CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE SZÜCS c. AUTRICHE, 24 novembre 1997, 20602/92

  • Autriche·
  • Gouvernement·
  • Indemnisation·
  • Soupçon·
  • Cour suprême·
  • Juridiction·
  • Commission·
  • Détention provisoire·
  • Vienne·
  • Public

Chronologie de l’affaire

Commentaires3

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Par thomas Perroud, Pierre Bourdon, Lucie Cluzel Et Olivier Renaudie · Dalloz · 12 octobre 2020

Conclusions du rapporteur public · 4 octobre 2019

N° 424265 M. L… 4ème et 5ème chambres réunies Séance du 23 septembre 2019 Lecture du 4 octobre 2019 CONCLUSIONS M. Raphaël Chambon, rapporteur public M. L…, recruté par contrat à durée déterminée d'un an pour enseigner l'économie et la gestion durant l'année scolaire 2015/2016, se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Caen rejetant sa requête dirigée contre la décision du recteur de l'académie de Caen lui infligeant la sanction de l'exclusion temporaire …

 

CEDH · 24 novembre 1997

.s7D81CFEF { margin:12pt 0pt; text-align:justify } .sFBBFEE58 { font-family:Arial; font-size:10pt } .s2A6CF492 { font-family:Arial; font-size:6.67pt; vertical-align:super } .s68AFA200 { border-bottom-color:#000000; border-bottom-style:solid; border-bottom-width:0.75pt; margin:0pt 0pt 18pt; padding-bottom:1pt; page-break-after:avoid; text-align:justify } .s6E50BD9A { margin:0pt } .s38C10080 { font-family:Arial; font-size:12pt; font-style:italic; font-weight:bold } .s7D2086B4 { font-family:Arial; font-size:12pt; font-weight:bold } .s440D9021 { margin:12pt 0pt; page-break-after:avoid } …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Chambre), 24 nov. 1997, n° 20602/92
Numéro(s) : 20602/92
Publication : Recueil 1997-VII
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Axen c. Allemagne case du 8 décembre 1983, série A n° 72, p. 14, § 32
Arrêt Diennet c. France du 26 septembre 1995, série A n° 325-A, pp. 14-15, § 33
Arrêt Editions Périscope c. France du 26 mars 1992, série A n° 234-B, p. 66, § 40
Arrêt Georgiedis c. Grèce du 29 mai 1997, Recueil 1997-III, pp. 958-959, § 30, p. 959, §§ 32, 34 et 35
Arrêt Masson et Van Zon c. Pays-Bas du 28 septembre 1995, série A n° 327-A, p. 17, § 44, p. 19, § 51
Arrêt Nideröst-Huber c. Suisse du 18 février 1997, Recueil des arrêts et décisions ("Recueil") 1997-I, p. 110, § 40
Arrêt Pretto et autres c. Italie du 8 décembre 1983, série A n° 71, p. 12, § 26 in fine, p. 13, § 27
Arrêt Sutter c. Suisse case du 22 février 1984, série A n° 74, pp. 14-15, § 34
Arrêt Werner c. Autriche du 24 novembre 1997, Recueil 1997-VII
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Violation de l'Art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure nationale et de la Convention
Identifiant HUDOC : 001-62676
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1997:1124JUD002060292
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE SZÜCS c. AUTRICHE

(135/1996/754/953)

ARRET

STRASBOURG

24 novembre 1997

Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1997, édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.


Liste des agents de vente

Belgique : Etablissements Emile Bruylant (rue de la Régence 67,

B-1000 Bruxelles)

Luxembourg : Librairie Promoculture (14, rue Duchscher

(place de Paris), B.P. 1142, L-1011 Luxembourg-Gare)

Pays-Bas : B.V. Juridische Boekhandel & Antiquariaat

A. Jongbloed & Zoon (Noordeinde 39, NL-2514 GC La Haye)


SOMMAIRE[1]

Arrêt rendu par une chambre

Autriche – absence de prononcé public des arrêts d’une cour d’appel dans deux procédures portant sur une demande d’indemnité pour la détention subie (loi de 1969 sur l’indemnisation en matière pénale et article 82 du code de procédure pénale)

I.Article 6 § 1 de la Convention

A. Applicabilité

Rappel de la jurisprudence.

Requérant avait un droit à être indemnisé au titre de sa détention provisoire, dès lors que la condition prévue par la loi était remplie – existence d’une contestation sur ce droit – issue de la procédure devant les juridictions pénales compétentes directement déterminante pour son droit – caractère civil du droit à réparation de l’intéressé.

Conclusion : applicabilité (unanimité).

B. Observation

1. Réserve de l’Autriche

Question non évoquée dans le mémoire du Gouvernement devant la Cour – se heurte donc à forclusion – non-lieu à un examen d’office.

2. Bien-fondé du grief

Rappel de la jurisprudence.

Autorisation accordée aux tiers, s’ils justifient d’un intérêt légitime, d’obtenir une copie des jugements ne constitue pas un libre accès de chacun au texte intégral des jugements – en Autriche, cette possibilité n’existe que pour les arrêts de la Cour suprême, de la Cour administrative et de la Cour constitutionnelle – par ailleurs, absence de nécessité pour les juridictions compétentes de formuler des déclarations qui emporteraient violation de la présomption d’innocence.

