Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 16 juin 2020, n° 18/02195

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 1re ch., 16 juin 2020, n° 18/02195
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 18/02195
Décision précédente : Tribunal de grande instance de La Rochelle, 21 mai 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

ARRET N°262

N° RG 18/02195 – N° Portalis DBV5-V-B7C-FQBX

Z

E

C/

X

X NÉE Y

S.A.S. B – DE LY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 16 JUIN 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/02195 – N° Portalis DBV5-V-B7C-FQBX

Décision déférée à la Cour : jugement du 22 mai 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE.

APPELANTS :

Madame C Z

née le […] à […]

[…]

17170 SAINT-JEAN DE LIVERSAY

Monsieur D E

né le […] à […]

[…]

17170 SAINT-JEAN DE LIVERSAY

ayant tous les deux pour avocat Me Régis SAINTE MARIE PRICOT de la SELARL ACTE JURIS, avocat au barreau de SAINTES

INTIMES :

Monsieur F X

né le […] à […]

[…]

[…]

Madame G Y épouse X

née le […] à […]

[…]

[…]

ayant tous les deux pour avocat Me Nathalie R de la SCP ROUDET BOISSEAU LEROY Q MOLLE R, avocat au barreau de SAINTES

SAS B – DE LY anciennement dénommée ABCD DIAGNOSTICS

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Claire SAINT-JEVIN, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

Après accord des avocats des parties, l’affaire a fait l’objet d’un dépôt des dossiers à l’audience 19 Mai 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller qui a préparé le rapport

Madame Anne VERRIER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors de l’audience du 19/05/2020 : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte authentique du 10 septembre 2012, les époux H X et G Y ont vendu à C Z et D A une maison d’habitation située 4 rue des hirondelles à Saint-Jean-de-Liversay (Charente-Maritime), au prix de 198.500 €.

Un dossier de diagnostic technique en date du 11 novembre 2009 avait été établi par la société Abcd Diagnostics. Il a été annexé à l’acte de vente. Il incluait un diagnostic de performance énergétique (DPE) ayant classé l’immeuble en catégorie B et chiffré la consommation énergétique annuelle à 828 €.

Ayant constaté en 2013 une consommation énergétique supérieure, les acquéreurs ont par l’intermédiaire de leur assureur de protection juridique et par courrier recommandé du 26 février 2014, mis en demeure le diagnostiqueur de réparer leur préjudice. Ce courrier est demeuré infructueux.

Par ordonnance du 2 septembre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle a sur la demande des acquéreurs commis M N en qualité d’expert. Le rapport d’expertise est en date du 26 mars 2015.

Par acte du 24 novembre 2016, C Z et D A ont assigné devant le tribunal de grande instance de La Rochelle la société Abcd Diagnostics. Par acte du 31 juillet 2017, ils ont assigné les époux H X et G Y. Ces procédures ont été jointes. Ils ont à titre principal demandé la condamnation in solidum des défendeurs au paiement de la somme de 93.323,06 € à titre de dommages et intérêts correspondant au coût des travaux rendus nécessaires et à leur surconsommation énergétique. Ils ont soutenu la faute du diagnostiqueur et le dol des vendeurs. La société Abcd Diagnostics a conclu au rejet de ces demandes, d’une part aucun devoir de conseil ne lui incombant à l’égard des acquéreurs, d’autre part l’erreur commise concernant le gaz de chauffage utilisé ayant été sans incidence sur le classement énergétique du bien, enfin le lien de causalité entre la faute et le préjudice allégués n’étant pas établi. Les vendeurs ont à titre principal opposé la prescription de l’action, le délai de 5 années de l’article 2224 du code civil étant expiré. Au fond, ils ont conclu au rejet des demandes formées à leur encontre et ont reconventionnellement demandé paiement de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 22 mai 2018, le tribunal de grande instance de La Rochelle a statué en ces termes :

'REJETTE la fin de non recevoir pour cause de prescription de l’action des demandeurs

DEBOUTE Mme C Z et Monsieur D A de l’ensemble de leurs demandes ;

DEBOUTE Madame G Y épouse X et Monsieur F X de leur demande en dommages et intérêts ;

CONDAMNE Mme C Z et Monsieur D A à payer à la SARL ABCD DIAGNOSTICS d’une part et à Madame G Y épouse X et Monsieur F X d’autre part la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme C Z et Monsieur D A aux entiers dépens chacun par moitié, avec distraction au profit de la SELAS FIDAL'.

