Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 avril 2022, 21-14.036, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 21 avril 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 369 F-D

Pourvoi n° R 21-14.036

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 AVRIL 2022

1°/ Mme [I] [D], domiciliée [Adresse 4],

2°/ M. [T] [D], domicilié [Adresse 1],

3°/ Mme [J] [D], domiciliée [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° R 21-14.036 contre l’arrêt rendu le 8 octobre 2020 par la cour d’appel d’Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Pâtisserie du dauphin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat des consorts [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Pâtisserie du dauphin, après débats en l’audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué et les productions (Amiens, 8 octobre 2020), le 25 février 1997, M. et Mme [D], aux droits desquels viennent Mmes [I] et [J] [D] ainsi que M. [T] [D] (les consorts [D]), ont donné en location à M. et Mme [Z], aux droits desquels se trouve la société Pâtisserie du dauphin, des locaux à usage commercial.

2. Le bail précisait que le locataire entretiendrait les lieux loués en bon état de réparations locatives et ne pourrait exiger du bailleur aucune remise en état ni aucune réparation, sauf les réparations prévues par l’article 606 du code civil.

3. Les 9 et 11 mai 2017, la société Pâtisserie du dauphin a assigné les consorts [D] en paiement d’une certaine somme au titre du remplacement de fenêtres.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. Les consorts [D] font grief à l’arrêt de les condamner à payer à la société Pâtisserie du dauphin une certaine somme au titre du remplacement de quatre fenêtres ainsi que des dommages et intérêts, alors :

« 1°/ que selon l’article 606 du code civil, les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ; celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier ; que toutes les autres réparations sont d’entretien ; que l’article 606 du code civil énumère ainsi limitativement les grosses réparations ; que dès lors, en affirmant, pour condamner les consorts [D] à payer à la société preneuse la somme de 6 223,20 euros au titre du remplacement des quatre fenêtres du local, que « lorsqu’un bail met à la charge du bailleur « les grosses réparations édictées par l’article 606 du code civil », le bailleur doit supporter toutes les réparations d’entretien utiles au maintien permanent de l’immeuble et non pas uniquement celles strictement énoncées dans l’article 606 du code civil », cependant que les grosses réparations limitativement énumérées par l’article 606 du code civil excluent toute réparation d’entretien, la cour d’appel a violé l’article 606 du code civil,

2°/ que le remplacement de fenêtres ne constitue pas une grosse réparation au sens de l’article 606 du code civil ; que dès lors, en affirmant au contraire, pour condamner les consorts [D] à payer à la société preneuse la somme de 6 223,20 euros au titre du remplacement des quatre fenêtres du local, que « le remplacement des fenêtres constituent une grosse réparation » au sens de l’article 606 du code civil, la cour d’appel a violé l’article 606 du code civil,

3°/ qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que « le bail litigieux (…) prévoit une clause transférant au locataire l’obligation d’entretenir les lieux loués, ainsi libellée : le locataire « entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant la durée du bail. Il ne pourra exiger du bailleur, pendant cette même durée aucune mise en état ni aucune réparation de quelque nature que ce soit, sauf les réparations telles que prévues par l’article 606 du code civil » ; que dès lors, en affirmant, pour condamner les consorts [D] à payer à la société preneuse la somme de 6 223,20 euros au titre du remplacement des quatre fenêtres du local, que « cette clause ne peut s’interpréter comme signifiant que le bailleur n’est tenu que des seules réparations qualifiées de grosses réparations prévues strictement par l’article 606 du code civil mais comme signifiant que le bailleur doit être tenu des réparations d’entretien utiles au maintien permanent de l’immeuble tel le remplacement des fenêtres », cependant qu’il ressortait de ses propres constatations que la clause du bail relative aux réparations stipulait que le bailleur serait tenu des seules grosses réparations strictement énumérées à l’article 606 du code civil, la cour d’appel a violé les articles 606 et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 606 et 1134 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Il résulte du premier de ces textes que les réparations d’entretien sont celles utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble, tandis que les grosses réparations affectent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale.

6. Aux termes du second, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

7. Pour accueillir la demande, l’arrêt retient, d’une part, que, lorsqu’une clause du contrat met à la charge du bailleur les grosses réparations édictées par l’article 606 du code civil, celui-ci doit supporter toutes les réparations d’entretien utiles au maintien permanent de l’immeuble et non uniquement celles strictement énoncées par l’article précité et, d’autre part, que le remplacement des fenêtres constitue une grosse réparation.

