Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 22 octobre 2020, n° 19/04233

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 22 oct. 2020, n° 19/04233
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/04233
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 4 novembre 2019, N° R19/00179
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N°343

CONTRADICTOIRE

DU 22 OCTOBRE 2020

N° RG 19/04233

N° Portalis DBV3-V-B7D-TSXX

AFFAIRE :

SAS HOIST GROUP FRANCE

C/

A X

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Novembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : R19/00179

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me Nathalie METAIS

- Me Myriam BOUAFFASSA

le : 23/10/2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS HOIST GROUP FRANCE

N° SIRET : 452 22 6 2 85

[…]

[…]

Représentée par : Me Nathalie METAIS de la SCP SCP A & A, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0067 substituée par Me AZRAN Karen,avocate au barreau de Paris

APPELANTE

****************

Monsieur A X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté par : Me Myriam BOUAFFASSA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0869

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Septembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Hoist Group France est la filiale française du groupe suédois Hoist, spécialisé dans le développement, l’installation et la maintenance de solutions technologiques (système de TV connectées, réseaux Wifi, serrures sans contact, logiciels de réservations, logiciels de gestion d’équipes de maintenance …) destinées au secteur de l’hôtellerie. Elle a notamment pour clients des palaces parisiens.

M. A X, né le […], a été engagé le 5 mars 2001 par la société Netlogon suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directeur commercial. Il occupait en dernier lieu la fonction de directeur des opérations et percevait un salaire mensuel de base de 9 093,22 euros.

Le groupe Hoist ayant racheté l’activité « Hôtellerie » de la société Netlogon, M. X a été informé le 5 décembre 2017 que son contrat de travail serait transféré, à compter du 1er janvier 2018, à la société HGF2, filiale du groupe Hoist, aux droits de laquelle vient la société Hoist Group France.

M. X a été licencié le 20 avril 2018 et, le 10 mai 2018, les parties ont conclu un protocole d’accord transactionnel aux termes duquel le salarié a obtenu le versement d’une indemnité transactionnelle à hauteur de 227 792 euros bruts de CSG-CRDS et la cession à titre gratuit de son véhicule de fonction de marque Audi, modèle A7.

Par requête du 25 avril 2019, la SAS Hoist Group France a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin qu’il ordonne la communication d’éléments complémentaires permettant d’établir le dol commis par M. X lors de la négociation puis de la conclusion du protocole transactionnel.

Par ordonnance du 5 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :

— rejeté les demandes de la SAS Hoist Group France,

— rejeté les demandes reconventionnelles de M. X,

— dit qu’il n’est pas nécessaire de faire droit aux demandes de l’article 700 du code de procédure civile formulées par les parties,

— laissé à la charge des parties les éventuels dépens.

La société Hoist Group France a interjeté appel de la décision le 26 novembre 2019.

Par conclusions adressées par voie électronique le 7 février 2020, elle demande à la cour de :

— infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté les demandes de la société Hoist Group France aux fins de communication, sous astreinte, des fichiers et documents en possession de M. X,

statuant à nouveau,

— dire que la société Hoist Group France est recevable et bien fondée en ses demandes,

— dire que la juridiction prud’homale est compétente pour statuer sur le litige opposant la société Hoist Group France à M. X,

— condamner M. X, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, à remettre à la société Hoist Group France une copie de sa déclaration d’embauche par la société Ever Media ainsi qu’une copie de son contrat de travail au sein de la société Ever Media,

— condamner M. X, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, à remettre à tel huissier de justice qu’il plaira à la cour de désigner, ses ordinateurs fixes et portables ainsi que ses codes d’accès et/ou les mots de passe permettant d’accéder à la messagerie de M. X ainsi qu’aux fichiers informatiques qui auront été identifiés par l’huissier de justice comme comportant comme référence ou mot clé « Hôtel Le Bristol SAS (Groupe Oetker) », « F Z », « Thomas Truchetet », « The Ritz Hôtel Ltd », "Ever Media« et »At Vision" depuis

le 1er janvier 2018 jusqu’au 31 décembre 2018,

— autoriser l’huissier de justice ainsi désigné à prendre copie par tous moyens et/ou sur tous supports des différents documents mentionnés ci-dessus,

— dire que l’huissier de justice pourra obtenir le concours d’un informaticien de son choix pour exécuter la décision à intervenir,

— confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté M. X de sa demande de condamnation de la société Hoist Group France à remettre le certificat d’immatriculation du véhicule Audi A7 ainsi que rembourser les frais de remise en état et de contrôle technique de ce véhicule,

