Tribunal de grande instance de Paris, 2e chambre 2e section, 22 décembre 2017, n° 16/09269

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 2e ch. 2e sect., 22 déc. 2017, n° 16/09269
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 16/09269

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

2e chambre

2e section

N° RG : 16/09269

N° MINUTE :

Assignation du :

04 Mai 2016

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

rendue le 22 décembre 2017

DEMANDERESSE

L’INSTITUT EUROPEEN DE COOPERATION ET DE DEVELOPPEMENT

[…]

[…]

représentée par Me Benoît SEVILLIA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0006

DÉFENDERESSES

Madame F G épouse X

[…]

[…]

Madame M-N X épouse Y

[…]

[…]

Madame H X veuve Z

[…]

[…]

représentées par Me Béatrice BUSQUERE-BEAURY de l’AARPI 2BA Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0308

MAGISTRAT DE LA MISE EN ÉTAT

Madame I J, Juge

assistée de R S-T, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 08 novembre 2017, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 22 décembre 2017.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

K G, veuve d’O P-Q est décédée le […] alors qu’elle résidait à Paris.

Après avoir été placée sous sauvegarde de justice par ordonnance du juge des tutelles de Paris en date du 4 février 2014, K G a été placée sous mesure de tutelle par jugement en date du 23 juin 2014 et Mmes M-N et H X ont été nommées co-tutrices.

Selon l’acte de notoriété établi le 10 mars 2016, la défunte a laissé pour lui succéder Mme F G épouse X, sa sœur, instituée légataire universel par testament authentique en date du 28 juillet 2015, réalisé après autorisation du juge des tutelles octroyée par ordonnance en date du 10 juillet 2015.

Par exploit d’huissier délivré le 4 mai 2016, l’Institut européen de coopération et de développement (ci-après l’IECD) a fait assigner Mmes F G épouse X, M-N X épouse Y et H X veuve Z (ci-après les consorts X) principalement aux fins d’annulation du testament authentique en date du 28 juillet 2015.

Vu les conclusions d’incident de l’IECD notifiées par voie électronique le 3 novembre 2017 aux termes desquelles, au visa des articles 143, 771, 773 et 901 du code de procédure civile, il demande au juge de la mise en état de :

— rejeter l’exception de nullité soulevée par les consorts X,

— rejeter les fins de non-recevoir soulevées par les consorts X,

— débouter les consorts X de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

— dire et juger l’IECD recevable à agir en nullité du testament authentique du 28 juillet 2015,

— désigner tel expert psychologue, psychiatre, et/ou le cas échéant neurologue qu’il vous plaira avec pour mission de :

> convoquer les parties et se faire remettre tout document utile à l’accomplissement de sa mission,

> se faire remettre l’entier dossier médical de K G,

> entendre tout sachant et notamment les médecins ou soignants de K G de la période courant d’octobre 2013 à janvier 2016,

> déterminer si, à la date de la dictée du testament authentique du 28 juillet 2015, K G jouissait de la pleine capacité de ses facultés intellectuelles ou si celles-ci étaient altérées,

— dire et juger que les frais de l’expertise seront avancés, à titre provisionnel, par la demanderesse à l’incident,

— réserver les dépens en l’état.

Vu les conclusions d’incident des consorts X notifiées par voie électronique le 7 novembre 2017, aux termes desquelles, au visa des articles 32, 117, 118, 122, 123, 143, 144, 146, 263, 769, 771 et 775 du code de procédure civile, 414-1, 443, 476 731, et 901, 1003 et 1010 du code civil et L.1110-4 du code de la santé publique, elles demandent au juge de la mise en état de :

À titre principal :

— dire et juger les consorts X recevables et bien fondées en leurs exceptions et incident mettant fin à l’instance,

— dire et juger nulle l’assignation dirigée à l’encontre des consorts X pour défaut de capacité à ester en justice de l’IECD,

— dire et juger irrecevable l’IECD en son action dirigée à l’encontre de Mmes M-N et H X, en conséquence, mettre hors de cause Mmes M-N et H X,

— dire et juger l’IECD irrecevable pour défaut d’intérêt et de qualité à agir,

— dire et juger l’IECD irrecevable en toutes ses demandes,

— juger le rejet définitif des prétentions de l’IECD, sans examen au fond et donc l’extinction de l’instance,

Subsidiairement,

Dans l’hypothèse où le juge de la mise en état se déclarerait incompétent pour statuer sur les fins de non-recevoir au profit du juge du fond,

A titre de mesure d’administration judiciaire,

Avant-dire droit, sur la demande d’expertise, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice,

— renvoyer l’affaire à une audience à jour fixe du tribunal statuant au fond afin qu’il soit statué sur toutes les fins de non-recevoir présentées par les consorts X, et en conséquence, surseoir à statuer sur la demande d’expertise jusqu’à ce qu’il soit jugé de ces chefs par le tribunal,

Très subsidiairement,

— dire et juger irrecevable et mal fondée la demande d’expertise formée par l’IECD,

En tout état de cause,

— débouter l’IECD de toutes ses demandes, fins et conclusions.

