Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 22 octobre 2015, n° 13/04045

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 5e ch., 22 oct. 2015, n° 13/04045
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 13/04045
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Cergy-Pontoise, 29 juillet 2013, N° 12-00341/P
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88B

5e Chambre

OF

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 OCTOBRE 2015

R.G. N° 13/04045

R.G. N° 13/04287

AFFAIRE :

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS RAM ILE DE FRANCE PROFESSIONS LIBERALES

C/

Valérie FREY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Juillet 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 12-00341/P

Copies exécutoires délivrées à :

Me Catherine FREY

Me Audrey BREGERAS

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS CAMPLIF

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS RAM PROFESSIONS LIBERALES ILE DE FRANCE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Valérie FREY

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS RAM ILE DE FRANCE PROFESSIONS LIBERALES

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS RAM ILE DE FRANCE PROFESSIONS LIBERALES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Audrey BREGERAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1099

APPELANTE ET INTIMEE

****************

Madame Valérie FREY

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Catherine FREY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0892

INTIMÉE ET APPELANTE

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS CAMPLIF

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par M. [I] [Z] en vertu d’un pouvoir spécial en date du 24 juin 2015

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS RAM PROFESSIONS LIBERALES ILE DE FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 4]

représentée par M. [I] [Z] en vertu d’un pouvoir spécial en date du 24 juin 2015

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,

FAITS ET PROCÉDURE

Les faits et la procédure peuvent être présentés de la manière suivante :

La caisse du régime social des indépendants RAM Professions Libérales Ile de France ainsi que la caisse du régime social des indépendants CAMPLIF (RAM-RSI) ont délivré une mise en demeure le 19 décembre 2008, suivie d’une contrainte à l’encontre de Mme Valérie FREY, établie le 16 février 2009 et signifiée le 24 juin 2009.

La contrainte ainsi délivrée indique un montant de 7956€ de cotisations et de 665€ de majorations de retard, soit un total de 8621€ au titre des échéances de novembre 2007 et de mai et novembre 2008.

Par lettre recommandée en date du 8 juillet 2009, Mme FREY a saisi d’une contestation le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) des Hauts Seine, lequel s’est dessaisi, à la demande de Mme FREY sur le fondement de l’article 47 du code de procédure civile, au profit du TASS du Val d’Oise.

En outre, Mme FREY a sollicité du tribunal qu’il accueille une question préjudicielle relative à l’interprétation des règles de droit communautaire applicables à la présente espèce, qu’il saisisse la cour de justice de l’union européenne (CJUE) sur ces questions et qu’il sursoie à statuer jusqu’à ce que la CJUE se prononce sur la compatibilité du droit interne français avec les règles de droit communautaire relatives à la libre concurrence applicables au secteur concurrentiel de l’assurance et à la passation de marchés publics de services.

Par jugement numéro 12-00341/P du 30 juillet 2013, le TASS du Val d’Oise a accueilli partiellement le recours de Mme FREY en statuant comme suit :

« Déclare l’opposition formée par Mme Valérie FREY recevable ;

Dit n’y avoir lieu à saisir la CJUE d’une question préjudicielle sur la conformité des dispositions des articles L. 611-1 et suivants du code de la sécurité sociale instituant le régime social des indépendants et l’affiliation obligatoire à l’assurance maladie instituée par l’article L. 613-1 du code de la sécurité sociale, des personnes y relevant, au regard des directives 92/49 et 92/50 CEE;

Déclare régulière l’affiliation de Mme Valérie FREY au régime social des indépendants et à l’assurance maladie-maternité prévue aux articles L. 613-1 et suivants du code de la sécurité sociale;

Annule la contrainte établie par la RAM Professions Libérales d’Ile de France le 16 février 2009, signifiée le 24 novembre 2009, à l’encontre de Mme FREY Valérie, pour la somme de 7956€ en cotisations et 665€ en majorations de retard;

Ordonne la réouverture des débats pour le surplus et invite Mme Valérie FREY à saisir la commission de recours amiable de la RAM de sa contestation relative au paiement des indemnités journalières et de l’allocation de repos maternel;

Sursoit à statuer sur les demandes des parties, dans l’attente de la décision de la commission de recours amiable.  »

La RAM-RSI et Mme FREY ont régulièrement interjeté appel de ce jugement, respectivement sous les références RG 13-04045 et 13-04287.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 25 juin 2015.

Mme FREY s’étant opposée à la production de trois nouvelles pièces du RSI sur le fondement du non-respect du principe du contradictoire, et le RSI ne s’y étant pas opposé, la cour accueillera la demande formulée par Mme FREY.

Par ces conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, la RAM-RSI demande à la cour d’infirmer le jugement du 30 juillet 2013 en ce qu’il l’a déboutée de sa demande relative à la validité de la contrainte du 16 février 2009 pour une somme totale restant due de 8621€, correspondant aux cotisations de novembre 2007, ainsi que mai et novembre 2008, au motif que la subdélégation de pouvoir de signature donnée à M. [X] [V] ne comportait pas la compétence géographique de la région Ile de France.

En revanche, la RAM-RSI demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il dit qu’il n’y a pas lieu de saisir la CJUE d’une question préjudicielle et déclare régulière l’affiliation de Mme Valérie FREY au RSI et à l’assurance maladie au titre des articles L. 613-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, Mme Frey demande à titre liminaire à la cour de renvoyer la présente affaire devant la cour d’appel de Reims, ou devant une autre cour d’appel située dans un ressort qui soit limitrophe du ressort des cours d’appel de Paris ou de Versailles, sur le fondement des dispositions de l’article 47 du code de procédure civile.