Conclusion : violation (unanimité).

II.Article 50 de la Convention

A. Dommage matériel : absence de lien de causalité entre la violation dénoncée et le préjudice matériel allégué.

B. Dommage moral : suffisamment compensé par constat de violation.

C. Frais et dépens : remboursement fixé en équité.

Conclusion : Etat défendeur tenu de payer au requérant une certaine somme pour frais et dépens (unanimité).

RÉFÉRENCEs À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR

8.12.1983, Pretto et autres c. Italie ; 8.12.1983, Axen c. Allemagne ; 22.2.1984, Sutter c. Suisse ; 26.3.1992, Editions Périscope c. France ; 26.9.1995, Diennet c. France ; 28.9.1995, Masson et Van Zon c. Pays-Bas ; 18.2.1997, Nideröst-Huber c. Suisse ; 29.5.1997, Georgiadis c. Grèce ; 24.11.1997, Werner c. Autriche, 24 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VII


En l’affaire Szücs c. Autriche[2],

La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée conformément à l’article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement B[3], en une chambre composée des juges dont le nom suit :

MM.R. Ryssdal, président,

F. Gölcüklü,

F. Matscher,

L.-E. Pettiti,

A. Spielmann,

N. Valticos,

MmeE. Palm,

MM.L. Wildhaber,

B. Repik,

ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 27 juin et 20 octobre 1997,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCéDURE

1.  L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 28 octobre 1996, et par le gouvernement de la République d’Autriche (« le Gouvernement ») le 25 novembre 1996, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouve une requête (no 20602/92) dirigée contre l’Autriche et dont un ressortissant hongrois, M. Zoltan Szücs, avait saisi la Commission le 24 août 1992 en vertu de l’article 25.

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ainsi qu’à la déclaration autrichienne reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46), la requête du Gouvernement à l’article 48. Elles ont pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention.

2.  Le requérant a exprimé le désir de participer à la procédure et a désigné son conseil (article 31 du règlement B), que le président a autorisé à employer l’allemand (article 28 § 3). Quant au gouvernement hongrois, avisé par le greffier de la possibilité d’intervenir dans la procédure (articles 48 alinéa b) de la Convention et 35 § 3 b) du règlement B), il n’a pas manifesté l’intention de s’en prévaloir.

3.  La chambre à constituer comprenait de plein droit M. F. Matscher, juge élu de nationalité autrichienne (article 43 de la Convention), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement B). Le 29 octobre 1996, celui-ci a décidé qu’aux fins d’une bonne administration de la justice, cette affaire ainsi que l’affaire Werner c. Autriche seraient examinées par la même chambre (article 21 § 7). Le même jour, il a tiré au sort, en présence du greffier, le nom des sept autres membres, à savoir M. F. Gölcüklü, M. L.-E. Pettiti, M. A. Spielmann, M. N. Valticos, Mme E. Palm, M. L. Wildhaber et M. B. Repik (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement B).

4.  En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement B), M. Ryssdal a consulté, par l’intermédiaire du greffier, l’agent du Gouvernement, l’avocat du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure (articles 39 § 1 et 40). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu les mémoires du Gouvernement et du requérant les 2 avril et 7 mai 1997 respectivement.

Le 24 janvier 1997, la Commission avait produit divers documents de la procédure suivie devant elle ; le greffier l’y avait invitée sur les instructions du président.

5.  Ainsi qu’en avait décidé ce dernier, les débats consacrés à cette affaire ainsi qu’à l’affaire Werner se sont déroulés en public le 25 juin 1997, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu :

–pour le Gouvernement
M. F. Cede, ambassadeur, ministère fédéral
des Affaires étrangères,agent,
Mmes I. Gartner, procureur, département des affaires
criminelles et des grâces, ministère fédéral
de la Justice,
I. Siess, service constitutionnel,
chancellerie fédérale,conseillères ;

–pour la Commission
M. A. Weitzel,délégué ;

–pour le requérant
MeT. Schreiner, avocat au barreau d’Eisenstadt,conseil ;

–pour M. Werner
Me G. Bürstmayr, avocat au barreau de Munich,conseil.

La Cour a entendu en leurs déclarations M. Weitzel, Me Bürstmayr, Me Schreiner, M. Cede et Mme Gartner.

EN FAIT

I.Les circonstances de l’espèce

6.  Ressortissant hongrois né en 1971, M. Soltan Szücs réside à Halaszetelek (Hongrie).

A.La détention provisoire

7.  Le 8 octobre 1990, le juge d’instruction près le tribunal d’arrondissement (Kreisgericht) de Wiener Neustadt ouvrit une enquête préliminaire et émit un mandat d’arrêt à l’encontre du requérant et de trois autres personnes, soupçonnés d’avoir frauduleusement utilisé la carte de crédit d’une tierce personne lors d’achats effectués dans différents magasins en Autriche pour une valeur d’environ 200 000 schillings autrichiens (ATS).

