Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 novembre 2010, 09-88.751, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 17 nov. 2010, n° 09-88.751
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 09-88751
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2009
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : JURITEXT000023250079

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

— M. Foutanga X…,
- M. Lamseh Y…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 17 décembre 2009, qui, pour blanchiment en bande organisée, a condamné, le premier, à trois ans d’emprisonnement, le second, à deux ans d’emprisonnement, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet-Farge et Hazan pour M. X…, pris de la violation des articles 513, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, violation des droits de la défense ;

«  en ce qu’il ne résulte pas des circonstances de l’arrêt attaqué que le conseil de M. X… ait eu, dans l’intérêt de son client, la parole en dernier ;

«  alors que le principe selon lequel, dans le débat pénal, le prévenu ou son conseil doit toujours avoir la parole en dernier s’impose à peine de nullité ; que les mentions de l’arrêt qui n’indiquent pas que Me Le Masson, avocat de M. X…, le représentant à l’audience, ait eu la parole en dernier, ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s’assurer qu’il a été satisfait aux dispositions de l’article 513 du code de procédure pénale ; que l’arrêt encourt donc l’annulation de ce chef » ;

Attendu que les mentions de l’arrêt établissent que l’avocat de M. X… a eu la parole en dernier ;

Que le moyen, qui manque en fait, ne peut donc être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet-Farge et Hazan pour M. X…, pris de la violation des articles 510, 398-2 et 453 du code de procédure pénale, 591 et 592 du même code ;

«  en ce que l’arrêt fait mention de la présence à l’audience des débats de deux greffiers : Mme Phung et Mme Machid et au prononcé de Mme Abelkalon ;

«  aux motifs que la juridiction pénale n’est légalement constituée que dans la mesure où les magistrats ont été assistés par un greffier qui tient la plume et prend note du déroulement des débats oraux ; que les mentions de la présence de deux greffiers à l’audience des débats, puis d’un troisième au prononcé, ne permettent pas de savoir quel fonctionnaire assermenté a tenu note du déroulement des débats et a assisté la cour d’appel durant l’audience consacrée à la discussion contradictoire, qui s’est déroulée les 4 et 5 novembre 2009, en violation des textes susvisés » ;

Attendu qu’en l’absence de toute contestation sur l’existence même de l’arrêt attaqué, la circonstance que deux greffiers aient assisté aux débats et un troisième au prononcé de l’arrêt ne saurait donner lieu à ouverture à cassation ;

Que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet-Farge et Hazan pour M. X…, pris de la violation des articles 324-1, 524-2 et suivants du code pénal, 132-71 du même code, 393 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; renversement de la charge de la preuve ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a condamné M. X… du chef de blanchiment commis en bande organisée ;

