Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 mars 2013, 11-26.135 12-15.034, Inédit

  • Faute de gestion·
  • Gérant·
  • Insuffisance d’actif·
  • Marches·
  • Sociétés·
  • Trésorerie·
  • Code de commerce·
  • Cessation des paiements·
  • Commerce·
  • Liquidateur

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Joint les pourvois n° K 11-26.135 et Q 12-15.034, formés par M. X…, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Abril, qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte à M. X…, ès qualités, de ce qu’il se désiste de ses pourvois en ce qu’ils sont dirigés contre le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse ;

Sur la recevabilité du pourvoi n° K 11-26.135, relevée d’office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l’article 613 du code de procédure civile ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne court à l’égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu’à compter du jour où l’opposition n’est plus recevable ;

Attendu que le liquidateur de la société Abril s’est pourvu en cassation le 7 novembre 2011 contre un arrêt rendu par défaut, signifié le 1er février 2012 ; que le délai d’opposition n’avait pas couru à la date de ce pourvoi ;

D’où il suit que le pourvoi est irrecevable ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° Q 12-15.034 :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 8 mars 2011), que par jugement du 17 décembre 2004, la société Abril (la société) a été mise en liquidation judiciaire sur déclaration de cessation des paiements, M. X… étant désigné liquidateur (le liquidateur) ; que ce dernier a, le 14 décembre 2007, assigné M. Y…, gérant de la société, en comblement de l’insuffisance d’actif sur le fondement de l’article L. 624-3 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance, décider que les dettes de la personne morale seront supportées par les dirigeants ; que la cour d’appel qui, après avoir relevé que dès le début de l’année 2004 la société Abril avait connu d’importantes difficultés et que M. Y…, gérant de la société, avait tenté, sans succès malgré le paiement du solde d’un important marché, de pallier les difficultés de trésorerie de la société par l’apport de diverses sommes, ce dont il résultait que le gérant avait poursuivi pendant près d’un an, jusqu’à la déclaration de cessation des paiements intervenue le 7 décembre 2004, une activité chroniquement déficitaire qu’il avait tenté de masquer, a néanmoins jugé qu’en agissant de la sorte il n’avait pas commis de faute de gestion, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l’article L. 624-3 (ancien) du code de commerce ;

2°/ que la cour d’appel qui, après avoir relevé que le paiement, en juin 2004, du solde du marché Sogem pour une somme de 300 000 euros n’avait pas empêché la trésorerie de la société Abril de se dégrader à nouveau au second semestre 2004, ce dont il résultait que les difficultés fondamentales de la société ne découlaient pas du paiement tardif de ce marché, a néanmoins retenu, pour écarter la faute de gestion du dirigeant, que les difficultés rencontrées étaient liées en grande partie au refus de la société Sogem de verser les sommes dues dès janvier 2004, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l’article L. 624-3 (ancien) du code de commerce ;

3°/ que la cour d’appel qui, bien qu’elle ait constaté que le gérant de la société Abril avait conclu avec la société Sogem un marché trop important par rapport aux capacités de la société, s’est néanmoins fondée, pour débouter le liquidateur de sa demande de condamnation du gérant à combler l’insuffisance d’actif, sur la circonstance inopérante qu’il n’était pas établi à partir de quels critères le gérant aurait commis une faute de gestion au moment où il a accepté ce marché, a violé l’article L. 624-3 (ancien) du code de commerce ;

4°/ que la cour d’appel qui, bien qu’elle ait constaté que certaines malfaçons du chantier Sogem étaient dues à des défauts d’exécution, s’est néanmoins fondée, pour écarter toute faute du gérant dans le cadre de ses fonctions de responsable technique et commercial, sur la circonstance inopérante que rien ne permettait d’affirmer que ces malfaçons étaient imputables au seul gérant, a violé l’article L. 624-3 (ancien) du code de commerce ;