Il a rappelé que seule pouvait être mise en jeu par les demandeurs la responsabilité délictuelle du

diagnostiqueur, que l’erreur de saisie de la nature du gaz utilisé avait été sans incidence sur le classement énergétique du bien et que dès lors aucun manquement dans l’exécution de ses obligations à l’égard des vendeurs ne pouvait être retenue à son encontre. Il a écarté un préjudice des demandeurs, les travaux d’amélioration réalisés étant sans lien avec le diagnostic litigieux et la consommation de gaz correspondant à celle d’un logement du type de celui vendu.

Il a considéré recevable l’action exercée à l’encontre des vendeurs à l’égard desquels le délai de prescription n’avait commencé à courir qu’à compter de la réception de la facture de gaz en date du 7 octobre 2013. Au fond, il a exclu l’intention dolosive des vendeurs.

Par déclaration reçue au greffe le 5 juillet 2018, O Z et D E ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er octobre 2018, ils ont demandé de :

'Réformer le jugement dont appel.

Statuant à nouveau.

Dire que la SAS B – DE LY venant aux droits de la SARL ABCD DIAGNOSTICS a commis une faute préjudiciable à Madame C Z et Monsieur D A.

Dire que Monsieur F X et Madame G X née Y se sont rendues coupables de dol à l’égard de Madame C Z et Monsieur D A.

Condamner in solidum la SAS B – DE LY venant aux droits de la SARL ABCD DIAGNOSTICS et Monsieur F X et Madame G X née Y à régler à Madame C Z et Monsieur D A la somme de 88099,31 € en réparation de leur préjudice.

Condamner in solidum la SAS B – DE LY venant aux droits de la SARL ABCD DIAGNOSTICS et Monsieur F X et Madame G X née Y à régler à Madame C Z et Monsieur D A la somme de 4000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles de première instance, outre la somme de 3000 € sur le même fondement des frais irrépétibles appel.

Condamner in solidum la SAS B – DE LY venant aux droits de la SARL ABCD DIAGNOSTICS et Monsieur F X et Madame G X née Y entiers dépens de première instance d’appel qui comprendront les frais de l’expertise judiciaire par application de l’article 699 du même code'.

Ils ont soutenu que l’expert avait dépassé ses prérogatives en donnant un avis sur les responsabilités, que les travaux qu’ils avaient fait réaliser ne l’avaient pas été au vu du diagnostic mais en raison de la consommation excessive d’énergie contraire aux énonciations de celui-ci, que la réglementation imposait que soit indiquée la quantité d’énergie effectivement consommée. Selon eux, le diagnostiqueur avait commis une faute en calculant la consommation de gaz naturel en lieu et place de gaz propane, en chiffrant inexactement le coût annuel de cette consommation. Ils ont maintenu que cette faute leur avait causé un préjudice certain : la consommation réelle a été 3,8 fois celle mentionnée au diagnostic, cette dépense supplémentaire les a contraints à engager des travaux supplémentaires et a déséquilibré leur financement.

Selon eux les vendeurs, qui avaient commis le diagnostiqueur, ne pouvaient avoir ignoré l’erreur du rapport sur le coût de la consommation annuelle et, s’ils avaient été de bonne foi, auraient relevé

cette erreur et communiqué les factures d’énergie. Ils ont contesté la valeur probante des deux attestations établies par les vendeurs.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2020, la société B-de Ly venant aux droits de la société Abcd Diagnostics a demandé de :

'Vu les dispositions des articles 1231 et suivants du Code Civil

Vu les dispositions de l’article L 271-4 II alinéa 3 du Code de la construction et de l’habitation.

DIRE ET JUGER que l’erreur de saisie commise par la SAS B – DE LY, anciennement la SARL ABCD DIAGNOSTICS n’est pas constitutive d’une faute au sens des articles 1231 et suivant du Code Civil, dès lors que le résultat de la classification énergétique est exact,

DIRE ET JUGER que Madame Z et Monsieur A ne rapportent pas l’existence de préjudices subis en lien avec la faute alléguée,

Par conséquent,

CONFIRMER le jugement rendu par le TGI de La Rochelle en date du 28 mai 2018 en toutes ses dispositions,

DEBOUTER Madame Z et Monsieur A de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre de la SAS B – DE LY, anciennement la SARL ABCD DIAGNOSTICS,

CONDAMNER Madame Z et Monsieur A à payer à la SAS B – DE LY, anciennement la SARL ABCD DIAGNOSTICS une indemnité de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel'.

