Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 janvier 2019, 18-80.749, Inédit

  • Candidat·
  • Sociétés·
  • Marchés publics·
  • Aéroport·
  • Avantage·
  • Offre·
  • Recel·
  • Corruption·
  • Prévention·
  • Délit

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 16 janv. 2019, n° 18-80.749
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-80.749
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 20 septembre 2017
Textes appliqués :
Article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038060567
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:CR03227
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

N° T 18-80.749 F-D

N° 3227

CK

16 JANVIER 2019

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— La société All Security Assistance (ASA Réunion), prise en la personne de Maître X…, liquidateur judiciaire,

contre l’arrêt de la cour d’appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 21 septembre 2017, qui, pour recel, l’a condamnée à 100 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 21 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Y… ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 14 Février 2011, la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la Réunion a lancé un avis public à la concurrence pour le marché « inspection filtrage des passagers et bagages de cabines accédant à la zone réservée » de l’aéroport Roland Z…, société privée détenue par l’Etat, la région, la CCI et la commune de Sainte-Marie, auquel cinq entreprises, dont les sociétés IRIS et ASA, cette dernière étant déjà bénéficiaire du précédent marché, ont répondu ; que le rapport d’analyse des offres, établi par M. A…, responsable sûreté en charge de l’analyse technique des marchés de l’aéroport, a retenu l’offre de la SAS ASA et mentionné que la société IRIS avait remis un manuel de procédure, qui comptait pour 70 % de la note globale, similaire à celui de la société attributaire du nouveau marché ; que le président de la CCI a, sur la base de ce rapport, retenu la candidature de la SAS ASA le 8 juin 2011 ; qu’à la suite d’une plainte pour vol déposée par M. B…, dirigeant de la SAS ASA, l’enquête diligentée a permis d’établir que M. A… était à l’initiative de l’obligation pour les candidats de présenter un manuel de procédure et de la pondération importante de ce critère et qu’il avait collaboré avec la SAS ASA pour l’élaboration dudit manuel ; que le président du directoire de l’aéroport Roland Z… a signalé avoir été informé que M. A…, proche de l’un des associés de la SAS ASA, aurait bénéficié d’un voyage financé par celle-ci ;

Qu’à l’issue de l’enquête, la SAS ASA Réunion a été citée, d’une part, du chef de recel d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, pour avoir à Sainte-Clotilde (97400) entre le 29 juin 2011 et le 29 juin 2013, sciemment recelé le montant de la somme de 58 867,59 euros qu’elle savait provenir du délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, en l’espèce, en ayant perçu la somme précitée en exécution d’un marché public alors que M. A…, responsable sûreté en charge de l’analyse technique des marchés au sein de la SA Aéroport Roland Z…, lors de l’analyse des offres du marché « inspection Filtrage Personnel Bagage Cabine », lui avait attribué 1033 points sur la présentation d’un manuel de procédure aéroportuaire, la société concurrente IRIS ayant obtenu seulement 889 points en ayant présenté la copie conforme du même manuel de procédure, et alors que ce manuel de procédure aéroportuaire, qui comptait pour 70 % de la note globale, avait été élaboré à compter de 2003 par ladite société en collaboration avec M. A…, d’autre part, du chef de corruption active, pour avoir à […] entre le 1er janvier 2011 et le 29 juin 2011, proposé, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, promesses, dons, présents ou des avantages quelconques pour obtenir d’une tierce personne, exerçant dans le cadre d’une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque, qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles, un acte de son activité ou de sa fonction ou facilité par son activité ou sa fonction, en l’espèce alors que M. A… devait participer le 28 mai 2011 à la commission d’analyse des offres pour le marché « Inspection Filtrage des Passagers et des Bagages de Cabine », invité ce dernier à un voyage d’une dizaine de jours en Thaïlande ; que, pour sa part, M. A… a été cité des chefs d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et de corruption passive ;

