Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 22 novembre 2018, n° 15/14346

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 2e ch., 22 nov. 2018, n° 15/14346
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 15/14346
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 17 juin 2015, N° 14/03534
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Marseille, 18 juin 2015, 2014/03534
  • (en réquisition)
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Référence INPI : D20180104
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE ARRÊT DU 22 novembre 2018

2e Chambre Rôle N° RG 15/14346 – N° Portalis DBVB-V-B67-5GOD

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 18 juin 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03534.

APPELANTS Monsieur Joaquim G, demeurant 4 Lot Le Devens Traverse du Moulin 13440 CABANNES

Monsieur TKRPDV G, demeurant 4 Lot Le Devens Traverse du Moulin 13440 CABANNES

Madame MDULD de la Asuncion P, demeurant 13 Avenida de Las Ciencias – 5e E SEVILLE – ESPAGNE

Société DELTA BLAU SL immatriculée au RCS de TARASCON sous le n° 513 525 303, dont le siège est Rocade Nord 13550 NOVES tous quatre représentés par Me Ludovic ROUSSEAU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE assistés et plaidant par Me J pierre GASNIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE SAS DISTRIMEX, dont le siège est Marché d’Intérêt National 84000 AVIGNON représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN- PROVENCE assistée et plaidant par Me Jean ANDRE de l BONNAFFONS & ANDRE, avocat au barreau de MARSEILLE,

COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 octobre 2018 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente, et Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller Madame Françoise PETEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2018.

ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2018. Signé par Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 18 juin 2015 rendu par le tribunal de grande instance de Marseille première chambre civile,

Vu l’appel interjeté le 4 août 2015 par la société de droit espagnol DELTA BLAU SL,

Vu les dernières conclusions de la société DELTA BLAU, et de Monsieur Joachim G, Monsieur G et Madame M P, appelants en date du 16 octobre 2017,

Vu les dernières conclusions de la SAS DISTRIMEX, intimée en date du 13 septembre 2018,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 17 septembre 2018,

SUR CE, LA COUR, Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société DISTRIMEX est une société implantée en France depuis 1982 et spécialisée dans le commerce de gros de fruits et légumes.

Depuis 1999 les pommes que DISTRIMEX commercialise dans le monde entier des pommes sous la dénomination Bel’Pom qui sont conditionnées dans des cartons d’emballage recouverts d’un dessin sur lequel elle soutient avoir des droits d’auteur.

Le dessin est systématiquement associé à la dénomination « Bel’Pom » sur les cartons d’emballages de DISTRIMEX, sur les étiquettes apposées sur les fruits, sur le site internet de DISTRIMEX, sur ses plaquettes commerciales.

Le 18 juin 1994, la société DISTRIMEX a constitué une filiale en Espagne, la société DELTA BLAU, dont elle détenait 100 % des titres, pour assurer son développement sur la péninsule ibérique.

Le 25 mai 2009, la société DISTRIMEX a cédé la société DELTA BLAU à un salarié, Monsieur Joaquim G, ancien commercial devenu Directeur général de DISTRIMEX entre 2005 et 2009, ainsi qu’à son fils Monsieur Thomas G et à Madame P.

Reprochant à la société DELTA BLAU de reproduire sans son autorisation ce dessin et de ne pas donner suite à ses multiples mises en demeure d’avoir à cesser cette reproduction, la société DISTRIMEX a, suivant autorisation présidentielle du président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 29 janvier 2014, fait pratiquer le 10 février 2014 une mesure de saisie-contrefaçon au sein de la société ALLARD EMBALLAGAGE qui assurait la fabrication de cartons pour DELTA BLAU dont il ressort la présence de 18.225 cartons estampillés DELTA BLAU reproduisant son dessin de façon quasi identique.

Estimant que ces cartons sont contrefaisants et ce, à une échelle importante, la société DISTRIMEX a, selon acte d’huissier du 4 mars 2014 fait assigner la société DELTA BLAU SL devant le tribunal de grande instance de Marseille en contrefaçon de dessin et concurrence déloyale et parasitaire et en réparation du préjudice en résultant.

