et couvrait toutes les heures de travail effectif dans les limites légales.

La société Expertises Galtier explique au subsidiaire que les documents rapportés par le salarié, pour étayer sa demande d’heures supplémentaires, ont été établis unilatéralement et qu’il s’est donc constitué pour lui-même une preuve. Elle ajoute qu’il ressort du tableau récapitulatif des heures à rémunérer que son nombre d’heures de travail hebdomadaire s’inscrit dans les limites légales et donc dans sa rémunération forfaitaire et qu’il comptabilise les temps de déplacement qui ne constituent pas un temps de travail effectif au sens du code du travail. La société Expertises Galtier ajoute que Monsieur X ne peut utilement invoquer la directive 2003/88/CE et la jurisprudence de la CJUE sur ce point puisqu’une directive non transcrite n’a pas d’effet directe à l’encontre d’un particulier, mais uniquement à l’encontre d’un état signataire, l’employeur étant considéré comme un particulier. La société Expertises Galtier mentionne verser aux débats l’agenda de Monsieur X qui serait en contradiction avec son relevé d’heures.

L’article IV du contrat de travail de M. X dispose que la nature même des fonctions qui lui sont confiées implique une grande autonomie dans l’organisation de son emploi du temps qui rend impossible la fixation d’horaires prédéterminés et leur contrôle et qu’il incombe dès lors au salarié de veiller dans l’organisation de son travail à respecter les règles légale encadrant la durée du travail tandis que la société Expertises Galtier doit s’assurer que la charge de travail qui lui est confiée est compatible avec ses exigences. Son article VI dispose que l’indemnité de congés payés est égale au produit de la rémunération calculée comme stipulé au 6.1 dudit article par le coefficient 10,41%. L’article 6.3 in fine de l’article VI dispose qu’il est expressément convenu entre les parties que la rémunération définie par ce dernier présente par nature un caractère forfaitaire couvrant tout le temps de travail effectif que M. X sera amené à consacrer à l’exercice de ses fonctions, dans les limites légales et conventionnelles autorisées.

Il ressort de ces diverses dispositions :

— que la rémunération convenue entre les parties, qui ne pouvait pas être inférieure au salaire minimum conventionnel pour le coefficient du poste considéré, couvrait un temps effectif de travail pouvant aller jusqu’à 48 heures légales sur une même semaine

— que la convention de forfait répond bien aux exigences légales en ce qu’elle est matérialisée par un écrit, détermine le nombre d’heures correspondant au forfait par référence à la durée maximale de travail effectif autorisée et qu’elle prévoit une rémunération couvrant l’ensemble des heures de travail accomplies par le salarié, suffisante au regard du salaire minimum conventionnel dû, ce compris les majorations pour heures supplémentaires, dès lors que M. X reconnaît dans ses écritures le respect par l’employeur des minima légaux et conventionnels, sa rémunération effective brute s’établissant au-dessus du salaire minimum conventionnel pour son coefficient 330 augmenté des heures supplémentaires majorées à 25 et 50% pour un horaire hebdomadaire de 48 heures de travail effectif.

En application de l’article L3121-43 du code du travail, peuvent relever du forfait annuel en jours les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés et les salariés non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées, ces dispositions s’appliquant en cas de mise en place de forfaits annuels en jours sur la base d’un accord collectif conclu avant la loi du 20 août 2008.

Les bulletins de salaire de M. X portent la mention 'avance et participation / Chiffre d’affaires', les modalités de cette participation résultant des dispositions de l’article VI du contrat de travail, en sorte qu’il est indifférent qu’ils ne portent pas la mention de la durée de travail de référence, l’article R3243-2 du code du travail envisageant l’hypothèse de l’indication sur les bulletins de paie de la nature de la base de calcul du salaire lorsque, par exception et comme en l’espèce, cette base de calcul n’est pas la durée du travail.

Il en résulte que M. X, comme il a été jugé par les premiers juges, a été rémunéré pour ses missions dans les conditions convenues pour l’ensemble du temps qu’il y a consacré, ce compris les éventuelles heures supplémentaires accomplies, précision donnée que l’article L3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail ne constitue pas un temps de travail effectif. M. X doit en conséquence être débouté de l’ensemble de ses demandes. Sur les manquements justifiant la résiliation judiciaire

Monsieur X relève que l’employeur s’est rendu responsable de nombreux manquements précédemment exposés à savoir :

— la modification unilatérale du contrat de travail,

— la fixation unilatérale du salaire,

— l’absence de cinquième semaine de congés payés,

— le non-paiement des heures supplémentaires et le non-respect des dispositions relatives aux durées maximales de travail.

