Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 21 septembre 2017, n° 2016/06298

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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www.cabinet-arenaire.com · 7 octobre 2019

Dans une décision du 15 mars 2019, le Review Board du US Copyright Office a estimé que le fameux drapeau de Tommy Hilfiger, reproduit ci-après, n'est pas protégeable par le copyright aux Etats-Unis : La motivation retenue par l'Office américain est particulièrement intéressante. 1. Une combinaison d'éléments connus est protégeable à la condition toutefois d'être originale En premier lieu, l'Office américain relève qu'une combinaison d'éléments connus peut être protégeable mais à la condition d'être elle-même originale (ladite décision, p. 4 : « some combinations of common or standard …

 
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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 21 sept. 2017, n° 16/06298
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 2016/06298
Publication : Propriétés intellectuelles, 67, avril 2018, p. 112-117, note de Pierre Massot
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 22 octobre 2019, 2017/20261
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20170123
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 21 septembre 2017

3e chambre 4e section N° RG : 16/06298 Assignation du 15 avril 2016

DEMANDERESSE S.A.S. IRO […] 75002 PARIS représentée par Maître Annette SION de l’ASSOCIATlON HOLLIER- LAROUSSE & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0362

DÉFENDERESSES Société IKKS RETAIL […] 75002 PARIS

Société IKKS WOMEN […] 49450 ST MACAIRE EN MAUGES

Société ONESIKKS […] 49450 ST MACAIRE EN MAUGES représentées par Maître Vanessa BOUCHARA de la SARL CABINET BOUCHARA – Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0594

COMPOSITION DU TRIBUNAL Camille LIGNIERES, Vice-Présidente Laurence L, Vice-Présidente Laure A, Vice-Présidente assistée de Alice ARGENTINI, Greffier

DEBATS À l’audience du 09 juin 2017 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

La société 1RO est spécialisée dans la création d’articles de prêt-à- porter haut de gamme depuis 2002 commercialisés dans le monde entier.

Elle revendique des droits d’auteur et de modèles communautaires non enregistrés sur une veste de type smoking avec un col châle brodé en perles dénommée « Anissa » et un blouson blanc de forme droite et courte d’aspect général en tissu ajouré de type nid d’abeille dénommé « Alvaron » faisant partie de la collection Printemps Été 2014. La société ONESIKKS expose qu’elle est spécialisée dans la création et la fabrication de vêtements et d’accessoires pour hommes, femmes et enfants.

La société IKKS WOMEN est une société spécialisée dans la vente en gros de vêtements et d’accessoires pour hommes, femmes et enfants, vendus sous la marque IKKS. La société IKKS RETAIL est quant à elle spécialisée dans la vente de vêtements et d’accessoires pour hommes, femmes et enfants sous la marque IKKS qu’elle exploite à travers un réseau de 350 magasins. La société IRO expose avoir constaté en janvier 2016 qu’étaient vendus dans les boutiques de la marque IKKS une veste et un blouson référencés « BG40295 02 » et « BG40275 49 » qui étaient selon elle des copies de la veste ANISSA et du blouson ALVARO. Par actes des 15 avril 2016 la société IRO a fait assigner devant le tribunal de grande instance de PARIS les sociétés IKKS, IKKS WOMEN et IKKS RETAIL (ci-après les sociétés IKKS) en contrefaçon de ses droits de propriété intellectuelle et concurrence déloyale et parasitaire.

La société IRO, par conclusions récapitulatives signifiées le 8 mars 2017 demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de : En application des dispositions des articles L111-1 et suivants, L335- 2 et suivants, L5 15-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, du règlement CE n° 44/2001 du Règlement CE n°6/2002, et de l’article 1382 du Code Civil. Débouter les Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS de leur demande d’annulation de la saisie contrefaçon du 17 mars 2016. Débouter les Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS de l’ensemble de leurs demandes.

