CJUE, n° C-497/17, Arrêt de la Cour, Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) contre Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation e.a, 26 février 2019

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 26 févr. 2019, C-497/17
Numéro(s) : C-497/17
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 26 février 2019.#Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) contre Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation e.a.#Demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour administrative d'appel de Versailles.#Renvoi préjudiciel – Article 13 TFUE – Bien-être des animaux – Règlement (CE) no 1099/2009 – Protection des animaux au moment de leur mise à mort – Méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux – Règlement (CE) no 834/2007 – Article 3 et article 14, paragraphe 1, sous b), viii) – Compatibilité avec la production biologique – Règlement (CE) no 889/2008 – Article 57, premier alinéa – Logo de production biologique de l’Union européenne.#Affaire C-497/17.
Date de dépôt : 10 juillet 2017
Précédents jurisprudentiels : 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a., C-426/16, EU:C:2018:335
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62017CJ0497
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2019:137
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

26 février 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 13 TFUE – Bien-être des animaux – Règlement (CE) no 1099/2009 – Protection des animaux au moment de leur mise à mort – Méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux – Règlement (CE) no 834/2007 – Article 3 et article 14, paragraphe 1, sous b), viii) – Compatibilité avec la production biologique – Règlement (CE) no 889/2008 – Article 57, premier alinéa – Logo de production biologique de l’Union européenne »

Dans l’affaire C-497/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour administrative d’appel de Versailles (France), par décision du 6 juillet 2017, parvenue à la Cour le 10 juillet 2017, dans la procédure

Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA)

contre

Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation,

Bionoor SARL,

Ecocert France SAS,

Institut national de l’origine et de la qualité (INAO),

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, MM. J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, présidents de chambre, MM. J. Malenovský, E. Levits, L. Bay Larsen, D. Šváby (rapporteur), C. Vajda et S. Rodin, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 juin 2018,

considérant les observations présentées :

pour l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), par Me A. Monod, avocat,

pour Bionoor SARL, par M. N. Gardères, avocat,

pour Ecocert France SAS, par M. D. de Laforcade, avocat,

pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et S. Horrenberger ainsi que par Mme E. de Moustier, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hellénique, par M. G. Kanellopoulos et Mme A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

pour le gouvernement norvégien, par Mme A. Dalheim Jacobsen ainsi que par MM. T. Bjerre Leming et D. Sørlie Lund, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. A. Bouquet et A. Lewis ainsi que par Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13 TFUE, du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) no 2092/91 (JO 2007, L 189, p. 1), du règlement (CE) no 889/2008 de la Commission, du 5 septembre 2008, portant modalités d’application du règlement no 834/2007 (JO 2008, L 250, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 271/2010, du 24 mars 2010 (JO 2010, L 84, p. 19) (ci-après le « règlement no 889/2008 »), ainsi que du règlement (CE) no 1099/2009 du Conseil, du 24 septembre 2009, sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort (JO 2009, L 303, p. 1).

2

Cette demande a été introduite dans le cadre d’un litige opposant l’association Œuvre d’Assistance aux bêtes d’Abattoirs (ci-après l’« association OABA ») au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation (ci-après le « ministre de l’Agriculture »), à Bionoor SARL, à Ecocert France SAS (ci–après « Ecocert ») et à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) au sujet d’une demande de l’association OABA visant à ce que soient interdites la publicité et la commercialisation de produits issus de viande bovine de la marque « Tendre France », certifiés « halal » et comportant la mention « agriculture biologique » (ci-après la « mention “AB” »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 834/2007

3

Les considérants 1 et 3 du règlement no 834/2007 énoncent :

« (1)

La production biologique est un système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l’application de normes élevées en matière de bien-être animal et une méthode de production respectant la préférence de certains consommateurs à l’égard de produits obtenus grâce à des substances et à des procédés naturels. Le mode de production biologique joue ainsi un double rôle sociétal : d’une part, il approvisionne un marché spécifique répondant à la demande de produits biologiques émanant des consommateurs et, d’autre part, il fournit des biens publics contribuant à la protection de l’environnement et du bien-être animal ainsi qu’au développement rural.