Mme FREY demande en outre à la cour de :

. annuler la déclaration d’appel est les conclusions des parties adverses ;

. confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a d’une part accédé à sa demande d’annulation de la contrainte litigieuse et d’autre part rouvert les débats afin de statuer ultérieurement sur différentes autres demandes qu’elle a formées ;

. infirmer le jugement « en toutes ses dispositions qui n’ont pas satisfait en tout ou partie (ses) demandes », à savoir :

. surseoir à statuer jusqu’à ce que la CJUE ait tranché la question préjudicielle ; . déclarer nulles tant la mise en demeure du 19 décembre 2008 que la contrainte du 16 février 2009, que la prétendue signification de contrainte du 24 juin 2009, que tous les actes de la procédure à la requête de chacune des parties adverses ;

. déclarer chacune des parties adverses irrecevable en toutes ses prétentions et les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

. en toute hypothèse, déclarer nul et de nul effet l’acte de signification du 16 février 2009 ;

Subsidiairement, Mme FREY demande à la cour de :

. la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;

. prononcer la jonction de la présente affaire avec les dossiers portés devant la cour sous les références RG 13/04278, 13/04281 et 13/04716 ;

. surabondamment : juger que Mme Frey n’a pas l’obligation de s’affilier et de cotiser au RSI et/ou à la RAM ; subsidiairement : accueillir la question préjudicielle relative à l’interprétation des règles de droit communautaire au regard des principes communautaires régissant : la liberté d’assurance, « y inclus en ce qui concerne les personnes morales de droit privé chargées d’une mission publique relevant de la sécurité sociale » ; la liberté de chaque citoyen européen de choisir la couverture sociale de son choix auprès de l’assureur de son choix ; la liberté pour un citoyen français de s’assurer auprès d’un organisme de sécurité sociale de son choix.

Subsidiairement, Mme Frey demande de ramener à néant le montant des sommes réclamées par les parties adverses.

En toute hypothèse, Mme Frey demande à la cour de débouter les parties adverses de l’ensemble de leurs arguments de fait et de droit et les condamner, chacune, à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

A titre préliminaire, la cour, observant que les recours enregistrés sous les références RG 13/04045 et RG 13/04287 concernent un seul et même jugement du TASS du Val d’Oise en date du 30 juillet 2013, ordonnera la jonction de ces deux procédures sous la seule référence RG 13/04045.

Par ailleurs, compte tenu de la teneur des débats devant le TASS et des écritures et pièces soumises par les parties, la cour estime utile de préciser ici, à toutes fins et sans préjudice des positions respectives des parties, que : . les différents courriers adressés à Mme Frey, dont les mises en demeure et contraintes, supportent plusieurs noms d’organisme ou mentions (RSI, Caisse RSI PL Ile-de-France, RAM PL Ile de France, RAM) ce qui, en apparence du moins, ne facilite pas nécessairement l’identification de l’organisme auquel il conviendrait de s’adresser, le cas échéant, encore que chaque document comporte le nom de l’émetteur du document (le plus souvent, RAMPLIF) et l’adresse de ce dernier ; ainsi, à titre d’exemple, une « situation comptable aura pu être adressée, sur document à en-tête du RSI (en haut à gauche du document) et de la RAM (en haut à droite du document) par la RAM PL ILE-DE-FRANCE (à l’adresse du [Adresse 5] à [Localité 3]) ;

. le régime social des indépendants, plus connu sous son sigle RSI, est un organisme de sécurité sociale en charge des professions non salariées non agricoles ; dans ce cadre, il est l’organisme social de professions libérales telles que celle d’avocat (étant rappelé ici que Mme Frey conteste l’obligation qui lui serait faite de souscrire à ce régime – voir la discussion ci-après) ;

. comme d’autres organismes de sécurité sociale, le RSI comprend plusieurs branches, notamment une branche maladie, et des sous-branches régionales ; la CAMPLIF est ainsi la caisse d’assurance maladie des professions libérales d’Ile de France ;

. la réunion des assureurs maladie (RAM) est un organisme conventionné avec le RSI (de notoriété publique, le plus important), qui comprend des divisions et subdivisions similaires ; en l’espèce, la RAM concernée ici est la RAMPLIF ou réunion des assureurs maladie des professions libérales d’Ile de France ;

. la contrainte émise portee l’entête du RSI-CAMPLIF et de la RAM-RAMPLIF ([Adresse 6]) ;

. ainsi qu’il sera discuté ci-après, la RAM a également pu passer des conventions avec tel ou tel organisme pour gérer les dossiers des personnes affiliées (en l’espèce, Apria ' ce que conteste également Mme Frey) ;

. enfin, chacun peut faire la constatation que les services contentieux d’un organisme, quel qu’il soit, ne sont pas nécessairement domiciliés à la même adresse postale que le siège de celui-ci, ce qui inclut la possibilité d’être domicilié dans un tout autre département.

Sur le respect du principe du contradictoire

Mme Frey fait valoir devant la cour de céans le non-respect du principe du contradictoire par son contradicteur.

Elle indique à la cour que la veille de l’audience du 25 juin 2015, soit le 24 juin 2015, le RSI a transmis par courriel l’information suivante : « la caisse RSI ne dépose pas de nouvelles conclusions et demande à conserver le bénéfice de ses écritures de 1e instance. Vous trouverez toutefois en pièces jointes, trois pièces que la caisse verse à son dossier ».

Mme Frey entend solliciter de la cour qu’elle ne retienne pas dans sa décision les moyens, explications et documents invoqués ou produits par les parties adverses ; et que la présente affaire soit renvoyée à une date ultérieure.

En droit, l’article 15 du code de procédure civile dispose que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ».

L’article 135 du code susvisé poursuit en indiquant que « le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile »

Le principe du contradictoire garantit à chaque partie le droit de prendre connaissance des arguments de fait, de droit et de preuve à partir desquels elle sera jugée.

Dès lors, les différents intervenants du procès doivent faire preuve de loyauté ainsi que de diligence dans la communication de leurs pièces et conclusions : tout élément produit en justice doit pouvoir faire l’objet d’un débat, et donc être communiqué à l’adversaire.

Le caractère contradictoire de la procédure permet ainsi de s’assurer de la préservation des droits de chaque partie.

