CJUE, n° C-476/17, Arrêt de la Cour, Pelham GmbH e.a. contre Ralf Hütter et Florian Schneider-Esleben, 29 juillet 2019

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Chronologie de l’affaire

Commentaires24

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Dimeglio Avocat · 14 mars 2024

Alors que le Parlement Européen vient d'adopter la proposition de règlement sur l'intelligence artificielle[1], tour d'horizon de la règlementation du deepfake. En dépit des apparences, le deepfake n'est pas en soi interdit. Il bénéficie du principe de liberté, mais son usage est très encadré. 1/Liberté : Le mot « deepfake », traduit par hypertrucage en français, est formé à partir des termes « deep learning » (apprentissage profond[2]) et fake (faux). Il désigne une technique qui permet de réaliser, grâce à l'intelligence artificielle, des montages d'images, de vidéo, et de son. Il a …

 

Blip · 27 octobre 2023

Bien que source principale du droit, la loi, œuvre humaine, est par nature imparfaite. La sentence est connue. Cette imperfection dépasse la technique législative ; elle tient à une « imperfection congénitale » de la loi : « Ce n'est point, explique Dabin, seulement affaire de technique législative, de rédaction plus ou moins heureuse des textes ; il s'agit d'une impuissance ou, si l'on veut, d'une limitation congénitale, qui permet bien à la loi et qui même l'oblige à prévoir, car “gouverner c'est prévoir”, et légiférer est une partie de l'art de gouverner, mais qui l'empêche, quoi …

 

www.bdavocats.fr · 1er juin 2023

Le « sampling » est une technique musicale utilisée depuis le milieu du XXème siècle, qui consiste à reprendre au sein d'un enregistrement préexistant une boucle sonore afin de l'utiliser dans un nouveau morceau. La Cour de Cassation en date du 8 février 2023 (Cour de Cassation, Chambre Civile 1, 8 février 2023, « Société Get Down c/ Société Artiworks, Société District 6 France Publishing, Société Kraked, n° 21-24.980), a confirmé l'absence de caractérisation d'une contrefaçon de droit d'auteur et de droits voisins par la reprise d'un sample au motif que l'extrait utilisé ne constituait …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 29 juill. 2019, C-476/17
Numéro(s) : C-476/17
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 29 juillet 2019.#Pelham GmbH e.a. contre Ralf Hütter et Florian Schneider-Esleben.#Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.#Renvoi préjudiciel – Droit d’auteur et droits voisins – Directive 2001/29/CE – Société de l’information – Harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins – Échantillonnage (sampling) – Article 2, sous c) – Producteur de phonogrammes – Droit de reproduction – Reproduction “en partie” – Article 5, paragraphes 2 et 3 – Exceptions et limitations – Portée – Article 5, paragraphe 3, sous d) – Citations – Directive 2006/115/CE – Article 9, paragraphe 1, sous b) – Droit de distribution – Droits fondamentaux – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 13 – Liberté des arts.#Affaire C-476/17.
Date de dépôt : 4 août 2017
Précédents jurisprudentiels : 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss, C-414/99 à C-416/99, EU:C:2001:617
26 février 2013, Melloni, C-399/11, EU:C:2013:107
29 janvier 2008, Promusicae, C-275/06, EU:C:2008:54
ACI Adam e.a., C-435/12, EU:C:2014:254
arrêt du 13 février 2014, Svensson e.a., C-466/12, EU:C:2014:76
arrêt du 3 septembre 2014, Deckmyn et Vrijheidsfonds, C-201/13, EU:C:2014:2132
arrêts du 16 novembre 2016, Soulier et Doke, C-301/15, EU:C:2016:878, point 34, et du 7 août 2018, Renckhoff, C-161/17, EU:C:2018:634
arrêts du 24 novembre 2011, Scarlet Extended, C-70/10, EU:C:2011:771
arrêts du 26 février 2013, Melloni, C-399/11, EU:C:2013:107, point 60, et du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C-617/10, EU:C:2013:105
Arsenal Football Club, C-206/01, EU:C:2002:651
Conseil, C-540/03, EU:C:2006:429
Copydan Båndkopi, C-463/12, EU:C:2015:144
Cour EDH, 24 mai 1988, Müller e.a. c. Suisse, CE:ECHR:1988:0524JUD001073784
Cour EDH, 8 juillet 1999, Karataş c. Turquie, CE:ECHR:1999:0708JUD002316894
Hewlett-Packard Belgium, C-572/13, EU:C:2015:750
Renckhoff, C-161/17, EU:C:2018:634
SABAM, C-360/10, EU:C:2012:85, point 41, et du 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien, C-314/12, EU:C:2014:192
SCF, C-135/10, EU:C:2012:140
SGAE, C-306/05, EU:C:2006:764, point 35
du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C-403/08 et C-429/08, EU:C:2011:631

Syed, C-572/17, EU:C:2018:1033, point 20
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62017CJ0476
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2019:624
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

29 juillet 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Droit d’auteur et droits voisins – Directive 2001/29/CE – Société de l’information – Harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins – Échantillonnage (sampling) – Article 2, sous c) – Producteur de phonogrammes – Droit de reproduction – Reproduction “en partie” – Article 5, paragraphes 2 et 3 – Exceptions et limitations – Portée – Article 5, paragraphe 3, sous d) – Citations – Directive 2006/115/CE – Article 9, paragraphe 1, sous b) – Droit de distribution – Droits fondamentaux – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 13 – Liberté des arts »

Dans l’affaire C-476/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 1er juin 2017, parvenue à la Cour le 4 août 2017, dans la procédure