8.  Le 25 février 1991, la police arrêta l’intéressé à la frontière austro-hongroise, alors qu’il s’apprêtait à entrer en Autriche.

9.  Le 26 février 1991, le juge d’instruction près le tribunal d’arrondissement d’Eisenstadt entendit M. Szücs et le plaça en détention provisoire.

10.  Le 4 avril 1991, il entendit de nouveau le requérant.

B.L’arrêt des poursuites

11.  Le 11 mai 1991, à la requête du parquet, le juge d’instruction décida d’abandonner les poursuites, à la suite des conclusions d’un expert en graphologie d’après lesquelles il était peu probable que les signatures figurant sur les reçus de la carte de crédit volée fussent de la main de l’intéressé.

12.  Le même jour, ce dernier fut remis en liberté.

C.Les demandes d’indemnité pour la détention subie

1.La demande d’indemnité en vertu de l’article 2 § 1 b) de la loi de 1969 sur l’indemnisation en matière pénale

13.  Le 6 mai 1991, le requérant sollicita de la part de l’Etat un dédommagement pour le préjudice matériel causé par son maintien en détention.

14.  Le 8 mai 1991, la chambre du conseil (Ratskammer) du tribunal d’arrondissement de Wiener Neustadt rejeta sa demande d’indemnité, au motif que, contrairement aux exigences de l’article 2 § 1 b) de la loi de 1969 sur l’indemnisation en matière pénale (Strafrechtliches Entschädigungsgesetz – « loi de 1969 » – paragraphe 20 ci-dessous), les soupçons à son égard n’avaient pas été dissipés.

15.  Le 27 mai 1991, le requérant interjeta appel de cette décision auprès de la cour d’appel (Oberlandesgericht) de Vienne.

16.  Le 9 janvier 1992, cette dernière, siégeant à huis clos, débouta l’intéressé. Elle statua en ces termes :

« La cour concède à l’intéressé que la décision de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Wiener Neustadt se limite, pour l’essentiel, à mentionner les textes applicables et à exposer les faits, et qu’elle n’exploite pas certains éléments concrets qui se dégagent du dossier. De fait, il pèse sur le demandeur, entre temps condamné et emprisonné en Autriche pour recel, au sens de l’article 164 §§ 1, deuxième alinéa, et 2 du code pénal, le soupçon d’avoir obtenu des marchandises de manière frauduleuse, en utilisant de manière illégale une carte de crédit établie au nom d’une autre personne. A cet égard, on ne peut exclure qu’il ait signé des reçus en utilisant une carte établie au nom d’une femme, grâce au port d’une perruque. Cette tentative d’éclaircissement s’est avérée nécessaire, le tribunal de première instance n’ayant pu s’emparer des autres auteurs. A une éventuelle supposition que les signatures émanent de lui l’intéressé ne peut opposer que son affirmation selon laquelle il n’a apposé aucune signature sur les reçus et qu’il n’a pas l’air d’une fille non plus. Pour autant qu’il souhaite voir admettre comme preuve véritable de son innocence la déclaration de l’expert selon laquelle les signatures apposées sur les reçus ne proviennent vraisemblablement pas de lui, il y a lieu de tenir compte de l’échelle de probabilité dressée par l’expert, laquelle n’exclut nullement qu’il puisse être l’auteur des signatures, et il échet de faire remarquer que cet argument du demandeur est inapte à réfuter la thèse selon laquelle il a participé aux actes d’escroquerie en effectuant les transports nécessaires vers les différents lieux où les infractions ont été commises et en enlevant les butins, alors qu’il connaissait le caractère répréhensible des actes commis par les autres auteurs. Au contraire, la multitude des achats frauduleux effectués, tant en Autriche qu’en Italie, plaide en faveur de l’idée que l’intéressé était tout à fait conscient du caractère répréhensible des opérations et que c’est en parfaite connaissance de cause qu’il a aidé les auteurs des infractions à accomplir leurs actes délictueux en effectuant de nouveaux transports (article 12 du code pénal).

Contrairement à ce que soutient le demandeur, une indemnisation au titre de l’article 2 § 1 b) de la loi sur l’indemnisation en matière pénale est tributaire d’une condition : l’innocence de la personne placée en détention doit pouvoir être considérée comme démontrée, c’est-à-dire qu’il doit être prouvé que cette personne n’est pas punissable et ne peut être poursuivie pour le comportement à l’origine de sa détention. Si cela demeure seulement incertain, la dissipation des soupçons n’est pas acquise et la condition mise à l’indemnisation n’est pas remplie (voir Mayerhofer-Rieder, deuxième éd., E.11a et 12a, à propos de l’article 2 de la loi sur l’indemnisation en matière pénale). On ne peut, en l’espèce, parler d’une telle dissipation des soupçons. Dépourvue de fondement, la demande ne peut donc être accueillie. »

2.La demande d’indemnité en vertu de l’article 2 § 1 a) de la loi de 1969 sur l’indemnisation en matière pénale

17.  Dans ses écritures du 27 mai 1991 (paragraphe 15 ci-dessus), M. Szücs se plaignait également de la durée excessive de la détention provisoire et sollicita à cet égard l’attribution d’une indemnité pour détention illégale au titre de l’article 2 § 1 a) de la loi de 1969 (paragraphe 20 ci-dessous).