Que, par jugement du 28 octobre 2016, le tribunal correctionnel a, sur l’action publique, relaxé les deux prévenus des chefs de corruption active et passive, les a déclarés coupables, M. A… du délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et la SAS ASA du chef de recel de ce délit, et a condamné, notamment, celle-ci à 100 000 euros d’amende ; que sur appel de la demanderesse et du ministère public, la cour d’appel a, par arrêt contradictoire à signifier du 21 septembre 2017, confirmé le jugement en toutes ses dispositions pénales et civiles dans la limite des appels ; que la prévenue s’est pourvue en cassation contre cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-3-c de la Convention des droits de l’homme, de l’article préliminaire et des articles 410, 410-1, 411, 417, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et violation des droits de la défense ;

« en ce que la cour n’a pas fait droit à la demande de renvoi du nouvel avocat métropolitain que la requérante venait de désigner et a condamné la personne morale du chef de recel de favoritisme en l’absence de l’exposant et de son avocat ;

« aux motifs qu’à la requête du procureur général, la société All Security Assistance a été cité à comparaître devant la cour siégeant le 7 septembre 2017, à l’adresse déclarée dans l’acte d’appel par acte d’huissier de justice en date du 21 juin 2017, remis à sa personne, la société All Security Assistance n’a pas comparu ; que par courriel du 4 septembre 2017, Maître C… a demandé au nom de la société All Security Assistance le renvoi de l’affaire au motif qu’elle venait d’être désignée par son client ; qu’il lui a été répondu suivant courriel du 5 septembre par le président de la chambre des appels correctionnels qu’il n’était pas possible de satisfaire à sa demande de renvoi de l’examen de l’affaire si peu de temps avant l’audience et alors que la société All Security Assistance a été citée à sa personne à comparaître à l’audience du 7 septembre 2017 par acte du 21 juin 2017 ; qu’il sera statué par arrêt réputé contradictoire ;

« alors que le droit de se défendre et de bénéficier de l’assistance d’un avocat de son choix ne peut recevoir exception que pour d’impérieux motifs prévus par la loi et strictement proportionnés à leur objet ; qu’en refusant la demande de renvoi présentée par l’avocat métropolitain de la société All Security Assistance qui venait de le désigner en se bornant abstraitement à relever la proximité de l’audience, la cour ne peut passer pour avoir motivé son refus de manière adéquate, nécessaire et proportionnée en l’état de la procédure" ;

Attendu qu’en refusant de faire droit à la demande de renvoi présenté par la SAS ASA Réunion, par des motifs repris au moyen relevant de son pouvoir souverain d’appréciation, la cour d’appel a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 et 6-2 de la Convention des droits de l’homme, 121-2, 321-1, 432-14, 445-4 du code pénal, de l’article préliminaire et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que la cour a confirmé dans son dispositif la relaxe de la société requérante du chef de corruption en indiquant dans ses motifs qu’était bien-fondée la déclaration de culpabilité de ce chef ;

« aux motifs, sur les faits de corruption active et passive, qu’il résulte des pièces du dossier et notamment de l’audition de M. Didier D…, que la politique de la société Asa consistait à privilégier les cadeaux offerts aux personnes susceptibles d’aider à obtenir des marchés, sous forme de champagne, voyage, hôtels et recrutement de personnes non qualifiées pour faire plaisir aux personnes influentes ; que toutefois il n’en ressort nullement du dossier que M. A… aurait bénéficié de la part de la société Asa Réunion de l’avantage supposé retenu par la prévention, à savoir un voyage à Thaïlande – vol et hébergement – en contrepartie de sa participation, le 28 mai 2011, à une commission d’analyse technique des offres pour le marché « inspection filtrage des passagers et des bagages de cabine » ; qu’en effet, ce voyage aurait eu lieu en 2010 et non en 2011 ; qu’aucune investigation n’a permis de déterminer que ces frais auraient été effectivement pris en charge par la société Asa Réunion puisqu’ils ont été au terme des déclarations des parties, par M. E… à l’occasion d’une invitation lancée à titre privé pour fêter ses fiançailles ; qu’aucun élément nouveau n’étant apporté en cause d’appel, ces frais demeurent tels qu’ils ont été exposés, analysés et qualifiés par le tribunal en des motifs pertinents et exempts de critique que la cour adopte pour considérer que les délits poursuivis sont caractérisés à la charge du prévenu et sa culpabilité établie dans les termes de la prévention ;