[…]

(3)

Le cadre juridique [de l’Union] applicable au secteur de la production biologique devrait avoir pour objectif de permettre une concurrence loyale et un bon fonctionnement du marché intérieur des produits biologiques, et de préserver et justifier la confiance des consommateurs dans les produits étiquetés en tant que produits biologiques. Il devrait en outre viser à créer des conditions permettant à ce secteur de se développer en fonction de l’évolution de la production et du marché. »

4

Intitulé « Objectif et champ d’application », l’article 1er de ce règlement dispose :

« 1. Le présent règlement contient les dispositions de base du développement durable de la production biologique et, parallèlement, assure le bon fonctionnement du marché intérieur, garantit une concurrence loyale, donne confiance aux consommateurs et protège leurs intérêts.

Il fixe les objectifs et les principes communs qui fondent les règles qu’il énonce concernant :

a)

tous les stades de la production, de la préparation et de la distribution des produits biologiques et les contrôles y afférents ;

b)

l’utilisation dans l’étiquetage et dans la publicité d’indications se référant à la production biologique.

[…]

3. Le présent règlement s’applique à tout opérateur exerçant une activité à un stade quelconque de la production, de la préparation ou de la distribution des produits visés au paragraphe 2.

[…]

4. Le présent règlement s’applique sans préjudice des autres dispositions [de droit de l’Union] ou dispositions nationales conformes à la législation [de l’Union] concernant les produits visés dans le présent article, telles que les dispositions régissant la production, la préparation, la commercialisation, l’étiquetage et le contrôle, y compris la législation en matière de denrées alimentaires et d’alimentation animale. »

5

L’article 2 dudit règlement, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)

“production biologique”, l’utilisation du mode de production conforme aux règles fixées dans le présent règlement à tous les stades de la production, de la préparation et de la distribution ;

b)

“stades de production, de préparation et de distribution”, tous les stades depuis la production primaire d’un produit biologique jusqu’à son stockage, sa transformation, son transport, sa vente et sa fourniture au consommateur final, et le cas échéant l’étiquetage, la publicité, l’importation, l’exportation et les activités de sous-traitance ;

[…]

i)

“préparation”, les opérations de conservation et/ou de transformation des produits biologiques (y compris l’abattage et la découpe pour les produits animaux), ainsi que l’emballage, l’étiquetage et/ou les modifications apportées à l’étiquetage concernant le mode de production biologique ;

[…] »

6

L’article 3 du même règlement expose les objectifs de la production biologique dans les termes suivants :

« La production biologique poursuit les objectifs généraux suivants :

a)

établir un système de gestion durable pour l’agriculture qui :

[…]

iv)

respecte des normes élevées en matière de bien-être animal et, en particulier, répond aux besoins comportementaux propres à chaque espèce animale ;

[…]

c)

viser à produire une grande variété de denrées alimentaires et autres produits agricoles qui répondent à la demande des consommateurs concernant des biens produits par l’utilisation de procédés qui ne nuisent pas à l’environnement, à la santé humaine, à la santé des végétaux ou à la santé et au bien-être des animaux. »

7

Intitulé « Principes spécifiques applicables en matière d’agriculture », l’article 5 du règlement no 834/2007 indique, à son point h), que l’agriculture biologique est fondée sur le principe spécifique consistant à « assurer un niveau élevé de bien-être animal en respectant les besoins propres à chaque espèce ».

8

Ayant pour objet les « [r]ègles applicables à la production animale », l’article 14 de ce règlement dispose, à son paragraphe 1 :

« Outre les règles générales applicables à la production agricole énoncées à l’article 11, les règles suivantes s’appliquent à la production animale :

[…]

b)

en ce qui concerne les pratiques d’élevage et les conditions de logement :

[…]

viii)

toute souffrance, y compris la mutilation, est réduite au minimum pendant toute la durée de vie de l’animal, y compris lors de l’abattage ;

[…] »

9

Consacré aux « Logos de production biologique », l’article 25 dudit règlement prévoit :

« 1. Le logo de production biologique [de l’Union européenne] peut être utilisé aux fins d’étiquetage, de présentation et de publicité concernant les produits conformes aux exigences énoncées dans le présent règlement.

Le logo [de production biologique de l’Union européenne] n’est pas utilisé pour les produits en conversion et pour les denrées alimentaires visées à l’article 23, paragraphe 4, points b) et c).

2. Des logos nationaux et privés peuvent être utilisés aux fins d’étiquetage, de présentation et de publicité concernant les produits conformes aux exigences énoncées dans le présent règlement.