18.  Le 9 janvier 1992, dans une décision séparée, la cour d’appel, siégeant en première instance et à huis clos, débouta le requérant, au motif que ni son arrestation ni sa mise en détention provisoire ou son maintien en détention n’avaient été illégaux.

La cour d’appel renvoya également à la motivation de son autre arrêt rendu le même jour (paragraphe 16 ci-dessus).

II.Le droit interne pertinent

A.Oralité et publicité des débats judiciaires

19.  L’article 90 § 1 de la Constitution fédérale dispose :

« Les débats judiciaires en matière civile et pénale sont oraux et publics. La loi prévoit les exceptions à cette règle. »

B.Indemnité au titre de la détention provisoire

20.  Les dispositions pertinentes de la loi de 1969 sont ainsi libellées :

Article 2 § 1 a) et b)

« 1) A droit à une indemnité :

a)la victime dont la mise ou le maintien en détention provisoire a été ordonnée d’une manière illégale par une juridiction nationale (...)

b)la victime qui, mise en garde à vue ou en détention provisoire par une juridiction nationale (...), parce que soupçonnée d’une infraction passible de poursuites en Autriche, a été ultérieurement acquittée de ce chef d’inculpation ou autrement mise hors de cause, si les soupçons pesant sur elle ont été dissipés ou si la poursuite se trouve exclue pour d’autres raisons qui existaient déjà à l’époque de l’arrestation ;

(...) »

Article 6

« 1) (...)

2)Le tribunal qui acquitte une personne ou la met autrement hors de cause (...) (article 2 § 1 b) ou c)) doit décider, d’office ou sur demande de la personne concernée ou du parquet, si les conditions d’indemnisation prévues à l’article 2 §§ 1 b) ou c), 2 et 3 se trouvent réunies ou s’il existe un des motifs d’exclusion énumérés à l’article 3. (...) Si les poursuites sont abandonnées sur décision du juge d’instruction, c’est la chambre du conseil qui statue.

3)Avant de statuer, la juridiction doit entendre la personne arrêtée ou condamnée et recueillir les preuves nécessaires à sa décision, pour autant que celles-ci n’ont pas déjà été produites dans la procédure pénale (...)

4)La décision, qu’il n’y a pas lieu de publier, doit, dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 2, une fois la décision au pénal passée en force de chose jugée, être signifiée à la personne arrêtée ou condamnée, et ce par remise en mains propres, ainsi qu’au procureur (...)

5)La personne arrêtée ou condamnée et le procureur peuvent interjeter appel de la décision devant la juridiction supérieure ; ils ont quatorze jours pour ce faire.

6)La juridiction compétente pour statuer sur le recours doit ordonner à la juridiction pénale de première instance d’effectuer des investigations complémentaires, pour autant que cela soit nécessaire pour la décision. Si c’est le tribunal de première instance qui est appelé à statuer, les investigations doivent être effectuées par le juge d’instruction.

7)Dès lors qu’elle est passée en force de chose jugée, la décision lie les juridictions pour la suite de la procédure. »

21.  Si les juridictions estiment que les conditions des articles 2 et 3 sont remplies, l’intéressé doit saisir le département des finances (Finanzprokuratur) pour que sa demande soit accueillie. Si aucune décision n’est prise sur sa demande dans un délai de six mois, ou si sa demande est partiellement ou entièrement refusée, le demandeur peut engager une action civile contre la République d’Autriche (articles 7 et 8 de ladite loi).

22.  En règle générale, il n’y a pas d’audience publique devant la chambre du conseil et devant la cour d’appel dans les procédures de recours (Beschwerden) contre une décision de la chambre du conseil. Ces deux juridictions statuent à huis clos, après avoir entendu, respectivement, le représentant du parquet et celui du parquet général (article 32 § 1 et article 35 § 2 du code de procédure pénale – Strafprozeßordnung).

  1. Accès au dossier pénal

23.  L’article 82 du code de procédure pénale dispose :

« Les tribunaux apprécient librement si une partie ou son représentant dûment mandaté peuvent être autorisés, en dehors des cas expressément prévus par le code de procédure pénale, à consulter des pièces du dossier ou si des copies peuvent leur en être délivrées, pour autant que les intéressés démontrent de manière plausible que ces copies leur sont nécessaires pour pouvoir demander une indemnisation, pour étayer leur demande de révision ou pour d’autres motifs. »

D.Accès du public aux arrêts des plus hautes juridictions

24.  La Cour constitutionnelle et la Cour administrative ont pour pratique de mettre à disposition leurs arrêts sur simple demande adressée au greffe. Elles publient en outre annuellement une sélection de leurs décisions. A la suite d’une modification apportée en 1991 à la loi sur la Cour suprême, les arrêts de la Cour suprême (Oberster Gerichtshof) sont également à la disposition du public, sur simple demande. La Cour suprême publie également chaque année une sélection de ses arrêts.

PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION

25.  M. Szücs a saisi la Commission le 24 août 1992. Invoquant l’article 5 §§ 3 et 5, il se plaignait de la durée de sa détention provisoire ainsi que du refus des juridictions autrichiennes de lui accorder une indemnité pour la détention subie. Invoquant l’article 6 §§ 1, 2 et 3 d) de la Convention, il se plaignait également de ce que les juridictions autrichiennes n’avaient pas rendu leurs jugements publiquement et de ce qu’il n’avait pu faire interroger des témoins ; enfin il alléguait la violation du principe de la présomption d’innocence.

26.  Les 29 juin 1994 et 23 octobre 1995, la Commission a retenu la requête (no 20602/92) quant au grief relatif à l’absence de prononcé public des arrêts rendus par la cour d’appel de Vienne, et l’a déclarée irrecevable pour le surplus. Dans son rapport du 3 septembre 1996 (article 31), elle conclut à la violation de l’article 6 § 1 (vingt-sept voix contre deux). Le texte intégral de son avis et de l’opinion séparée dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt[4].

CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR

27.  Dans son mémoire commun à la présente affaire et à l’affaire Werner c. Autriche (arrêt du 24 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII), le Gouvernement demande à la Cour  :

« 1. De déclarer les présentes requêtes irrecevables au regard de l’article 27 § 2 de la Convention, pour défaut manifeste de fondement en l’absence des violations de la Convention alléguées par les requérants dans la mesure où lesdites requêtes ne doivent pas être rejetées pour défaut d’épuisement des voies de recours internes au regard de l’article 27 § 3 de la Convention ;

ou

2.De dire qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention dans les procédures engagées en vertu de la loi sur l’indemnisation pénale. »

28.  Le requérant, de son côté, invite la Cour à constater

« la violation de son droit, protégé par l’article 6 § 1 de la Convention, à un prononcé public des décisions rendues par les juridictions saisies de sa demande d’indemnité ».

L’intéressé prie aussi la Cour de condamner l’Autriche à lui verser les frais et dépens encourus ainsi qu’une satisfaction équitable au titre de l’article 50 de la Convention.

EN DROIT

  1.                SUR LA VIOLATION ALLéGUéE DE L’ARTICLE 6 § 1 de la Convention

29.  M. Szücs se prétend victime d’une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...). Le jugement doit être rendu publiquement (...) »

Il se plaint de ce que le tribunal d’arrondissement de Wiener Neustadt et la cour d’appel de Vienne, statuant sur sa demande d’indemnité en vertu de l’article 2 § 1 b) de la loi sur l’indemnisation en matière pénale (paragraphe 20 ci-dessus) pour la détention subie, n’ont pas rendu leurs jugements publiquement.


Il se plaint également de l’absence de prononcé public de l’arrêt de la cour d’appel de Vienne, siégeant en première instance et statuant sur sa demande d’indemnité en vertu de l’article 2 § 1 a) de la loi sur l’indemnisation en matière pénale (paragraphe 20 ci-dessus).

  1. Applicabilité de l’article 6 § 1

30.  Selon le requérant, les procédures litigieuses portaient sur ses droits de caractère civil. Il avait demandé réparation au titre de dommages patrimoniaux résultant de sa détention provisoire, et il y aurait eu contestation sérieuse sur son droit à être indemnisé. La deuxième étape des procédures se déroulant devant des juridictions civiles, il serait incompréhensible d’exclure de l’applicabilité de l’article 6 § 1 l’étape préalable, mais indispensable, devant les juridictions pénales. Enfin, la décision de ces dernières était directement déterminante pour son droit à réparation.

31.  Le Gouvernement, en revanche, estime que notamment la procédure relative à sa demande d’indemnité présentée en vertu de l’article 2 § 1 b) de la loi sur l’indemnisation en matière pénale (paragraphes 13–16 ci-dessus) ne relève pas de l’article 6, au motif que, comme dans l’affaire Masson et Van Zon c. Pays-Bas (arrêt du 28 septembre 1995, série A no 327-A), l’intéressé ne disposait pas d’un « droit » en droit interne. En effet, d’après cet article, le simple fait d’acquitter une personne ayant été détenue ou d’abandonner les poursuites dirigées contre elle n’impliquerait pas que celle-ci dispose automatiquement d’un droit à indemnisation. Celui-ci n’existerait que si tous les soupçons avaient été dissipés, ce que les tribunaux compétents apprécieraient de manière discrétionnaire, de sorte que l’on ne saurait parler de l’existence d’un « droit ». Par ailleurs, la décision des juridictions pénales ne serait pas directement déterminante pour le droit en question, car la personne lésée doit faire valoir ultérieurement ses prétentions à indemnisation devant les juridictions civiles.