En conséquence, juger que la Société IRO détient un droit à titre de dessin et modèle communautaire non enregistré et de droit d’auteur sur la veste « ANISSA » depuis le 16 septembre 2013, aux termes de l’article 11 du Règlement 6/2002 et de l’article L. 111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, juger que la Société IRO détient un droit à titre de dessin et modèle communautaire non enregistré et de droit d’auteur sur le blouson « ALVARO » depuis le 16 septembre 2013, aux termes de

l’article 11 du Règlement 6/2002 et de l’article L. 111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle. juger que la veste référencée « BG40295 02 » constitue la contrefaçon de la veste « ANISSA » de la Société IRO. juger que le blouson référencé « BG40275 49 » constitue la contrefaçon du blouson « ALVARO » de la Société IRO. Condamner les Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS pour contrefaçon de modèles communautaires non enregistrés de la Société IRO conformément aux dispositions de l’article article L515-1 du Code de la Propriété Intellectuelle. Condamner les Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS pour contrefaçon de droit d’auteur de la Société IRO conformément aux dispositions de l’article L335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle. Condamner les Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS pour concurrence déloyale et parasitisme au préjudice de la Société IRO conformément aux dispositions de l’article 1382 du Code Civil. Condamner, in solidum, les Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS à payer à la Société IRO la somme de 1,523.335€, quitte à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de son manque à gagner. Condamner, in solidum, les Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS à payer à la Société IRO la somme de 50.000€, quitte à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à ses investissements, son image de marque et sa réputation. Interdire aux Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS la poursuite de la commercialisation du modèle « BG40295 02 », sur l’ensemble de l’Union Européenne, sous astreinte définitive de 1 000€ par infraction constatée, à compter de la signification de la décision à intervenir. Interdire aux Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS la poursuite de la commercialisation du modèle « BG40275 49 », sur l’ensemble de l’Union Européenne, sous astreinte définitive de 1.000€ par infraction constatée, à compter de la signification de la décision à intervenir. Autoriser la Société IRO à faire procéder à la publication du jugement à intervenir, dans 3 journaux ou revues de son choix, le coût global des publications ne pouvant excéder la somme de 20.000 € (H.T.). Condamner, in solidum, les Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS à payer à la Société IRO la somme de 20.000€ en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile. Condamner, in solidum, les Sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Annette SION, Avocat aux Offres de Droit.

Les sociétés IKKS au terme de leurs dernières écritures signifiées le 19 avril 2017 demande au tribunal de: Vu les Livres I, III et V du Code de la Propriété Intellectuelle,

Vu les articles L. 511-1 à L. 511-8 du Code de la Propriété Intellectuelle, Vu l’article 1240 du Code Civil,

Débouter la société IRO de toutes ses demandes, fins et conclusions ; Recevoir les sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS en leurs demandes, fins et conclusions et les déclarants bien fondés : À titre principal,
- Prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 mars 2016,
- juger que la société IRO ne rapporte pas la preuve des faits reprochés,
- Débouter la société IRO de ses demandes, À titre subsidiaire,
- juger que la société IRO ne prouve pas être à l’origine de la création des modèles revendiqués,
- juger que la société IRO ne prouve pas l’originalité des modèles de vestes ANISSA et ALVARO qu’elle revendique,
- juger que les vestes ANISSA et ALVARO ne présentent pas de caractère individuel et ne sont pas nouveaux,
- juger que les modèles BG40295 et BG40275 ne sont pas des contrefaçons des modèles revendiqués ;

-juger que les sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS n’ont commis aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société IRO, Et en conséquence,
- Débouter la société IRO de l’intégralité de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,
- Constater que la société IRO ne justifie pas des préjudices allégués,
- Débouter en conséquence, la société IRO de ses demandes indemnitaires ou, à tout le moins, ramener leurs montants à de plus justes proportions. En tout état de cause,
- Débouter la société IRO de ses demandes accessoires, A titre reconventionnel,
- Condamner la société IRO à verser aux sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

- Condamner la société IRO aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SELARL Cabinet BOUCHARA – Avocats. L’ordonnance de clôture était prononcée le 20 avril 2017.