— en conséquence, débouter M. X de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

en tout état de cause,

— condamner M. X à payer à la société Hoist Group France la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions adressées par voie électronique le 9 janvier 2020, M. X demande à la cour de :

— dire et juger la société Hoist Group mal fondée en son appel,

— dire et juger M. X bien fondé en son appel incident,

— confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a débouté la société Hoist Group de ses demandes,

— infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté M. X de sa demande de remboursement des frais de remise en état et de contrôle technique du véhicule,

— infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté M. X de sa demande tendant à voir ordonner la remise du certificat d’immatriculation et de l’acte de cession du véhicule Audi A7 immatriculé BP-311-QH,

et statuant à nouveau,

In limine litis,

— constater que la juridiction prud’homale est incompétente,

— constater la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée,

— dire et juger que la société Hoist Group est irrecevable en ses demandes,

en tout état de cause,

— constater que la société Hoist Group ne justifie d’aucun motif légitime,

— débouter la société Hoist Group de l’intégralité de ses demandes,

A titre reconventionnel,

— ordonner la remise du certificat d’immatriculation et de l’acte de cession du véhicule Audi A7 immatriculé BP-311-QH, sous astreinte de 150 euros à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir,

— dire et juger que le conseil se réservera le droit de liquider l’astreinte,

— condamner la société Hoist Group à verser à M. X les sommes provisionnelles suivantes:

• 2 182,19 euros à titre de remboursement des frais de remise en état et de contrôle technique du véhicule,

• 5 000 euros à titre de dommage et intérêts pour procédure abusive,

• 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Hoist Group aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 4 mars 2020 , le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 11 septembre 2020.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence de la juridiction prud’homale

L’appelante s’estime bien fondée à solliciter l’infirmation de l’ordonnance entreprise, faisant valoir que l’objet de la présente action est de rapporter la preuve de l’existence d’agissements dolosifs commis par M. X alors qu’il était encore son salarié, agissements qui, s’ils avaient été portés à la connaissance de la société Hoist Group France, auraient modifié son appréciation des faits ayant entraîné la conclusion du protocole d’accord transactionnel dont elle envisage de contester la validité.

M. X considère que le conseil de prud’hommes a retenu à bon droit son incompétence pour statuer sur un litige opposant deux sociétés, faisant valoir qu’il n’est pas le gérant mais seulement le salarié de la société Ever Media, visée par les demandes de la société Hoist Group France. Il soutient que celle-ci cherche en réalité, par son action, à connaître les clients de la société Ever Media et à savoir précisément si les clients Le Bristol et le Ritz figurent dans la liste de ses clients. Il indique que la société Hoist Group France a d’ailleurs saisi le tribunal de commerce de Paris des mêmes demandes, l’affaire ayant fait depuis l’objet d’une radiation.

L’article L. 1411-1 du code du travail dispose que « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti. »

En l’espèce, il résulte des explications de la société Hoist Group France qu’elle a appris, fin 2017, que l’Hôtel Le Bristol envisageait de changer de prestataire en 2018. Lorsqu’il s’est agi d’assurer la passation du marché avec le nouveau prestataire du Bristol, en juin 2018, elle a découvert que son interlocuteur était M. X, intervenant au nom d’une société Ever Media créée en mars 2018 et gérée par l’épouse de M. X, qui en est également l’associée unique. L’appelante en a immédiatement déduit que pendant qu’il organisait son départ de la société Hoist Group France et qu’il négociait les termes d’une transaction, M. X se livrait à des actes de détournement de clientèle au préjudice de son employeur, raison pour laquelle elle entend obtenir l’annulation pour dol du protocole d’accord transactionnel portant sur la rupture du contrat de travail.

Compte tenu des demandes formulées par la société Hoist Group France, qui portent sur la communication par M. X de sa déclaration d’embauche par la société Ever Media et de son contrat de travail avec cette société ainsi que sur la remise à un huissier de justice des ordinateurs fixes et portables de l’intimé, la cour retient que le litige oppose bien l’appelante à son ancien salarié, à raison de faits qui lui sont personnellement imputables et qui sont en lien avec le contrat de travail le liant à la société Hoist Group France, et ce indépendamment de l’existence d’un autre litige entre cette dernière et la société Ever Media.