Pelham GmbH,

Moses Pelham,

Martin Haas

contre

Ralf Hütter,

Florian Schneider-Esleben,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, MM. A. Arabadjiev, M. Vilaras, T. von Danwitz, Mme C. Toader, MM. F. Biltgen et C. Lycourgos, présidents de chambre, MM. E. Juhász, M. Ilešič (rapporteur), L. Bay Larsen et S. Rodin, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2018,

considérant les observations présentées :

pour Pelham GmbH ainsi que pour MM. Pelham et Haas, par Me A. Walter, Rechtsanwalt,

pour MM. Hütter et Schneider-Esleben, par Mes U. Hundt-Neumann ainsi que H. Lindhorst, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze, M. Hellmann et J. Techert, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et D. Segoin ainsi que par Mme E. Armoët, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Lavery ainsi que par M. D. Robertson, en qualité d’agents, assistés de M. N. Saunders, barrister,

pour la Commission européenne, par M. T. Scharf ainsi que par Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 décembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous c), et de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10), ainsi que de l’article 9, paragraphe 1, sous b), et de l’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO 2006, L 376, p. 28).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Pelham (ci-après la « société Pelham ») ainsi que MM. M. Pelham et M. Haas (ci-après, pris ensemble, « Pelham ») à MM. R. Hütter et F. Schneider-Esleben (ci-après « Hütter e.a. ») au sujet de l’utilisation, dans le cadre de l’enregistrement du titre musical « Nur mir », composé par MM. Pelham et Haas et produit par la société Pelham, d’une séquence rythmique de deux secondes environ prélevée sur un phonogramme du groupe musical Kraftwerk, dont Hütter e.a. sont membres.

Le cadre juridique

Le droit international

3

L’article 1er de la convention pour la protection des producteurs de phonogrammes contre la reproduction non autorisée de leurs phonogrammes, signée à Genève le 29 octobre 1971 (ci-après la « convention de Genève »), se lit comme suit :

« Aux fins de la présente [convention], on entend par :

a)

“phonogramme”, toute fixation exclusivement sonore des sons provenant d’une exécution ou d’autres sons ;

b)

“producteur de phonogrammes”, la personne physique ou morale qui, la première, fixe les sons provenant d’une exécution ou d’autres sons ;

c)

“copie”, un support contenant des sons repris directement ou indirectement d’un phonogramme et qui incorpore la totalité ou une partie substantielle des sons fixés dans ce phonogramme ;

d)

“distribution au public”, tout acte dont l’objet est d’offrir des copies, directement ou indirectement, au public en général ou à toute partie de celui-ci. »

4

L’article 2 de cette convention dispose :

« Chaque État contractant s’engage à protéger les producteurs de phonogrammes qui sont ressortissants des autres États contractants contre la production de copies faites sans le consentement du producteur et contre l’importation de telles copies, lorsque la production ou l’importation est faite en vue d’une distribution au public, ainsi que contre la distribution de ces copies au public. »

Le droit de l’Union

La directive 2001/29

5

Les considérants 3, 4, 6, 7, 9, 10, 31 et 32 de la directive 2001/29 énoncent :

« (3)

L’harmonisation envisagée contribuera à l’application des quatre libertés du marché intérieur et porte sur le respect des principes fondamentaux du droit et notamment de la propriété, dont la propriété intellectuelle, et de la liberté d’expression et de l’intérêt général.

(4)

Un cadre juridique harmonisé du droit d’auteur et des droits voisins, en améliorant la sécurité juridique et en assurant dans le même temps un niveau élevé de protection de la propriété intellectuelle, encouragera des investissements importants dans des activités créatrices et novatrices, notamment dans les infrastructures de réseaux, et favorisera ainsi la croissance et une compétitivité accrue de l’industrie européenne, et cela aussi bien dans le secteur de la fourniture de contenus que dans celui des technologies de l’information et, de façon plus générale, dans de nombreux secteurs industriels et culturels. Ce processus permettra de sauvegarder des emplois et encouragera la création de nouveaux emplois.

[…]

(6)

En l’absence d’harmonisation à l’échelle communautaire, les processus législatifs au niveau national, dans lesquels plusieurs États membres se sont déjà engagés pour répondre aux défis technologiques, pourraient entraîner des disparités sensibles en matière de protection et, partant, des restrictions à la libre circulation des services et des marchandises qui comportent des éléments relevant de la propriété intellectuelle ou se fondent sur de tels éléments, ce qui provoquerait une nouvelle fragmentation du marché intérieur et des incohérences d’ordre législatif. L’incidence de ces disparités législatives et de cette insécurité juridique se fera plus sensible avec le développement de la société de l’information, qui a déjà considérablement renforcé l’exploitation transfrontalière de la propriété intellectuelle. Ce développement est appelé à se poursuivre. Des disparités et une insécurité juridiques importantes en matière de protection sont susceptibles d’entraver la réalisation d’économies d’échelle pour les nouveaux produits et services protégés par le droit d’auteur et les droits voisins.

(7)

Le cadre législatif communautaire relatif à la protection du droit d’auteur et des droits voisins doit donc aussi être adapté et complété dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur. Il convient, à cet effet, d’adapter les dispositions nationales sur le droit d’auteur et les droits voisins qui varient sensiblement d’un État membre à l’autre ou qui entraînent une insécurité juridique entravant le bon fonctionnement du marché intérieur et le développement de la société de l’information en Europe et il importe d’éviter que les États membres réagissent en ordre dispersé aux évolutions technologiques. En revanche, il n’est pas nécessaire de supprimer ou de prévenir les disparités qui ne portent pas atteinte au fonctionnement du marché intérieur.

[…]

(9)

Toute harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins doit se fonder sur un niveau de protection élevé, car ces droits sont essentiels à la création intellectuelle. Leur protection contribue au maintien et au développement de la créativité dans l’intérêt des auteurs, des interprètes ou exécutants, des producteurs, des consommateurs, de la culture, des entreprises et du public en général. […]

(10)

Les auteurs ou les interprètes ou exécutants, pour pouvoir poursuivre leur travail créatif et artistique, doivent obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres, de même que les producteurs pour pouvoir financer ce travail. L’investissement nécessaire pour créer des produits, tels que des phonogrammes, des films ou des produits multimédias, et des services tels que les services à la demande, est considérable. Une protection juridique appropriée des droits de propriété intellectuelle est nécessaire pour garantir une telle rémunération et permettre un rendement satisfaisant de l’investissement.

[…]

(31)

Il convient de maintenir un juste équilibre en matière de droits et d’intérêts entre les différentes catégories de titulaires de droits ainsi qu’entre celles-ci et les utilisateurs d’objets protégés. Les exceptions et limitations actuelles aux droits, telles que prévues par les États membres, doivent être réexaminées à la lumière du nouvel environnement électronique. […] Pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, ces exceptions et limitations doivent être définies de façon plus harmonieuse. Le degré d’harmonisation de ces exceptions doit être fonction de leur incidence sur le bon fonctionnement du marché intérieur.