Elle s’est prévalue du rapport d’expertise ayant retenu que le classement énergétique avait été exact et rappelé que le diagnostic de performance énergétique n’était pas une étude thermique. Elle a admis avoir par erreur considéré que le gaz employé était naturel et non propane. Elle a soutenu que le diagnostiqueur n’avait pas un devoir de conseil, que le rapport de diagnostic n’avait qu’une valeur informative, n’était pas opposable ni générateur de droits. Selon elle, le préjudice né de la faute alléguée était au plus une perte de chance d’acquérir le bien à un prix moindre. Elle a contesté toute faute de sa part, le diagnostic ayant été réalisé conformément aux règles applicables et le classement du bien ayant été exact, ainsi que tout lien de causalité entre la faute imputée et le préjudice allégué. Selon elle, les acquéreurs avaient été informés avant la vente de la consommation énergétique réelle du bien.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2018, les époux F X et G Y ont demandé de :

'INFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE en date du 22 mai 2018 en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir pour cause de prescription, et statuant à nouveau DIRE ET JUGER l’action de Monsieur A et Madame Z prescrite à l’encontre des époux X.

CONFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE en date du 22 mai 2018 en ce qu’il a débouté Monsieur A et Madame Z de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

INFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE en date du 22 mai 2018 en ce qu’il a débouté Monsieur et Madame X de leur demande de dommages et intérêts, et statuant à nouveau, CONDAMNER solidairement Monsieur A et Madame Z au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts.

En tout état de cause, CONDAMNER solidairement Monsieur A et Madame Z au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile et CONDAMNER les mêmes et sous la même solidarité aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Nathalie R, Avocat associé de la SCP ROUDET-BOISSEAU-LEROY-Q-R-MOLLE'.

Ils ont soutenu que les appelants étaient prescrits en leurs demandes par application des dispositions de l’article 2224 du code civil, ayant eu connaissance dès avant la vente des factures d’énergie antérieures et ayant pu les comparer au diagnostic communiqué lors de la vente. Ils ont contesté toute intention ou réticence dolosive de leur part, non établie. Ils ont rappelé que le rapport de diagnostic n’avait qu’une valeur informative et que l’acquéreur ne pouvait pas s’en prévaloir à l’encontre du vendeur. Ils ont précisé ne pas avoir repéré l’erreur du diagnostiqueur concernant le type de gaz utilisé.

Ils ont par ailleurs soutenu que le lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute leur étant imputée n’était pas établi.

Ils ont reconventionnellement demandé paiement de dommages et intérêts, la mauvaise foi et la malice des appelants ayant été pour eux à l’origine d’un préjudice moral.

L’ordonnance de clôture est du 10 février 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

A – SUR LES DEMANDES FORMEES A L’ENCONTRE DE LA SOCIETE ABCD DIAGNOSTICS

1 – sur la faute

L’article 1134 ancien du code civil (articles 1103, 1104 et 1193 nouveaux) applicable en l’espèce dispose notamment que 'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites'. L’article 1147 ancien ( 1231-1 nouveau) du code civil précise que 'le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part'.
L’article 1382 ancien (1240 nouveau) du même code dispose que 'tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

L’inexécution par une partie de ses engagements contractuels constitue à l’égard des tiers au contrat une faute de nature délictuelle, dont elle doit réparation des conséquences dommageables.

La société Abcd Diagnostics a contracté avec les vendeurs de l’immeuble, mais non avec les acquéreurs. Seule sa responsabilité délictuelle est susceptible d’être engagée à l’encontre de ces derniers.

Cette société a pris envers ses cocontractants l’engagement de réaliser le diagnostic de performance énergétique conformément aux règles de l’art. L’article L 134-1 du code de la construction et de l’habitation dispose que 'le diagnostic de performance énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment est un document qui comprend la quantité d’énergie effectivement consommée ou estimée, exprimée en énergie primaire et finale, pour une utilisation standardisée du bâtiment ou de la partie de bâtiment et une classification en fonction de valeurs de référence afin que les consommateurs puissent comparer et évaluer sa performance énergétique' et l’article L 274-1 du même code que 'l’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n’a qu’une valeur informative'.