Monsieur Joachim G, Monsieur G et Madame sont intervenus volontairement aux débats. Suivant jugement contradictoire du 18 juin 2015 dont appel, le tribunal a:

- dit que la société DELTA BLAU SL en reproduisant et en représentant le dessin dont la société DISTRIMEX est titulaire, sans l’autorisation de cette dernière a commis des actes de contrefaçon à son détriment,
- dit qu’en reproduisant et en représentant le dessin dont la société DISTRIMEX est titulaire, sur une gamme d’emballage identiques à ceux utilisés par cette dernière ainsi que sur des documents

commerciaux et cartes de visite, sans l’autorisation de la société DISTRIMEX, la société DELTA BLAU SL, société de droit espagnol, a commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de celle-ci,
- interdit à la société DELTA BLAU la poursuite de tels actes directement ou indirectement, sous astreinte,
- dit que le tribunal restera compétent pour liquider l’astreinte,
- ordonné au profit de la société DISTRIMEX la confiscation aux fins de destruction des articles contrefaisants en quelque lieu qu’ils soient trouvés,
- ordonné une mesure d’expertise confiée à Monsieur Jean A à l’effet de permettre d’établir le préjudice de la société DISTRIMEX,
- condamné la société DELTA BLAU SL à payer à la société DISTRIMEX une indemnité provisionnelle du 28 857 euros à valoir sur l’indemnisation du manque à gagner dont le montant sera ultérieurement déterminé par la production des éléments comptables auprès de l’expert,

— condamné la société DELTA BLAU SL à payer à la société DISTRIMEX une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des économies injustifiées qu’elle a réalisées,

— condamné la société DELTA BLAU SL à payer à la société DISTRIMEX une somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral subi par la société DISTRIMEX,
- ordonné la publication du jugement aux frais de la société DELTA BLAU SL dans cinq journaux au choix de la société DISTRIMEX sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 5.00 euros

— condamné la société DELTA BLAU SL à verser à la société DISTRIMEX la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

— renvoyé l’affaire à la mise en état,
- condamné la société DELTA BLAU SL aux entiers dépens distraits au profit de la Selarl Bonnafons-André avocat au barreau de Marseille.

- ordonné l’exécution provisoire de sa décision.

En cause d’appel la société DELTA BLAU, et Monsieur Joachim G, Monsieur G et Madame P,

appelants, demandent dans leurs dernières écritures en date du 16 octobre 2017 de : Vu les articles L.111-1, L.122-4, L 131-2, L.131-3, et L.331-13 du code de propriété intellectuelle, Vu l’article 1382 (ancien) devenu 1240 et 1626 du Code civil,

— dire irrecevable l’appel de la société DISTRIMEX, faute d’intérêt à agir, à défaut :

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 18 juin 2015 en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau :

- dire que le visuel utilisé par la société DISTRIMEX n’est pas original et que celle-ci ne justifie pas de ses droits d’auteur sur celui-ci,
- dire à titre subsidiaire que le visuel utilisé par DELTA BLAU est une 'œuvre parfaitement conforme aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle, dont DELTA BLAU est titulaire,
- dire qu’en tout état de cause que le visuel DELTA BLAU faisait partie des actifs de la société et que dès lors la cession des parts sociales détenues par DISTRIMEX dans DELTA BLAU permettait à cette dernière d’utiliser ledit visuel qui est sa propriété,
- dire à tout le moins et à titre infiniment subsidiaire, si les droits de DELTA BLAU SL devaient n’être pas reconnus, que cette dernière disposait d’une autorisation d’exploitation du visuel litigieux consentie par DISTRIMEX, sa société mère, lequel droit a été cédé en même temps que les parts de la société, puisque la cession des parts de DELTA BLAU SL n’a entraîné aucun changement de la personne bénéficiaire de l’autorisation,
- dire en conséquence et en toute hypothèse qu’en utilisant le visuel litigieux la société DELTA BLAU SL ne s’est rendue coupable d’aucun acte de contrefaçon,
- dire que la société DELTA BLAU SL ne s’est rendu coupable d’aucun acte de concurrence déloyale et notamment qu’il n’existe aucun fait de concurrence déloyale distinct des actes de contrefaçon,
- dire que les prétentions nouvelles de la société DISTRIMEX tendant à faire juger d’actes de concurrence déloyale à titre subsidiaire à défaut de droits de propriété intellectuelle qui lui seraient reconnus doivent être rejetées,
- dire que le préjudice allégué par DISTRIMEX, aussi bien au titre de la concurrence déloyale que de la contrefaçon, n’est pas prouvé par

cette dernière ni le lien de causalité avec les agissements de DELTA BLAU SL qui ne produit aucun justificatif du préjudice allégué,
- rejeter toutes les autres demandes et prétentions de la société DISTRIMEX SAS,
- à titre éminemment subsidiaire, limiter Ie montant des condamnations à la somme de 1 euro symbolique correspondant au coût de réalisation du visuel litigieux,
- condamner la société DISTRIMEX au paiement d’une somme de 70.000 euros pour concurrence déloyale,

— condamner la société DISTRIMEX à la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux frais d’expertise et de saisie,
- condamner la société DISTRIMEX aux entiers dépens d’appel distraits au profit la SCP Rousseau, avocat.