(32)

La présente directive contient une liste exhaustive des exceptions et limitations au droit de reproduction et au droit de communication au public. Certaines exceptions ou limitations ne s’appliquent qu’au droit de reproduction, s’il y a lieu. La liste tient dûment compte de la diversité des traditions juridiques des États membres tout en visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Les États membres appliquent ces exceptions et limitations de manière cohérente et la question sera examinée lors d’un futur réexamen des dispositions de mise en œuvre. »

6

L’article 2 de la directive 2001/29, intitulé « Droit de reproduction », dispose :

« Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie :

[…]

c)

pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes ;

[…] »

7

L’article 5 de cette directive prévoit les exceptions et limitations aux droits visés aux articles 2 à 4 de celle-ci. Cet article dispose, à ses paragraphes 3 et 5 :

« 3. Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3 dans les cas suivants :

[…]

d)

lorsqu’il s’agit de citations faites, par exemple, à des fins de critique ou de revue, pour autant qu’elles concernent une œuvre ou un autre objet protégé ayant déjà été licitement mis à la disposition du public, que, à moins que cela ne s’avère impossible, la source, y compris le nom de l’auteur, soit indiquée et qu’elles soient faites conformément aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but poursuivi ;

[…]

5. Les exceptions et limitations prévues aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 ne sont applicables que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou autre objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit. »

La directive 2006/115

8

Les considérants 2, 5 et 7 de la directive 2006/115 énoncent :

« (2)

La location et le prêt d’œuvres couvertes par le droit d’auteur et d’objets protégés par des droits voisins revêtent une importance croissante, en particulier pour les auteurs, les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes et de films. La piraterie constitue une menace de plus en plus grave.

[…]

(5)

La continuité du travail créateur et artistique des auteurs et artistes interprètes ou exécutants exige que ceux-ci perçoivent un revenu approprié et les investissements, en particulier ceux qu’exige la production de phonogrammes et de films, sont extrêmement élevés et aléatoires. Seule une protection juridique appropriée des titulaires de droits concernés permet de garantir efficacement la possibilité de percevoir ce revenu et d’amortir ces investissements.

[…]

(7)

Il convient de rapprocher les législations des États membres dans le respect des conventions internationales sur lesquelles sont fondées les législations relatives au droit d’auteur et aux droits voisins de nombreux États membres. »

9

L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet de l’harmonisation », dispose, à son paragraphe 1 :

« Conformément aux dispositions du présent chapitre, les États membres prévoient, sous réserve de l’article 6, le droit d’autoriser ou d’interdire la location et le prêt d’originaux et de copies d’œuvres protégées par le droit d’auteur ainsi que d’autres objets mentionnés à l’article 3, paragraphe 1. »

10

L’article 9 de la même directive, intitulé « Droit de distribution », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prévoient un droit exclusif de mise à la disposition du public des objets visés aux points a) à d), y compris de copies, par la vente ou autrement, ci-après dénommé “droit de distribution” :

[…]

b)

pour les producteurs de phonogrammes, en ce qui concerne leurs phonogrammes ;

[…] »

11

L’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/115 se lit comme suit :

« […] tout État membre a la faculté de prévoir, en ce qui concerne la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes, des organismes de radiodiffusion et des producteurs des premières fixations de films, des limitations de même nature que celles qui sont prévues par la législation concernant la protection du droit d’auteur sur les œuvres littéraires et artistiques. »

Le droit allemand

12

Le Gesetz über Urheberrecht und verwandte Schutzrechte – Urheberrechtsgesetz (loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins), du 9 septembre 1965 (BGBl. 1965 I, p. 1273, ci-après l’« UrhG »), dispose, à son article 24 :

« 1. Une œuvre indépendante qui a été créée en utilisant librement l’œuvre d’autrui peut être publiée et exploitée sans l’autorisation de l’auteur de l’œuvre utilisée.

2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas à l’utilisation d’une œuvre musicale par laquelle une mélodie est tirée de manière reconnaissable d’une œuvre pour servir de base à une œuvre nouvelle. »

13

L’article 85, paragraphe 1, de l’UrhG, qui transpose l’article 2, sous c), de la directive 2001/29 et l’article 9 de la directive 2006/115, prévoit, à sa première phrase, premier et deuxième cas de figure, que le producteur d’un phonogramme a le droit exclusif de reproduire et de diffuser le phonogramme.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14

Hütter e.a. sont membres du groupe musical Kraftwerk. Celui-ci a publié, en 1977, un phonogramme sur lequel figure le titre musical « Metall auf Metall ».

15

MM. Pelham et Haas sont les compositeurs du titre musical « Nur mir », paru sur des phonogrammes produits par la société Pelham en 1997.

16

Hütter e.a. soutiennent que Pelham a copié, sous forme électronique, un échantillon (sample) d’environ deux secondes d’une séquence rythmique du titre musical « Metall auf Metall » et a intégré cet échantillon, par répétitions successives, au titre musical « Nur mir », bien qu’il lui aurait été possible de jouer ladite séquence.

17

Hütter e.a. estiment, à titre principal, que Pelham a violé le droit voisin du droit d’auteur dont ils sont titulaires en leur qualité de producteur de phonogrammes. À titre subsidiaire, ils soutiennent qu’ont été violés le droit de propriété intellectuelle dont ils sont titulaires en leur qualité d’artistes interprètes ou exécutants ainsi que le droit d’auteur de M. Hütter sur l’œuvre musicale. À titre plus subsidiaire encore, ils allèguent que Pelham a violé la législation en matière de concurrence.

18

Hütter e.a. ont introduit un recours devant le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne) et ont demandé la cessation de l’infraction, l’octroi de dommages et intérêts, la transmission de renseignements et la remise des phonogrammes aux fins de leur destruction.

19

Cette juridiction a fait droit à ce recours et l’appel interjeté par Pelham, devant l’Oberlandesgericht Hamburg (tribunal régional supérieur de Hambourg, Allemagne), a été rejeté. À la suite d’un pourvoi en Revision formé par Pelham devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), l’arrêt rendu par l’Oberlandesgericht Hamburg (tribunal régional supérieur de Hambourg) a été infirmé et l’affaire a été renvoyée devant cette juridiction pour un nouvel examen. Ladite juridiction a, une nouvelle fois, rejeté l’appel interjeté par Pelham. Par arrêt du 13 décembre 2012, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a rejeté le nouveau pourvoi en Revision formé par Pelham. Ce dernier arrêt a été annulé par le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne), lequel a renvoyé l’affaire devant la juridiction de renvoi.