Le diagnostic de performance énergétique établi mentionne :

— une consommation de gaz naturel pour le chauffage de 11.419 kWhep, pour un coût de 546 € ;

une consommation de gaz naturel pour l’eau chaude sanitaire de 3.286 kWhep, pour un coût de 157 € ;

— un classement du logement en B concernant la consommation énergétique (A : logement économe ; F : logement énergivore) ;

— un classement en C du logement concernant l’émission de gaz à effet de serre (A : faible émission; G : forte émission).

Le diagnostiqueur reconnaît une erreur de sa part, le gaz naturel ayant été mentionné en lieu et place du gaz propane. L’expert judiciaire a en page 9/17 de son rapport relevé : 'Monsieur B a tout de suite reconnu et convenu qu’il s’agissait d’une erreur, en effet, celui-ci nous a expliqué que sur le logiciel servant au diagnostic, un menu déroulant affiche le carburant énergétique du générateur, et qu’une erreur s’est glissée lors de la saisie des données. En effet, comme nous pouvons le constater sur le diagnostic, c’est le gaz naturel (de ville) qui a été enregistré alors que cette maison est équipée de gaz propane en citerne'.

L’expert judiciaire a en page 10/17 de son rapport indiqué :'Il m’apparait impossible d’imaginer que cette bâtisse puisse consommer 900.00 € de gaz propane dans ces conditions de construction. Pour améliorer les conditions énergétiques (financières) de cette bâtisse, il est nécessaire d’améliorer l’isolation et peut-être même le système de chauffage par des apports autres qui ne peuvent s’évaluer et se proposer que par l’intermédiaire d’une étude thermique et d’un prévisionnel approprié'. En page 14/17, il a précisé que 'l’erreur reconnue vient du choix de l’énergie gaz avec un coût différent en propane qu’en gaz naturel'. En page 16/17, il a conclu ainsi :

'L’indice mentionné sur le DPE est B et celui-ci est confirmé par les données du logiciel. L’erreur d’interprétation de la dépense énergétique vient uniquement du choix du gaz qui a été confondu entre le gaz naturel et le gaz Propane, en effet, ce dernier a un coût beaucoup plus élevé.

[…]

On ne peut pas imaginer décemment et techniquement qu’un tel bâti, conçu de cette façon, c’est-à-dire avec certains murs non isolés et avec un tel volume, ne puisse pas avoir une consommation énergétique relativement élevée.

La différence du coût énergétique annoncé sur le DPE vient uniquement d’une erreur reconnue du diagnostiqueur sur le choix du gaz utilisé'.

La faute de la société Abcd Diagnostics est ainsi double : avoir confondu gaz naturel et gaz propane, alors même qu’au diagnostic de l’installation intérieure de gaz qu’elle avait réalisé avait été indiqué que le gaz distribué était du propane, d’autre part ne pas s’être interrogée sur l’incohérence de l’estimation de la consommation de gaz avec les caractéristiques apparentes du bien diagnostiqué. Ces fautes, contractuelles à l’égard des vendeurs, sont de nature délictuelle à l’égard des acquéreurs.

2 – sur le préjudice

En page 9/17 de son rapport, M N a indiqué :

'Nous avons réalisé une nouvelle simulation sur le logiciel qui a servi à l’établissement de ce diagnostic. Le résultat est probant, en effet, la consommation annoncée est de 2 062.00 € avec un tarif gaz propane de 2006 / voir 2010 enregistré dans le logiciel. Nous n’avons pas de mal à confirmer que sur un tarif en permanente évolution, mis à jour pour 2013, nous serions dans la tranche des 3000.00 €, ce qui correspond tout à fait à la réalité des factures que perçoit le propriétaire.

Le classement « B » ne change pas, mais cela est dû à la surface de la maison'.

En page 10/17, il a conclu ainsi :

'Nous avons vu que l’indice sur le logiciel utilisé (2006/2010) à l’époque ne change pas forcement, même si suivant l’énergie utilisée les coûts de consommations sont différents. C’est la surface de la maison qui vient perturber l’indice réel.

[…]

Nous avons vu qu’avec l’utilisation du logiciel de l’époque, l’indice n’aurait sûrement pas changé, par contre le coût énergétique aurait été différent, il s’agit bien d’une erreur de saisie du carburant utilisé'.