— condamner l’IECD à payer aux consorts X la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens du présent incident.

Les parties ont été convoquées à l’audience de plaidoirie incident du 8 novembre 2017 et la décision a été mise en délibéré au 22 décembre 2017.

MOTIFS

Sur l’exception de nullité de l’assignation pour défaut de capacité d’ester en justice

Les consorts X font valoir que l’IECD ne justifie pas de l’identité des membres de son conseil d’administration, que les statuts produits ne sont ni paraphés ni signés, que la preuve de leur enregistrement n’est pas rapportée et que le procès-verbal du conseil d’administration au cours duquel Mme D a été autorisée à introduire une action en nullité du testament ne mentionne pas les consorts X.

L’IECD conclut au rejet de cette exception de procédure et indique produire les statuts en vigueur paraphés et signés, la nomination de Mme D, en qualité de présidente de l’IECD ainsi que le procès-verbal du conseil d’administration du 15 avril 2016 aux termes duquel elle a été autorisée à introduire une procédure judiciaire en vue d’obtenir l’annulation du testament de K G daté du 28 juillet 2015.

***

Selon les dispositions de l’article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

En l’espèce, le 3 janvier 2017, les consorts X ont notifié des conclusions dans lesquelles elles se défendaient au fond. Au surplus, dans leurs premières conclusions d’incident notifiées le 18 avril 2017, elles ont soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de l’IECD sans soulever une quelconque exception de nullité de l’assignation. Celle-ci n’a été soulevée que dans leurs conclusions d’incident notifiées le 30 mai 2017 et a, par la suite, été reprise dans les dernières conclusions d’incident notifiées le 7 novembre 2017.

Ainsi, faute d’avoir été soulevée avant toute défense au fond et avant la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de l’IECD, l’exception de procédure soulevée par les consorts X est irrecevable.

Sur la recevabilité de l’action intentée par l’IECD

1-En ce qu’elle est dirigée contre Mmes M-N et H X

Les consorts X font valoir que la mission de tutrices de Mmes M-N et H X a pris fin avec le décès de K G, qu’elles ne sont pas héritières de cette dernière et qu’en conséquence, l’action de l’IECD est irrecevable en ce qu’elle est dirigée à leur encontre et qu’elles doivent être mises hors de cause.

L’IECD n’a pas répliqué sur ce point.

2-Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de l’IECD

Les consorts X estiment, tout d’abord, que cette fin de non-recevoir tout comme celle tirée du défaut de qualité à agir est un incident mettant fin à l’instance qui doit relever de la compétence du juge de la mise en état. Elles ajoutent que le legs universel effectué par testament du 26 juin 1997 en ce qu’il est consenti à l’IECD à charge de le transmettre à l’IMRA est dépourvu de tout lien avec l’objet social de l’association qui prévoit que cette dernière peut accepter des versements, des dons et des legs, qui peuvent être affectés à une initiative particulière développée par l’association ou bien être consentis sans affectation particulière.

L’IECD réplique que le legs devant lui revenir est conforme à son objet social.

3-Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de l’IECD

Les consorts X font valoir que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de l’IECD n’implique pas une interprétation du testament du 26 juin 1997 et donc une appréciation au fond puisque l’objet du litige ne porte pas sur ce testament mais sur celui du 28 juillet 2015 et que le testament du 26 juin 1997 est clair en ce qu’il prévoit un legs particulier au profit de l’IECD sans que ce dernier ne puisse en disposer personnellement.

Ainsi, les consorts X estiment que l’IECD, en tant que légataire particulier, est irrecevable à agir pour demander la nullité du testament du 28 juillet 2015 sur le fondement de l’insanité d’esprit, cette action en nullité relative n’étant ouverte qu’aux successeurs universels légaux ou testamentaires du défunt. Elles ajoutent que l’IECD ne peut se prévaloir du droit d’accès au tribunal garanti par l’article 6.1 de la CEDH pour revendiquer une qualité à agir en nullité du testament.

De même, elles considèrent que l’IECD, qui n’est pas l’ayant-droit de K P-Q n’a pas qualité à solliciter une expertise médicale afin d’obtenir communication du dossier médical de la défunte lequel est couvert par le secret médical.

En réplique, l’IECD fait valoir que l’irrecevabilité soulevée par les consorts X implique un examen au fond, à savoir l’interprétation du testament établi le 28 juin 1997, ce qui échappe à la compétence du juge de la mise en état. Il ajoute que, selon la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, le légataire à titre particulier, qu’il reconnaît être, a désormais qualité à agir en nullité d’un testament pour insanité d’esprit, conformément à l’article 6 de la CEDH.

***

En application des dispositions de l’article 771, le juge de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur une fin de non-recevoir, laquelle n’est ni une exception de procédure ni un incident mettant fin à l’instance.