Le fait qu’aucune action en nullité du protocole d’accord transactionnel n’ait été encore engagée, comme le souligne l’intimé qui y voit un simple prétexte, s’explique par la nature même des demandes formées par la société Hoist Group France sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Il convient en conséquence de juger, en application des dispositions de l’article L. 1411-1 susvisé du code du travail, que la juridiction prud’homale était bien compétente pour statuer sur le litige opposant la société Hoist Group France à M. X, contrairement à ce qu’elle a retenu.

Sur l’autorité de la chose jugée

M. X se prévaut de l’autorité de la chose jugée attachée à la signature par les parties, le 10 mai 2018, d’un protocole d’accord transactionnel, pour soutenir que la société Hoist Group France est irrecevable à former quelques demandes que ce soit à son égard. Il fait valoir qu’aux termes de cet accord, les parties ont renoncé définitivement et irrévocablement à toute action en lien avec les fonctions exercées par M. X, et ce tandis qu’il a quitté l’entreprise en avril 2018, soit un mois avant la signature du protocole d’accord transactionnel. Il considère que l’appelante ne saurait soutenir qu’elle a été informée postérieurement à cette signature de prétendus agissements dolosifs de son salarié pour tenter d’échapper à l’autorité de la chose jugée.

La transaction régie par les articles 2044 à 2058 du code civil, est, selon l’article 2044, « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ».

Aux termes des articles 2048 et 2049 du même code : « Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu » et « ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé ».

L’article 2052 du code civil dispose que « La transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. »

En l’espèce, la société Hoist Group France prétend cependant que lors de la conclusion puis de la signature du protocole d’accord transactionnel, son consentement a été obtenu à la suite des agissements dolosifs de M. X. La transaction est donc susceptible d’être annulée pour dol, en application de l’article 1130 du code civil.

Il en résulte que, par infirmation de l’ordonnance entreprise, le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée doit être écarté.

Sur les demandes au titre de l’article 145 du code de procédure civile

La société Hoist Group France expose qu’elle envisage d’intenter une action au fond devant le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir l’annulation pour dol du protocole transactionnel conclu avec M. X.

Elle a préalablement saisi le juge des référés, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, afin qu’il ordonne la communication d’éléments complémentaires permettant d’établir le dol commis par M. X lors de la négociation et de la conclusion le 10 mai 2018 dudit protocole d’accord.

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Le juge saisi d’une telle demande doit se borner à s’assurer que les conditions de mise en oeuvre de ce texte sont réunies, à savoir :

— l’absence d’instance au fond,

— l’existence d’un motif légitime,

— l’intérêt probatoire du demandeur.

L’absence d’instance au fond s’apprécie à la date de saisine du juge.

Le juge n’a pas à se prononcer sur le bien fondé d’une action au fond ou même l’opportunité d’une telle action ; il doit juste constater que la mesure sollicitée procède d’un motif légitime et qu’elle est utile et pertinente au regard d’un litige ultérieur.

En l’espèce, le juge du fond n’était pas encore saisi du litige en vue duquel la mesure d’instruction est sollicitée lorsque le 25 avril 2019, la société Hoist Group France a présenté sa demande devant la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nanterre.

Il ressort des explications de la société Hoist Group France et des pièces qu’elle verse aux débats que par lettre de la société Netlogon remise en mains propres le 5 décembre 2017, M. X a été informé de la cession de l’activité « Hôtellerie » à la société HGF2, appartenant au groupe Hoist, et du transfert de son contrat de travail à cette société à compter du 1er janvier 2018 ; que le 15 décembre 2017, l’Hôtel Le Bristol, qui ignorait alors le rachat de Netlogon par le groupe Hoist, a averti ce dernier qu’il avait fait le choix de s’adresser à un autre prestataire que le groupe Hoist ; que par courrier du 5 février 2018, la société Hoist Group France a informé Le Bristol du rachat de Netlogon ; qu’à la suite de l’officialisation de ce rachat, Le Bristol, qui avait choisi la société Netlogon comme nouveau prestataire, va décider de ne pas y donner suite et de lancer un nouvel appel d’offres, ce qui donnera lieu à une proposition de la société Hoist Group France adressée par courriel par Mme C D, responsable commercial grands comptes ; que durant la procédure de consultation et dans l’attente du choix du nouveau prestataire, la société Hoist Group France a accepté de prolonger par avenant les contrats en cours jusqu’au 30 juin 2018 ; qu’elle a appris en mai 2018 la perte de l’appel d’offres, remporté par la société AT-Vision s’agissant de la fourniture du matériel ; que c’est en juin 2018, lors de la passation du marché au nouveau prestataire pour l’installation et la maintenance du matériel AT-Vision, qu’elle a découvert que son interlocuteur était M. X, agissant au nom de la société Ever Media.