3. Conformément à la procédure visée à l’article 37, paragraphe 2, la Commission fixe des critères spécifiques en ce qui concerne la présentation, la composition, la taille et l’aspect du logo [de production biologique de l’Union européenne]. »

Le règlement no 889/2008

10

Le considérant 10 du règlement no 889/2008 précise que l’une des priorités de l’agriculture biologique est de « garantir un niveau élevé de bien-être animal ».

11

Intitulé « Logo biologique de l’Union européenne », l’article 57 de ce règlement dispose :

« Conformément à l’article 25, paragraphe 3, du règlement [no 834/2007], le logo de production biologique de l’Union européenne (ci-après “logo biologique de l’Union européenne”) se présente selon le modèle figurant à l’annexe XI, partie A, du présent règlement.

Le logo biologique de l’Union européenne n’est utilisé que si le produit concerné est obtenu conformément aux exigences du règlement [no 2092/91] et de ses règlements d’application ou du règlement [no 834/2007], et aux exigences du présent règlement. »

Le règlement no 1099/2009

12

Les considérants 2, 4, 18, 20, 24 et 43 du règlement no 1099/2009 énoncent :

« (2)

La mise à mort des animaux peut provoquer chez eux de la douleur, de la détresse, de la peur ou d’autres formes de souffrance, même dans les meilleures conditions techniques existantes. Certaines opérations liées à la mise à mort peuvent être génératrices de stress, et toute technique d’étourdissement présente des inconvénients. Les exploitants ou toute personne associée à la mise à mort des animaux devraient prendre les mesures nécessaires pour éviter la douleur et atténuer autant que possible la détresse et la souffrance des animaux pendant l’abattage ou la mise à mort, en tenant compte des meilleures pratiques en la matière et des méthodes autorisées par le présent règlement. Dès lors, il y a lieu de considérer que la douleur, la détresse ou la souffrance sont évitables lorsque les exploitants ou toute personne associée à la mise à mort des animaux enfreignent une des prescriptions du présent règlement ou utilisent des méthodes autorisées sans toutefois recourir à la plus moderne d’entre elles, infligeant ainsi, par négligence ou intentionnellement, de la douleur ou de la souffrance aux animaux, ou provoquant leur détresse.

[…]

(4)

Le bien-être des animaux est une valeur [de l’Union] qui est consacrée dans le protocole (no 33) sur la protection et le bien-être des animaux annexé au traité [CE] […]. La protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort est une question d’intérêt public qui influe sur l’attitude des consommateurs à l’égard des produits agricoles. En outre, le renforcement de la protection des animaux au moment de leur abattage contribue à améliorer la qualité de la viande et, indirectement, génère des effets positifs sur la sécurité professionnelle dans les abattoirs.

[…]

(18)

La directive 93/119/CE [du Conseil, du 22 décembre 1993, sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort (JO 1993, L 340, p. 21)] prévoyait une dérogation à l’obligation d’étourdissement en cas d’abattage rituel se déroulant à l’abattoir. Étant donné que les dispositions [de droit de l’Union] applicables aux abattages rituels ont été transposées de manière différente selon les contextes nationaux et que les dispositions nationales prennent en considération des dimensions qui transcendent l’objectif du présent règlement, il importe de maintenir la dérogation à l’exigence d’étourdissement des animaux préalablement à l’abattage, en laissant toutefois un certain degré de subsidiarité à chaque État membre. En conséquence, le présent règlement respecte la liberté de religion et le droit de manifester sa religion ou ses convictions par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites, tel que le prévoit l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[…]

(20)

Beaucoup de méthodes de mise à mort sont douloureuses pour les animaux. L’étourdissement est donc nécessaire pour provoquer un état d’inconscience et une perte de sensibilité avant la mise à mort ou au moment de celle-ci. Mesurer la perte de conscience et de sensibilité d’un animal est une opération complexe pour laquelle il est nécessaire de suivre une méthode scientifiquement approuvée. Il conviendrait néanmoins de réaliser un suivi au moyen d’indicateurs afin d’évaluer l’efficacité de la procédure en conditions réelles.

[…]

(24)

En fonction de la façon dont elles sont utilisées pendant l’abattage ou la mise à mort, certaines méthodes d’étourdissement peuvent induire la mort de l’animal d’une manière qui évite la douleur et atténue autant que possible la détresse ou la souffrance pour l’animal. D’autres méthodes d’étourdissement pourraient ne pas induire la mort, et l’animal pourrait reprendre conscience ou retrouver sa sensibilité au cours de procédés douloureux ultérieurs. Ces méthodes devraient donc être complétées par d’autres techniques garantissant une mort certaine avant que l’animal ne reprenne conscience. Il est dès lors essentiel de préciser quelles sont les méthodes d’étourdissement qui devraient être complétées par une méthode de mise à mort.