32.  La Cour rappelle que l’article 6 § 1 s’applique à des contestations sur un droit que l’on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne. Il doit s’agir d’une contestation réelle et sérieuse ; elle peut concerner aussi bien l’existence même d’un droit que son étendue ou ses modalités d’exercice. Enfin, l’issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question, l’article 6 § 1 ne se contentant pas, pour entrer en jeu, d’un lien ténu ni de répercussions lointaines (voir notamment l’arrêt Masson et Van Zon précité, p. 17, § 44, et l’arrêt Georgiadis c. Grèce du 29 mai 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑III, pp. 958–959, § 30).

33.  La Cour relève qu’en l’espèce, l’article 2 § 1 de la loi sur l’indemnisation en matière pénale (paragraphe 20 ci-dessus) prévoit qu’une personne dispose d’un droit à indemnisation si elle a été illégalement mise ou maintenue en détention provisoire (article 2 § 1 a)), ou si elle a été acquittée ou mise hors de cause après sa détention et que « les soupçons pesant sur elle ont été dissipés » (article 2 § 1 b)).

Dans l’affaire Masson et Van Zon, l’octroi d’une telle indemnité était entièrement laissée à l’appréciation discrétionnaire des juges, même si les conditions prévues par la loi étaient remplies (arrêt précité, p. 19, § 51), ce qui a amené la Cour à conclure à l’absence d’un droit en droit interne. Dans la présente espèce, au contraire, le requérant avait un droit à être indemnisé au titre de sa détention provisoire, dès lors que les conditions prévues par la loi étaient remplies. Celle-ci se rapproche donc davantage de l’affaire Georgiadis, où une disposition similaire du code de procédure pénale grec crée un droit à réparation pour une personne ayant été acquittée après sa détention (arrêt précité, p. 959, § 32).

A l’instar de la Commission, la Cour considère donc qu’il existait un « droit ».

34.  Par ailleurs, M. Szücs soutenait qu’il avait un droit à réparation en vertu de la loi sur l’indemnisation en matière pénale, alors que les juridictions pénales compétentes estimaient que les conditions énoncées dans ladite loi n’étaient pas remplies. Il y avait donc « contestation » sur un droit au sens de l’article 6 § 1.

35.  Enfin la Cour note que l’article 6 § 7 de la loi sur l’indemnisation en matière pénale prévoit que « [d]ès lors qu’elle est passée en force de chose jugée, la décision [sur l’octroi de ladite indemnité] lie les juridictions pour la suite de la procédure » (paragraphe 20 ci-dessus). Indépendamment du fait que d’autres étapes procédurales pouvaient s’avérer nécessaires (paragraphe 21 ci-dessus), l’issue des procédures devant les juridictions pénales compétentes était donc directement déterminante pour le droit à réparation de l’intéressé.

36.  Quant au « caractère civil » de ce droit, la Cour rappelle que la notion de « droits et obligations de caractère civil » ne doit pas s’interpréter par simple référence au droit interne de l’Etat défendeur et que l’article 6 § 1 s’applique indépendamment de la qualité des parties comme de la nature de la loi régissant la « contestation » et de l’autorité compétente pour trancher (arrêt Georgiadis précité, p. 959, § 34). Pour qu’un droit revête un caractère civil, il suffit que l’action ait un objet patrimonial et se fonde sur une atteinte alléguée à des droits eux aussi patrimoniaux (arrêt Editions Périscope c. France du 26 mars 1992, série A n 234-B, p. 66, § 40).

37.  Dans l’affaire Georgiadis, la Cour a conclu au caractère civil du droit à réparation après acquittement d’une personne ayant subi une détention (arrêt précité, p. 959, § 35). Elle ne voit pas de raison de s’écarter de cette analyse en l’espèce, où le droit à réparation du requérant portait sur une
indemnité réclamée au titre de la détention subie, après l’abandon des poursuites par le juge d’instruction (paragraphe 11 ci-dessus).

38.  Partant, elle conclut, avec la Commission, que l’article 6 § 1 s’applique aux procédures litigieuses.

B.Observation de l’article 6 § 1

1.La réserve autrichienne à l’article 6

39.  A l’audience devant la Cour, le Gouvernement a fait valoir que la Cour ne peut connaître du grief tiré de l’absence de prononcé public des jugements dans les procédures relatives à l’indemnisation en matière pénale, ces procédures tombant sous le coup de la réserve autrichienne à l’article 6 de la Convention, ainsi libellée :

« Les dispositions de l’article 6 de la Convention seront appliquées dans la mesure où elles ne portent atteinte, en aucune façon, aux principes relatifs à la publicité de la procédure juridique énoncés à l’article 90 de la Loi fédérale constitutionnelle dans sa version de 1929. »

40.  La Cour note que le Gouvernement n’a pas évoqué la question de la réserve dans son mémoire devant la Cour. Elle estime dès lors devoir appliquer la disposition de l’article 50 § 1 du règlement B, ainsi libellé :

« Si une partie entend soulever une exception préliminaire, elle en formule et motive le texte par écrit (...) avant l’expiration du délai fixé, en vertu de l’article 39 § 1, pour le dépôt du premier mémoire à présenter par elle. »

La question de savoir si ce grief (paragraphe 39 ci-dessus) est couvert par ladite réserve se heurte donc à la forclusion et il n’y a pas lieu de l’examiner d’office.