Il est établi que lorsqu’il occupait le poste de directeur des opérations chez Netlogon puis chez Hoist Group France, M. X est intervenu dans le dossier concernant Le Bristol, comme le démontrent les échanges de courriels produits par l’appelante ainsi que des devis établis le 5 décembre 2017 ayant pour objet « Hôtel Le Bristol », l’un d’eux portant sa signature précédée de la mention « Bon pour accord » et un autre étant rédigé à son attention au sein de la société Netlogon.

M. E Y, responsable commercial grands comptes au sein de la société Hoist Group France atteste que « la préparation de la réponse [à l’appel d’offres de l’hôtel Le Bristol] s’est faite avec l’aide de M. X (afin notamment de comprendre l’offre Netlogon de la fin 2017 et y intégrer la partie « matériels » déjà vendue et livrée début 2018 au Bristol (emails, réunions) et a eu lieu jusqu’au 28 mars 2018 (emails) ». Il indique également avoir échangé avec M. F Z, « regional head of engineering » au sein du groupe Oetker (Hôtel Le Bristol), lequel lui a confirmé en juin 2018 que M. X était bien son interlocuteur pour la prestation d’intégration de la nouvelle solution AT-Vision.

En outre, M. X a adressé en juin 2018 le message « sms » suivant à M. Y : « je n’interviens qu’en consulting sur ce dossier » et il admet qu’il est aujourd’hui salarié de la société Ever Media. Il a v a i t à t o u t l e m o i n s d e p u i s l e m o i s d e j u i n 2 0 1 8 u n e a d r e s s e d e m e s s a g e r i e "A.X@evermedia.tv".

M. X ne saurait par ailleurs soutenir qu’il n’avait aucun lien avec la société AT-Vision alors qu’il écrivait dans un courriel adressé le 27 juin 2018 à M. Y et M. Z : « La société AT Visions va installer ses équipements dans les prochains jours et se raccorder sur le c’ur de réseau IP TV. Le réseau en place est un point de passage incontournable pour ce service et si j’ai bien tout compris, ses équipements dans leur intégralité vont être propriété du Bristol au 30/06/2018. L’adressage réseau IP de vos équipements a été transmis à AT Visions. Ils sont prêts. (') »

Le contrat de travail de M. X avec la société Hoist Group France ne comportait certes aucune clause de non concurrence comme il le souligne justement. Le salarié était cependant tenu a minima, en application de l’article L. 1222-1 du code du travail, à une obligation de loyauté et d’exécution du contrat de travail de bonne foi lui interdisant de se livrer, durant la relation de travail, à des actes contraires à l’intérêt de l’entreprise et en particulier, à des actes de concurrence à l’égard de son employeur.

Or, la proximité dans le temps de la création de la société Ever Media, dont l’épouse de M. X est la gérante et l’associée unique, de la rupture du contrat de travail liant M. X à la société Hoist Group France et de la signature avec cette dernière d’une transaction démontre que l’appelante a un motif légitime de suspecter son ancien salarié d’actes de déloyauté durant la relation de travail et dès lors d’agir sur le fondement de l’article 145 susvisé pour conserver ou établir des éléments de preuve en vue d’un futur litige.

La demande de la société Hoist Group France porte sur la communication par M. X des fichiers contenus sur le disque dur de son ou de ses ordinateurs comportant comme référence ou mot clé « Hôtel Le Bristol SAS (Groupe Oetker) », « F Z », « Thomas Truchetet », « The Ritz Hôtel Ltd », « Ever Media » et « AT Vision » depuis le 1er janvier 2018 jusqu’au 31 décembre 2018 ainsi que d’une copie de sa déclaration d’embauche et de son contrat de travail avec la société Ever Media.

En conséquence de ce qui précède, la cour estime bien fondée et utile au litige à venir, la demande de communication des documents relatifs à la relation de travail de M. X avec la société Ever Media.

S’agissant de la demande de communication des fichiers contenus dans le disque dur des ordinateurs fixes et portables de M. X, il convient, au vu des éléments produits concernant le marché Le Bristol, d’y faire droit pour les mêmes motifs, étant précisé que cette communication devra être limitée aux fichiers comportant comme référence ou mot clé « Hôtel Le Bristol SAS (Groupe Oetker) », « Ever Media » et « AT-Vision », et ce pour la période du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018, correspondant au terme des avenants de prolongation des contrats de prestation avec la société Hoist Group France.