Son non-respect est sanctionné par le juge qui détient la possibilité d’écarter des débats, des éléments communiqués tardivement ou partiellement par une partie à ses adversaires.

En l’espèce, la cour constate que la caisse du RSI a communiqué le 24 juin 2015, trois nouvelles pièces dont le contenu serait développé à la barre, à l’audience du 25 juin 2015.

Compte tenu du caractère tardif de cette communication, dès lors que Mme Frey s’y oppose, la cour ne peut, ainsi que le représentant du RSI/RAM en convient, que constater que le principe du contradictoire n’a pas été respecté et devra écarter les trois pièces produites le 24 juin 2015 par la caisse du RSI.

Sur la demande de délocalisation de la procédure

Mme Frey fait valoir, à titre liminaire, qu’étant avocat inscrit au barreau de Paris, elle est bien fondée à demander, même en cause d’appel, l’application des dispositions de l’article 47 du code de procédure civile et par conséquent le renvoi de cette affaire devant la cour d’appel de Reims ou, à défaut, devant une autre cour d’appel située dans un ressort qui soit limitrophe du ressort des cours d’appel de Paris ou de Versailles.

L’article 47 du code de procédure civile, modifié par le décret n°2012-66 du 20 janvier 2012 est rédigé comme suit :

« Lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.

Le défendeur ou toutes les parties en cause d’appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions. À peine d’irrecevabilité, la demande est présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi. En cas de renvoi, il est procédé comme il est dit à l’article 97 ».

La Cour de cassation précise que les juges du fond gardent la possibilité, sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de soulever la demande de renvoi plus tôt.

L’abus de droit résulte de l’usage tardif de l’article 47 du code de procédure civile ou peut être caractérisé par une intention de nuire ou encore par un acte de mauvaise foi.

La cour souligne ici que l’article 47 du code de procédure civile instaure une simple faculté pour la personne concernée de demander le renvoi, il ne crée par une obligation pour elle pour le faire.

En l’espèce, Mme Frey, avocate inscrite au Barreau de Paris (75), dont le cabinet est à Paris mais qui est domiciliée à Boulogne-Billancourt (92), adresse à laquelle lui ont été adressées les mises en demeure et contrainte en cause, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine (92).

Elle a sollicité, devant ce tribunal, le bénéfice des dispositions de l’article 47 du code de procédure civile, par écritures adressées à ce tribunal le 10 avril 2010, demandant expressément que l’affaire soit renvoyée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pontoise.

Pour la première fois en cause d’appel, Mme Frey sollicite une délocalisation vers la cour d’appel de Reims ou tout autre cour d’appel dont le ressort soit 'limitrophe’ de celui des cours d’appel de Paris ou de Versailles.

Or, Mme Frey, en tant qu’avocat inscrit au Barreau de Paris, ne peut ignorer que, conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971, par « dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 5 (de la loi), les avocats inscrits au barreau de l’un des tribunaux de grande instance de Paris, Créteil et Nanterre peuvent exercer, auprès de chacune de ces juridictions, les attributions antérieurement dévolues au ministère d’avoué » (souligné par la cour).

Il est par ailleurs acquis qu’il est de notoriété publique que le tribunal des affaires sociales du Val d’Oise se trouve situé dans le ressort de la cour d’appel de Versailles.

Mme Frey ne pouvait donc ignorer, au moment où elle a expressément demandé au tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine, qu’elle avait choisi, de délocaliser la procédure à Pontoise, qu’elle se maintenait dans le ressort d’une cour d’appel ' au demeurant le même que celui dont relevait le tribunal des Hauts de Seine ' devant lequel elle est susceptible d’exercer sa profession d’avocat en qualité d’avocat aussi bien plaidant que postulant.

Mme Frey produit d’ailleurs un commentaire, rédigé par un avocat au barreau de Paris, dont il ressort que « la Cour d’appel de Paris n’est pas non plus une juridiction limitrophe de la Cour d’appel de Versailles », au sens de l’article 47 du code de procédure civile.

En d’autres termes, en sollicitant la délocalisation de la procédure devant le tribunal du Val d’Oise, Mme Frey s’est délibérément placée dans la situation de relever d’une juridiction non limitrophe, au sens de l’article susvisé.

La demande de délocalisation de la procédure formulée devant la cour d’appel de céans traduit ainsi, manifestement, une intention dilatoire de Mme Frey, qui ne peut aujourd’hui alléguer de sa propre turpitude pour solliciter un renvoi devant une juridiction dans le ressort de laquelle elle n’exerce pas/ ne serait pas susceptible de postuler, alors qu’elle aurait dû, dès le stade de la première instance, si tel était son souhait, saisir le tribunal d’une demande de délocalisation devant une juridiction devant laquelle elle n’était pas susceptible de le faire, même en cas d’appel.

Mme Frey n’est donc pas fondée à exciper de l’article 47 du code de procédure civile et sa demande à cet égard sera rejetée.

Sur la demande de jonction des procédures :

Mme Frey sollicite de la cour de céans la jonction entre la présente affaire et trois autres affaires également pendantes devant la cour d’appel de céans, concernant selon elle les mêmes parties (RG 13/04281, 13/04278 et 13/04716).

Mme Frey fait valoir à ce titre que ces affaires font toutes l’objet de contestations identiques opposées par elle aux sommes réclamées par les parties adverses, lesquelles ne font aucune remarque à cet égard.

La cour considère toutefois que, dans le cas d’espèce, étant rappelé que la décision relative à la jonction des procédures est une mesure d’administration judiciaire qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande formulée par Mme Frey sur ce point.