Il ajoute rapporter la preuve que la société Expertises Galtier était au courant de sa demande de rendez-vous portant sur la rémunération de la mission ISIDORE et qu’au jour de la saisine du conseil de prud’hommes le 21 mars 2014, figurait sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, date à prendre en compte et non celle de ses conclusions postérieures dans lesquelles il a développé les motifs de sa demande. Monsieur X précise que la date de rupture du contrat de travail et d’effet de la résiliation judiciaire doit s’apprécier à la date du licenciement, à savoir le 3 avril 2014 (Cass.Soc., 15 mai 2007, XXX).

La société Expertises Galtier estime que la concomitance entre la saisine du conseil de prud’hommes et la date de l’entretien préalable démontre une stratégie de M. X dont le but est de déplacer le débat sur le terrain d’une prétendue modification unilatérale de son contrat de travail et du non- respect de ses obligations par l’employeur pour solliciter la résiliation judiciaire. La société Expertises Galtier précise qu’aucune demande, concernant lesdites revendications, n’a jamais eu lieu et qu’elle n’a eu connaissance des fondements de la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail qu’au moment de la communication par le salarié de ses conclusions alors qu’aucune précision n’existait au moment de la saisine de la juridiction prud’homale (Cass soc 7 mars 2012 n°0971612).

En application de l’article 1184 du code civil, l’une ou l’autre des parties à un contrat synallagmatique peut demander la résiliation judiciaire en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations. Le juge saisi d’une demande du salarié tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail la prononce, s’il estime que l’employeur a manqué à ses obligations, précision donnée que la résiliation judiciaire prononcé aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit rechercher d’abord si la demande de résiliation du contrat était justifiée et qu’en ce cas, la date de la rupture doit être fixée à la date d’envoi de la lettre de licenciement alors que, dans le cas contraire, il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

La demande de résiliation judiciaire de M. X de son contrat de travail étant antérieure à la date de son licenciement, il y a lieu de rechercher d’abord si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, peu important de ce chef que la société Expertises Galtier ait eu connaissance des fondements de la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X seulement au moment de la communication de ses conclusions alors qu’aucune précision n’existait au moment de la saisine de la juridiction prud’homale.

L’absence de réalité des manquements invoqués par M. X à l’appui de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, à savoir la modification unilatérale de son contrat de travail et la fixation unilatérale du salaire par l’employeur, l’absence de cinquième semaine de congés payés, le non-paiement des heures supplémentaires et le non-respect des dispositions relatives aux durées maximales de travail, fonde son rejet.

Sur la faute grave justifiant le licenciement

Il est écrit dans la lettre de licenciement : 'Rappel vous a été fait des motifs qui nous ont amené à vous convoquer … à savoir votre refus d’exécuter une mission d’expertise auprès d’un de nos clients le groupe Isidore. En effet, en date du 27 janvier 2014, D Y, votre directeur technique et manager direct vous a affecté à l’affaire Isidore. Dès le 28 janvier 2014 et selon nos usages internes, nous avons donc transmis à notre cliente vos coordonnées en tant qu’expert en charge de ce dossier. A la suite de ce mail, vous avez fait part le 29 janvier 2014 à votre management de votre refus de prendre en charge cette mission sous prétexte de la mauvaise rentabilité de ce dossier… Le mardi 4 mars, vous avez confirmé à D Y votre position de ne pas vouloir réaliser cette affaire. Nous avons alors du ré-affecter en urgence ce dossier à l’un de vos collègues. Lors de notre entretien préalable du 21 mars 2014, vous nous avez confirmé ce refus et suite à notre demande, vous n’avez pas souhaité apporter de commentaires complémentaires. Nous ne pouvons pas tolérer une telle attitude. Nous vous rappelons que vous êtes lié par un contrat de travail avec votre employeur qui a toute l’attitude pour vous affecter les missions nécessaires au bon fonctionnement de l’activité. Il est de votre devoir d’effectuer les missions d’expertise sur les dossiers confiés… Ce refus n’est d’autre part pas isolé puisqu’il existait à votre encontre un précédent et que ce même motif nous a déjà amené à vous écrire le 14 septembre 2012 afin de vous rappeler les obligations qui découlent de votre contrat de travail… Votre attitude démontre une insubordination face aux directives données et nous ne pouvons tolérer ce fait. Aussi, face à votre refus délibéré d’effectuer votre travail, objet de votre contrat de travail du 14 janvier 2008, et matérialisant une inexécution de vos obligations professionnelles attachées à votre fonction ainsi que la remise en cause des directives données par votre management et les incidences fortes sur nos relations commerciales avec nos clients, nous vous confirmons la rupture du contrat de travail qui nous lie.'