La SAS DISTRIMEX, intimée s’oppose aux prétentions des appelants, et demande dans ses dernières écritures en date du 13 septembre 2018 de :

vu les articles L112-2, L122-4, L131-2, L131-3, L335-2 et L335-3 du Code de la propriété intellectuelle,

Vu l’article 1240 et 1626 du Code civil,

Vu les articles 74 ; 564 et suivants du Code de procédure civile.

Vu le constat d’huissier réalisé par Me R le 10 février 2014, Vu le rapport d’expertise rendu par Monsieur Jean A le 30 septembre 2017 et déposé au Greffe du Tribunal de grande instance de Marseille,
- dire la société Distrimex recevable dans ses demandes ;

- confirmer le Jugement du 18 juin 2015 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu’il a dit que la société Delta Blau SL en reproduisant et en représentant le Dessin dont la société Distrimex est titulaire, sans l’autorisation de cette dernière, a commis des actes de contrefaçon à son détriment, dit que la société Delta Blau SL, société de droit espagnol, a commis des actes distincts de concurrence déloyale à l’encontre de celle-ci, rejeter l’intégralité des demandes, fins et prétentions de la société Delta Blau, de Monsieur Joaquim G, de Monsieur Thomas G et de Madame P.

à titre subsidiaire,

— dire la société Distrimex recevable à agir en concurrence déloyale à titre subsidiaire,
- dire et juger qu’en reproduisant et en représentant le Dessin dont la société Distrimex est titulaire, sans l’autorisation de cette dernière, la société Delta Blau SL a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

et statuant à nouveau,

— condamner la société Delta Blau SL à payer à la société Distrimex au titre de la contrefaçon de droit d’auteur, compte tenu des sommes d’ores et déjà versées dans le cadre de l’exécution provisoire * une indemnité définitive de 840.143 euros au titre de l’indemnisation du manque à gagner,

* la somme de 25.000 euros en réparation de son préjudice moral,

* la somme de 55.483 euros au titre des économies injustifiées,

— condamner la société Delta Blau SL à payer à la société Distrimex la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes distincts de concurrence déloyale, à titre subsidiaire :

- condamner la société Delta Blau SL à payer à la société Distrimex la somme de 920.626 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire, compte tenu des sommes d’ores et déjà versées dans le cadre de l’exécution provisoire,

en tout état de cause :

- rejeter l’application de la garantie d’éviction, faute pour Delta Blau de prouver une cession de droits à son profit sur le Dessin Litigieux,
- débouter la société Delta Blau de sa demande de condamnation pour concurrence déloyale,
- rejeter l’intégralité des demandes des appelants,
- ordonner la publication du 'jugement’ à intervenir, aux frais de la société Delta Blau, dans 5 journaux au choix de Distrimex sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 8.000 euros,

— condamner la société Delta Blau SL à verser à la société Distrimex, compte tenu des sommes d’ores et déjà versées dans le cadre de l’exécution provisoire, la somme de 20.000 euros, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner les appelants aux entiers dépens d’appel distraits au profit de la SCP P. & J. MAGNAN.

Sur la recevabilité de l’appel,

La société DELTA BLAU, Monsieur Joachim G, Monsieur G et Madame P, font valoir que la société DISTRIMEX, garante de son propre fait en raison de la vente de la totalité des parts sociales de sa filiale DELTA BLAU, ne peut ignorer qu’elle doit à l’acheteur une jouissance paisible des éléments cédés et qu’elle n’a dès lors aucun intérêt à agir car elle a créé elle- même les éléments de son propre préjudice.

La société DISTRIMEX conclut sur le fondement de l’article 74 du code de procédure civile à l’irrecevabilité de cette exception soulevée par les appelants après avoir conclu au fond, et fait valoir qu’elle n’a pas interjeté appel de la décision et qu’aucun cession de droit n’étant intervenue, aucune garantie n’a pu s’appliquer.

La société DISTRIMEX, qui n’a pas interjeté appel de la décision dont s’agit, se prévalant de droits sur le dessin litigieux, est recevable à agir, le bien-fondé de sa demande relevant d’une question de fond, étrangère à la question de la recevabilité, qui, en toute hypothèse, doit être présentée avant toute défense au fond, de sorte que les appelants sont particulièrement mal venus à soulever une telle contestation.