« 1°) alors que, d’une part, est affecté de contradiction l’arrêt qui confirme, dans son dispositif, la relaxe prononcée par les premiers juges du chef de corruption et qui relève, dans ses motifs, que les faits poursuivis pour cette incrimination « sont caractérisés à la charge du prévenu et sa culpabilité établie dans les termes de la prévention » ;

« 2°) alors, en tout état de cause, qu’en indiquant dans ses motifs que le chef de poursuite lié à la corruption lui paraissait bien fondé lors même qu’elle a confirmé dans son dispositif la relaxe prononcée sur ce point par les premiers juges, la cour a marqué son assentiment sur la culpabilité du prévenu relaxé et a violé en conséquence le principe d’impartialité et les exigences de la présomption d’innocence » ;

Attendu que la demanderesse est sans intérêt à invoquer une contradiction entre les motifs de l’arrêt portant sur le délit de corruption active, le dispositif confirmant la relaxe de ce chef ;

D’où il suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l’homme, 121-2, 132-1, 132-20, 321-1 al. 1, 2 et 3, 321-3, 321-9, 321-10, 432-14 et 432-17 du code pénal, de l’article préliminaire et des articles 2, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt confirmatif a condamné la société requérante du chef de recel de favoritisme, a prononcé en répression une amende de 100 000 euros et a statué sur les intérêts civils ;