8. En statuant ainsi, sans relever que les travaux en litige intéressaient l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne Mmes [I] et [J] [D] et M. [T] [D] à payer à la société Pâtisserie du dauphin les sommes de 6 223,20 euros au titre du remplacement de quatre fenêtres et de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, et condamne les mêmes en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, l’arrêt rendu, le 8 octobre 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens autrement composée ;

Condamne la société Pâtisserie du dauphin aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pâtisserie du dauphin et la condamne à payer à Mmes [I] et [J] [D] et M. [T] [D] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour les consorts [D]

Les consorts [D] font grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR confirmé le jugement du 12 décembre 2018 en ce qu’il a condamné Mme [I] [D], Mme [J] [D] et M. [T] [D] à payer à la SAS Pâtisserie du Dauphin la somme de 6 223,20 € au titre du remplacement des quatre fenêtres du local d’habitation situé [Adresse 3] et, y ajoutant, condamné in solidum Mme [I] [D], Mme [J] [D] et M. [T] [D] à payer à la SAS Pâtisserie du Dauphin la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE 1°), selon l’article 606 du code civil, les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ; celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier ; que toutes les autres réparations sont d’entretien ; que l’article 606 du code civil énumère ainsi limitativement les grosses réparations ; que dès lors, en affirmant, pour condamner les consorts [D] à payer à la société preneuse la somme de 6 223,20 € au titre du remplacement des quatre fenêtres du local, que « lorsqu’un bail met à la charge du bailleur « les grosses réparations édictées par l’article 606 du code civil », le bailleur doit supporter toutes les réparations d’entretien utiles au maintien permanent de l’immeuble et non pas uniquement celles strictement énoncées dans l’article 606 du code civil » (arrêt, p. 4), cependant que les grosses réparations limitativement énumérées par l’article 606 du code civil excluent toute réparation d’entretien, la cour d’appel a violé l’article 606 du code civil,

ALORS QUE 2°), le remplacement de fenêtres ne constitue pas une grosse réparation au sens de l’article 606 du code civil ; que dès lors, en affirmant au contraire, pour condamner les consorts [D] à payer à la société preneuse la somme de 6 223,20 € au titre du remplacement des quatre fenêtres du local, que « le remplacement des fenêtres constituent une grosse réparation » au sens de l’article 606 du code civil (arrêt, p. 4), la cour d’appel a violé l’article 606 du code civil,

ALORS QUE 3°), en l’espèce, la cour d’appel a relevé que « le bail litigieux (…) prévoit une clause transférant au locataire l’obligation d’entretenir les lieux loués, ainsi libellée : le locataire « entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant la durée du bail. Il ne pourra exiger du bailleur, pendant cette même durée aucune mise en état ni aucune réparation de quelque nature que ce soit, sauf les réparations telles que prévues par l’article 606 du code civil » » (arrêt, p. 4) ; que dès lors, en affirmant, pour condamner les consorts [D] à payer à la société preneuse la somme de 6 223,20 € au titre du remplacement des quatre fenêtres du local, que « cette clause ne peut s’interpréter comme signifiant que le bailleur n’est tenu que des seules réparations qualifiées de grosses réparations prévues strictement par l’article 606 du code civil mais comme signifiant que le bailleur doit être tenu des réparations d’entretien utiles au maintien permanent de l’immeuble tel le remplacement des fenêtres » (arrêt, p. 4), cependant qu’il ressortait de ses propres constatations que la clause du bail relative aux réparations stipulait que la bailleur serait tenu des seules grosses réparations strictement énumérées à l’article 606 du code civil, la cour d’appel a violé les articles 606 et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016,

ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, 4°), l’article 1720 du code civil n’est pas d’ordre public et il peut y être dérogé par des conventions particulières ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que « le bail litigieux (…) prévoit une clause transférant au locataire l’obligation d’entretenir les lieux loués, ainsi libellée : le locataire « entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant la durée du bail. Il ne pourra exiger du bailleur, pendant cette même durée aucune mise en état ni aucune réparation de quelque nature que ce soit, sauf les réparations telles que prévues par l’article 606 du code civil » » (arrêt, p. 4) ; que dès lors, en retenant, pour condamner les consorts [D] à payer la somme de 6 223,20 € au titre du remplacement des quatre fenêtres du local, que « force est de constater que la société Pâtisserie du Dauphin a pris un logement avec des fenêtres déjà dégradées ne lui permettant pas de les entretenir normalement, la clause stipulée au bail cédé en date du 3 septembre 2006, selon laquelle le locataire prend les lieux dans l’état où ils se trouvent ne pouvant décharger le bailleur de son obligation de délivrance » et que « conformément aux articles 1719 et 1720 du code civil le bailleur a une obligation continue d’entretenir et de réparer les ouvrages de son local » (jugement du 12 décembre 2018, p. 4-5), cependant qu’il ressortait de ses constatations que le bail transférait expressément au preneur tous les travaux d’entretien et de réparation, à la seule exception des grosses réparations de l’article 606 du code civil, la cour d’appel a violé l’article 1720 du code civil,

ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, 5°), les cessions successives d’un bail commercial opérant transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat, celui-ci devient débiteur envers son bailleur de la réparation des dégradations commises par ses prédécesseurs ; que dès lors, en retenant, pour condamner les consorts [D] à payer la somme de 6 223,20 € au titre du remplacement des quatre fenêtres du local, que « force est de constater que la société Pâtisserie du Dauphin a pris un logement avec des fenêtres déjà dégradées ne lui permettant pas de les entretenir normalement » (jugement du 12 décembre 2018, p. 4-5), sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée (conclusions des consorts [D], p. 7-8), si la dégradation des fenêtres était due au manquement des précédents locataires à leur obligation d’entretien et interdisait donc à la société Pâtisserie du Dauphin, en tant que cessionnaire et dernière titulaire du contrat de bail, de mettre à la charge du bailleur la réparation des dégradations commises par ses prédécesseurs, la cour d’appel a violé l’article 1732 du code civil.

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