[…]

(43)

L’abattage sans étourdissement nécessite une incision précise de la gorge à l’aide d’un couteau tranchant pour limiter autant que possible les souffrances de l’animal. En outre, les animaux qui ne sont pas mécaniquement immobilisés après l’incision sont susceptibles de ralentir le processus de saignée et ce faisant de prolonger inutilement leurs souffrances. Les bovins, ovins et caprins sont les espèces le plus fréquemment abattues selon cette procédure. Il s’ensuit que les ruminants abattus sans étourdissement préalable devraient être immobilisés de manière individuelle et par des moyens mécaniques. »

13

Aux termes de l’article 2 du règlement no 1099/2009, intitulé « Définitions » :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[…]

f)

“étourdissement”, tout procédé appliqué intentionnellement qui provoque une perte de conscience et de sensibilité sans douleur, y compris tout procédé entraînant une mort immédiate ;

g)

“rite religieux”, une série d’actes associés à l’abattage d’animaux et prescrits par une religion ;

[…] »

14

L’article 3 de ce règlement, intitulé « Prescriptions générales applicables à la mise à mort et aux opérations annexes », dispose, à son paragraphe 1 :

« Toute douleur, détresse ou souffrance évitable est épargnée aux animaux lors de la mise à mort et des opérations annexes. »

15

Consacré aux « [m]éthodes d’étourdissement », l’article 4 dudit règlement prévoit :

« 1. Les animaux sont mis à mort uniquement après étourdissement selon les méthodes et les prescriptions spécifiques relatives à leur application exposées à l’annexe I. L’animal est maintenu dans un état d’inconscience et d’insensibilité jusqu’à sa mort.

Les méthodes visées à l’annexe I qui n’entraînent pas la mort instantanée (ci-après dénommées “simple étourdissement”) sont suivies aussitôt que possible d’un procédé provoquant infailliblement la mort, comme la saignée, le jonchage, l’électrocution ou l’anoxie prolongée.

[…]

4. Pour les animaux faisant l’objet de méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux, les prescriptions visées au paragraphe 1 ne sont pas d’application pour autant que l’abattage ait lieu dans un abattoir. »

Le droit français

16

L’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime dispose, dans sa version applicable au litige au principal :

« Peuvent bénéficier de la mention “agriculture biologique” les produits agricoles, transformés ou non, qui satisfont aux exigences de la réglementation [de l’Union] relative à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques ou, le cas échéant, aux conditions définies par les cahiers des charges homologués par arrêté du ou des ministres intéressés sur proposition de l’[INAO] ».

Le litige au principal et la question préjudicielle

17

Le 24 septembre 2012, l’association OABA a adressé au ministre de l’Agriculture une demande tendant à ce qu’il soit mis fin à la publicité et à la commercialisation des steaks hachés de viande bovine de la marque « Tendre France », certifiés « halal » et comportant la mention « AB », visée à l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime et délivrée par Ecocert, organisme certificateur de droit privé opérant pour le compte et sous l’autorité de l’INAO. Le même jour, elle a demandé à ce dernier d’interdire l’usage de ladite mention lorsqu’il s’agit de viande bovine issue d’animaux abattus sans étourdissement préalable.

18

Ces demandes ayant été implicitement rejetées, l’association OABA a, par requête du 23 janvier 2013, formé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État (France).

19

Par un arrêt du 20 octobre 2014, le Conseil d’État a notamment jugé, d’une part, en ce qui concerne la demande de l’association OABA tendant à l’annulation du refus implicite du ministre de l’Agriculture et de l’INAO d’interdire l’usage de la mention « AB » pour les produits de viande bovine issue d’animaux abattus sans étourdissement, que le droit de l’Union a défini de manière exhaustive les règles relatives à la production agricole biologique de bovins, sans renvoyer à l’adoption de textes d’application par les États membres et sans que de tels textes soient rendus nécessaires pour sa pleine efficacité. Dès lors, le pouvoir réglementaire français ne serait pas compétent pour édicter des dispositions nationales réitérant, précisant ou complétant le droit de l’Union. Le Conseil d’État a, en conséquence, rejeté les conclusions de l’association OABA.