20

La juridiction de renvoi relève que le succès de la procédure en Revision dépend de l’interprétation de l’article 2, sous c), et de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29, ainsi que de l’article 9, paragraphe 1, sous b), et de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/115.

21

En premier lieu, il conviendrait de déterminer si Pelham, en utilisant l’enregistrement sonore de Hütter e.a. lors de la réalisation de son propre phonogramme, a porté atteinte au droit exclusif de ces derniers de reproduire et de diffuser le phonogramme sur lequel figure le titre « Metall auf Metall », tel que prévu à l’article 85, paragraphe 1, de l’UrhG, lequel transpose l’article 2, sous c), de la directive 2001/29 ainsi que l’article 9 de la directive 2006/115. En particulier, il importerait de déterminer si une telle atteinte peut être constatée lorsque, comme en l’espèce, deux secondes d’une séquence rythmique sont extraites d’un phonogramme puis transférées sur un autre phonogramme, et si ce dernier constitue une copie d’un autre phonogramme au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115.

22

En deuxième lieu, dans le cas où une telle atteinte au droit du producteur de phonogrammes serait constatée, se poserait la question de savoir si Pelham peut se prévaloir du « droit à la libre utilisation », prévu à l’article 24, paragraphe 1, de l’UrhG et applicable par analogie au droit du producteur de phonogrammes, selon lequel une œuvre indépendante qui a été créée en utilisant librement l’œuvre d’autrui peut être publiée et exploitée sans l’autorisation de l’auteur de l’œuvre utilisée. La juridiction de renvoi relève, dans ce contexte, qu’une telle disposition n’a pas d’équivalent explicite en droit de l’Union et s’interroge dès lors sur la conformité de celle-ci à ce droit, eu égard à la circonstance que ladite disposition limite le domaine de protection du droit exclusif du producteur de phonogrammes à la reproduction et à la distribution de son phonogramme.

23

En troisième lieu, les exceptions et limitations, prévues en droit national, au droit de reproduction visé à l’article 2, sous c), de la directive 2001/29 et au droit de distribution visé à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115, reposeraient sur l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2001/29 et sur l’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/115. Or, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à l’interprétation de ces dispositions dans des circonstances telles que celles en cause au principal.

24

En quatrième lieu, la juridiction de renvoi relève que les dispositions pertinentes du droit de l’Union doivent être interprétées et appliquées à la lumière des droits fondamentaux garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Dans ce contexte, elle se demande si les États membres disposent d’une marge d’appréciation dans le cadre de la transposition en droit national de l’article 2, sous c), et de l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 2001/29, ainsi que de l’article 9, paragraphe 1, sous b), et de l’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/115. En effet, la juridiction de renvoi relève que, selon la jurisprudence du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale), les dispositions du droit national qui transposent une directive de l’Union européenne ne doivent pas être appréciées, en principe, à l’aune des droits fondamentaux garantis par le Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (Loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne), du 23 mai 1949 (BGBl. 1949 I, p. 1), mais uniquement à l’aune des droits fondamentaux garantis par le droit de l’Union, lorsque cette directive ne laisse aux États membres aucune marge d’appréciation pour sa transposition. Cette juridiction éprouve, au demeurant, des doutes quant à l’interprétation desdits droits fondamentaux, dans des circonstances telles que celles en cause au principal.

25

Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Existe-t-il une atteinte au droit exclusif du producteur de phonogrammes à la reproduction de son phonogramme au titre de l’article 2, sous c), de la directive 2001/29, lorsque d’infimes bribes de sons sont extraites de son phonogramme pour être transférées sur un autre phonogramme ?

2)

Un phonogramme qui contient d’infimes bribes de sons transférées depuis un autre phonogramme constitue-t-il une copie d’un autre phonogramme au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115 ?

3)

Les États membres peuvent-ils prévoir une disposition qui, à l’instar de l’article 24, paragraphe 1, de l’UrhG […], précise que le domaine de protection du droit exclusif du producteur de phonogrammes à la reproduction [article 2, sous c), de la directive 2001/29] et à la distribution [article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115] de son phonogramme est limité, de manière immanente, en ce qu’une œuvre distincte, créée par la libre utilisation de son phonogramme, peut être exploitée sans son accord ?

4)

Une œuvre ou un autre objet protégé, au sens de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29, sont-ils utilisés à des fins de citation si rien ne permet d’identifier l’utilisation de l’œuvre ou d’un autre objet protégé d’autrui ?

5)

Les dispositions du droit de l’Union relatives au droit de reproduction et de distribution du producteur de phonogrammes [article 2, sous c), de la directive 2001/29 et article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115] ainsi qu’aux exceptions ou aux limitations à ces droits (article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 2001/29 et article 10, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/115) laissent-elles des marges d’appréciation pour leur transposition en droit national ?

6)

De quelle manière convient-il de tenir compte des droits fondamentaux consacrés dans la [Charte] dans la détermination de l’étendue de la protection du droit exclusif du producteur de phonogrammes à la reproduction [article 2, sous c), de la directive 2001/29] et à la distribution [article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115], de son phonogramme et de la portée des exceptions ou limitations à ces droits (article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 2001/29 et article 10, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/115) ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et sixième questions

26

Par ses première et sixième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous c), de la directive 2001/29 doit, à la lumière de la Charte, être interprété en ce sens que le droit exclusif conféré au producteur de phonogrammes d’autoriser ou d’interdire la reproduction de son phonogramme lui permet de s’opposer au prélèvement par un tiers d’un échantillon sonore, même très bref, de son phonogramme aux fins de l’inclusion de cet échantillon dans un autre phonogramme.

27

Aux termes de l’article 2, sous c), de la directive 2001/29, les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la « reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie », pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes.