MOTIVATION

Sur la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon Il est reproché à l’huissier instrumentais d’avoir, lors des opérations de saisie contrefaçon qui ont eu lieu le 17 mars 2016, outrepassé ses droits en procédant à la saisie réelle d’un modèle de veste litigieux qui n’appartenait pas à la société IKKS mais à une salariée de l’entreprise sans en acquitter le prix. Il résulte de l’ordonnance présidentielle autorisant la mesure que la société IRO a été autorisée à faire procéder par tout huissier de son choix au siège de la société IKKS […] à Paris 75002 à la saisie réelle d’un exemplaire de chacun des modèles contre paiement de son prix au tarif normal. L’huissier a fait mention dans le procès-verbal de saisie contrefaçon du 17 mars 2016 après avoir donné connaissance de sa mission, il a demandé à « Madame P de vérifier si elle dispose sur place des modèles argués de contrefaçon. Elle me déclare qu’elle va vérifier immédiatement auprès de ses collègues ce qu’elle fait. Elle revient avec une veste, modèle BG40295 et m’indique qu’il s’agit d’une pièce qui lui a été remise en dotation et qu’elle va se renseigner auprès de sa direction afin de savoir si elle souhaite que j’effectue un règlement. Cette veste sera déposée sous le scellé 1»; Contrairement à ce que prétendent les défenderesses IKKS, le terme de « dotation » n’induit pas que la veste appartenait à titre personnel à la salariée ce qui n’a pas été évoqué et ne ressort d’aucune déclaration ; la veste trouvée sur place a été remise sans ambiguïté à l’huissier pour répondre à sa demande en tant que modèle appartenant à la société IKKS référencé BG40295 dont il aurait pu s’acquitter du prix; le fait que le prix n’ait pas été réglé n’entache pas davantage de nullité les opérations dès lors que l’huissier a offert d’en payer le prix conformément aux termes de l’ordonnance ce qui manifestement a été refusé. Il s’ensuit que la demande en nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 17 mars 2016 sera rejetée.

Sur la protection au titre du droit d’auteur Les défenderesses dénient le droit à agir de la société IRO sur le terrain du droit d’auteur à défaut pour elle de prouver qu’elle est à l’origine de la création de la veste et du blouson revendiqués ou de se prévaloir d’une cession de droits d’auteur. Elles font valoir que la date de création en septembre 2013 n’est pas crédible dès lors que les dépôts fidéalis de la veste et du blouson datent du 16 septembre 2013 et que des commandes ont pu être faites dès le 9 septembre 2013 selon une facture (n° 1002921 Sarl Vanessa). Elles demandent d’écarter les fiches techniques des débats pour défaut de fiabilité et

allèguent que la société IRO n’a fait qu’acheter des produits finis qu’elle a commercialisés sans aucune œuvre créative.

La société IRO expose que les dépôts fidéalis du 16 septembre 2013 ne contredisent par la date de création en septembre 2013 dès lors qu’il s’agit seulement de prototypes qui s’inscrivent dans le processus de création des articles pour la collection printemps été 2014; elle revendique le bénéfice de la présomption de titularité des droits qu’elle estime suffisamment démontrée par la commercialisation paisible des vêtements sous son nom à compter du 16 septembre 2013, date des dépôts fidéalis. Les défenderesses reprochent également à la société IRO de ne pas rapporter la preuve de l’originalité des vêtements argués de contrefaçon en procédant par voie d’affirmation et de description ce que la société IRO conteste.

Sur ce

Les défenderesses contestent le caractère probant des fiches techniques produites. Il ne s’agit pas d’un motif suffisant pour écarter les pièces qui demeurent soumises à l’appréciation du tribunal.

Il ne sera pas fait droit à cette demande. L’exploitation non équivoque d’une œuvre par une personne physique ou morale sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’œuvre du droit de propriété intellectuelle. Cette présomption de titularité des droits, qui est une présomption simple et qui peut être renversée par le défendeur à l’action en contrefaçon, n’exonère pas la partie qui entend s’en prévaloir de rapporter la preuve d’une divulgation ou d’une création déterminée à une date certaine et celle-ci doit établir la correspondance entre le produit divulgué et celui sur lequel la titularité est revendiquée. Il est établi par les pièces produites qui sont notamment les fiches techniques transmises au fournisseur pour la fabrication des vestes, les certificats d’horodatage en date du 16 septembre 2013, les modèles en original, de leur parution dans le catalogue printemps été 2014 de la collection IRO pour la veste Anissa et dans le magazine Grazia du 28 février 2014 pour le blouson Alvaro, les factures de vente aux revendeurs situées entre septembre et octobre 2013 que les vêtements en cause parfaitement identifiables ont bien été exploités de façon non équivoque par la société IRO sous son nom depuis le mois de septembre 2013 sans qu’aucune personne qui s’en prétendrait l’auteur l’ait contesté.( pièces N11 et N 12 N17 et N 18)