20

D’autre part, le Conseil d’État a considéré que la demande de cette association tendant à l’annulation du refus implicite d’Ecocert de prendre, en application du règlement no 834/2007, des mesures mettant fin à la publicité et à la commercialisation des produits de la marque « Tendre France » certifiés « halal » et comportant la mention « AB », ne pouvait pas lui être déférée en premier et dernier ressort. Par conséquent, il a attribué ce volet de l’affaire au tribunal administratif de Montreuil (France).

21

Par jugement du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

22

L’association OABA a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, la cour administrative d’appel de Versailles (France). À l’appui de ce recours, elle allègue que la mention « AB » ne saurait être apposée sur les produits issus d’animaux abattus sans étourdissement préalable, une telle méthode d’abattage ne répondant pas à l’exigence de « normes élevées en matière de bien-être animal », posée par les articles 3 et 5 du règlement no 834/2007.

23

Elle soutient également que, si l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1099/2009 admet qu’il soit dérogé au principe de l’étourdissement préalable à l’abattage dans le cadre de l’abattage rituel des animaux d’élevage, cette dérogation répondrait uniquement à des objectifs de police sanitaire et d’égal respect des croyances et traditions religieuses.

24

La certification accordée par Ecocert aux viandes certifiées « halal » issues d’animaux abattus sans étourdissement préalable méconnaîtrait, en outre, le principe de confiance des consommateurs à l’égard des produits biologiques.

25

Tant le ministre de l’Agriculture que Bionoor, Ecocert et l’INAO concluent au rejet du recours introduit par l’association OABA.

26

Tout d’abord, le ministre de l’Agriculture soutient que ni le règlement no 834/2007 ni le règlement no 889/2008 ne s’opposent explicitement à ce qu’il soit dérogé, conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1099/2009, à la règle de l’étourdissement préalable dans le cadre particulier de l’abattage rituel.

27

Ensuite, Bionoor argue qu’il n’existe aucune incompatibilité, au regard tant du droit de l’Union que du droit interne, entre la certification « halal » et la mention « AB », dès lors que l’exigence d’un abattage avec étourdissement préalable reviendrait à ajouter une condition que le droit positif ne prévoit pas expressément.

28

En outre, bien que le droit de l’Union pose le principe de l’abattage avec étourdissement préalable, il pourrait y être dérogé au nom du libre exercice des cultes.

29

Enfin, Ecocert, aux conclusions de laquelle s’associe l’INAO, considère qu’il ne résulte pas des objectifs du règlement no 834/2007, y compris de l’objectif visant à atteindre des « normes élevées en matière de bien-être animal », une incompatibilité de principe entre la production biologique et l’abattage rituel destiné à garantir la liberté d’exercice du culte.

30

Le principe de confiance du consommateur ne serait, par ailleurs, pas méconnu, dès lors que l’usage de la mention « AB » aurait été autorisé à bon droit.

31

La juridiction de renvoi observe qu’aucune disposition des règlements nos 834/2007, 889/2008 et 1099/2009 ne définit expressément le ou les modes d’abattage des animaux aptes à répondre aux objectifs de bien-être animal et de réduction de la souffrance animale, assignés à la production biologique.

32

Dans ces conditions, la réponse au moyen tiré de ce que l’usage de la mention « AB » ne saurait bénéficier à des viandes issues d’animaux ayant fait l’objet d’un abattage rituel sans étourdissement préalable, qui est déterminante pour l’issue du litige au principal, présenterait une difficulté sérieuse d’interprétation du droit de l’Union.

33

C’est dans ce contexte que la cour administrative d’appel de Versailles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les règles applicables du droit de l’Union […] résultant notamment :

de l’article 13 [TFUE] ;

du règlement [no 834/2007], dont les modalités d’application sont fixées par le règlement [no 889/2008] ;

et du règlement [no 1099/2009]

doivent-elles être interprétées comme autorisant ou interdisant la délivrance du label européen “[AB]” à des produits issus d’animaux ayant fait l’objet d’un abattage rituel sans étourdissement préalable, conduit dans les conditions fixées par le règlement [no 1099/2009] ? »

Sur la question préjudicielle

34

À titre liminaire, il y a lieu de relever que, en se référant respectivement à un label européen « AB » et à une mention « AB », la juridiction de renvoi et les parties au principal entendent viser, en réalité, le logo biologique de l’Union européenne au sens de l’article 25 du règlement no 834/2007 et de l’article 57 du règlement no 889/2008.