Sur la titularité des droits,

Il est constant que la personne morale qui commercialise de façon équivoque une œuvre de l’esprit est présumée à l’égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l’absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite œuvre les droits patrimoniaux de l’auteur.

Pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne d’identifier précisément l’œuvre qu’elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu’il lui incombe également d’établir que les caractéristiques de l’œuvre qu’elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom.

Enfin, si les actes d’exploitation propres à justifier l’application de cette présomption s’avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l’auteur.

La société DELTA BLAU, Monsieur Joachim G, Monsieur G et Madame P, soutiennent que la société DISTRIMEX ne rapporte pas la preuve de la titularité des droits invoqués car l’attestation rédigée par la société BLUE ITEM (MICRO MEDIA) puisque son gérant n’a pas les moyens d’attester de la réalité de l’activité de la société DISTRIMEX et que celle-ci ne justifie pas elle-même de la titularité des droits qu’elle prétend céder et alors qu’il n’est pas justifié de la cession de ses droits au profit de la société DISTRIMEX.

La société DISTRIMEX expose que le dessin a été créé en 1998 par Monsieur Michel R sous l’impulsion de Monsieur Hubert C, dirigeant de la société DISTRIMEX, exploité pour la commercialisation des pommes, qui évoque le contenu d’un cageot de pommes, créateur, qui explique son processus de création dans son attestation ;

Que l’auteur a cédé l’intégralité de ses droits patrimoniaux sur le dessin à l’agence MICRO MEDIA par contrat du 8 octobre 1998 et que l’intégralité de ces droits a ensuite été cédée à DISTRIMEX comme l’atteste BLUE ITEM anciennement MICRO MEDIA;

Il ressort de l’attestation de l’auteur du dessin, du contrat de cession de celui-ci au profit de l’agence MICRO MEDIA qui a changé de dénomination en BLUE ITEM et de l’attestation établie par le président de cette dernière société et des factures relatives à la création du dessin que celui-ci a été cédé à DISTRIMEX de sorte qu’il est suffisamment justifié de la chaîne des droits sur ce dessin exploité par la société DISTRIMEX de façon non équivoque sous son nom depuis 1999 de sorte qu’il est établi qu’elle est titulaire des droits d’exploitation sur ce dessin.

Sur la protection du dessin au titre du droit d’auteur,

L’article L111-1 du Code de propriété intellectuelle qui dispose que l’auteur d’une 'œuvre de l’esprit jouit sur cette 'œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Selon l’article L 111-2 du code de la propriété intellectuelle, l’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée de la conception de l’auteur.

Aux termes de l’article 112-1 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur

toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

L’article L.113-1 du même code dispose que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ci ceux sous le nom de qui l''œuvre est divulguée.

La société DELTA BLAU, Monsieur Joachim G, Monsieur G et Madame P, contestent le caractère original du dessin composé de rectangles de différentes couleurs car il est constitué uniquement de formes géométriques qui ne présentent pas de formes originales, tout comme leur agencement qui est particulièrement commun dans le domaine des fruits et légumes.

Ils précisent que le choix des couleurs est d’une grande banalité s’agissant de fruits et légumes: jaune, rouge vert et le dessin répond à un impératif technique en raison de sa destination à savoir un carton d’emballage plié, les rectangles de couleur ne pouvant être placés librement; qu’il s’agit d’une juxtaposition aléatoire et non une combinaison originale ; qu’il existe des emballages similaires à ceux de DISTRIMEX ;

Que le visuel DISTRIMEX est une reprise pure et simple des compositions de Piet M spécialement celles de 1921, 1918, 1930 et 1923, compositions qui ont été reprises dans la mode.

Ils indiquent que si ce visuel est jugé original comme étant une déclinaison particulière de ce genre de combinaison de rectangles de couleurs, il convient de constater que toute autre déclinaison particulière et surtout celle de DELTA BLAU, dont le fond est à dominante bleue et les rectangles particulièrement étirés, est une combinaison originale d’éléments protégeables en soit au titre du droit d’auteur et ne constitue pas une contrefaçon.

Ils poursuivent en indiquant que l’idée est tellement minimaliste que cela reviendrait à protéger l’idée d’utiliser des rectangles de couleur pour des emballages.

La société DISTRIMEX indique que les formes géométriques sont protégeables par le droit d’auteur.