Cette société bénéficie de ce fait d’une présomption de titularité des droits patrimoniaux ce qui la rend recevable à agir sans qu’elle ait à justifier d’une cession de ses droits de l’auteur supposé. Sur l’originalité L’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » indépendamment de toute considération sur les mérites de la création comme l’énonce l’article L112-1 du même code : « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination »

Il revient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. L’originalité d’une œuvre doit s’apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

Sur la veste Anissa La veste Anissa se caractérise selon la société IRO comme une veste de type smoking avec un col profond brodé d’une association de perles de différentes tailles et de formes différentes (rondes ou biseautées) et de fils de couleur bronze, de broderies représentent des motifs géométriques, d’un bouton central, de manches longues fendues et boutonnées (trois boutons), de deux poches à rabat sur les côtés et une couture de biais partant du bas de l’aisselle et rejoignant les poches à rabat.

Toutefois la société demanderesse ne peut se satisfaire de décrire seulement la veste dont les caractéristiques sont largement connues dans le fonds commun de la mode pour répondre à la condition d’originalité requise. Elle n’explicite en rien le parti pris esthétique dans la création de cette veste. Il s’ensuit que la veste ne sera pas retenue éligible à la protection du droit d’auteur et la société IRO sera déclarée irrecevable à agir en contrefaçon de ce chef.

Sur le blouson Alvaro Le blouson Alvaro revendiqué sur le fondement du droit d’auteur se caractérise selon la société IRO comme un blouson de forme droite et courte d’une encolure arrondie réalisée avec un passepoil en cuir

blanc, d’une fermeture zippée au centre de la veste, d’un aspect général présentant un tissu ajouré de type « nid d’abeille », d’un passepoil en cuir blanc au niveau de chacune des manches de la veste, de deux empiècements de cuir partant de l’encolure et se prolongeant jusqu’au bas de la veste, sur la face avant ainsi que sur la face arrière, d’empiècements de cuir et de daim au centre de la veste, convergeant vers le zip central, de part et d’autre de ce dernier, de deux poches latérales zippées, ainsi que d’une bande élastique et resserrée au niveau du bas de la veste.

La société IRO soutient que la combinaison de ces caractéristiques révèle clairement l’empreinte de la personnalité de leur auteur. Pour autant la société IRO se contente également de décrire le blouson qui reprend la forme banale d’un bomber de couleur blanc avec des caractéristiques connues sans démontrer un effort créatif et un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur. La société IRO sera en conséquence déboutée de sa demande de protection au titre du droit d’auteur pour le blouson Alvaro et déclarée irrecevable à agir en contrefaçon de ce chef.

Sur la protection au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés

Sur le fondement du règlement (CE) n°6/2002, la société IRO revendique la protection de la veste référencée ANISSA et du blouson ALVARO au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés depuis le 16 septembre 2013. Les défenderesses contestent le caractère individuel de la veste Anissa et du blouson Alavar au motif notamment que les vestes ne feraient que reprendre des genres préexistants à savoir le smoking et le blouson style bomber et qu’elles ne se distinguent guère des vestes antérieurement commercialisées. Sur ce

L’article 4§1 du règlement (CE) n°6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires dispose que la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ; en application des articles 5-a et 6-a dudit règlement, un modèle ou un dessin communautaire non enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois et comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle

que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant cette même date. Le titulaire d’un modèle communautaire non enregistré n’est pas tenu de prouver que celui-ci présente un caractère individuel, mais doit identifier le ou les éléments du modèle qui lui confèrent ce caractère, à charge pour celui qui conteste ledit caractère d’établir que l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti est identique à celle produite par un dessin ou modèle antérieurement divulgué au public.