«  aux motifs que s ‘ agissant de M. X…, son train de vie important tout comme les quelques opérations commerciales qu’il a pu mener n’établissent pas la régularité des transferts de fonds ci-dessus repris ; que, s’il est exact que sa condamnation prononcée par défaut, considérée contradictoire, le 28 juin 2000 par le tribunal correctionnel de Dubaï pour escroquerie et magie et sorcellerie n’est pas définitive, il y a lieu de relever que cette condamnation a été prononcée et que M. X… s’est volontairement abstenu, s’agissant de la présente procédure, de comparaître personnellement tant lors de l’instruction que devant la juridiction de première instance que devant la cour devant laquelle il est représenté par son avocat ; qu’outre les pièces figurant à la procédure et les déclarations de M. A…, sous-directeur de la DIB, qui le met en cause sans pour autant éluder sa responsabilité, il y a lieu de relever que M. X…, par le truchement de son avocat, se contente de faire état d’un complot à son encontre et que les fonds auraient été détournés en réalité par des princes et qu’il serait un bouc émissaire ; que ces allégations, imprécises, ne sont pas confortées par le dossier soumis à l’appréciation de la cour, étant précisé que les fonds détournés ont abouti sur des comptes de proches de M. X…, en particulier ont profité à Mme B…, son épouse qui a été condamnée en première instance par défaut pour recel d’abus de confiance et à M. C…, son beau-fils, ce dernier ayant été condamné par jugement contradictoire pour recel d’abus de confiance et n’ayant pas exercé de voie de recours à rencontre de cette condamnation ; que surtout les fonds détournés ont, via des banques new-yorkaises, abouti sur le compte « Yungo » ouvert par M. X… dans les livres de la BMC sur recommandation de M. Y…, puis ont été transférés sur ordre de M. X… sur le compte « Goldstar » dont l’ayant droit économique était M. Y…, avant de lui revenir, par compensation, sur un compte personnel tenu dans les livres de la UTB et ce sans qu’il y ait la moindre justification économique ou commerciale des opérations ci-dessus décrites qui avaient pour unique objet d’empêcher qu’il puisse être remonté aux détournements dont a été victime la DIB ; que M. Y… a maintenu à l’audience ce qu’il avait toujours déclaré, à savoir que les fonds ont été retirés en espèces du compte personnel de M. X… tenu par l’UTB soit par M. X… lui-même soit par un de ses hommes de confiance ; qu’il résulte de ce qui précède que M. X… a bénéficié du circuit ci-dessus décrit pour blanchir une partie des fonds provenant des détournements par lui commis au préjudice de la DIB en faisant mettre à disposition du groupe K… à Paris, par l’intermédiaire du compte « Goldstar » une somme de 22 159 439, 21 francs et en récupérant une somme équivalente en francs CFA sur son compte ouvert dans les livres de l’UTB, par l’intermédiaire de M. Y… ; que les faits ont été commis par plusieurs coauteurs qui se sont entendus en vue de la mise en place d’une opération de blanchiment d’argent s’étant poursuivie dans le temps dans le cadre d’un système élaboré ci-dessus décrit caractérisant la bande organisée au sens de l’article 132-71 du code pénal ; que dès lors, le délit de blanchiment commis en bande organisée tel que prévu par l’article 324-2 du code pénal, est établi en tous ses éléments tant matériels qu’intentionnel » ;

«  1) alors que le délit de blanchiment suppose pour être constitué que soient relevés, précisément, les éléments constitutifs d’un crime ou d’un délit principal ayant procuré les sommes litigieuses ; qu’en la cause, la simple imputation d’abus de confiance commis au préjudice de la Dubaï islamic bank est insuffisante à établir l’existence d’un délit principal en sorte que le délit de blanchiment n’est pas caractérisé, en la cause ;

«  2) alors que la cour d’appel n’articule à l’encontre du prévenu aucun fait précis, postérieur à l’entrée en vigueur de la loi sur le blanchiment dont est issu l’article 324-1 du code pénal, pouvant constituer le délit ; qu’en toute hypothèse aucun élément ne démontre que M. X… ait entendu faciliter la justification mensongère ou dissimuler, ou convertir des fonds revenus provenant d’un abus de confiance qui n’est pas, lui-même, caractérisé en la cause ; qu’en particulier, la charge de la preuve de l’irrégularité prétendue des transports de fonds pesait sur la partie poursuivante et non sur M. X… ; qu’en cet état la cour d’appel n’a pu justifier sa décision au regard des textes susvisés ;

«  3) alors que la circonstance de bande organisée suppose l’existence d’un groupement ou d’une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou plusieurs infractions ; qu’en l’espèce, rien n’établit que ces conditions soient réunies et que l’infraction poursuivie ait été le fait d’une organisation structurée de plusieurs personnes agissant de concert dans le but de commettre ladite infraction ; qu’ainsi c’est à tort et en méconnaissance des textes susvisés que la cour a considéré que cette circonstance était établie » ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me Bouthors pour M. Y…, pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 113-2 et 324-1 du code pénal, des articles 382, 689, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