28

La directive 2001/29 ne définit pas la notion de « reproduction […] en tout ou en partie » d’un phonogramme, au sens de cette disposition. La détermination de la signification et de la portée de ces termes doit dès lors être établie, selon une jurisprudence constante de la Cour, conformément au sens habituel de ceux-ci dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (arrêt du 3 septembre 2014, Deckmyn et Vrijheidsfonds, C-201/13, EU:C:2014:2132, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

29

Il ressort du libellé de l’article 2, sous c), de la directive 2001/29, rappelé au point 27 du présent arrêt, que la reproduction par un utilisateur d’un échantillon sonore, même très bref, d’un phonogramme doit, en principe, être considérée comme une reproduction « en partie » de ce phonogramme, au sens de ladite disposition, et qu’une telle reproduction relève donc du droit exclusif conféré par celle-ci au producteur d’un tel phonogramme.

30

Cette interprétation littérale de l’article 2, sous c), de la directive 2001/29 est conforme, d’une part, à l’objectif général de cette directive qui est, ainsi qu’il découle de ses considérants 4, 9 et 10, d’instaurer un niveau élevé de protection du droit d’auteur et des droits voisins, et, d’autre part, à l’objectif spécifique du droit exclusif du producteur de phonogrammes, énoncé à ce considérant 10, qui est de protéger l’investissement réalisé par ce dernier. En effet, ainsi que le rappelle le même considérant, l’investissement nécessaire pour créer des produits, tels que des phonogrammes, est considérable, si bien qu’il est nécessaire de garantir aux producteurs de ceux-ci la possibilité d’obtenir un rendement satisfaisant.

31

Cela étant, lorsqu’un utilisateur, dans l’exercice de la liberté des arts, prélève un échantillon sonore sur un phonogramme, afin de l’utiliser, sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute, dans une nouvelle œuvre, il y a lieu de considérer qu’une telle utilisation ne constitue pas une « reproduction », au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2001/29.

32

Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’il découle des considérants 3 et 31 de la directive 2001/29 que l’harmonisation effectuée par cette directive vise à maintenir, et ce notamment dans l’environnement électronique, un juste équilibre entre, d’une part, l’intérêt des titulaires des droits d’auteur et des droits voisins à la protection de leur droit de propriété intellectuelle, désormais consacrée à l’article 17, paragraphe 2, de la Charte, et, d’autre part, la protection des intérêts et des droits fondamentaux des utilisateurs d’objets protégés ainsi que de l’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 7 août 2018, Renckhoff, C-161/17, EU:C:2018:634, point 41).

33

La Cour a ainsi déjà jugé qu’il ne ressort nullement de l’article 17, paragraphe 2, de la Charte ni de la jurisprudence de la Cour que le droit de propriété intellectuelle consacré à cette disposition serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue (arrêts du 24 novembre 2011, Scarlet Extended, C-70/10, EU:C:2011:771, point 43 ; du 16 février 2012, SABAM, C-360/10, EU:C:2012:85, point 41, et du 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien, C-314/12, EU:C:2014:192, point 61).

34

En effet, il convient de mettre ce droit en balance avec les autres droits fondamentaux, parmi lesquels figure la liberté des arts, garantie par l’article 13 de la Charte, laquelle, en tant qu’elle relève de la liberté d’expression, protégée par l’article 11 de la Charte et par l’article 10, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, permet de participer à l’échange public des informations et des idées culturelles, politiques et sociales de toute sorte (voir, en ce sens, Cour EDH, 24 mai 1988, Müller e.a. c. Suisse, CE:ECHR:1988:0524JUD001073784, § 27 ; Cour EDH, 8 juillet 1999, Karataş c. Turquie, CE:ECHR:1999:0708JUD002316894, § 49).

35

Dans ce contexte, il y a lieu de relever que la technique de l’« échantillonnage »(sampling), qui consiste, pour un utilisateur, à prélever, le plus souvent à l’aide d’équipements électroniques, un échantillon d’un phonogramme, et à l’utiliser aux fins de la création d’une nouvelle œuvre, constitue une forme d’expression artistique qui relève de la liberté des arts, protégée par l’article 13 de la Charte.

36

Dans l’exercice de cette liberté, l’utilisateur d’un échantillon sonore (sample), lors de la création d’une nouvelle œuvre, peut être amené à modifier l’échantillon prélevé sur le phonogramme à un point tel que cet échantillon n’est pas reconnaissable à l’écoute dans une telle œuvre.

37

Or, considérer qu’un échantillon, prélevé sur un phonogramme, et utilisé dans une nouvelle œuvre sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute aux fins d’une création artistique propre, constitue une « reproduction » de ce phonogramme, au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2001/29, non seulement serait contraire au sens habituel de ce terme dans le langage courant, au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 du présent arrêt, mais méconnaîtrait également l’exigence de juste équilibre rappelée au point 32 du même arrêt.

38

En particulier, une telle interprétation permettrait au producteur de phonogrammes de s’opposer dans un tel cas au prélèvement par un tiers, à des fins de création artistique, d’un échantillon sonore, même très bref, de son phonogramme, alors même qu’un tel prélèvement ne porterait pas atteinte à la possibilité qu’a ledit producteur d’obtenir un rendement satisfaisant de son investissement.

39

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y lieu de répondre aux première et sixième questions que l’article 2, sous c), de la directive 2001/29 doit, à la lumière de la Charte, être interprété en ce sens que le droit exclusif conféré par cette disposition au producteur de phonogrammes d’autoriser ou d’interdire la reproduction de son phonogramme lui permet de s’opposer à l’utilisation par un tiers d’un échantillon sonore, même très bref, de son phonogramme aux fins de l’inclusion de cet échantillon dans un autre phonogramme, à moins que cet échantillon n’y soit inclus sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute.

Sur la deuxième question

40

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115 doit être interprété en ce sens qu’un phonogramme qui comporte des échantillons musicaux transférés depuis un autre phonogramme constitue une « copie », au sens de cette disposition, de ce phonogramme.

41

Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115, les États membres prévoient, pour les producteurs de phonogrammes, un droit exclusif de mise à disposition du public de leurs phonogrammes, y compris de copies, par la vente ou autrement.

42

Ni l’article 9 de la directive 2006/115 ni aucune autre disposition de cette directive ne définissent la notion de « copie », au sens dudit article.

43

Cette notion doit dès lors être interprétée en tenant compte du contexte de la disposition concernée et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause.