Sur la question préjudicielle soulevée par Mme FREY :

Madame Frey fait valoir que son affiliation « au RSI et à la RAM n’est pas obligatoire » et que par conséquent, elle n’a aucunement l’obligation d’y cotiser, ainsi qu’il résulte de la règlementation et de la jurisprudence européennes. Mme Frey sollicite ainsi de la cour qu’elle accueille sa question préjudicielle et qu’elle sursoie à statuer dans l’attente de la décision de la CJUE concernant la compatibilité du droit interne français relatif à l’affiliation obligatoire avec les règles de droit communautaire.

La cour rappelle que, ainsi que le définissent les dispositions de l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale, la France a opté pour un système obligatoire de sécurité sociale, fondé sur la solidarité nationale.

La directive 1992/49/CE tendant à l’harmonisation des législations des pays membres de l’Union européenne (hors assurance vie), dispose notamment :

« Considérant que certains États membres ont adopté à cette fin des dispositions légales spécifiques; que, dans l’intérêt général, il est possible d’adopter ou de maintenir de telles dispositions légales pour autant qu’elles ne restreignent pas indûment la liberté d’établissement ou de prestation de services, étant étendu que ces dispositions doivent s’appliquer de manière identique quel que soit l’État d’origine de l’entreprise; que la nature des dispositions légales en question peut varier selon la situation qui prévaut dans l’État membre qui les adopte; que ces dispositions peuvent prévoir l’absence de restrictions d’adhésion, une tarification sur une base uniforme par type de contrat et la couverture à vie; que le même objectif peut être atteint si l’on exige des entreprises offrant une assurance maladie privée ou prescrite sur une base volontaire qu’elles proposent des contrats types dont la couverture soit alignée sur celle des régimes légaux de sécurité sociale et pour lesquels la prime soit égale ou inférieure à un maximum prescrit et qu’elles participent à des systèmes de compensation des pertes; qu’il pourrait également être exigé que la base technique de l’assurance maladie privée ou souscrite sur une base volontaire soit analogue à celle de l’assurance vie » (souligné par la cour).

Le droit européen retient ainsi que, « dans l’intérêt général il est possible d’adopter ou de maintenir des dispositions légales spécifiques pour autant qu’elles ne restreignent pas indûment la liberté d’établissement ou de prestations de services ».

Il résulte de ce qui précède que la réglementation européenne admet, en tant que tel, un mécanisme d’adhésion obligatoire à un régime d’assurances sociales, dès lors que ce mécanisme répond à la double obligation de satisfaire l’intérêt général et de ne pas restreindre indûment la liberté d’entreprendre ou de prestations de services.

La CJCE/CJUE a déjà jugé que les régimes de sécurité sociale sont exclus du champ d’application des directives européennes 92/49 et 92/96, relatives à la mise en place du marché unique de l’assurance privée. Plus précisément, la Cour a jugé que les organismes chargés de la gestion des régimes légaux de sécurité sociale n’appartenaient pas au secteur des assurances et n’étaient pas soumis aux règles de la concurrence, ce qui n’empêche pas que les mutuelles du code de la mutualité soient soumises aux règles de la concurrence pour toutes leurs activités d’assurance qui ne sont pas liées à la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale. En effet, les systèmes de prévoyance qu’elles proposent interviennent en complément des régimes légaux et n’ont pas de caractère obligatoire. Mais les règles de concurrences ne visent pas les organismes de sécurité sociale dans leurs activités qui remplissent exclusivement une fonction de solidarité nationale.

Par ailleurs, la CJUE a eu l’occasion de préciser que les restrictions à la libre prestation de service ne sont pas incompatibles avec les activités sociales fournies par les régimes légaux de sécurité sociale.

Enfin, la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises ne remet nullement en question la jurisprudence précitée sur la capacité des États à instaurer des régimes obligatoires de sécurité sociale.

Par conséquent, la cour de céans considère que les organismes RAM/RSI relèvent d’un régime légal de sécurité sociale qui, fondé sur le principe de la solidarité nationale et, par la protection générale et étendue qu’il offre aux assurés, vise à la satisfaction de l’intérêt général, n’obéit pas à une stricte logique de marché.

En aucune manière, elles ne constituent une entreprise au sens du Traité de Rome et du code des marchés publics, et n’entrent donc pas dans le champ d’application des directives concernant la concurrence en matière d’assurances.

Il n’y a donc pas lieu de retenir l’existence d’une question préjudicielle et la cour déboutera Mme Frey de sa demande de renvoi à la CJUE sur ce point et de sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour européenne statue.

Mme Valérie Frey relève du régime social des indépendants dans les conditions prévues par le code de la sécurité sociale.

La cour note que Mme Frey n’est au demeurant affiliée à aucun autre organisme, public ou privé, de sécurité sociale et que, tout en prétendant devant la cour ne pas relever du RSI, elle a pu formuler devant ce dernier une demande au titre de la maternité.

Sur la qualité à agir du RSI :

Sur la notion de « mutuelle »

Mme Frey soutient que l’absence d’immatriculation au registre des mutuelles de chacune des parties adverses et par conséquent leur absence de personnalité juridique, entraîne une incapacité à agir en justice.

Selon elle, faute de prouver leurs inscriptions au conseil supérieur de la mutualité conformément à l’article L. 411-1 du code de la mutualité, les parties adverse n’ont pas qualité pour agir. Elles ne pouvaient dès lors adresser la mise en demeure du 19 décembre 2008, la contrainte du 16 février 2009 et la signification de contrainte du 24 juin 2009, pas plus qu’elle ne pouvait agir en première instance et ne peuvent agir en cause d’appel.

Mme FREY invoque à cet égard une ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Nice, en date du 11 décembre 2014 (n°14/171), et un arrêt de la cour d’appel de Limoges, en date du 20 octobre 2014 (n°13/00341), selon lesquels la justification de l’inscription au répertoire SIRENE et une copie du règlement intérieur ne permettent pas au régime social des indépendants de justifier de sa qualité pour agir. Il est nécessaire pour la caisse de justifier de son immatriculation au registre prévu par le code de la mutualité.