«  en ce que l’arrêt a retenu l’application de la loi pénale française au blanchiment de fonds provenant d’un abus de confiance reproché à M. Y… ;

«  aux motifs que les fonds détournés ont, via des banques new-yorkaises, abouti sur le compte « Yungo » ouvert par M. X… dans les livres de la BMC sur recommandation de M. Y…, puis ont été transférés sur ordre de M. X… sur le compte « Goldstar » dont l’ayant droit économique était M. Y…, avant de lui revenir, par compensation, sur un compte personnel tenu dans les livres de la UTB et ce, sans qu’il y ait la moindre justification économique ou commerciale des opérations ci-dessus décrites qui avaient pour unique objet d’empêcher qu’il puisse être remonté aux détournements dont a été victime la DIB ; que M. X… a bénéficié du circuit ci-dessus décrit pour blanchir une partie des fonds provenant des détournements par lui commis au préjudice de la DIB en faisant mettre à disposition du groupe K… à Paris, par l’intermédiaire du compte « Goldstar » une somme de 22 159 439, 21 francs et en récupérant en francs CFA sur son compte ouvert dans les livres de l’UTB par l’intermédiaire de M. Y… ; que c’est M. Y… qui a eu l’idée d’utiliser la société Samex, avec l’accord des dirigeants de celle-ci alors que ces dirigeants ignoraient que les fonds de leur société étaient mis à disposition de M. X… tout comme ce dernier ne connaissait pas les frères K… ; que seul M. Y… avait une vue complète de l’opération dès lors que les fonds prélevés de la Samex ont transité sur un compte « société en création direction générale » qu’il avait ouvert à l’UTB ; qu’il a déclaré au magistrat instructeur qu’il était le seul à être au courant de la compensation, que même M. X… n’en avait pas connaissance ;

«  1) alors que, en vertu de l’article 113-2, alinéa 2, du code pénal, l’infraction n’est réputée commise sur le territoire de la République que si l’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ; qu’en retenant l’application de la loi française au délit de blanchiment reproché à M. X…, partant son application au délit prétendument « indivisible » reproché au demandeur, au motif que M. X… aurait fait mettre à la disposition du groupe K… à Paris les fonds litigieux lors même qu’elle relevait parallèlement que les dirigeants du groupe K… ignoraient que les fonds de leur société étaient mis à disposition de M. X… tout comme ce dernier ne connaissait pas les frères K…, ce qui signifiait que M. X… et le groupe K… ignoraient leur existence réciproque, la cour s’est contredite et a violé les articles 113-2 et 324-1 du code pénal ;

«  2) alors que, l’indivisibilité entre les éléments d’une prévention suppose qu’ils soient dans un rapport mutuel de dépendance, et rattachés entre eux par un lien tellement intime que l’existence des uns ne se comprendrait pas sans l’existence des autres ; qu’en retenant implicitement mais nécessairement sa compétence à l’égard du délit de blanchiment prétendument commis à Genève par le demandeur sans nullement caractériser l’intensité du lien unissant au cas particulier cette infraction et celle de blanchiment reprochée à M. X… alors que celles-ci n’étaient pas reprochées au même auteur, la cour a privé sa décision de tous motifs et a violé l’article 382 du code de procédure pénale ;

Sur le deuxème moyen de cassation, proposé par Me Bouthors pour M. Y…, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, des articles 121-3, 324-1 du code pénal, de l’article préliminaire, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la présomption d’innocence ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement en ce qu’il a déclaré le demandeur coupable de faits de blanchiment en bande organisée de fonds provenant d’un abus de confiance, l’a condamné à la peine de deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis ainsi qu’à payer, solidairement avec M. X…, la somme de 8 320 896, 76 euros à la Dubaï islamic bank ;