2.Le bien-fondé du grief

41.  D’après le Gouvernement, l’exigence de l’article 6 § 1 relatif au prononcé public de jugements était respectée en l’espèce, l’article 82 du code de procédure pénale (paragraphe 23 ci-dessus) permettant à des tiers d’accéder aux dossiers et d’obtenir des copies s’ils justifient d’un intérêt légitime. De plus, la compétence limitée des juridictions, qui ne devaient statuer que sur la dissipation des soupçons à l’encontre de l’intéressé, justifierait l’absence de prononcé public des décisions, comme dans l’affaire Pretto et autres c. Italie (arrêt du 8 décembre 1983, série A no 71). Enfin, le huis clos se justifierait également dans l’intérêt du justiciable, ces décisions risquant de préciser que des soupçons pèsent toujours sur lui, ce qui
porterait atteinte à la présomption d’innocence. Par ailleurs, en ce qui concerne la demande d’indemnité présentée en vertu de l’article 2 § 1 a) de la loi sur l’indemnisation en matière pénale, le requérant aurait omis de saisir la Cour suprême contre l’arrêt de la cour d’appel siégeant en première instance (paragraphe 18 ci-dessus).

42.  La Cour rappelle que la publicité des débats judiciaires constitue un principe fondamental consacré par l’article 6 § 1. Ladite publicité protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public ; elle constitue aussi l’un des moyens de contribuer à préserver la confiance dans les cours et tribunaux. Par la transparence qu’elle donne à l’administration de la justice, elle aide à atteindre le but de l’article 6 § 1 : le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique au sens de la Convention (voir, par exemple, l’arrêt Diennet c. France du 26 septembre 1995, série A n 325-A, pp. 14–15, § 33).

43.  Elle a déjà eu à plusieurs reprises à statuer sur l’exigence d’un prononcé public des jugements énoncée à l’article 6 § 1, estimant qu’il convenait « dans chaque cas, d’apprécier à la lumière des particularités de la procédure dont il s’agit, et en fonction du but et de l’objet de l’article 6 § 1, la forme de publicité du « jugement » prévue par le droit interne de l’Etat en cause » (arrêt Pretto et autres précité, p. 12, § 26 in fine). Ainsi, dans cette affaire (p. 13, § 27), elle a considéré, eu égard à la compétence limitée de la Cour de cassation, que le dépôt de l’arrêt au greffe, qui permettait à chacun d’avoir accès au texte intégral de l’arrêt, suffisait pour répondre à cette exigence. Dans l’affaire Axen c. Allemagne (arrêt du 8 décembre 1983, série A no 72, p. 14, § 32), elle a estimé que le prononcé public d’une décision d’une Cour suprême n’était pas nécessaire dès lors que les jugements des tribunaux inférieurs avaient été rendus publiquement. Enfin, dans l’affaire Sutter c. Suisse (arrêt du 22 février 1984, série A no 74, pp. 14–15, § 34), elle a jugé que le prononcé public d’une décision du Tribunal militaire de cassation ne s’imposait pas, l’accès du public à cette décision étant assuré par d’autres moyens, à savoir la possibilité de demander une copie de l’arrêt au greffe du tribunal et sa publication ultérieure dans un recueil officiel de jurisprudence.

44.  La Cour relève que dans la procédure relative à la demande d’indemnité présentée par le requérant en vertu de l’article 2 § 1 b) de la loi sur l’indemnisation en matière pénale (paragraphes 13–16 ci-dessus), ni le tribunal d’arrondissement de Wiener Neustadt ni la cour d’appel de Vienne n’ont rendu leurs jugements publiquement. De même, dans la procédure relative à la demande d’indemnité présentée en vertu de l’article 2 § 1 a) de ladite loi (paragraphes 17–18 ci-dessus), la cour d’appel de Vienne, siégeant en première instance, n’a pas rendu son arrêt en séance publique.


L’absence de prononcé public des décisions par les juridictions dans de telles procédures étant expressément prévue par l’article 6 § 4 de la loi sur l’indemnisation en matière pénale (paragraphe 20 ci-dessus), on ne saurait reprocher à l’intéressé de ne pas avoir saisi la Cour suprême contre l’arrêt de la cour d’appel, siégeant en première instance, sur ce point.

45.  Certes, comme le soutient le Gouvernement, une tierce personne peut être autorisée, en vertu de l’article 82 du code de procédure pénale (paragraphe 23 ci-dessus), à avoir accès aux dossiers et à obtenir des copies des jugements qu’ils contiennent, si elle justifie d’un intérêt légitime. Cette autorisation est cependant, dans chaque cas, soumise à la libre appréciation des tribunaux compétents et il ne s’agit pas là d’un libre accès de chacun au texte intégral des jugements.

46.  En effet, en Autriche la possibilité d’obtenir le texte intégral des jugements auprès du greffe n’existe que pour les arrêts de la Cour suprême, de la Cour administrative et de la Cour constitutionnelle (paragraphe 24 ci-dessus), et non pour des jugements et décisions des cours d’appel ou des tribunaux de première instance.