Certes, cette immatriculation au registre national des mutuelles n’a pas été supprimée par l’ordonnance du 21 janvier 2010, par conséquent, pour qu’un organisme puisse acquérir la personnalité morale d’une mutuelle au sens de l’article L. 111-1 du Code de la mutualité, il est nécessaire qu’il accomplisse des formalités d’immatriculation. Le décret n° 2011-1192 du 26 septembre 2011 fixe la nouvelle procédure d’immatriculation des mutuelles, unions et fédérations.

Toutefois, la Cour de cassation a estimé (2ème chambre civile, n°06-13.466) que les caisses de sécurité sociales des régimes non salariés et non agricoles n’étaient pas des mutuelles mais constituaient « un régime légal obligatoire de sécurité sociale fondé sur un principe de solidarité et fonctionnant sur la répartition et non la capitalisation ». Ainsi les caisses assurant la gestion de ce régime ne constituent pas des entreprises au sens du traité instituant la Communauté et leur activité n’entre pas dans le champ d’application des directives concernant la concurrence en matière d’assurance.

Cette interprétation a été confirmée par un arrêt ultérieur (Cass. 1ère Civ., 4 mai 2011, pourvoi n°10-11.951) qui relève que «  le RSI concour(t) à la gestion du service public de la sécurité sociale fondée sur le principe de solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif et que la contrainte objet du litige concernait les cotisations du régime légal et obligatoire de sécurité sociale » et que par conséquent dans l’exercice de cette seule fonction à caractère social, « le RSI n’était pas une entreprise au sens des articles 81 et 82 CE et que cette activité ne pouvait être considérée comme économique au sens du droit communautaire ni violer les règles du droit des abus de position dominante ».

Par conséquent le régime social des indépendants n’étant pas une mutuelle mais un régime de sécurité sociale obligatoire, il n’est pas astreint à une obligation d’inscription au conseil supérieur de la mutualité ni, a fortiori, à la fourniture d’une justification de son immatriculation.

Sur la notion de « lien de droit »

Mme Frey soutient par ailleurs qu’ « (a)ucune des parties adverses ne justifie ni de son existence, ni de sa nature juridique, ni de son droit d’agir et, notamment, de son droit à délivrer des mises en demeure, à prendre des décisions et à agir en la présente instance » et qu’elle n’a « aucun lien de droit avec le RSI CAMPLIF, la RAM du MANS, le RSI du MANS, le RSI à BOURGES et la RAM à BOURGES » (en gras dans l’original des conclusions).

Sur le premier point, la cour, ainsi qu’elle l’a mentionné plus haut, ne peut que constater qu’il est de notoriété publique que la RAM est l’un des organismes conventionnés gestionnaires de l’assurance-maladie obligatoire du régime social des indépendants. Pour les professions libérales, c’est la RAM qui assure le recouvrement des cotisations d’assurance maladie.

De même, à l’instar de la situation d’un affilié au régime général, dont la caisse de rattachement varie en fonction de son domicile ou de sa résidence, les professions libérales relèvent d’une caisse différente en fonction de leur domicile, étant souligné qu’il existe un régime social des indépendants particulier aux professions libérales.

La 'CAMPLIF’ est la caisse du RSI en charge de l’assurance maladie des professions libérales d’Ile de France.

Mme Frey ne peut ainsi prétendre ignorer qu’elle relèverait (et, vu ce que la cour a déterminé plus haut, qu’elle relève) du régime social des indépendants professions libérales d’Ile de France, soit ce qu’elle appelle le RSI CAMPLIF, lequel est sis à [Localité 3] ([Adresse 3]). Cette partie est ainsi fondée à agir.

Rien n’interdit à un organisme de déléguer à un autre organisme la gestion de tout ou partie de son domaine d’activité.

La RAM, organisme gestionnaire, ainsi que la cour vient de le préciser, avait son siège social à [Localité 3] ([Adresse 5]) mais dispose d’un centre de gestion, pour ce qui concerne les professions libérales résidant en Ile de France, [Adresse 1] (plus exactement, à [Localité 1]). Mme Frey a elle-même relevé cette adresse, dont la cour souligne qu’elle est au demeurant celle du [Adresse 1], pour la partie 'mise en cause'. Cette partie est donc également fondée à agir.

Il résulte également de ce qui précède qu’il existe nécessairement une proximité entre le RSI et la RAM.

Au demeurant, aucun principe constitutionnel, aucune disposition législative ou réglementaire, n’interdit à des organismes distincts d’utiliser des documents faisant apparaître leurs deux noms, dès lors qu’ils en sont d’accord. Cette circonstance ne cause à Mme Frey aucun grief qu’elle démontre.

Cela est vrai tant pour le RSI que pour la RAM et il est indifférent, en soi, que l’un de ces organismes ait délégué tout ou partie de ses prérogatives ou de ses pouvoirs, dès lors que cela s’est effectué de manière régulière. Cette question, distincte, est examinée ci-après.

Dans le cas d’espèce, le RSI-RAMPLIF a été déconcentré au Mans, ainsi qu’il résulte des pièces de la procédure.

Par conséquent, toutes les 'parties’ à l’encontre desquelles Mme Frey a dirigé ses écritures sont fondées à agir.

Sur les conditions de validité de la mise en demeure et de la contrainte émise par RAM/RSI :

Sur les conditions de validité de la mise en demeure du 19 décembre 2008

Mme FREY soutient que le demandeur à l’instance dans le cadre d’une opposition à contrainte est l’organisme créancier, ce que ne conteste pas la RAM-RSI.

Dès lors, Mme FREY estime que les mises en demeure dont elle a fait l’objet sont nulles, en vertu de l’article 58 du code de procédure civile, en raison du défaut de mentions quant à la forme juridique et aux organes représentant le demandeur. Selon elle, ce défaut fait obstacle à l’organisation de sa défense, à la contestation de la capacité des parties adverses de prendre des décisions ou d’ester en justice.