5°/ que la cour d’appel qui, après avoir retenu l’existence d’une faute de gestion de M. Y… dans l’application de la législation sur le temps de travail, s’est bornée à relever, pour débouter tout de même le liquidateur de sa demande de condamnation du gérant à combler l’insuffisance d’actif, que ce dernier aurait fait des efforts pour tenter de sauver son entreprise, sans constater que ces efforts avaient eu pour effet de réduire l’insuffisance d’actif, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 624-3 (ancien) du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt relève d’abord que l’expert, désigné judiciairement pour rechercher les causes des difficultés de la société, n’a pas constaté de carence manifeste dans la tenue et l’exploitation d’outils de gestion et a conclu à l’absence de « manquements graves dans la gestion de la société » de la part du gérant et retenu que ce dernier « avait effectué des démarches importantes pour rétablir la situation de son entreprise » avant de « dépos er le bilan lorsqu’il avait constaté l’état de cessation des paiements » de celle-ci ; qu’il retient ensuite que l’absence de précisions sur l’importance du marché de rénovation de trois immeubles au regard des capacités techniques et humaines de la société, ne permettait pas de caractériser une faute de gestion dans l’acceptation de ce marché ; qu’il relève enfin que le grief relatif aux défaillances techniques du gérant dans l’exécution de ce marché ne repose que sur un rapport d’expertise provisoire ; que de ces motifs, la cour d’appel a pu déduire l’absence de faute de gestion du dirigeant, à l’exception de celle qu’elle a retenue ;

Attendu, en second lieu, qu’ayant relevé, à l’égard de la seule faute de gestion retenue, que le gérant avait fourni des efforts personnels importants pour tenter de sauver son entreprise, notamment par des apports de fonds personnels et par de multiples démarches accomplies avant de déclarer l’état de cessation des paiements, la cour d’appel n’a fait qu’user des pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 624-3 précité en ne prononçant pas de sanction pécuniaire à l’encontre du gérant ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare irrecevable le pourvoi n° K 11-26.135 ;

Rejette le pourvoi n° Q 12-15.034 ;

Condamne M. X…, ès qualités, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° Q 12-15.034 par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour M. X…, ès qualités

Me X…, ès qualités, fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande de condamnation de M. Y… à supporter à hauteur de la somme de 728.349 euros l’insuffisance d’actif de la société Abril et d’avoir dit n’y avoir lieu de prononcer une mesure de « comblement de passif » à l’encontre de M. Y… ;

AUX MOTIFS QUE la cour constate que l’expert judiciaire n’a pas mis en exergue une carence manifeste d’outils comptables de nature à expliquer les difficultés financières de la société fin 2004 ; qu’il n’est pas davantage allégué que, dès le début de l’année 2004, la société aurait été en état de cessation des paiements ; que le tribunal de commerce n’a d’ailleurs pas fait remonter la date de cessation des paiements à une date antérieure à celle qu’il avait fixée provisoirement à l’ouverture de la liquidation judiciaire au 7 décembre 2004 ; que par ailleurs, Me X… es qualités n’établit pas que l’existence de certains outils comptables auraient conduit le gérant à prendre des décisions de gestion différentes de celles qu’il a prises ; qu’en effet, il ressort des constatations de l’expert judiciaire qu’à partir de janvier 2004, le gérant a été confronté à de multiples difficultés et notamment au refus du client SOGEM de régler la facture du 24 décembre 2003 ainsi que le solde de la facturation d’environ 300.000 euros qui ne sera réglée qu’en juin 2004 sur assignation en référé ; que l’expert judiciaire relève que le gérant a, en outre, sollicité une avance de trésorerie financée par le Crédit Agricole pour 100.000 euros permettant à la société de retrouver une situation de trésorerie équilibrée courant juin 2004 et ce n’est qu’à partir du second semestre 2004 que les difficultés liées au service après vente sur le marché SOGEM (volets roulants et finitions) ont mobilisé les salariés et généré des coûts non refacturables et que la trésorerie s’est de nouveau dégradée ; que le gérant a alors décidé de renflouer la trésorerie par des apports en comptes courants personnels et provenant de proches pour un total de 97.000 euros ; que malgré ces apports, la trésorerie étant à nouveau en baisse en décembre en 2004, le gérant a décidé de déposer le bilan ; que si, comme le relève l’expert judiciaire, le marché SOGEM est apparu en définitive comme trop important par rapport aux capacités de la société ABRIL, il n’est pas précisément établi à partir de quels critères le gérant aurait commis une faute de gestion au moment où il a accepté ce marché ; qu’en outre, les difficultés rencontrées ont été liées en grande partie au refus de la société SOGEM de verser les sommes dues dès janvier 2004 et il ne peut être reproché au gérant d’être resté inerte face à cette situation ; qu’en effet, ce dernier a assigné au contentieux son client et son fournisseur, dès que les difficultés sont apparues en 2004 tant sur le plan financier que sur le plan technique tout en recherchant des solutions financières provisoires pour sauver son entreprise, et ce jusqu’à ce qu’il constate fin 2004 qu’il ne pouvait y parvenir et devait déposer le bilan ; que concernant les défaillances techniques du gérant dans le cadre de ses fonctions de responsable technique et commercial de la société, Me X… es qualités ne produit pas de preuves suffisantes de nature à caractériser des fautes certaines et répétées du gérant en lien avec l’insuffisance d’actif constaté ; qu’en effet, la cour ne peut s’appuyer sur le seul rapport d’expert produit, le 3e rapport provisoire de l’expert Z…, alors que ce rapport était provisoire ; que rien ne permet d’affirmer avec certitude que les malfaçons décrites, même si certaines étaient dues à des défauts d’exécution lors de la pose, étaient en définitive imputables directement au seul gérant de la SARL ABRIL ; que concernant le grief reproché par Me X… es qualités à Paul Y… lié au non-respect de la législation des 35 heures, la faute de gestion est établie ; que cette faute de gestion dans l’application de la convention des horaires est en lien direct avec l’aggravation de l’insuffisance d’actif constatée au cours de la procédure collective ; que toutefois, eu égard aux efforts personnels du gérant pour tenter de sauver son entreprise notamment par des apports personnels et par de multiples démarches en 2004 avant de déposer le bilan et eu égard à son attitude décrite par l’expert pour compenser maladroitement les conséquences des erreurs commises dans l’application des heures supplémentaires par des augmentations de salaires, la cour estime, qu’en dépit de l’établissement de la seule faute de gestion retenue, il n’y pas lieu de prononcer une sanction financière supplémentaire à l’encontre de Paul Y… ; que la cour confirme le jugement déféré ;