35

Dans ces conditions, il convient de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 834/2007, notamment son article 3 et son article 14, paragraphe 1, sous b), viii), lu à la lumière de l’article 13 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il autorise l’apposition du logo biologique de l’Union européenne sur des produits issus d’animaux ayant fait l’objet d’un abattage rituel sans étourdissement préalable, conduit dans les conditions fixées par le règlement no 1099/2009, notamment par son article 4, paragraphe 4.

36

À cet égard, il y a lieu de relever que le considérant 1 du règlement no 834/2007 énonce que la production biologique, qui constitue un système global de gestion agricole et de production alimentaire, se caractérise par « l’application de normes élevées en matière de bien-être animal », tandis que le considérant 10 du règlement no 889/2008 reconnaît le bien-être animal comme « l’une des priorités de l’agriculture biologique ». L’article 3, sous a), iv), et sous c), du règlement no 834/2007 dispose également que la production biologique vise, notamment, à « établir un système de gestion durable pour l’agriculture qui […] respecte des normes élevées en matière de bien-être animal » et à « produire une grande variété de denrées alimentaires et autres produits agricoles qui répondent à la demande des consommateurs concernant des biens produits par l’utilisation de procédés qui ne nuisent pas […] au bien-être des animaux ». L’article 5, sous h), de ce règlement prévoit encore que l’agriculture biologique entend « assurer un niveau élevé de bien-être animal en respectant les besoins propres à chaque espèce ».

37

L’obligation de réduire au minimum la souffrance de l’animal, qui est consacrée à l’article 14, paragraphe 1, sous b), viii), du règlement no 834/2007, contribue à concrétiser cet objectif consistant à assurer un niveau élevé de bien-être animal.

38

En soulignant à plusieurs reprises sa volonté d’assurer un niveau élevé de bien-être animal dans le cadre de l’agriculture biologique, le législateur de l’Union a entendu mettre en exergue que ce mode de production agricole se caractérise par l’observation de normes renforcées en matière de bien-être animal dans tous les lieux et à tous les stades de cette production où il est possible d’améliorer encore davantage ce bien-être.

39

Conformément notamment à son article 1er, paragraphe 3, le règlement no 834/2007 s’applique à tout opérateur exerçant une activité à un stade quelconque de la production, de la préparation ou de la distribution des produits agricoles visés au paragraphe 2 de cette disposition. Or, aux termes de l’article 2, sous i), dudit règlement, la « préparation » inclut notamment l’abattage des animaux.

40

Ce règlement se borne, à cet égard, à affirmer, à son article 14, paragraphe 1, sous b), viii), que « toute souffrance, y compris la mutilation, est réduite au minimum pendant toute la durée de vie de l’animal, y compris lors de l’abattage ».

41

Certes, aucune disposition du règlement no 834/2007 ou du règlement no 889/2008 ne définit expressément le ou les modes d’abattage des animaux aptes à réduire au minimum la souffrance animale et, partant, à concrétiser l’objectif consistant à garantir un niveau élevé de bien-être animal.

42

Toutefois, le règlement no 834/2007 ne saurait être lu indépendamment du règlement no 1099/2009.

43

En effet, d’une part, ce dernier règlement régit spécifiquement l’abattage des animaux.

44

D’autre part, la protection du bien-être animal constitue l’objectif principal poursuivi par le règlement no 1099/2009, ainsi qu’il ressort de l’intitulé même de ce règlement et de son considérant 2, et ce, conformément à l’article 13 TFUE, en vertu duquel l’Union et les États membres doivent tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre la politique de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a., C-426/16, EU:C:2018:335, points 63 et 64).

45

À cet égard, le règlement no 1099/2009 contribue, ainsi que l’énoncent respectivement ses considérants 4 et 24, au « renforcement de la protection des animaux au moment de leur abattage » et à favoriser « certaines méthodes d’étourdissement [qui] peuvent induire la mort de l’animal d’une manière qui évite la douleur et atténue autant que possible la détresse ou la souffrance pour l’animal ».