Monsieur X rappelle que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse (article L1232-1 du code du travail) et que la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur (article L1232-6 du code du travail). Il rappelle aussi que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et que la procédure de licenciement doit être mise en oeuvre dans un délai restreint après que l’employeur ait eu connaissance des faits fautifs. Monsieur X précise que le motif de son licenciement repose sur son refus d’exécuter une mission d’expertise auprès du client ISIDORE alors qu’il n’a jamais refusé d’exécuter cette mission tandis que la remise en question du mode de rémunération pour ladite mission d’expertise était légitime. Il ajoute que les courriels rapportés par la société Expertises Galtier n’ont pas de valeur probatoire puisqu’il est impossible de se constituer une preuve à soi-même ; qu’il n’a jamais avoué son refus d’exécuter la mission lors de l’entretien préalable puisqu’il ne lui a pas été permis de s’exprimer et que la société Expertises Galtier ne peut fonder son licenciement pour faute grave sur des refus concernant des missions d’expertise après sinistre puisqu’il en a effectué plusieurs alors que son statut d’expert estimateur le fondait à ne pas toutes les accepter. Monsieur X ajoute que le motif véritable du licenciement repose sur sa remise en cause des conditions de rémunérations et de travail dans l’entreprise et que plusieurs salariés s’étaient vu promettre des compensations financières dans le cas de missions d’estimation avec un honoraire faible, ce qui ne lui a pas été proposé.

La société Expertises Galtier verse aux débats trois courriels émanant de Monsieur Y, son directeur technique, qui démontre les nombreuses demandes de la direction d’affecter Monsieur X à la mission ISIDORE. La société Expertises Galtier ajoute que M. X a confirmé son refus d’exécuter la mission lors de l’entretien préalable. L’employeur estime que le refus, par un salarié, d’exécuter un travail relevant de ses obligations et malgré les injonctions de l’employeur, caractérise une faute grave (Cass.soc. 1er décembre 1982 n°78-41.535) et il ajoute, comme rapportée dans la lettre de licenciement, que ce n’était pas la première fois que M. X refusait d’exécuter une mission.

La société Expertises Galtier justifie le refus de M. X d’effectuer la mission portant sur le groupe Isidore, en produisant le courriel de M. Y du 31 janvier 2014 qu’il lui a adressé en ces termes : 'Je fais suite à notre conversation téléphonique du mercredi 29 janvier 2014. Tu m’as précisé ne pas vouloir réaliser la mission 'Isidore’ compte tenu des honoraires que tu juges trop faibles, ceci sans avoir débuté la mission. A ce sujet, je tiens à te rappeler l’article 24 du Chapitre III 'salaire du personnel technique et commercial’ de la convention collective : '… un collaborateur quel qu’il soit n’aura pas la possibilité de refuser les affaires qui lui seront proposés.' Tu m’as demandé d’organiser un rendez-vous avec E Z afin de nous faire part de ton souhait de ne plus vouloir continuer à travailler au sein du cabinet Expertises Galtier. Je prends acte de ta demande et te confirme que nous reviendrons très rapidement vers toi afin de fixer un rendez-vous pour un entretien.'

Si il est avéré que M. X a confirmé son refus le 4 mars suivant à M. Y (courriel de ce dernier du 3 mars 2014) après qu’il ait omis de prendre l’attache du client et qu’un précédent existe (mission Simonet à Dolus d’Oléron) ayant donné lieu au rappel à M. X de ses obligations contractuels les 9 mai 2012 (courriel de M. Z) 15 juin et 14 septembre 2012 (courriers de M. A), pour autant, il faut tenir compte de l’ancienneté de ce précédent lié à l’intégration souhaitée à l’époque de M. X en qualité d’expert sinistre dans le secteur du Lot et Garonne et partant du caractère isolé de l’acte d’insubordination reproché à M. X fondé par ailleurs sur des revendications salariales liées à sa charge de travail et sa rémunération, exprimées dans son courriel adressé à M. Y du 31 janvier 2014 dans les termes suivants : 'Je précise que je n’ai pas évoqué directement le souhait de ne plus vouloir continuer à travailler au sein du cabinet Expertises Galttier ; simplement, au vu de ma charge de travail de décembre, janvier et février, il serait temps de se poser les bonnes questions. Quant à l’affaire Isidore, je demande à ce qu’on me démontre comment rentabiliser les 25 sites à 220€ HT d’honoraires chacun vu les surfaces affichées dans le contrat.'

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’il a considéré que le licenciement de M. X était fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur la faute grave, avec toutes conséquences de droit.

M. X doit être condamné aux dépens, l’équité commandant au regard de la nature du litige et de la qualité des parties le rejet de la demande d’indemnité de la société Expertises Galtier sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Rochefort-Sur-Mer du 4 mai 2015,

Rejette la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X qui était préalable,

Dit que le licenciement de M. X repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur la faute grave,

Rejette les demandes formées par M. X,

Condamne Monsieur X aux dépens d’appel et dit n’y avoir lieu à indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 17 mai 2017, n° 15/03403