« aux motifs que, sur le recel de favoritisme reproché à la société Asa, M. A… a été déclaré coupable de ces faits et n’a pas relevé appel de cette décision ; que toutefois, le caractère définitif de cette décision n’est pas opposable à la société ASA ; qu’or, il ne peut y avoir de recel de favoritisme que si le favoritisme est caractérisé ; que le délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics ou « délit de favoritisme », visé à l’article 432-14 du code pénal, peut être caractérisé sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve de l’existence d’une contrepartie à la faveur accordée par la personne qui exerce la mission publique ; que peuvent seules être poursuivies sur le fondement de l’article 432-14 du code pénal les personnes limitativement énumérées par cette disposition, telles que les dépositaires de l’autorité publique, les personnes chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif ; que M. A…, bien agent de la CCI, était en tant que responsable de la sûreté aéroportuaire chargé de l’analyse des offres pour le compte précisément de l’aéroport de la Réunion-Roland Z… (ARRG), appelé à l’époque aéroport « I… » ; que pour que l’infraction soit consommée, l’auteur doit avoir procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié ; que l’élément intentionnel du délit de favoritisme est caractérisé par l’accomplissement, en connaissance de cause, d’un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ; que les éléments du dossier font apparaître que M. A…, en sa qualité agent contractuel de droit public, responsable du service sûreté, favorisait systématiquement la société ASA ; que l’aéroport a dû annuler le 18 juillet 2011 un appel d’offres pour la prestation de contrôle cynotechnique des bagages de soute en raison des conditions douteuses et de nature à favoriser la société ASA dans lesquelles cet appel avait été lancé le 4 juillet 2011 en urgence par M. A…, sans cahier des charges et avec un délai de réponse de 4 jours ; que lorsqu’il avait été interrogé par les entreprises désireuses de travailler sur la plate-forme pour obtenir une formation aux contraintes particulières imposées par le milieu aéroportuaire, M. A… a systématiquement dirigé ses interlocuteurs vers la société Asa Réunion ajoutant à deux prestataires (lycée Stella et GTOI) que seule la société ASA Réunion aurait été habilitée à effectuer cette formation alors que la société RAS possédait également cette habilitation, ce qu’il ne pouvait ignorer ; qu’un blâme lui a été notifié le 17 juillet 2013 pour ces faits ; qu’aucune pénalité contractuelle n’a été appliquée à la société ASA Réunion (attestation de la société ARRG en date du 26 août 2016), qui a obtenu la quasi-totalité des marchés depuis alors qu’il résulte d’un courrier de M. A… du 21 septembre 2011 qu’il a lui-même constaté de graves manquements de la part d’ASA (pièce faxée par Maître F… le 26 octobre 2016) ; qu’en ce qui concerne les faits expressément visés par la prévention, l’élaboration du manuel de procédures par M. A… avec une société privée (ASA) qui répond à l’appel d’offres et qui est par ailleurs détenteur du marché depuis de nombreuses années, est un avantage injustifié au regard des règles des marchés publics ; que l’importance de ce manuel pour l’obtention du marché résulte non seulement de l’audition des concurrents de la société ASA mais de l’ensemble des personnes concernées entendues, y compris l’adjointe même de M. A…, les responsables de l’aéroport et ceux de la société ASA ; que le fait qu’un candidat ait ainsi disposé d’informations privilégiées lui ayant permis de bénéficier d’un avantage, quel qu’il soit, sur ses concurrents constitue une rupture d’égalité de traitement des candidats ; que cet avantage injustifié est accru par l’importance donnée au manuel de procédure, ainsi qu’il ressort de l’annexe 3 fixant les 20 points de l’évaluation technique, ce critère représentant 42 % de la note technique (1210 points/ 2870 points), soit 25 % du total ; que non seulement le recours à ce manuel de procédure pour départager les candidats était en soi illégitime, mais l’importance déterminante de ce sous-critère dans l’attribution du marché, eu égard à sa pondération dans la note finale, faussait l’égalité des chances entre les candidats ; que cet avantage est accentué par la difficulté d’accès aux informations nécessaires à l’élaboration d’un tel manuel ; qu’ainsi, dans son recours en annulation du marché devant le tribunal administratif, la société RAS s’est plainte de n’avoir pas eu accès à des informations classifiées nécessaires pour établir utilement ce manuel de procédures, qu’il n’est donc pas surprenant que la société RAS ait été contrainte de plagier le document précédemment établi par la société ASA Réunion, en faisant appel aux services de M. Daniel G… ; que, sur l’élément moral, en sa qualité d’agent public, les auteurs de favoritisme sont présumés avoir pleine connaissance des dispositions relatives aux marchés publics et partant, sont présumés les méconnaître intentionnellement ; que l’intention peut être déduite en l’espèce de l’ensemble des manoeuvres ayant abouti à faire apparaître une entreprise comme étant la moins-disante ; que l’ensemble des manoeuvres ayant permis de privilégier l’un des candidats au détriment des autres suffit à caractériser l’infraction de favoritisme ; qu’il convient de retenir le prévenu dans les liens de la prévention ; que, sur le recel, c’est en parfaite connaissance de cause de son caractère illicite que la société ASA a bénéficié du délit de favoritisme dont M. A… s’est rendu coupable ; que la société ASA avait conscience d’être favorisée grâce au manuel de procédure élaboré avec M. A… ; que M. Olivier B…, son dirigeant, a estimé opportun de déposer plainte pour vol du manuel en question afin notamment de conserver l’avantage lui permettant l’obtention des marchés ; que, M. Didier D…, autre responsable d’ASA, a indiqué que le manuel de procédure avait été conçu par MM. Emile D…, Gérald H… et lui-même en collaboration avec M. A… et qu’il était un document capital notamment dans la partie technique car il comptait pour 70 % dans la note globale ; qu’il a convenu que de ce fait la société ASA était en situation avantagée par rapport à l’ensemble des autres concurrents ; qu’il importe de relever que les responsables de la société ASA étaient à ce point persuadé d’obtenir les marchés et singulièrement le marché litigieux de 2011 qu’ils n’étaient jamais inquiets lors des nouveaux appels d’offre ; qu’ils savaient, dans tous les cas, qu’ils allaient récupérer le marché ; que M. Emile D…, actionnaire de la société ASA Réunion et responsable d’exploitation de celle-ci depuis juillet 2004, convient lui aussi que la validation du manuel par M. A… apportait «une plus-value» lors de la candidature à l’appel d’offre ; que lorsque M. A… découvre que la société RAS a plagié le manuel de procédure de la société, très spontanément il en a sans tarder avisé le responsable de la société ASA, M. B…, et a présenté à ce dernier et à M. Emile D… le manuel de procédure de la société RAS ; que, par son représentant, la société ASA savait ainsi qu’elle était favorisée et que cet avantage qu’elle avait sur les autres sociétés ayant répondu à l’appel d’offres était illicite ; qu’il convient en conséquence de la déclarer coupable du recel du fruit de cette infraction ; que, sur la peine, la société ASA n’a pas d’antécédent ; que la gravité des faits ainsi qualifiés justifie que la société ASA soit condamnée à une peine d’amende de 100 000 euros, ainsi que l’a pertinemment décidé le tribunal, le représentant de ladite personne morale n’ayant pas jugé utile d’apporter la démonstration des difficultés économiques de la personne morale alléguée ;