En page 15/17, il a rappelé que :

'Il est certain que l’on ne peut pas se fier directement à la classification donnée par un DPE pour certifier une consommation énergétique. Je l’ai évoqué à plusieurs reprises, un calcul thermique est beaucoup plus complexe que cela et ne peut être réalisé uniquement que par un bureau d’étude spécialisé, qui lui-même parfois est très frileux pour s’engager sur une consommation ou un coût de consommation car cela reste extrêmement tributaire du volume et des déperditions officielles du bâti.

Le DEP (DPE) est un outil sur la connaissance (approximative) du bâti pour orienter l’acheteur sur des éventuelles améliorations que celui-ci pourrait envisager.

En aucun cas le DPE a été mis en place pour certifier une consommation énergétique ou un coût de celle-ci. Le diagnostiqueur ne possède pas ce genre de compétences techniques. Le DPE est dans ce cas mal interprété.

Le DEP (DPE) ne peut pas décemment et surtout de par son contenu technique être un document d’engagement sur une consommation ou un coût énergétique réel et officiel'.

Il a conclu en page 17/17 que 'le DPE ne peut pas être utilisé comme s’il s’agissait d’une étude thermique officiellement réalisée par un bureau d’étude' et qu’il n''a qu’une valeur informative sur l’état du bâti et ne peut servir que d’orientation sur les travaux qu’il serait judicieux d’envisager pour améliorer l’habitat et les dépenses liées à celui-ci'.

Il en résulte que le dommage résultant de la faute du diagnostiqueur est pour l’acquéreur une perte de chance de ne pas acquérir le bien, ou de l’acquérir à prix moindre.

En l’espèce, le classement du bien en catégorie B était exact, les consommations mentionnées au rapport de diagnostic technique n’ont pas été qualifiées d’erronées. L’annonce de l’agence immobilière Capi France annexée au rapport d’expertise, communiquée à l’expert par le conseil des appelants, mentionne un prix de vente de 222.000 €. Le bien a été acquis par les appelants au prix de

198.000 € (197.300 € pour l’immeuble, 700 € pour les biens meubles). Les acquéreurs avaient en outre à supporter les honoraires de négociation, de 12.000 € le coût de l’acquisition a ainsi été de 210.000 €. Les appelants ont ainsi bénéficié d’une baisse du prix de vente initial. Ils ne justifient de plus pas que le diagnostic litigieux, s’il avait été exact, aurait fondé une baisse supplémentaire du prix de vente, ni qu’ils n’auraient pas acquis. Ils ne peuvent dès lors se prévaloir d’un préjudice subi étant résulté de la faute du diagnostiqueur.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de C Z et D A formées à l’encontre de la société B-de Ly venant aux droits de la société Abcd Diagnostics.

B – SUR LES DEMANDES A L’ENCONTRE DES VENDEURS

1 – sur la prescription

L’article 2224 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et entrée en application le 19 juin 2008 (article 1er du code civil) dispose désormais que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer'.

L’acte authentique de vente stipule en page 30 que 'l’ACQUEREUR reconnaît que l’annonce immobilière comportait l’indication de la performance énergétique, et qu’il a pu ainsi en prendre connaissance lors de sa consultation'. L’avant-contrat en date du 24 mai 2012 stipule que le diagnostic de performance énergétique y avait été annexé. Le premier juge a toutefois pertinemment relevé que les acquéreurs n’avaient pu constater la différence entre le coût annoncé de la consommation énergétique et son coût réel qu’à réception de la facture Antargaz en date du 7 octobre 2013, d’un montant de 3.143,68 €. Le délai de prescription de l’article 2224 précité n’a ainsi commencé à courir au plus tôt qu’à compter de la date d’émission de cette facture. L’acte introductif d’instance, du 31 juillet 2017, a été délivré avant expiration de ce délai. Les époux H X et G Y ne sont pour ces motifs pas fondés à opposer aux appelants la prescription de leur action. Le jugement sera confirmé de ce chef.

2 – sur le dol

L’article 1116 ancien du code civil applicable au cas d’espèce dispose que 'le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté', qu’il 'ne se présume pas et doit être prouvé'. A ces manoeuvres sont assimilés le mensonge et la réticence. Le dol peut ainsi être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter. Un tel comportement est un manquement à l’obligation de loyauté et au devoir de contracter de bonne foi.