En ce qui concerne la veste Anissa En l’espèce selon la société IRO la veste Anissa se caractérise comme une veste de type smoking avec un col profond brodé d’une association de perles de différentes tailles et de formes différentes (rondes ou biseautées) et de fils de couleur bronze, de broderies représentant des motifs géométriques, d’un bouton central, de manches longues fendues et boutonnées (trois boutons), de deux poches à rabat sur les côtés et une couture de biais partant du bas de l’aisselle et rejoignant les poches à rabat.

Pour détruire sa nouveauté les défenderesses ne peuvent se contenter de dire que le modèle Anissa ne fait que reprendre un genre de veste smoking préexistant et une tendance générale de la mode à ornementer le revers du col dès lors qu’aucun des modèles de vestes produites en photographies au titre des antériorités alléguées ne reprend à l’identique la combinaison des caractéristiques de la veste Anissa.(pièces IKKS 3. 1 à 3.5; 4.1 à 4.9)

Les photographies produites en pièces 4.7 à 4.9 qui présentent des vestes noires fermées par un bouton central de type smoking avec un col châle ou des vestes de tailleur dont le revers du col plus ou moins large est recouvert uniformément de sequins dorés, paillettes ou d’un fin ruban de strass créant un effet bijou ou d’apparat pour une tenue de soirée se distinguent nettement de l’impression d’ensemble dégagée par la veste Anissa qui est plutôt une veste de jour d’allure ample et décontractée.

Il en est de même de la veste noire smoking cloutée au revers du col ou de la veste courte Balmain sans bouton avec perles et strass brodés sur toute la longueur de la veste dont les différences avec la veste Anissa sont significatives de sorte que l’impression globale qu’elle produit sur l’utilisateur averti en l’espèce une consommatrice de la mode, sera différente et qu’en conséquence le caractère individuel est suffisamment établi.

La protection triennale au titre du modèle communautaire non enregistré sera retenue pour la veste Anissa. En ce qui concerne la veste Alvaro

Selon la société IRO, la veste Alvaro se caractérise comme un blouson de forme droite et courte présentant une encolure arrondie réalisée avec un passepoil en cuir blanc, possédant une fermeture zippée au centre de la veste, un aspect général présentant un tissu ajouré de type « nid d’abeille », un passepoil en cuir blanc est présent au niveau de chacune des manches de la veste, deux empiècements de cuir partant de l’encolure et se prolongeant jusqu’au bas de la veste, sur la face avant ainsi que sur la face arrière, des empiècements de cuir et de daim au centre de la veste, convergeant vers le zip central, de part et d’autre de ce dernier, deux poches latérales zippées, ainsi qu’une bande élastique et resserrée au niveau du bas de la veste. Il est insuffisant de la part des défenderesses de soutenir que le blouson Alvaro s’inscrit dans la tendance générale des blousons bombers et du tissu ajouré pour remettre en cause les critères de nouveauté et individuel du modèle revendiqué.

En effet aucun des modèles versés aux débats parmi les antériorités versées en défense ne reproduit les caractéristiques à l’identique du blouson Alvaro.( pièces IKKS 5 .1 à 5.9, 6.1 à 6.16; et 7.1 à 7.3) étant observé que les 14 modèles des pièces 6.1 à 6.14 sont des impressions d’écran de modèles qui ne sont pas datés et sont inopérantes pour détruire la nouveauté et le caractère individuel. De plus il ressort de la comparaison visuelle des blousons bombers pour ceux dont l’antériorité est certaine et notamment ceux de l’automne hiver 2011 2012 sont différents et n’ont en commun que la forme du blouson d’aviateur sans les autres caractéristiques qui font que le blouson Alvaro crée une impression visuelle d’ensemble qui n’est pas « déjà vue ».( pièces IKKS 5.1 à 5.9). Il résulte ainsi des caractéristiques décrites qu’elles lui confèrent un caractère individuel apte à ce qu’une consommatrice avertie le reconnaisse et le différencie des autres blousons du même genre. La protection triennale au titre du modèle communautaire non enregistré sera retenue pour le blouson Alvaro.