44

Il y a lieu de rappeler que le droit exclusif de distribution du producteur de phonogrammes prévu à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115 a pour objectif d’offrir audit producteur, par une protection juridique appropriée de ses droits de propriété intellectuelle, la possibilité d’amortir les investissements consentis par celui-ci pour la production de phonogrammes, ceux-ci pouvant s’avérer extrêmement élevés et aléatoires, ainsi que l’énoncent les considérants 2 et 5 de la directive 2006/115.

45

À cet égard, il ressort de ce considérant 2 que la protection conférée au producteur de phonogrammes par cette directive vise en particulier à lutter contre la piraterie, à savoir, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions, la production et la distribution au public d’exemplaires contrefaits de phonogrammes. La distribution de tels exemplaires constitue en effet une menace particulièrement grave pour les intérêts du producteur de tels phonogrammes, en ce qu’elle est susceptible de conduire à une diminution significative des revenus que ce dernier tire de la mise à disposition de ceux-ci.

46

Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 46 de ses conclusions, seul un support qui reprend la totalité ou une partie substantielle des sons fixés dans un phonogramme, de par ses caractéristiques, a vocation à se substituer aux exemplaires licites de celui-ci et, partant, est susceptible de constituer une copie de ce phonogramme, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/115.

47

Tel n’est, en revanche, pas le cas d’un support qui, sans reprendre la totalité ou une partie substantielle des sons fixés dans un phonogramme, se limite à incorporer des échantillons musicaux, le cas échéant sous forme modifiée, transférés depuis ce phonogramme en vue de créer une œuvre nouvelle et indépendante de ce dernier.

48

Une telle interprétation de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115, à la lumière de son objectif, est confortée par le contexte dans lequel s’insère la réglementation dont cette disposition fait partie.

49

À cet égard, ainsi que l’énonce le considérant 7 de la directive 2006/115, cette directive vise à rapprocher les législations des États membres dans le respect des conventions internationales sur lesquelles sont fondées les législations relatives au droit d’auteur et aux droits voisins de nombreux États membres.

50

Parmi ces conventions figure la convention de Genève, qui, selon son préambule, a notamment pour objectif de répondre à l’expansion croissante de la reproduction non autorisée des phonogrammes et au tort qui en résulte pour les intérêts des producteurs.

51

Cette convention comporte, à son article 2, une disposition analogue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115, qui prévoit spécifiquement que les producteurs de phonogrammes sont protégés contre la production et la distribution au public de « copies » faites sans leur consentement de leurs phonogrammes.

52

Or, selon l’article 1er, sous c), de ladite convention, constitue une telle « copie » un support contenant des sons repris directement ou indirectement d’un phonogramme et qui incorpore « la totalité ou une partie substantielle » des sons fixés dans ce phonogramme.

53

Certes, les dispositions de la convention de Genève ne font pas partie de l’ordre juridique de l’Union, dès lors, d’une part, que l’Union n’est pas partie contractante à cette convention et, d’autre part, que cette dernière ne saurait être considérée comme s’étant substituée aux États membres dans le domaine d’application de celle-ci, ne serait-ce qu’en raison du fait que ceux-ci ne sont pas tous parties à ladite convention (voir, par analogie, arrêt du 15 mars 2012, SCF, C-135/10, EU:C:2012:140, point 41). Il n’en demeure pas moins, toutefois, qu’elle constitue l’une des conventions internationales visées au point 49 du présent arrêt et qu’il convient dès lors, dans la mesure du possible, d’interpréter les dispositions de la directive 2006/115 à la lumière de cette convention (voir, en ce sens, arrêts du 7 décembre 2006, SGAE, C-306/05, EU:C:2006:764, point 35 ; du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C-403/08 et C-429/08, EU:C:2011:631, point 189, ainsi que du 19 décembre 2018, Syed, C-572/17, EU:C:2018:1033, point 20).

54

Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer, à l’instar de M. l’avocat général aux points 46 et 47 de ses conclusions, que la notion de « copie », au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115, doit être interprétée de manière cohérente avec cette même notion, telle qu’elle figure à l’article 1er, sous c), et à l’article 2 de la convention de Genève.

55

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115 doit être interprété en ce sens qu’un phonogramme qui comporte des échantillons musicaux transférés depuis un autre phonogramme ne constitue pas une « copie », au sens de cette disposition, de ce phonogramme, dès lors qu’elle ne reprend pas la totalité ou une partie substantielle de ce même phonogramme.

Sur la troisième question

56

La juridiction de renvoi relève que, aux termes de l’article 24, paragraphe 1, de l’UrhG, applicable par analogie au droit du producteur de phonogrammes, une œuvre indépendante qui a été créée en utilisant l’œuvre d’autrui peut être utilisée et exploitée sans l’autorisation de l’auteur de l’œuvre utilisée. Elle précise qu’un tel « droit à la libre utilisation » ne constitue pas, en tant que tel, une dérogation au droit d’auteur mais désigne plutôt une limitation inhérente du domaine de protection de celui-ci, fondée sur l’idée selon laquelle la création culturelle n’est pas envisageable sans un appui sur des prestations antérieures d’autres auteurs.

57

Dans ces conditions, et dès lors qu’il ressort de la réponse à la deuxième question qu’une reproduction telle que celle en cause au principal ne relève pas de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115, il y a lieu de considérer que, par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un État membre peut prévoir, dans son droit national, une exception ou une limitation au droit du producteur de phonogrammes prévu à l’article 2, sous c), de la directive 2001/29, autre que celles prévues à l’article 5 de cette directive.

58

Ainsi qu’il ressort tant de l’exposé des motifs de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, du 10 décembre 1997 [COM(97) 628 final], que du considérant 32 de la directive 2001/29, la liste des exceptions et des limitations que comporte l’article 5 de cette directive revêt un caractère exhaustif, ce que la Cour a également souligné à plusieurs reprises (arrêts du 16 novembre 2016, Soulier et Doke, C-301/15, EU:C:2016:878, point 34, et du 7 août 2018, Renckhoff, C-161/17, EU:C:2018:634, point 16).