Nonobstant le fait que la société Hoist Group France a également appris en juillet 2018 que l’Hôtel Ritz souhaitait rompre de façon anticipée le contrat de prestation conclu antérieurement avec la société Netlogon, les éléments produits aux débats sont insuffisants pour considérer que la demande de communication concernant les fichiers comportant comme référence ou mot clé « The Ritz Hôtel Ltd » est utile et pertinente pour le litige à venir. Cette demande sera donc écartée.

L’ordonnance entreprise sera infirmée dans son intégralité.

Compte tenu des circonstances de l’espèce, il convient en outre d’ordonner le prononcé d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Sur l’appel incident de M. X

M. X rappelle qu’aux termes du protocole d’accord transactionnel signé le 10 mai 2018, il a été convenu que son véhicule de fonction de marque Audi, modèle A7, immatriculé BP-311-QH, lui soit cédé à titre gratuit.

Il s’estime bien fondé à solliciter la remise par la société Hoist Group France de l’acte de cession et du certificat d’immatriculation afin de procéder aux démarches d’immatriculation du véhicule, et ce en exécution du protocole d’accord, ainsi que le versement de la somme de 2 182,19 euros à titre de remboursement des frais de contrôle technique et de remise en état du véhicule, comme la société s’est engagée à le faire dans un courrier du 10 mai 2019.

La société Hoist Group France objecte que l’intimé ne peut formuler de telles demandes dans la mesure où il a déjà introduit une instance devant la formation de référé du conseil de prud’hommes de Paris visant les mêmes demandes.

La cour constate qu’il résulte en effet de la citation en date du 13 novembre 2018 devant la formation de référé du conseil de prud’hommes de Paris que M. X a introduit, à l’encontre de la société Hoist Group France, une action tendant à voir notamment :

— ordonner la remise du certificat d’immatriculation et de l’acte de cession du véhicule Audi A7 immatriculé BP-311-QH,

— condamner la société HG2F, aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Hoist Group France, à lui verser la somme provisionnelle de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que constitue l’impossibilité de jouir dudit véhicule et le fait qu’il a été contraint d’engager des frais pour sa remise en état.

Le juge des référés ayant ainsi été déjà saisi et aucun élément du dossier ne permettant d’établir qu’à ce jour, il a statué sur ces demandes, l’intimé doit, par confirmation de l’ordonnance entreprise, être débouté de ses demandes reconventionnelles .

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

L’intimé s’estime bien fondé à solliciter la condamnation de la société Hoist Group France à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, soutenant que celle-ci n’a agi que dans l’unique but détourné d’obtenir des informations sur la clientèle de la société Ever Media.

L’abus du droit d’ester en justice n’étant cependant pas ici caractérisé, M. X sera débouté de sa demande à ce titre et l’ordonnance entreprise confirmée sur ce point.

Sur les dépens de l’instance et les frais irrépétibles

M. X supportera les dépens en application des dispositions de l’article'696 du code de procédure civile.

Il n’est en revanche pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME l’ordonnance rendue le 5 novembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Nanterre sauf en ce qu’il a débouté M. A X de l’intégralité de ses demandes ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

ORDONNE à M. A X de communiquer à la société Hoist Group France, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé ce délai, une copie de sa déclaration d’embauche par la société Ever Media ainsi qu’une copie de son contrat de travail conclu avec la société Ever Media ;

ORDONNE à M. A X de remettre à Maître Philippe Coudert, président de la chambre départementale des huissiers de justice des Hauts-de-Seine, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, ses ordinateurs fixes et portables ainsi que ses codes d’accès et/ou les mots de passe permettant d’accéder à sa messagerie ainsi qu’aux fichiers informatiques qui auront été identifiés par l’huissier de justice comme comportant comme référence ou mot clé « Hotel Le Bristol SAS (Groupe Oetker) », « Ever Media » et "AT-Vision" depuis le 1er janvier 2018 jusqu’au 30 juin 2018 ;

AUTORISE Maître Philippe Coudert, président de la chambre départementale des huissiers de justice des Hauts-de-Seine, ou tout huissier de justice qu’il lui plaira de désigner, à prendre copie par tous moyens et/ou sur tous supports des différents documents mentionnés ci-dessus ;

DIT que l’huissier de justice ainsi désigné pourra obtenir le concours d’un informaticien de son choix pour exécuter la présente décision ;

DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. A X aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président et par Madame Elodie BOUCHET-BERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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