Sur la contrefaçon de dessin et modèle communautaire non enregistré sur la veste Anissa et le blouson Alvaro Il a été retenu que les vestes en cause de la société IRO étaient éligibles à la protection du modèle communautaire non enregistré prévu par le Règlement (CE) n°6/2002 du 12 décembre 2001 qui dispose en son article 19.2 que le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère à son titulaire le droit d’interdire les actes de contrefaçon que si l’utilisation contestée résulte d’une copie du dessin ou modèle protégé.

L’article 19 précité prévoit en effet:

1. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. (…) 2. Le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d’interdire les actes visés au paragraphe 1 que si l’utilisation contestée résulte d’une copie du dessin ou modèle protégé, 'utilisation contestée n’est pas considérée comme résultant d’une copie du dessin ou modèle protégé si elle résulte d’un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu’il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire. L’article 19, paragraphe 2, premier alinéa, doit être interprété en ce sens qu’il incombe au titulaire du dessin ou modèle protégé d’établir que l’utilisation contestée résulte d’une copie de ce dessin ou modèle.

Sur la contrefaçon du blouson Alvaro La société IRO reproche au blouson BG40275 49 des sociétés IKKS de constituer une contrefaçon de son blouson Alvaro en ce qu’il reprend les mêmes caractéristiques c’est-à-dire un blouson de forme droite et courte associant un tissu ajouré de type nid d’abeille avec des empiècements partant de l’encolure, et présentes sur la face avant et arrière du blouson.

Si le blouson IKKS présente des caractéristiques du blouson Alvaro ( forme générale droite et courte, encolure arrondie réalisée avec un passepoil en cuir, fermeture zippée au centre du blouson, des empiècements partant de l’encolure sur la face avant et la face arrière, deux poches latérales et une bande élastique resserrée au niveau du bas de la veste) les matières de ces deux blousons sont différentes, le modèle Alvaro est composé d’une matière style « filet de pêche » où l’ajouré est de taille suffisamment importante pour que le blouson soit transparent tandis que le blouson IKKS se compose d’une matière style « nid d’abeille » avec des mailles resserrées qui ne laissent pas entrevoir la peau, les extrémités du modèles IKKS (à savoir, col, bas de la veste, bas des manches) sont marquées par l’utilisation d’un empiècement d’une matière différente non ajourée et de couleur noire et les plastrons ont des différences significatives ce qui donne au blouson litigieux une allure différente de celle du modèle revendiqué indépendamment des autres différences relevées en défense (manches de longueur différente, positionnement des poches en biais, absence d’empiècements en cuir et en daim). Le blouson IKKS ne constitue pas une copie du blouson Alvaro et la contrefaçon ne sera pas retenue. Sur la contrefaçon de la veste Anissa Il résulte de l’examen comparatif de la veste litigieuse BG 40295 02 avec le modèle Anissa produit que les deux vestes s’apparentent par