46

En outre, aux termes de l’article 3 du règlement no 1099/2009, « [t]oute douleur, détresse ou souffrance évitable est épargnée aux animaux lors de la mise à mort ». Cette prescription générale applicable à la mise à mort des animaux est, en particulier, concrétisée à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, qui prévoit, d’une part, que « [l]es animaux sont mis à mort uniquement après étourdissement » et, d’autre part, que « [l]’animal est maintenu dans un état d’inconscience et d’insensibilité jusqu’à sa mort ».

47

L’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1099/2009, lu en combinaison avec le considérant 20 de ce règlement, pose ainsi le principe de l’étourdissement de l’animal préalablement à sa mise à mort et l’érige même en une obligation. En effet, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions, des études scientifiques ont établi que l’étourdissement constitue la technique qui porte le moins atteinte au bien-être animal au moment de l’abattage.

48

S’il est vrai que l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1099/2009, lu à la lumière du considérant 18 de ce règlement, admet la pratique de l’abattage rituel, dans le cadre duquel l’animal peut être mis à mort sans étourdissement préalable, cette forme d’abattage, qui n’est autorisée qu’à titre dérogatoire dans l’Union et uniquement afin d’assurer le respect de la liberté de religion (voir, en ce sens, arrêt du 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a., C-426/16, EU:C:2018:335, points 55 à 57), n’est pas de nature à atténuer toute douleur, détresse ou souffrance de l’animal aussi efficacement qu’un abattage précédé d’un étourdissement, lequel, conformément à l’article 2, sous f), de ce règlement, lu à la lumière du considérant 20 de celui-ci, est nécessaire pour provoquer chez l’animal un état d’inconscience et de perte de sensibilité de nature à réduire considérablement ses souffrances.

49

À cet égard, il y a lieu d’observer que, si le règlement no 1099/2009 précise, à son considérant 43, que l’abattage sans étourdissement préalable nécessite une incision précise de la gorge à l’aide d’un couteau tranchant pour limiter « autant que possible » les souffrances de l’animal, l’emploi d’une telle technique ne permet pas de réduire « au minimum » les souffrances de l’animal au sens de l’article 14, paragraphe 1, sous b), viii), du règlement no 834/2007.

50

Dès lors, contrairement à ce que font valoir tant le gouvernement français que les défenderesses au principal dans leurs observations écrites, les méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux, qui sont réalisées sans étourdissement préalable et qu’admet l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1099/2009, n’équivalent pas, en termes de garantie d’un niveau élevé de bien-être de l’animal au moment de sa mise à mort, à la méthode d’abattage avec étourdissement préalable, en principe imposée par l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement.

51

Il convient encore de relever que le considérant 3 du règlement no 834/2007 énonce l’objectif de « préserver et justifier la confiance des consommateurs dans les produits étiquetés en tant que produits biologiques ». À cet égard, il est important de veiller à ce que les consommateurs aient l’assurance que les produits porteurs du logo biologique de l’Union européenne ont effectivement été obtenus dans le respect des normes les plus élevées, notamment en matière de bien-être animal.

52

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que le règlement no 834/2007, notamment son article 3 et son article 14, paragraphe 1, sous b), viii), lu à la lumière de l’article 13 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas l’apposition du logo biologique de l’Union européenne sur des produits issus d’animaux ayant fait l’objet d’un abattage rituel sans étourdissement préalable, conduit dans les conditions fixées par le règlement no 1099/2009, notamment par son article 4, paragraphe 4.

Sur les dépens

53

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle–ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

Le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) no 2092/91, notamment son article 3 et son article 14, paragraphe 1, sous b), viii), lu à la lumière de l’article 13 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas l’apposition du logo de production biologique de l’Union européenne, visé à l’article 57, premier alinéa, du règlement (CE) no 889/2008 de la Commission, du 5 septembre 2008, portant modalités d’application du règlement no 834/2007, tel que modifié par le règlement (UE) no 271/2010, du 24 mars 2010, sur des produits issus d’animaux ayant fait l’objet d’un abattage rituel sans étourdissement préalable, conduit dans les conditions fixées par le règlement (CE) no 1099/2009 du Conseil, du 24 septembre 2009, sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, notamment par son article 4, paragraphe 4.

Lenaerts

Silva de Lapuerta

Bonichot

Arabadjiev

Biltgen

Jürimäe

Lycourgos

Malenovský

Levits

Bay Larsen

Šváby

Vajda

Rodin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2019.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président

K. Lenaerts


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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CJUE, n° C-497/17, Arrêt de la Cour, Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) contre Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation e.a, 26 février 2019