Cependant, la cour soulignera que les dispositions de l’article précité visent les mentions devant figurer dans une requête ou la déclaration dans le cadre d’une procédure judiciaire, mais ne concernent en aucune manière les dispositions devant figurer sur une mise en demeure.

Aux termes des dispositions de l’article 244-2 du code de la sécurité sociale, « toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’État invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n’a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l’employeur ou au travailleur indépendant ».

Concernant la mise en demeure, les dispositions du code de la sécurité sociale n’imposent donc aucun autre formalisme que celui de l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception. En tant que de besoin, il sera rappelé que, la mise en demeure, à la différence de la contrainte, n’étant pas un acte de nature contentieuse ni extrajudiciaire, sa régularité n’est pas conditionnée par l’indication de l’identité et la qualité de la personne physique du signataire l’ayant émise.

En l’espèce, les pièces soumises à l’examen de la cour montrent que Mme Frey a signé l’accusé de réception de la mise en demeure en cause le 05 janvier 2009.

Force est de constater que les dispositions du code de la sécurité sociale ont été respectées.

De plus, la mise en demeure constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.

En vertu de l’article R. 244-1 du même code, « l’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ».

Elle doit également préciser que la dette peut être contestée dans le délai d’un mois par une réclamation adressée à la commission de recours amiable et accompagnée de la mise en demeure. Elle indique l’adresse de ladite commission (article R. 612-9 alinéa 2 du code de la sécurité sociale).

Sur la mention de la cause, du montant des sommes réclamées et de la période à laquelle ces dernières se rapportent, et dont l’existence est contestée par Mme FREY, la cour relève que la mise en demeure versée au débat indique réclamer à l’affiliée la somme totale de 8557,00€.

Elle précise à ce titre que la somme de décompose comme suit :

AN 2007 ECH 11/08; COTISATIONS : 5723,00€; MAJORATIONS POUR PAIEMENT TARDIF : 332,00€; TOTAL : 6055,00€

AN 2008 ECH 05/08; COTISATIONS : 2235,00€; MAJORATIONS POUR PAIEMENT TARDIF : 139,00€; TOTAL : 2374,00€

AN 2008 ECH 11/08; COTISATIONS : 2233,00€; MAJORATIONS POUR PAIEMNT TARDIF : 130,00€; TOTAL / 2363,00€

En outre, si la mise en demeure précise que la dette de Mme FREY à l’égard du RSI/RAM est due au non-paiement par cette dernière de ses cotisations obligatoires, elle fait également état des délais et voies de recours ouvertes à Mme FREY aux fins de contestation de la procédure mise en 'uvre à son égard.

Par ailleurs, Mme FREY soutient que la signature apposée sur la mise en demeure a été réalisée au moyen d’un tampon encreur, moyen qui non seulement ne permet pas de vérifier que la décision dont elle a été l’objet a été prise à un niveau hiérarchique suffisant, mais a fortiori, ne permet pas de démontrer que le signataire avait seul la maîtrise de l’apposition de sa signature.

Toutefois, l’apposition d’une griffe n’est pas de nature à remettre en cause la validité d’une mise en demeure. En effet, l’exigence d’une signature n’est pas requise à peine de nullité en raison de la nature non contentieuse de la mise en demeure dès lors qu’il est fait mention de l’organisme, de l’identité du signataire, de la nature, de l’étendue et de la cause de l’obligation (Cass. Civ. 1, 3 mars 1969). Dès lors, le moyen tiré de l’absence de validité de la signature apposée sur la mise en demeure par le biais d’un tampon encreur n’est pas fondé.

En conséquence, la cour ne pourra que confirmer le jugement entrepris et déclarer la mise en demeure délivrée à Mme Frey le 19 décembre 2008 régulière.

Sur la contrainte du 16 février 2009

Mme Frey fait valoir que la signification de la contrainte dont elle a fait l’objet est entachée de plusieurs vices entraînant sa nullité.

Ainsi, Mme Frey dénonce l’absence d’avis de passage de l’huissier, de communication du procès-verbal de signification, de signature de la signification de contrainte, de jonction de la contrainte du 16 février 2009 à la signification y afférente, de récapitulatif des diligences effectuées par l’huissier pour effectuer la signification à personne ainsi que les circonstances ayant empêché une telle signification, de mention de l’adresse du tribunal sur la signification de contrainte.

En outre, Mme Frey met en exergue une discordance de date dans l’acte de signification à contrainte (acte dressé le 24 juin 2009 faisant état d’une lettre adressée le 25 juin 2009), ce qui équivaut, selon elle, à une absence de date compte tenu de son caractère substantiel.

La RAM/RSI défend le caractère régulier de cette contrainte. L’huissier n’ayant pu remettre à personne ou à la personne présente ladite signification et ayant la certitude de l’adresse, il a laissé un avis de passage mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant conformément à l’article 655 du code de procédure civile. L’huissier ayant adressé le lendemain de la tentative de signification, la lettre simple renfermant la copie de l’acte informant Mme FREY du dépôt de l’acte à l’étude avec la contrainte, et ce en application des dispositions de l’article 658 du code de procédure civile, il lui appartenait de se déplacer à l’étude.

Selon la RAM/RSI, l’acte de signification reprenait tous les éléments de la contrainte et indiquait notamment les délais et le lieu où devait être dirigée la contestation.

La cour constate que, ce faisant, Mme Frey conteste un acte d’huissier dans des termes qui reviennent à l’arguer de faux mais qu’elle n’a engagé aucune procédure à cet égard.

Au demeurant, l’article R. 612-11 alinéa 2 du code de la sécurité sociale dispose que :

« La contrainte est notifiée au débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice. La lettre recommandée ou l’acte d’huissier mentionne, à peine de nullité, la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal des affaires de sécurité sociale compétent et les formes requises pour sa saisine. L’huissier avise dans les huit jours l’organisme conventionné de la date de la signification ».