Le dol constitue par ailleurs une faute au sens de l’article 1382 ancien (1240 nouveau) du code civil engageant la responsabilité civile délictuelle de son auteur, qui en doit réparation des conséquences dommageables.

Il appartient aux appelants de prouver des manoeuvres frauduleuses ou la réticence de leurs vendeurs destinées à tromper leur consentement.

L’attestation de F X annexée au rapport d’expertise, quand bien même aurait-elle été établie avant sa mise en cause, ne peut être retenue à titre de preuve, puisque réalisée à son profit par une partie au procès.

Il résulte des développements précédents que C Z et D A ont pu prendre connaissance du diagnostic de performance énergétique par l’intermédiaire de l’agence immobilière, puis lors de la signature de l’avant-contrat auquel il a été annexé. L’acte authentique de vente stipule en page 8 que :

'Conformément aux dispositions de l’article L 134-6 du Code de la construction et de l’habitation, la vente d’un bien immobilier à usage d’habitation comportant une installation intérieure de gaz réalisée depuis plus de quinze ans doit être précédée d’un diagnostic de cette installation, diagnostic à annexer à l’avant-contrat et à l’acte de vente et devant avoir été établi moins de trois ans avant la date de l’acte.

Le VENDEUR déclare que l’immeuble possède une installation intérieure de gaz de plus de quinze ans et en conséquence avoir fait établir un diagnostic de cette installation par ladite société ABCD DIAGNOSTICS… le 9 novembre 2009, qui est demeuré ci-joint et annexé aprés mention.

Les conclusions de ce diagnostic sont les suivantes :

'L 'installation ne comporte aucune anomalie."

L’ACQUEREUR reconnaît que ce diagnostic a été annexé à’l l’avant-contrat, en avoir pris connaissance et vouloir faire son affaire personnelle de son contenu'.

Ce document précise en page 1/3 :

'Nature du gaz distribué : Propane

Distributeur : Antargaz'

Il ne peut dès lors être soutenu que les vendeurs qui avaient dès avant la vente communiqué ces documents, avaient dissimulé aux futurs acquéreurs que l’énergie utilisée était le gaz propane et non le gaz naturel, moins onéreux. L’erreur sur l’énergie et le coût de la consommation ne leur est pas imputable. Les appelants ne justifient par ailleurs pas avoir sollicité des futurs vendeurs la communication de leurs factures d’énergie et que ceux-ci ne se seraient pas exécutés ou auraient communiqué des informations inexactes.

La preuve de manoeuvres frauduleuses ou d’une réticence dolosive des vendeurs n’est dès lors pas établie. Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a débouté C Z et D A de leurs demandes formées à l’encontre des époux H X et G Y.

C – SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS DES INTIMES

L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que 'celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés', et l’article 559 qu’en 'cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés'.

La charge de la preuve de cet abus, fautif au sens de l’article 1382 ancien (1240 nouveau) du code civil et de ses conséquences dommageables incombe aux intimés.

Ceux-ci ne justifient pas d’un exercice fautif par C Z et D A de leur droit d’agir en justice et d’exercer un recours à l’encontre du jugement de première instance, cette faute ne se déduisant pas du seul rejet des demandes et de l’appel interjeté, étant observé que la faute du

diagnostiqueur a été établie.

D – SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié les indemnités dues sur ce fondement par C Z et D A.

Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits des intimés de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens d’appel. Il sera pour ce motif fait droit à leurs demandes formées de ce chef pour les montant ci-après précisés.

[…]

La charge des dépens d’appel, dont distraction par application de l’article 699 du code de procédure c i v i l e a u p r o f i t d e M a î t r e N a t h a l i e B o u r d e a u , a v o c a t a s s o c i é d e l a S C P Roudet-Boisseau-Leroy-Q-R-Molle, incombe aux appelants.

PAR CES MOTIFS

statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 22 mai 2018 du tribunal de grande instance de La Rochelle ;

CONDAMNE in solidum C Z et D A à payer en cause d’appel à H X et G Y la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum C Z et D A à payer en cause d’appel à la société B-de Ly venant aux droits de la société Abcd Diagnostices la somme de 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum C Z et D A aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par Maître Nathalie R, avocat associé de la scp Roudet-Boisseau-Leroy-Q-R-Molle.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 16 juin 2020, n° 18/02195