ALORS QUE lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance, décider que les dettes de la personne morale seront supportées par les dirigeants ; que la cour d’appel qui, après avoir relevé que dès le début de l’année 2004 la société Abril avait connu d’importantes difficultés et que M. Y…, gérant de la société, avait tenté, sans succès malgré le paiement du solde d’un important marché, de pallier les difficultés de trésorerie de la société par l’apport de diverses sommes, ce dont il résultait que le gérant avait poursuivi pendant près d’un an, jusqu’à la déclaration de cessation des paiements intervenue le 7 décembre 2004, une activité chroniquement déficitaire qu’il avait tenté de masquer, a néanmoins jugé qu’en agissant de la sorte il n’avait pas commis de faute de gestion, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l’article L. 624-3 (ancien) du code de commerce ;

ALORS QUE la cour d’appel qui, après avoir relevé que le paiement, en juin 2004, du solde du marché Sogem pour une somme de 300.000 euros n’avait pas empêché la trésorerie de la société Abril de se dégrader à nouveau au second semestre 2004, ce dont il résultait que les difficultés fondamentales de la société ne découlaient pas du paiement tardif de ce marché, a néanmoins retenu, pour écarter la faute de gestion du dirigeant, que les difficultés rencontrées étaient liées en grande partie au refus de la société Sogem de verser les sommes dues dès janvier 2004, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l’article L. 624-3 (ancien) du code de commerce ;

ALORS QUE la cour d’appel qui, bien qu’elle ait constaté que le gérant de la société Abril avait conclu avec la société Sogem un marché trop important par rapport aux capacités de la société, s’est néanmoins fondée, pour débouter le liquidateur de sa demande de condamnation du gérant à combler l’insuffisance d’actif, sur la circonstance inopérante qu’il n’était pas établi à partir de quels critères le gérant aurait commis une faute de gestion au moment où il a accepté ce marché, a violé l’article L. 624-3 (ancien) du code de commerce ;

ALORS QUE la cour d’appel qui, bien qu’elle ait constaté que certaines malfaçons du chantier Sogem étaient dues à des défauts d’exécution, s’est néanmoins fondée, pour écarter toute faute du gérant dans le cadre de ses fonctions de responsable technique et commercial, sur la circonstance inopérante que rien ne permettait d’affirmer que ces malfaçons étaient imputables au seul gérant, a violé l’article L. 624-3 (ancien) du code de commerce ;

ALORS QUE la cour d’appel qui, après avoir retenu l’existence d’une faute de gestion de M. Y… dans l’application de la législation sur le temps de travail, s’est bornée à relever, pour débouter tout de même le liquidateur de sa demande de condamnation du gérant à combler l’insuffisance d’actif, que ce dernier aurait fait des efforts pour tenter de sauver son entreprise, sans constater que ces efforts avaient eu pour effet de réduire l’insuffisance d’actif, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 624-3 (ancien) du code de commerce.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 mars 2013, 11-26.135 12-15.034, Inédit