Dès lors, les fins de non-recevoir tirées du fait que les demandes sont dirigées contre Mmes M-N et H X ainsi que du défaut d’intérêt et de qualité à agir de l’IECD sont, à ce stade de la procédure, irrecevables et la demande de mise hors de cause de Mmes M-N et H X devient sans objet.

Sur la demande subsidiaire, avant-dire droit sur l’expertise, de renvoi au fond pour statuer sur les fins de non-recevoir,

La demande subsidiaire des consorts X tendant à ce que le juge de la mise en état, à titre de mesure d’administration judiciaire, statue avant-dire droit sur la demande d’expertise et renvoie l’affaire à une audience du tribunal pour que celui-ci statue sur les fins de non-recevoir n’est prévue par aucune disposition textuelle. Au surplus, le juge de la mise en état ne peut statuer, à titre de mesure d’administration judiciaire, alors que ce qui lui est demandé par les consorts X consiste en une décision juridictionnelle. Il revient aux parties de saisir le tribunal par des conclusions au fond. Cette demande subsidiaire sera donc rejetée.

Sur la demande d’expertise médicale

L’IECD considère qu’il existe des doutes sur les capacités intellectuelles de la défunte dès lors qu’elle a modifié ses dispositions testamentaires, allant ainsi à l’encontre de ses volontés écrites et réitérées depuis plus de vingt ans. Il ajoute que l’état de santé de K G était précaire à la suite de ses accidents vasculaires cérébraux, que les certificats médicaux du professeur Angel sont approximatifs et manquent d’impartialité et que l’examen du Dr E en date du 12 juin 2015 laisse apparaître l’absence manifeste de clairvoyance mentale de la défunte sur sa décision de changer ses dispositions testamentaires. Enfin, il expose que l’altération mentale de la défunte est établie par deux certificats médicaux de novembre 2013 et que les certificats médicaux du professeur Angel établis en 2014 ne permettent pas d’établir une amélioration de son état de santé mentale.

Les consorts X estiment qu’il ne revient nullement au juge de la mise en état de suppléer la carence de l’IECD dans l’administration de la preuve de l’insanité d’esprit de la testatrice. Elles ajoutent qu’elles versent aux débats suffisamment de pièces pour permettre à la juridiction de statuer notamment concernant l’amélioration de l’état de santé physique et psychologique de la défunte à compter de son installation chez sa sœur ainsi que sa volonté et sa capacité à révoquer son testament antérieur et à tester à nouveau.

***

Selon les dispositions de l’article 771 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction.

En application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’assez d’éléments suffisants pour statuer.

Enfin, l’article 146 du code de procédure civile dispose « qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve. »

En l’espèce, les consorts X produisent aux débats le jugement de mise sous tutelle de la défunte, le certificat médical du Dr E ayant conclu à la capacité de cette dernière à tester, le jugement du juge des tutelles l’autorisant à tester, le testament authentique en date du 27 juillet 2015 ainsi que de nombreux certificats médicaux rédigés au cours de ses dernières années de vie.

En réplique, l’IECD ne produit aucun élément de preuve concernant la santé psychologique et mentale de la défunte ainsi que ses capacités à tester.

Ainsi, la demande d’expertise n’a que pour seul objectif de suppléer la carence de l’IECD dans l’administration de la preuve de l’insanité d’esprit de la testatrice. Au surplus, les éléments produits aux débats apparaissent suffisants pour statuer sur la demande de nullité du testament, sans qu’il ne soit nécessaire d’ordonner une mesure d’instruction.

En conséquence, il convient de rejeter la demande d’expertise.

Sur les demandes accessoires

L’IECD, partie succombante, sera condamnée aux dépens de l’incident ainsi qu’à payer la somme de 2 000 euros au profit des consorts X en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, I J, juge de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance contradictoire et rendue en premier ressort,

Déclare irrecevable l’exception de nullité de l’assignation présentée par Mmes F G épouse X, M-N X épouse Y et H X veuve Z,

Déclare irrecevables les fins de non-recevoir tirées du fait que l’action a été dirigée à l’encontre de Mmes M-N et H X, du défaut d’intérêt et de qualité à agir de l’Institut européen de coopération et de développement, formulées par Mmes F G épouse X, M-N X épouse Y et H X veuve Z

Dit que la demande tendant à mettre hors de cause Mmes M-N X épouse Y et H X veuve Z est devenue sans objet,

Rejette la demande d’expertise formulée par l’Institut européen de coopération et de développement,

Rejette la demande de renvoi vers une audience du tribunal pour que celui-ci statue sur les fins de non-recevoir,

Renvoie à l’audience de mise en état du 7 mars 2018 à 9 heures pour conclusions au fond des défendeurs,

Condamne l’Institut européen de coopération et de développement à payer à Mmes F G épouse X, M-N X épouse Y et H X veuve Z la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’Institut européen de coopération et de développement aux dépens de l’incident.

Faite et rendue à Paris le 22 Décembre 2017

La Greffière Le Juge de la mise en état

R S-T I J

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