«  aux motifs que s’agissant de M. Y…, le fait que sa rencontre avec M. X… serait le fruit d’une volonté politique, qualifiée aujourd’hui de dictatoriale par le prévenu, n’est pas de nature à exonérer celui-ci de sa responsabilité pénale alors que de plus, il sera relevé que l’intéressé a exercé pendant de longues années des fonctions à responsabilités importantes au sein de la société togolaise ; que le circuit financier ci-dessus repris et le blanchiment ne sont pas contestés par ce prévenu qui soutient uniquement que l’élément intentionnel de l’infraction fait défaut et qu’il ignorait que les fonds avaient une origine délictuelle ; qu’il ressort de la procédure que s’il est exact que M. X… avait un train de vie important, côtoyait des personnalités africaines et faisait des affaires, il y a lieu de relever que les fonds ayant transité par les comptes « Yungo » et « Goldstar » ne reposaient sur aucune opération ; que, s’agissant des hôtels, le seul paiement causé est celui intervenu au profit de l’architecte M. E… pour un hôtel qui n’a jamais été construit, peu important que des opérations hôtelières existaient dans d’autres pays, sans lien avec les mouvements de fonds litigieux tels que visés à la prévention ; que la fiche d’ouverture du compte à la BMC fait référence, en ce qui concerne l’origine des fonds déposés, à des « commissions affaires pétrolières », ce qui est repris dans la note de M. F… à son supérieur M. G… du 8 janvier 1998 mais aucun élément justificatif n’a été présenté tant à la BMC qu’à M. Y… ; que, contrairement à ce qu’a soutenu ce dernier à l’audience, l’origine des fonds posait bien un problème à la BMC qui ne pouvait se contenter d’articles parus dans la presse africaine vantant la richesse de M. X… ; qu’en effet, une note du 1er décembre 1997 de M. H… à M. I…, avec copie à M. G… et M. F…, est très explicite sur ce point dès lors que l’on peut y lire que son rédacteur « revient à la charge en ce qui concerne ce compte », compte « Yungo », qu’elle fait état d’une liste des treize « bonifications » en novembre, en faveur de ce compte, provenant de la même source et surtout précise « suite à nos différents entretiens concernant ce client, je dois avouer que les mouvements en compte continuent de me préoccuper. Les explications fournies par M. F… sur l’arrière fond économique de ce client sont incomplètes et je vous prie de revoir la situation de manière plus approfondie. Les mouvements sur le compte sont très importants » et surtout « en l’absence d’explications et de documentations claires sur la provenance des fonds et sur les transferts, il faut procéder à la clôture de cette relation » ; qu’ainsi, les déclarations faites en novembre 2001 au magistrat instructeur par M. J… en sa qualité de représentant de la banque BMC, entendue en qualité de témoin assisté, selon lesquelles les pièces indispensables figuraient au dossier sont en contradiction avec les documents internes de la banque saisis par les enquêteurs ; que c’est d’ailleurs l’exigence de la banque quant à l’origine des fonds qui va conduire M. Y… à établir, à la demande de M. F…, le 9 décembre 1997, une lettre de bonne renommée en sa qualité de président directeur général de l’UTB dans laquelle il indique que le banque qu’il dirige entretient de très bonnes relations avec M. X…, homme d’affaires important qui investit au Togo dans plusieurs secteurs notamment dans le transport aérien et l’hôtellerie, et prétend qu’il est en train de réaliser d’autres projets dans la poissonnerie, le transport maritime et terrestre et ce sans jamais avoir eu de pièces justificatives ou fait des constatations personnelles des projets évoqués ; que cette lettre de bonne renommée est reprise dans la note précitée du 8 janvier 1998 établie par M. F… ; que le fait que M. F…, gestionnaire de clientèle de la BMC ayant en charge la clientèle africaine, ait bénéficié d’un non-lieu est sans incidence en ce qui concerne la responsabilité pénale de M. Y…, le rôle des intéressés dans l’opération de blanchiment et la connaissance de l’origine frauduleuse des fonds étant différents ; qu’il sera rappelé qu’antérieurement l’arrestation, le 1er septembre 1996, puis l’extradition, le 29 octobre 1996, de M. X… vers les Etats-Unis d’Amérique alors qu’il s’apprêtait à quitter la Suisse en compagnie de M. Y… pour rejoindre Dubaï pour y rencontrer soit disant des investisseurs émiratis, pour une affaire d’exportation illégale de matériel militaire, à savoir d’hélicoptères, et de corruption de fonctionnaire n’était pas de nature à rassurer M. Y… sur l’honnêteté de M. X… et le respect par ce dernier de la législation en vigueur ; que M. Y… a pris la peine, d’initiative ou envoyé par le gouvernement de son pays comme il le prétend, peu importe, d’assister à au moins une audience en Floride, ce qui fait qu’il était parfaitement au courant des