47.  Par ailleurs, l’argument du Gouvernement relatif à la préservation de la présomption d’innocence du requérant ne saurait prospérer. D’une part, la Cour, avec la Commission, ne voit pas la nécessité pour les juridictions compétentes de formuler, dans le cadre de procédures engagées en vertu de la loi sur l’indemnisation en matière pénale, des déclarations qui emporteraient violation de la présomption d’innocence garantie par l’article 6 § 2. D’autre part, il peut être important pour l’intéressé que la dissipation des soupçons à son égard soit portée à la connaissance du public.

48.  Dès lors, considérant qu’aucune décision judiciaire n’a été rendue publiquement dans les deux procédures litigieuses et que la publicité n’a pas été suffisamment assurée par d’autres moyens, la Cour conclut, avec la Commission, à la violation de l’article 6 § 1 sur ce point.

II.Sur l’application de l’article 50 de la Convention

49.  Aux termes de l’article 50 de la Convention,

« Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable. »


  1. Dommage

50.  M. Szücs réclame 20 400 schillings autrichiens (ATS) pour dommage matériel, en compensation notamment de la perte de salaire subie au cours de sa détention. Il sollicite en outre 30 000 ATS pour dommage moral.

51.  A l’instar de la Commission et du Gouvernement, la Cour relève l’absence de lien de causalité entre la violation constatée et le préjudice matériel allégué ; on ne saurait en effet spéculer sur l’issue de procédures conformes aux exigences de l’article 6 § 1.

Quant au dommage moral éventuel, la Cour l’estime suffisamment compensé par le constat de violation de l’article 6 § 1.

  1. Frais et dépens

52.  Le requérant demande aussi 8 501,50 ATS au titre des frais et dépens occasionnés par son recours contre la décision du tribunal d’arrondissement de Wiener Neustadt devant la cour d’appel de Vienne. Il réclame en outre 147 950 ATS au titre de la procédure suivie devant les organes de la Convention.

53.  Le Gouvernement accepte le montant des frais demandés pour le recours devant la cour d’appel de Vienne. Quant à la procédure suivie à Strasbourg, eu égard aux griefs déclarés admissibles par la Commission, il estime raisonnable un montant de 70 000 ATS.

54.  Le délégué de la Commission se prononce en faveur d’un remboursement des frais et dépens exposés devant les organes de la Convention.

55.  La Cour rappelle que d’après sa jurisprudence, pour avoir droit à l’allocation de frais et dépens, la partie lésée doit les avoir supportés afin d’essayer de prévenir ou faire corriger une violation de la Convention, d’amener la Commission puis la Cour à la constater et d’en obtenir l’effacement. Il faut aussi que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, parmi d’autres, l’arrêt Nideröst-Huber c. Suisse du 18 février 1997, Recueil 1997-I, p. 110, § 40).

56.  Comme l’indique le Gouvernement, seuls les frais afférents à l’instance devant la cour d’appel de Vienne ont été engagés pour faire corriger les violations relatives à l’absence de prononcé public du jugement du tribunal d’arrondissement de Wiener Neustadt. La Cour accorde donc, à ce titre, la somme réclamée.

Quant aux frais entraînés par la représentation de M. Szücs à Strasbourg, la Cour, statuant en équité et à l’aide des critères qu’elle applique en la matière, décide d’allouer un montant de 90 000 ATS.

  1. Intérêts moratoires

57.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux légal applicable en Autriche à la date d’adoption du présent arrêt est de 4 % l’an.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, à L’UNANIMITé,

  1. Dit que l’article 6 § 1 de la Convention s’applique aux procédures litigieuses ;
  2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de l’absence de prononcé public des jugements dans ces procédures ;
  3. Dit que le présent arrêt constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral éventuellement subi ;
  4. Dit

a)que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 98 501 (quatre-vingt dix-huit mille cinq cent un) schillings autrichiens et 50 (cinquante) groschen pour frais et dépens ;

b)que ce montant sera à majorer d’un intérêt simple de 4 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;

5.Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 24 novembre 1997.

Pour le président

Signé :Feyyaz Gölcüklü

Juge

Signé :Herbert Petzold

Greffier

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51 § 2 de la Convention et 55 § 2 du règlement B, l’exposé de l’opinion concordante de M. Matscher.

Paraphé : F. G.

Paraphé : H. P.


OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE MATSCHER

En ce qui concerne la méconnaissance du principe de la publicité, je me réfère au paragraphe premier de mon opinion séparée dans l’affaire Werner c. Autriche (arrêt du 24 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII).


[1].  Rédigé par le greffe, il ne lie pas la Cour.

[2]Notes du greffier

.  L'affaire porte le n° 135/1996/754/953. Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.

[3].  Le règlement B, entré en vigueur le 2 octobre 1994, s'applique à toutes les affaires concernant les Etats liés par le Protocole n° 9.

[4].  Note du greffier : pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions, 1997), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE SZÜCS c. AUTRICHE, 24 novembre 1997, 20602/92