« et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que, sur le délit de favoritisme, s’agissant de l’infraction de favoritisme reprochée à M. A…, Mme le procureur de la République a indiqué à l’audience qu’une erreur de date a été commise dans la citation, les faits s’étant produits non pas à compter du 29 juin 2011 mais entre le 16 février 2011 (date de la parution de l’offre) et le 8 juin 2011 (décision du Président de la CCI) ; que l’absence ou l’erreur dans la date des faits ne peut donner lieu à l’annulation de la citation que si le prévenu invoque, et démontre, l’existence d’un grief, c’est à dire la preuve de son impossibilité de se défendre ; que tel n’est pas le cas en l’espèce, le conseil du prévenu ayant obtenu un renvoi lors de la précédente audience pour lui permettre d’étudier le dossier avec son client ; qu’il ressort clairement du dossier que l’analyse des offres effectuée par le prévenu a été présentée au directeur de l’aéroport, le 31 mai 2011, pour visa, avant d’être soumis au président de la CCI Réunion, pour décision, intervenue le 08 juin 2011 ; que par ailleurs les conséquences directes de cette analyse des offres s’est poursuivie pendant toute la période visée par la prévention ; qu’en tout état de cause, la prévention vise expressément des faits commis « depuis temps n’emportant pas prescription », en sorte qu’il n’en résulte aucun doute pour le prévenu sur les faits précis pour lesquels il est poursuivi ; qu’il convient donc de rectifier la prévention en ce que la prévention vise des faits commis courant 2011 et plus précisément entre le 16 février et 8 juin 2011 ; que le délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics ou « délit de favoritisme », visé à l’article 432-14 du code pénal, peut être caractérisé sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve de l’existence d’une contrepartie à la faveur accordée par la personne qui exerce la mission publique ; qu’aux termes de l’article 432-14 du code pénal : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public » ; que peuvent seules être poursuivies sur le fondement de l’article 432-14 du code pénal les personnes limitativement énumérées par cette disposition, telles que les dépositaires de l’autorité publique, les personnes chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif ; que le texte vise aussi toute personne, quelle que soit sa fonction, publique, élective ou privée, qui a le pouvoir d’intervenir dans la procédure d’attribution du marché, à quelque stade que ce soit : actes préparatoires, publicité, mise en concurrence, analyse de la décision, choix final, etc ; qu’il en résulte donc que la qualité de l’auteur du délit de favoritisme est variée ; qu’il peut s’agir de fonctionnaires, d’élus ou de toute personne privée intervenant dans le cadre d’un marché public ; qu’il n’y a donc pas lieu de rectifier la prévention sur la qualité du prévenu puisqu’il ressort du dossier que M. A…, bien agent de la CCI, était en tant que responsable de la sûreté aéroportuaire chargé de l’analyse des offres pour le compte précisément de l’Aéroport de la Réunion-Roland Z…, appelé à l’époque aéroport « I… » ; que pour que l’infraction soit consommée, l’auteur doit avoir procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié ; que l’élément intentionnel du délit de favoritisme est caractérisé par l’accomplissement, en connaissance de cause, d’un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ; que peuvent ainsi être considérés comme des avantages injustifiés le simple non-respect des règles de procédure ou l’utilisation d’une information privilégiée à un candidat au détriment des autres candidats ; qu’indépendamment des seuls faits visés dans la prévention, les éléments du dossier font apparaître que M. A…, en sa qualité agent contractuel de droit public, responsable du service sûreté, favorisait systématiquement la société ASA ; qu’il apparaît ainsi que l’aéroport a dû annuler le 18 juillet 2011 un appel d’offres pour la prestation de contrôle cynotechnique des bagages de soute en raison des conditions douteuses et de nature à favoriser la société ASA dans lesquelles cet appel avait été lancé le 4 juillet 2011 en urgence par M. A…, sans cahier des charges et avec un délai de réponse de 4 jours ; qu’il ressort aussi du dossier que lorsqu’il était interrogé par les entreprises désireuses de travailler sur la plate-forme pour obtenir une formation aux contraintes particulières imposées par le milieu aéroportuaire, M. A… renvoyait systématiquement ses interlocuteurs vers la société ASA Réunion ; que M. A… a ainsi indiqué à deux prestataires (lycée Stella et GTOI) que seule la société ASA Réunion aurait été habilitée à effectuer cette formation alors que la société RAS possédait également cette habilitation, ce qu’il ne pouvait ignorer ; qu’un blâme lui a été notifié le 17 juillet 2013 pour ces faits ; que de plus, alors que la société ASA Réunion avait obtenu, de 2003 à 2014, la quasi-totalité des marchés d’inspection filtrage, aucune pénalité contractuelle n’a jamais été appliquée à la Société ASA Réunion (attestation de la société ARRG en date du 26 août 2016) alors qu’il résulte d’un