poursuites concernant M. X… ; qu’il, ne peut sérieusement soutenir qu’il a été rassuré par ces poursuites, que les autorités judiciaires des Etats-Unis d’Amérique n’en ayant pas exercé d’autres, il en avait conclu que l’ensemble des affaires de M. X… étaient régulières ; qu’aucun élément ne vient établir que les autorités américaines ont effectivement examiné l’ensemble des affaires menées par M. X…, en particulier dans des pays tiers, destinataires de fonds n’ayant fait que transiter aux Etats-Unis ; que M. Y…, professionnel de la banque averti, est au coeur du système de blanchiment ; que c’est lui qui a mis en contact M. X… et la BMC et recommandé celui-ci à M. F…, s’agissant d’une petite banque privée de Genève qui exige une recommandation pour ouvrir un compte ; que c’est lui qui a ouvert le compte « Golstar », qui n’a pas connu d’autres opérations que celle de blanchiment reprochée, et a mouvementé celui-ci en sa qualité d’ayant droit économique, même si c’est à la demande et dans l’intérêt principal de M. X… ; que c’est également lui qui, sans être en possession du moindre justificatif alors que la banque genevoise pose avec insistance des questions sur l’origine des fonds déposés, témoigne auprès de la BMC de la bonne renommée de M. X… ; que c’est lui qui a eu l’idée d’utiliser la société Samex, avec l’accord des dirigeants de celle-ci alors que ces dirigeants ignoraient que les fonds de leur société étaient mis à disposition de M. X… tout comme ce dernier ne connaissait pas les frères K… ; que seul M. Y… avait une vue complète de l’opération dès lors que les fonds prélevés de la Samex ont transité sur un compte « société en création-direction générale » qu’il avait ouvert à l’UTB ; qu’il a déclaré au magistrat instructeur qu’il était le seul à être au courant de la compensation, que même M. X… n’en avait pas connaissance ; qu’il importe peu que ce compte ait servi à d’autres opérations et n’ait pas été ouvert à l’occasion des opérations de blanchiment dont la cour est saisie ; que les explications du prévenu à l’audience selon lesquelles était recherchée, par cette opération de compensation, la rapidité, sont dépourvues de toute pertinence ; qu’en effet, des virements internationaux même vers les banques africaines étaient possibles et plus rapides que l’utilisation d’un compte d’attente dans les conditions ci-dessus reprises ; que toutes ces manipulations bancaires, non justifiées par des transactions commerciales ou industrielles, tendaient à l’opacité et ne peuvent avoir comme explication qu’une opération de blanchiment ; qu’au surplus, il sera relevé que M. Y… lui-même trouvait avantage au complexe qu’il avait mis en place à la demande de M. X… et qu’il a combiné de sa propre initiative avec une fraude bénéficiant au groupe K… dont il était l’organisateur ; qu’outre la commission occulte telle que révélée par M. K…, les virements créditant le compte « Goldstar » dont il avait la maîtrise permettaient de le garantir vis à vis de la banque qu’il dirigeait, s’agissant des opérations financières qu’il effectuait à Lomé pour le compte de M. X… ; que, de plus, en 1997, M. Y… a transféré depuis le compte « Goldstar » une somme de 30 000 dollars à sa fille Welah Y… aux Etats-Unis, somme qu’il affirme avoir remboursée en créditant un montant équivalent sur le compte SC-DG en francs CFA à l’UTB ; qu’à la clôture du compte « Goldstar », le 22 novembre 1999, le solde de 24 000 euros a été transféré par M. Y… sur un compte personnel dont il était titulaire à la Société générale, agence des Champs-Elysées ; que le prévenu a reconnu avoir personnellement utilisé 157 538 francs provenant du compte « Goldstar » ; qu’il résulte de ce qui précède que M. Y…, professionnel de la banque averti, ayant exercé de multiples fonctions telle que président de la chambre de commerce et d’industrie du Togo, ancien président de la bourse des valeurs d’Abidjan, président de nombreux conseils d’administration, notamment de Togo telecom, Togo cellulaire et de Sait, gestionnaire de l’aéroport de Lomé, ayant de ce fait une parfaite maîtrise des affaires commerciales, a sciemment mis en place à la demande de M. X… un système de blanchiment d’argent dont il ne pouvait ignorer qu’il était d’origine frauduleuse même s’il ne savait pas nécessairement qu’il s’agissait de fonds détournés de la DIB ; que les faits ont été commis par plusieurs coauteurs qui se sont entendus en vue de la mise en place d’une opération de blanchiment d’argent s’étant poursuivie dans le temps dans le cadre d’un système élaboré ci-dessus décrit caractérisant la bande organisée au sens de l’article 132-71 du code pénal ; que dès lors, le délit de blanchiment commis en bande organisée tel que prévu par l’article 324-2 du code pénal, est établi en tous ses éléments tant matériels qu’intentionnel à l’encontre tant de M. X… que de M. Y… ;