la reprise d’une veste noire avec un col châle brodé de perles et de fils représentant un motif géométrique dans les mêmes couleurs cuivre et argenté, avec un bouton central, des manches longues fendues et boutonnées (trois boutons), et deux poches à rabat sur les côtés ; Toutefois les vestes ont une forme et une coupe très différente : la veste Anissa a une coupe droite, elle est large et longue couvrant les fesses ce qui lui donne une allure décontractée ; elle n’emprunte en fait à la veste smoking que le col châle qu’elle réinterprète en couvrant le revers tout au long de l’encolure d’une broderie de fils et de perles aléatoires qui n’est pas protégée en soi. Au contraire la veste litigieuse est une veste de smoking courte de forme classique cintrée avec une boutonnière au-dessus de la taille; le revers est plus large et la broderie plus chargée, est composée d’un motif géométrique en forme de ruban plongeant vers le bas du col; elle n’est positionnée que sur une partie de la face du revers du col et ne se voit pas de dos; Dès lors la veste IKKS ne constitue pas une copie servile ni même quasi servile de la veste Anissa. La demande en contrefaçon de la société IRO sera en conséquence rejetée. Sur la demande complémentaire et subsidiaire au titre de la concurrence déloyale et parasitaire En complément de sa demande en contrefaçon, la société IRO reproche aux défenderesses des faits de concurrence déloyale et parasitaire qui seraient distincts des actes de contrefaçon allégués notamment par la reprise d’un effet de gamme et la confusion délibérément engendrée avec sa collection pour tirer profit de sa créativité et de sa notoriété. Elle fait valoir en outre comme élément supplémentaire pour conclure à des actes de concurrence déloyale que deux anciennes stylistes travaillent pour les sociétés IKKS dont l’une aurait été débauchée. Elle reprend ses demandes à titre subsidiaire. Les défenderesses contestent l’existence de faits distincts, l’intégralité des faits de parasitisme et la preuve d’un comportement fautif. Elles indiquent qu’il n’est pas sérieusement démontré l’embauche de deux anciennes salariées de la société IRO qui sont Mesdames B et A, cette dernière étant en free-lance et Madame B n’ayant travaillé que deux mois chez IRO et qu’en tout état de cause les modèles argués de contrefaçon sont de 2015 et ont été créés avant l’arrivée de Madame B. Sur ce

Vu l’article 1240, anciennement 1382 du code civil,

La demande en contrefaçon n’ayant pas prospéré, la société IRO ne peut reprocher aux défenderesses un profit indu tiré d’un effet de gamme de la reprise de deux modèles contrefaisants de sa collection printemps été 2014 qui seraient vendus moins chers en profitant de leur succès. Si la société IRO dispose néanmoins du droit de formuler une demande subsidiaire en dommages et intérêts fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire, elle ne fait valoir aucun fait distinct. La société IRO reproche aux défenderesses d’avoir entretenu volontairement un risque de confusion en commercialisant la veste et le blouson IKKS largement inspirés de sa collection printemps été 2014 qui laisserait penser à une consommatrice que les veste et blouson litigieux sont des modèles IRO en profitant de la réputation la marque pour des vêtements haut de gamme. Cependant pour les motifs exprimés plus haut, les vêtements en cause s’ils sont du même genre sont différents et suivent les tendances de la mode; La société IRO ne démontre de la part des défenderesses aucun comportement fautif distinct de la part des défenderesses qui établirait un risque de confusion aux yeux de la consommatrice dans une boutique entre les vêtements en cause étant observé par ailleurs que les vêtements IKKS n’ont pas été commercialisés au cours de la même saison mais plus tard en hiver 2015 ; Enfin le fait allégué que deux anciennes stylistes de la société IRO auraient été embauchées par les sociétés IKKS concomitamment à la commercialisation de la veste et du blouson litigieux n’est pas suffisamment établi par les seuls profils linkedln de Mesdames B et A que la société IRO verse aux débats pour étayer ses affirmations. Il n’est pas davantage rapporté que leur embauche fût-elle établie, est un acte déloyal et qu’il aurait eu un impact sur la création des modèles litigieux.

La société IRO sera déboutée de l’ensemble de sa demande.

Sur les autres demandes

La demanderesse qui succombe supportera la charge des dépens. Il paraît, de plus, équitable, de la condamner au paiement de la somme totale de 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La société IRO étant déboutée, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS, Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe du jugement contradictoire et rendu en premier ressort, Déboute les sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS de leur demande en nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon, Déclare la société IRO irrecevable à agir en contrefaçon du droit d’auteur sur la veste ANISSA et le blouson ALVARO La déclare recevable à agir en contrefaçon des modèles et dessins communautaires non enregistrés portant sur la veste ANISSA et le blouson ALVARO mais la déboute de ses demandes Déboute la société IRO de sa demande de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, Condamne la société IRO à payer aux sociétés IKKS RETAIL, IKKS WOMEN et ONESIKKS la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, Condamne la société IRO aux entiers dépens, dont distraction au profit de SELARL Cabinet BOUCHARA – Avocats conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 21 septembre 2017, n° 2016/06298