59

À cet égard, il a été rappelé, au point 32 du présent arrêt, que l’harmonisation effectuée par ladite directive vise à maintenir, et ce notamment dans l’environnement électronique, un juste équilibre entre, d’une part, l’intérêt des titulaires des droits d’auteur et des droits voisins à la protection de leur droit de propriété intellectuelle et, d’autre part, la protection des intérêts et des droits fondamentaux des utilisateurs d’objets protégés ainsi que de l’intérêt général.

60

Or, les mécanismes permettant de trouver un juste équilibre entre ces différents droits et intérêts sont inscrits dans la directive 2001/29 elle-même, en ce qu’elle prévoit notamment, d’une part, à ses articles 2 à 4, les droits exclusifs des titulaires de droits et, d’autre part, à son article 5, les exceptions et limitations à ces droits qui peuvent, voire doivent, être transposées par les États membres, ces mécanismes devant néanmoins être concrétisés par des mesures nationales de transposition de cette directive ainsi que par l’application de celle-ci par les autorités nationales (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae, C-275/06, EU:C:2008:54, point 66 et jurisprudence citée).

61

La Cour a itérativement jugé que les droits fondamentaux désormais consacrés par la Charte, dont la Cour assure le respect, s’inspirent des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil, C-540/03, EU:C:2006:429, point 35 et jurisprudence citée).

62

Contribue également au juste équilibre, rappelé au point 32 du présent arrêt, l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2001/29, qui exige que les exceptions et limitations prévues aux paragraphes 1 à 4 de l’article 5 de cette directive ne soient applicables que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou d’un autre objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit.

63

Dans ce contexte, permettre, nonobstant la volonté expresse du législateur de l’Union, rappelée au point 58 du présent arrêt, à chaque État membre d’introduire des dérogations aux droits exclusifs de l’auteur, visés aux articles 2 à 4 de la directive 2001/29, en dehors des exceptions et des limitations prévues de manière exhaustive à l’article 5 de cette directive menacerait l’effectivité de l’harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins réalisée par ladite directive ainsi que l’objectif de sécurité juridique poursuivi par celle-ci (arrêt du 13 février 2014, Svensson e.a., C-466/12, EU:C:2014:76, points 34 et 35). En effet, il ressort expressément du considérant 31 de cette même directive que les disparités qui existaient au niveau des exceptions et des limitations à certains actes soumis à restrictions avaient une incidence négative directe sur le fonctionnement du marché intérieur dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins, la liste des exceptions et des limitations contenue à l’article 5 de la directive 2001/29 visant ainsi à assurer ce bon fonctionnement.

64

En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 32 de la même directive, les États membres sont tenus d’appliquer ces exceptions et limitations de manière cohérente. Or, l’exigence de cohérence dans la mise en œuvre de ces exceptions et limitations ne pourrait être assurée si les États membres étaient libres de prévoir de telles exceptions et limitations en dehors de celles expressément prévues par la directive 2001/29 (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium, C-572/13, EU:C:2015:750, points 38 et 39), la Cour ayant, du reste, déjà souligné qu’aucune disposition de la directive 2001/29 n’envisage la possibilité pour les États membres d’élargir la portée desdites exceptions ou limitations (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, ACI Adam e.a., C-435/12, EU:C:2014:254, point 27).

65

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question qu’un État membre ne peut prévoir, dans son droit national, une exception ou une limitation au droit du producteur de phonogrammes prévu à l’article 2, sous c), de la directive 2001/29, autre que celles prévues à l’article 5 de cette directive.

Sur la quatrième question

66

Par sa quatrième question, qui concerne l’hypothèse dans laquelle une atteinte au droit exclusif de reproduction du producteur de phonogrammes prévu à l’article 2, sous c), de la directive 2001/29 serait constatée, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 3, sous d), de cette directive doit être interprété en ce sens que la notion de « citations », visée à cette disposition, couvre une situation dans laquelle il n’est pas possible d’identifier l’œuvre concernée par la citation en cause.

67

Aux termes de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29, les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou des limitations aux droits exclusifs de reproduction et de communication au public visés aux articles 2 et 3 de cette directive, lorsqu’il s’agit de citations faites, par exemple, à des fins de critique ou de revue, pour autant qu’elles concernent une œuvre ou un autre objet protégé ayant déjà été licitement mis à la disposition du public, que, à moins que cela ne s’avère impossible, la source, y compris le nom de l’auteur, soit indiquée et qu’elles soient faites conformément aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but poursuivi.

68

D’emblée, il y a lieu de considérer, à l’instar de M. l’avocat général aux points 62 et 63 de ses conclusions, que, eu égard au libellé de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29, qui se réfère à « une œuvre ou un autre objet protégé », l’exception ou la limitation prévue à cette disposition est susceptible de s’appliquer à l’utilisation d’une œuvre musicale protégée, pour autant que les conditions prévues à cette disposition sont réunies.

69

En particulier, l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29 requiert, pour son application, ainsi qu’il a été rappelé au point 67 du présent arrêt, que l’utilisation en cause soit effectuée « conformément aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but poursuivi », de sorte que l’utilisation en cause à des fins de citation ne doit pas dépasser les limites de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par la citation en cause.

70

En l’absence de toute définition, dans la directive 2001/29, du terme « citation », la détermination de la signification et de la portée de ce terme doit être établie, selon une jurisprudence constante de la Cour rappelée au point 28 du présent arrêt, conformément au sens habituel de celui-ci dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel il est utilisé et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie.

71

S’agissant du sens habituel du terme « citation » dans le langage courant, il y a lieu de relever que la citation a pour caractéristiques essentielles l’utilisation, par un utilisateur qui n’en est pas l’auteur, d’une œuvre ou, plus généralement, d’un extrait d’une œuvre aux fins d’illustrer un propos, de défendre une opinion ou encore de permettre une confrontation intellectuelle entre cette œuvre et les propos dudit utilisateur, l’utilisateur d’une œuvre protégée qui entend se prévaloir de l’exception de citation devant dès lors avoir pour objectif d’interagir avec ladite œuvre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 64 de ses conclusions.

72

En particulier, lorsque le créateur d’une nouvelle œuvre musicale utilise un échantillon sonore (sample) prélevé sur un phonogramme et reconnaissable à l’écoute de cette nouvelle œuvre, l’utilisation de cet échantillon sonore peut, en fonction des circonstances de l’espèce, constituer une « citation », au titre de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29, lu à la lumière de l’article 13 de la Charte, pour autant que ladite utilisation a pour objectif d’interagir avec l’œuvre sur laquelle l’échantillon a été prélevé, au sens évoqué au point 71 du présent arrêt, et que les conditions prévues audit article 5, paragraphe 3, sous d), sont réunies.