«  1) alors que, en matière de blanchiment, il incombe à l’accusation, en application du principe de présomption d’innocence, de rapporter la preuve de la connaissance par la personne poursuivie de l’origine infractionnelle des fonds ; que les juges du fond doivent motiver leur décision de condamnation au regard des éléments de fait établissant avec certitude une telle connaissance sans pouvoir déduire celle-ci du simple constat de la participation matérielle de celle-ci à un circuit financier complexe ; qu’en se bornant à constater la participation matérielle du demandeur à un circuit financier élaboré pour en déduire la participation intentionnelle de celui-ci à un circuit de blanchiment sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée si, au regard du contexte dans lequel M. Y… avait été conduit, sur instruction de la plus haute autorité togolaise, à intervenir auprès de M. X… afin de permettre dans l’intérêt économique du Togo les investissements de ce dernier de même qu’au regard des informations dont il avait pu disposer sur la fortune de l’homme d’affaires ainsi que sur l’état d’avancement des investissements effectués par celui-ci, le demandeur n’avait pu légitimement ignorer l’origine infractionnelle des fonds, la cour, qui a consacré une présomption de culpabilité contra-legem, a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés ;

«  2) alors que, constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie, en vue de la préparation, caractérisée par plusieurs faits matériels, d’une ou plusieurs infractions ; que la simple coaction de deux prévenus ne saurait suffire à caractériser cette circonstance en l’absence d’éléments matériels établissant une préparation en commun de la réalisation de l’infraction ; qu’en se bornant à relever, pour retenir à l’encontre du demandeur la circonstance aggravante de bande organisée, que « les faits ont été commis par plusieurs coauteurs qui se sont entendus en vue de la mise en place d’une opération de blanchiment », sans caractériser les actes matériels de préparation du blanchiment entre coauteurs, la cour a entaché sa décision d’une insuffisance de motifs et a violé l’article 132-71 du code pénal, ensemble le principe d’interprétation stricte de la loi pénale » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, suite à une plainte avec constitution de partie civile de l’établissement bancaire Dubai Islamic Bank (DIB) qui exposait que le sous-directeur de cet établissement avait détourné une somme d’environ 243 millions de dollars américains, au moyen de faux ordres de virement, à destination de comptes bancaires de personnes physiques à l’étranger, à l’instigation de M. X…, ressortissant malien, donneur d’ordres et bénéficiaire des fonds, une information judiciaire a été ouverte des chefs de blanchiment en bande organisée, recel et complicité d’abus de confiance ; que les investigations ont mis en évidence notamment, que sur la recommandation de M. Y…, directeur général puis président de l’Union togolaise de banque (UTB), M. X… avait ouvert un compte « Yungo » dans les livres d’un établissement bancaire sis à Genève qui avait été crédité à hauteur de 95 % par des fonds issus de l’abus de confiance commis au préjudice de la DIB ; que, parallèlement à l’ouverture de ce compte, M. Y… avait ouvert un second compte dit « Goldstar », dans la même banque, dont il était l’ayant droit économique et qui avait été crédité de plusieurs virements d’un montant total de 10 583 757 dollars émis sur le compte « Yungo », sur ordre de M. X… ; que, par la suite, une somme de 22 159 439 francs était transférée, sur instructions de M. Y…, sur deux comptes ouverts dans deux succursales bancaires parisiennes au nom de la société Batison Ltd, dont l’ayant droit économique est les frères K…, avant d’être reversée, en francs CFA, à M. X…, par compensation, sur un compte ouvert dans les livres de l’UTB alimenté indirectement par des remises d’espèces, provenant de la vente de produits de la société Samex, appartenant aux frères K… ; que, pour ces faits, M. X… et M. Y… ont été renvoyés du chef de blanchiment commis en bande organisée ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de ce chef, l’arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que caractérise un fait constitutif de l’infraction de blanchiment aggravé reprochée à M. Y…, au sens de l’article 113-2, alinéa 2, du code pénal, le fait, pour le prévenu, d’avoir procédé aux virements de Suisse en France de partie du produit de l’infraction d’abus de confiance, la cour d’appel qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de blanchiment commis en bande organisée, dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé par Me Bouthors pour M. Y…, pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et 66 de la Constitution, des articles 132-19, 132-24, 324-1 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble du principe constitutionnel d’individualisation des peines ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a condamné le demandeur à la peine de deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis ;