courrier de M. A… en date du 21 septembre 2011 qu’il a lui-même constaté de graves manquements de la part de la société ASA (pièce faxée par Maître F… le 26 octobre 2016) ; qu’en ce qui concerne les faits visés par la prévention, l’élaboration du manuel de procédures par M. A… avec une société privée (ASA) qui répond à l’appel d’offres et qui est par ailleurs détenteur du marché depuis de nombreuses années, est un avantage injustifié au regard des règles des marchés publics ; que l’importance de ce manuel pour l’obtention du marché résulte non seulement de l’audition des concurrents de la société ASA mais de l’ensemble des personnes concernées entendues, y compris l’adjointe même de M. A…, les responsables de l’aéroport et ceux de la société ASA ; que le fait qu’un candidat ait ainsi disposé d’informations privilégiées lui ayant permis de bénéficier d’un avantage, quel qu’il soit, sur ses concurrents constitue une rupture d’égalité de traitement des candidats ; que cet avantage injustifié est accru par l’importance donnée au manuel de procédure, ainsi qu’il ressort de l’annexe 3 fixant les 20 points de l’évaluation technique, ce critère représentant 42 % de la note technique (1210 points / 2870 points), soit 25 % du total ; que non seulement le recours à ce manuel de procédure pour départager les candidats était en soi illégitime, mais l’importance déterminante de ce sous-critère dans l’attribution du marché, eu égard à sa pondération dans la note finale, faussait l’égalité des chances entre les candidats ; que cet avantage est accentué par la difficulté d’accès aux informations nécessaires à l’élaboration d’un tel manuel ; qu’ainsi, dans son recours en annulation du marché devant le tribunal administratif, la société RAS s’est vivement plainte de n’avoir pas eu accès à des informations classifiées nécessaires pour établir utilement ce manuel de procédures ; qu’il n’est donc pas surprenant que des sociétés aient été contraintes de reprendre voire de plagier le document précédemment établi par la société ASA Réunion, en faisant appel aux services de M. G… ; que M. A… lui-même a observé que le manuel de procédures de la société IRIS, présentait des similitudes avec celui en vigueur au sein de la société ARRG et celui produit par la société ASA Réunion ; que M. A… a directement adressé un mail à M. B… en lui précisant que des fuites de documents à diffusion restreinte existaient au sein de sa société ; qu’or, malgré l’identité des deux manuels, la notation est différente dans le rapport établi par M. A… ; qu’en effet, les notes suivantes ont été attribuées à ces trois candidats : – ASA: 1 033 points ; – SAM : 613 points : – IRIS : 889 points ; qu’un contenu identique ou très proche ne saurait valablement recevoir des notations aussi différentes ; que seule la volonté de favoriser la société ASA Réunion peut expliquer des notations aussi différentes ; que sur l’élément moral, en sa qualité d’agent public, les auteurs de favoritisme sont présumés avoir pleine connaissance des dispositions relatives aux marchés publics et partant, sont présumés les méconnaître intentionnellement ; que l’intention peut être déduite en l’espèce de l’ensemble des manoeuvres ayant abouti à faire apparaître une entreprise comme étant la moins-disante ; que le mobile de l’auteur est indifférent à la caractérisation de l’infraction ; que peu importe que l’auteur ait voulu s’enrichir personnellement ou voulu favoriser un membre de sa famille ; qu’il suffit de rappeler que M. A… avait des liens familiaux avec la société ASA Réunion à travers notamment son cousin au second degré, M. Emile D…, directeur adjoint de cette société ; que M. A… a admis qu’en raison de ces liens, « il aurait été plus judicieux de ne pas participer à l’analyse des candidatures » ; qu’en tout état de cause l’ensemble des manoeuvres ayant permis de privilégier l’un des candidats au détriment des autres suffit à caractériser l’infraction de favoritisme ; qu’il convient de retenir le prévenu dans les liens de la prévention ; que, sur le recel, c’est en connaissance de cause que la société ASA a bénéficié du délit de favoritisme dont M. A… est déclaré coupable ; qu’il ressort de l’ensemble du dossier qu’ASA avait parfaitement conscience d’être favorisée grâce au manuel de procédure élaboré avec MM. A…, B… ayant d’ailleurs déposé plainte pour vol du manuel en question afin notamment de préserver l’avantage lui permettant l’obtention des marchés, ainsi que cela résulte de son pv d’audition n° 2012/92/01 en date du 12 avril 2012 ; qu’il convient en conséquence de la déclarer coupable du recel du fruit de cette infraction ; que, sur la peine, au regard de la nature de l’infraction, il convient de condamner la société Asa Réunion à une peine de 100 000 euros et aux motifs, sur l’action civile, que le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice résultant pour la victime des agissements coupables du prévenu ; qu’aussi il convient de confirmer, en l’absence d’éléments nouveaux le jugement attaqué tant sur les dommages et intérêts que sur la condamnation au titre des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais exposés en première instance ;