73

Cela étant, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 65 de ses conclusions, il ne saurait y avoir une telle interaction lorsqu’il n’est pas possible d’identifier l’œuvre concernée par la citation en cause.

74

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que la notion de « citations », visée à cette disposition, ne couvre pas une situation dans laquelle il n’est pas possible d’identifier l’œuvre concernée par la citation en cause.

Sur la cinquième question

75

À titre liminaire, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort du point 24 du présent arrêt, que la cinquième question s’inscrit en particulier dans le cadre de l’application par le juge de renvoi, aux fins du règlement du litige au principal, de l’article 2, sous c), et de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29, ainsi que de l’article 9, paragraphe 1, sous b), et de l’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/115.

76

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si ces dispositions du droit de l’Union laissent aux États membres une marge d’appréciation pour leur transposition, dès lors que, selon la jurisprudence du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale), les dispositions du droit national qui transposent une directive de l’Union doivent être appréciées, en principe, non pas à l’aune des droits fondamentaux garantis par la Loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne, mais uniquement à l’aune des droits fondamentaux garantis par le droit de l’Union, lorsque cette directive ne laisse aux États membres aucune marge d’appréciation pour sa transposition.

77

Au regard de la réponse apportée aux deuxième et quatrième questions, il y a lieu de considérer que, par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous c), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il constitue une mesure d’harmonisation complète.

78

À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, qui est une caractéristique essentielle de l’ordre juridique de l’Union, le fait pour un État membre d’invoquer des dispositions de droit national, fussent-elles d’ordre constitutionnel, ne saurait affecter l’effet du droit de l’Union sur le territoire de cet État (arrêt du 26 février 2013, Melloni, C-399/11, EU:C:2013:107, point 59).

79

Il y a lieu de relever sur ce point que, dès lors que la transposition d’une directive par les États membres relève en tout état de cause de la situation, visée à l’article 51 de la Charte, dans laquelle les États membres mettent en œuvre le droit de l’Union, le niveau de protection des droits fondamentaux prévu par la Charte doit être atteint lors d’une telle transposition, indépendamment de la marge d’appréciation dont disposent les États membres lors de cette transposition.

80

Cela étant, lorsque, dans une situation dans laquelle l’action des États membres n’est pas entièrement déterminée par le droit de l’Union, une disposition ou une mesure nationale met en œuvre ce droit au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, il reste loisible aux autorités et aux juridictions nationales d’appliquer des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, pourvu que cette application ne compromette pas le niveau de protection prévu par la Charte, telle qu’interprétée par la Cour, ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union (arrêts du 26 février 2013, Melloni, C-399/11, EU:C:2013:107, point 60, et du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C-617/10, EU:C:2013:105, point 29).

81

Ainsi, il est conforme au droit de l’Union que les juridictions et les autorités nationales fassent dépendre cette application de la circonstance, mise en avant par la juridiction de renvoi, que les dispositions d’une directive « laissent des marges d’appréciation pour leur transposition en droit national », pour autant que cette circonstance est comprise comme visant le degré d’harmonisation opéré par lesdites dispositions, une telle application n’étant envisageable que dans la mesure où ces dispositions n’opèrent pas une harmonisation complète.

82

En l’occurrence, il convient de relever que la directive 2001/29 a pour finalité d’harmoniser seulement certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins, plusieurs de ses dispositions révélant en outre l’intention du législateur de l’Union d’accorder une marge d’appréciation aux États membres lors de sa mise en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C-463/12, EU:C:2015:144, point 57).

83

S’agissant du droit exclusif des titulaires, visé à l’article 2, sous c), de la directive 2001/29, il a été rappelé, au point 27 du présent arrêt, que, selon cette disposition, les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la « reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie », pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes.

84

Ainsi, ladite disposition définit, d’une manière non équivoque, le droit exclusif de reproduction dont jouissent les producteurs de phonogrammes dans l’Union. Cette disposition n’est par ailleurs assortie d’aucune condition ni subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention de quelque acte que ce soit.

85

Il s’ensuit que l’article 2, sous c), de la directive 2001/29 constitue une mesure d’harmonisation complète du contenu matériel du droit qui y est visé (voir, par analogie, s’agissant du droit exclusif du titulaire d’une marque de l’Union européenne, arrêts du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss, C-414/99 à C-416/99, EU:C:2001:617, point 39, ainsi que du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01, EU:C:2002:651, point 43).

86

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la cinquième question que l’article 2, sous c), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il constitue une mesure d’harmonisation complète du contenu matériel du droit qui y est visé.

Sur les dépens

87

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1)

L’article 2, sous c), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit, à la lumière de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, être interprété en ce sens que le droit exclusif conféré par cette disposition au producteur de phonogrammes d’autoriser ou d’interdire la reproduction de son phonogramme lui permet de s’opposer à l’utilisation par un tiers d’un échantillon sonore, même très bref, de son phonogramme aux fins de l’inclusion de cet échantillon dans un autre phonogramme, à moins que cet échantillon n’y soit inclus sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute.

2)

L’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu’un phonogramme qui comporte des échantillons musicaux transférés depuis un autre phonogramme ne constitue pas une « copie », au sens de cette disposition, de ce phonogramme, dès lors qu’elle ne reprend pas la totalité ou une partie substantielle de ce même phonogramme.

3)

Un État membre ne peut prévoir, dans son droit national, une exception ou une limitation au droit du producteur de phonogrammes prévu à l’article 2, sous c), de la directive 2001/29, autre que celles prévues à l’article 5 de cette directive.

4)

L’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que la notion de « citations », visée à cette disposition, ne couvre pas une situation dans laquelle il n’est pas possible d’identifier l’œuvre concernée par la citation en cause.

5)

L’article 2, sous c), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il constitue une mesure d’harmonisation complète du contenu matériel du droit qui y est visé.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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CJUE, n° C-476/17, Arrêt de la Cour, Pelham GmbH e.a. contre Ralf Hütter et Florian Schneider-Esleben, 29 juillet 2019