En l’espèce, l’huissier s’est rendu au domicile de Mme Frey le 24 juin 2009. Ce domicile est certain, Mme Frey ne le conteste au demeurant pas.

N’ayant pu, selon les mentions figurant à l’acte, remettre à personne ou à la personne présente ladite signification (à 10h25 précise le procès-verbal), et ayant la certitude de l’adresse, l’huissier a laissé, conformément à l’article 655 du code de procédure civile, un avis de passage mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant.

L’huissier informait Mme Frey, dans son avis de passage, du dépôt de l’acte de signification à l’étude avec la contrainte. Le procès-verbal de signification précise que la lettre prévue par l’article 658 du code de procédure civile a été adressée à Mme Frey.

La cour rappelle qu’il s’agit d’une lettre simple, qu’aucune disposition n’impose que la lettre soit adressée en recommandé, que Mme Frey ne soumet aucun élément permettant de remettre en cause les éléments contenus dans ce procès-verbal.

Ici, la lettre prévue par l’article 658 du code de procédure civile contenant la copie de l’acte de signification a été adressée le 25 juin 2009. La cour constate à ce titre que l’acte de signification reprend tous les éléments de la contrainte et indique notamment les délais et le lieu où devait être dirigé la contestation.

Il appartenait donc à Mme FREY de se déplacer à l’étude de l’huissier, dont l’adresse était indiquée sur l’acte de signification, aux fins d’obtention de la contrainte émise par la RAM-RSI, conformément à l’avis de signification qu’elle produit elle-même.

Enfin, Mme Frey n’est pas fondée à dire que le procès-verbal a été établi le 24 juin 2009 : cette date, ainsi qu’il apparaît sur ce procès-verbal, est celle de la « SIG CONTRAINTE », donc de la signification de la contrainte.

Toutes les formalités substantielles prévues par la loi ont été respectées.

La cour dira donc la signification de la contrainte régulière.

Mme FREY soulève par ailleurs la nullité de la contrainte délivrée à son encontre en ce qu’elle n’a pas été valablement signée par la personne ayant qualité pour le faire ou ayant reçu une habilitation à cet effet. Selon Mme Frey, la contrainte a été « prétendument signée par 'Le responsable qualifié de l’organisme', '[J] [R], 'chef de région’ », qui serait la même personne que celle ayant signé la mise en demeure.

Or, note Mme Frey, les deux signatures « n’ont rien à voir l’une avec l’autre » (en gras dans l’original des conclusions).

Mme [J] [R] est 'Chef de région Apria Rsa', qui est une entité juridique distincte de la RAM et du RSI, souligne Mme Frey. Or, si une délégation de pouvoirs de M. [D] [H], directeur général de Apria Rsa été soumise à l’attention du tribunal, il s’agit d’une délégation « purement interne » (en gras dans l’original des conclusions) et aucune délégation de pouvoirs de la RAM à Apria Rsa n’est prouvée.

Mme [R] n’est donc pas le 'responsable qualifié de l’organisme’ mentionné sur la contrainte. En tout état de cause, sa délégation de pouvoirs est limitée au recouvrement des prestations indûment versées.

Enfin, le mécanisme de signature de la contrainte ne permet pas de garantir que l’examen puis la signature de celle-ci ont été réalisés à un niveau hiérarchique suffisant, « protecteur des droits de Valérie Frey ».

La RAM/RSI fait quant à elle grief à l’arrêt attaqué d’avoir eu une mauvaise appréciation des éléments de faits et de droit en annulant la contrainte émise à l’encontre de Mme FREY le 16 février 2009.

La RAM/RSI fait valoir qu’Apria Rsa avait établi la gestion du recouvrement de la RAM-RSI au Mans, Apria Rsa agissant par délégation de cette dernière.

Qu’en outre, une subdélégation de pouvoir de signer les contraintes a été décernée à Monsieur [X] [V] concernant les assurés exerçant en région Ile de France et affiliés à la « caisse RSI PL-IDF ».

En droit, les articles L. 244-9 et R. 122-3 alinéa 8 du code de la sécurité sociale disposent que la contrainte doit être signée par le Directeur de l’organisme de sécurité sociale ou par la personne à qui il a délégué spécialement une partie de ses pouvoirs ou sa signature, la personne délégataire devant alors justifier d’une délégation de pouvoir ou de signature concomitante ou antérieure à la date à laquelle la contrainte a été établie.

En l’espèce, et ainsi que l’a retenu le tribunal et que ne conteste aucune des parties, par acte du 1er janvier 2007, la RAM/RSI a délégué ses pouvoirs en ce qui concerne sa représentation, la signature des contraintes et des mises en demeure, le 29 juin 1999, à l’association Apria Rsa, dont le comité directeur les a subdélégués à M. [D] [H], directeur général de Apria Rsa. Comme le tribunal l’a décrit, par une succession de subdélégations, ont été investis successivement d’une délégation de signature :

. Mme [J] [R], Chef de région de Apria Rsa pour la section Professions Libérales [Localité 3] qui a elle-même délégué ses pouvoirs à :

. M. [R] [Y] [E], Chef de région Apria Rsa pour la section Professions Libérales du Mans qui a délégué ses pouvoirs à :

. M. [X] [V], Chef de projet de Apria Rsa pour la section des Professions Libérales du Mans.

Mme Frey affirme que M. [H] n’était pas le représentant légal de l’association mais ne fournit aucun élément à l’appui de cette affirmation, tandis que la délégation signée par le comité directeur de l’association, en faveur de M. [H] est datée 1er septembre 2006 (et renvoie à une réunion de ce comité qui s’est tenue le 31 mai 2006, au cours de laquelle la décision a été prise).

Cet argument de Mme Frey sera donc rejeté.

La circonstance que la délégation de M. [H] à Mme [R] est signée en date du 1er janvier 2007 n’est pas davantage pertinente.