« 1°) alors que, la cassation à intervenir sur les moyens précédents de l’irrégularité de la procédure entraînera par voie de conséquence la cassation de l’arrêt en ses dispositions relatives à l’action publique et à l’action civile ;

« 2°) alors que, les personnes morales à l’exception de l’Etat sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu’en retenant la culpabilité de la société requérante sans autrement préciser l’identité et les fonctions de son organe ou représentant dont les agissements pouvaient engager sa responsabilité pénale, la cour a violé les textes et principes cités au moyen ;

« 3°) alors que la cour n’a pu légalement prononcer une peine d’amende de 100 000 euros au préjudice de la société sans spécialement motiver sa décision sur ce point au regard des circonstances de l’infraction et de la situation matérielle et sociale de la société » ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche ;

Attendu que le grief est devenu inopérant en l’absence de cassation intervenue sur les deux premiers moyens ;

Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche ;

Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le grief, qui manque en fait, n’est pas de nature à être admis ;

Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche ;

Attendu que, pour condamner la SAS ASA Réunion à 100 000 euros d’amende, l’arrêt retient que la gravité des faits justifie une telle condamnation, ainsi que l’a pertinemment décidé le tribunal, le représentant de ladite personne morale n’ayant pas jugé utile d’apporter la démonstration des difficultés économiques de la personne morale alléguées ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, dès lors que, d’une part, la prévenue n’a pas comparu à l’audience devant la cour d’appel après avoir fait l’objet d’une première décision de condamnation identique prononcée par le tribunal correctionnel et n’a pas fourni, ni fait fournir, à la juridiction d’éléments sur sa situation et sur le montant de ses ressources comme de ses charges, d’autre part, il n’incombe pas aux juges, en possession des seuls éléments mentionnés en procédure sur ces différents points, de rechercher ceux qui ne leur auraient pas été soumis, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 janvier 2019, 18-80.749, Inédit