«  aux motifs que les faits commis dans le milieu bancaire et au préjudice d’un établissement bancaire, témoignent d’une grande maîtrise des opérations de blanchiment et ont porté un trouble d’autant plus important à l’ordre public économique qu’ils ont été commis en bande organisée ; que leur gravité justifie le prononcé d’une peine de trois années d’emprisonnement ferme à rencontre de M. X… qui a eu un rôle majeur, avec délivrance d’un mandat d’arrêt international visant le blanchiment en bande organisée, pour assurer l’effectivité de l’exécution de la peine ; qu’en ce qui concerne M. Y… qui a eu un rôle déterminant dans la mise en place du système de blanchiment qu’il était le seul à maîtriser dans sa globalité et auquel il était indispensable, une peine de deux années d’emprisonnement, dont une année avec sursis sera retenue ;

«  alors que le prononcé d’une peine d’emprisonnement sans sursis doit être spécialement motivé au regard des faits et de la personnalité du prévenu ; qu’en se bornant à retenir que les faits commis dans le milieu bancaire et au préjudice d’un établissement bancaire, témoignent d’une grande maîtrise des opérations de blanchiment et ont porté un trouble d’autant plus important à l’ordre public économique qu’ils ont été commis en bande organisée, lors même que la circulation des fonds dans le secteur bancaire comme la pluralité des intervenants sont des caractéristiques inhérentes à la réalisation de toute opération de blanchiment, sans viser par ailleurs aucune circonstance particulière relative à la personnalité du demandeur, pourtant bénéficiaire d’un casier vierge, la cour d’appel a recouru à une motivation générale et impersonnelle et a méconnu le principe constitutionnel de l’individualisation des peines » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a prononcé une peine d’emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l’article 132-19 du code pénal ;

Que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 novembre 2010, 09-88.751, Inédit