De plus, la délégation donnée à M. [H] mentionne expressément qu’il peut « déléguer à son tour tout ou partie de ses pouvoirs, soit à titre permanent soit à titre temporaire pour un objet déterminé à toute personne désignée par lui parmi les membres de Direction et les salariés d’Apria R.S.A. dont les fonctions requièrent une telle délégation ».

La délégation de pouvoirs de M. [H] à Mme [R] doit donc être considérée comme régulière.

Mme [R] a elle-même sub-délégué certains de ses pouvoirs à M. [E], le 1er janvier 2007. Aux termes de cette délégation, M. [E], en sa qualité de « chef de région Apria R.S.A pour la section des Professions Libérales du Mans » peut signer les mises en demeures « adressées à des assurés de la RAM, section des Professions Libérales du Mans (') » ou délivrer des contraintes à ces assurés.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale en a conclu que M. [V] avait vu « sa compétence limitée (..) 'à la compétence matérielle et territoriale de la section administrative des Professions Libérales du Mans’ » et a, par voie de conséquence, annulé la contrainte litigieuse.

La cour ne peut que constater que, contrairement à ce que plaide la RAM/RSI, l’analyse comparée des délégations de pouvoirs de Mme [R] et de M. [V] confirme cette interprétation.

En effet, Mme [R] a reçu de M. [H] une délégation de pouvoirs visant expressément le pouvoir de délivrer des contraintes, du type de celle en cause ici, « à l’encontre des assurés de la RAM, section des Professions Libérale [Localité 3] (') » (souligné par la cour), tandis que M. [V] a reçu délégation de pouvoirs de délivrer de telles contraintes à l’encontre des assurés « de la RAM, section des Professions Libérales du Mans » (souligné par la cour).

Or, la cour doit considérer, au même titre que le TASS du Val d’Oise, après examen de la signature apposée sur la contrainte établie le 16 février 2009 par comparaison avec celle présente sur le document établissant la délégation de pouvoirs, que la contrainte n’a pas été signée par Mme [J] [R], mais par un tiers, M. [V], ce qui n’est pas contesté.

Peu importe qu’il ne puisse être contesté que l’association Apria Rsa aurait pu, depuis ses bureaux ou par l’intermédiaire d’une personne relevant de sa section du Mans, délivrer une contrainte à une personne affiliée à la RAM/RSI en tant que profession libérale exerçant en Ile de France : M. [V] n’était pas compétent pour de tels assurés sociaux, sa compétence étant limitée, par les termes de la délégation, aux professions libérales de la section du Mans.

En conséquence, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les griefs de nullité soulevés par Mme Frey, c’est à bon droit que le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d’Oise a déclaré la nullité de la contrainte du 16 février 2009.

Sur la demande en paiement des indemnités journalières forfaitaires d’activité et des allocations de repos maternel

Devant le tribunal, Mme Frey, a fait grief à la RAM/RSI de ne pas lui avoir versé les prestations auxquelles elle pouvait prétendre du fait de son état de grossesse (du 17 juillet au 31 octobre 2009) puis à la suite de la naissance de son second enfant.

Le tribunal a ordonné la réouverture des débats à cet égard, en invitant Mme Frey à saisir la commission de recours amiable de la RAM de cette contestation.

La cour observe que Mme Frey ne demande pas expressément à la cour de confirmer la décision du tribunal sur ce point mais la complexité délibérée de ses écritures, dans lesquelles elle demande, entre autres, la confirmation des éléments de la décision en sa faveur, conduit à devoir statuer sur ce point.

A cet égard, la cour relève que la contestation de Mme Frey porte sur son affiliation à la RAM/RSI et sur la contrainte qui lui a été délivrée pour non paiement de cotisations maladie.

Outre qu’il y a quelque contradiction dans la position de Mme Frey à vouloir bénéficier d’un système de sécurité sociale auquel on refuse d’être affiliée, la cour souligne que ces demandes de Mme Frey ne constituent pas des demandes incidentes, au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

En outre, aux termes des articles L. 142-1, R. 142-1 et suivants, et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, les litiges de la nature de celui que soulève ici Mme Frey, s’agissant d’un droit à percevoir des prestations de sécurité sociale, sont soumis à un recours préalable devant la commission de recours amiable de la RAM/RSI.

Faute d’avoir exercé un tel recours, ces demandes sont irrecevables et le tribunal ne pouvait surseoir à statuer. La cour infirmera le jugement entrepris sur ce point.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d’équité ne conduit à accorder à Mme Frey une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,

Déboute Mme Valérie Frey de sa demande de délocalisation de la procédure ;

Ordonne la jonction des procédures RG 13/040545 et RG 13/04287 sous la seule référence RG 13/04045 ;

Rejette la demande de Mme Valérie Frey concernant la jonction de la présence instance avec les autres affaires également pendantes devant la cour d’appel céans concernant les mêmes parties (13/04716; /04278; /04281) ;

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de CERGY PONTOISE en date du 30 juillet 2013 en ce qu’il a :

— dit n’y avoir lieu à saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle sur la conformité des dispositions des articles L. 611-1 et suivants du code de la sécurité sociale instituant le régime social des indépendants et l’affiliation obligatoire à l’assurance maladie instituée par l’article L. 613-1 du code de la sécurité sociale, des personnes y relevant, au regard des directives 92/49 et 92/50 CEE;

— déclaré régulière l’affiliation de Mme Valérie Frey au régime social des indépendants et à l’assurance maladie-maternité prévue aux articles L. 613-1 et suivants du code de la sécurité sociale;

— déclaré la mise en demeure émise à l’encontre de Mme Valérie Frey, le 19 décembre 2008, régulière;

— annulé la contrainte émise à l’encontre de Mme Valérie Frey le 16 février 2009 et signifiée le 24 juin 2009 pour un montant total de 8 621 euros ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les demandes de Mme Frey relative à des indemnités journalières forfaitaires d’activité et des allocations de repos maternel ;

Déboute Mme Valérie Frey de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 22 octobre 2015, n° 13/04045