Qu’il se caractérise par la composition d’une mosaïque formée par une série de rectangles de différentes tailles et couleurs :

- une suite de colonnes de largeurs différentes, chacune de ces colonnes étant découpées en formes uniquement rectangulaires de couleurs et de dimensions différentes, séparées entre eux par des lignes de couleur foncée,

— les rectangles composant le Dessin sont déclinés en quatre couleurs : jaune, vert, rouge, dans des nuances vives, associées au bleu de la marque Bel’Pom, et en blanc,
- la composition de chaque rabat est inversement symétrique au rabat qui lui fait face,
- au centre du Dessin, sur la face frontale du carton, apparaît un rectangle blanc de taille supérieure aux autres.

Elle soutient que la combinaison de formes géométriques de tailles et de couleurs variées et la composition globale du Dessin destiné à représenter de façon graphique le contenu des cartons sur lesquels le Dessin serait apposé traduisent un effort créatif et un parti pris esthétique de l’auteur ;

Qu’elle revendique la composition spécifique caractérisant ce dessin et non une protection sur l’idée d’une œuvre composée de rectangles de couleurs ou sur le genre M ou sur les éléments composant ce dessin mais sur la composition originale de ces éléments ;

Qu’en effectuant ces choix arbitraires parmi le caractère infini des représentations des formes et des couleurs disponibles pour traduire graphiquement la présence des pommes dans un carton d’emballage, l’auteur a fait preuve d’une démarche créative.

Elle ajoute que l’œuvre n’est pas constituée par la forme du carton d’emballage lui-même mais par le dessin apposé sur un support.

Elle indique que les captures d’écran non probantes reproduisant deux types de cartons d’emballage, produites par les appelants, sont postérieurs de 17 ans à la création du dessin.

Il ressort de l’examen du visuel qui comporte des rectangles agencés de façon à styliser le chevauchement de pommes à l’intérieur d’un cageot, en les associant à trois couleurs de pommes en couleurs vives, en les associant au bleu de la marque Bel’Pom, que son originalité réside dans le choix des proportions et des formes des dessins géométriques en eux-mêmes connus, et de la combinaison de ces éléments avec les couleurs, selon un agencement particulier stylisé, sans caractère nécessaire, qui lui confèrent sa physionomie propre et traduit ainsi la partie pris esthétique de la personnalité de son auteur;

Que c’est à bon droit que le tribunal a jugé ce dessin éligible à la protection au titre du droit d’auteur. Sur la contrefaçon, L’article L.122-1 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que 'le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction'.

L’article L 122-4 du même code prévoit qu’est une contrefaçon toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause.

L’article L.122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que :

'Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

L’article L.122-1 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que 'le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction'.

L’article L.122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que :

'Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

La société DELTA BLAU, Monsieur Joachim G Monsieur G et Madame P, contestent avoir reproduit ou représenté’ le dessin de DISTRIMEX.

Ils présentent les deux dessins en présence qui incluent les logos qui ont toujours été sur les cartons vendus par les deux sociétés et qui contribuent à les distinguer.

Ils font valoir que le visuel DELTA BLAU a été créé par LINEA TRADE à la demande du directeur général des sociétés DISTRIMEX et DELTA BLAU, Monsieur Joachim G pour différencier les deux sociétés du groupe DISTRIMEX.

Ils relèvent de très nombreuses différences sur les ressemblances invoquées :

- les couleurs ne sont pas identiques en termes de colorimétrie (plus pastel pour le dessin DELTA BLAU, avec une dominante bleue en couleur de fond),
- les rectangles sont de tailles et de nombre différents,
- les couleurs et les formes sont disposées de manières totalement différentes,


- aucun rectangle n’est de couleur bleue dans le visuel DELTA BLAU, le bleu n’étant que la couleur de fond, contrairement à ce que prétend l’intimée,
- la marque DELTA BLAU qui est le signe protégeable le plus distinctif de l’ensemble est de taille importante contrairement au signe Bel’Pom,
- le dessin d’une pomme apparaît à plusieurs reprises sur le dessin DISTRIMEX l’étiquette centrale quoi qu’indépendante car obligatoire n’est pas identique, le logo DELTABLAU étant apposé dans une dimension beaucoup plus importante que le logo Bel’Pom.

Que les quelques ressemblances entre les dessins ne sont pas appropriables car relevant d’un genre et précisent que DELTA BLAU n’a jamais reconnu l’identité et la similitude des deux visuels.

À titre subsidiaire, la société DELTA BLAU, Monsieur Joachim G, Monsieur G et Madame P, font valoir que la société DELTA BLAU est titulaire de droits d’auteur sur son visuel qui a été créé par son fournisseur INTERNATIONAL PAPER, visuel qu’elle exploite paisiblement depuis plusieurs années au vu et au su de tous ;

Que la société DISTRIMEX a donné son consentement à cette création, puisqu’au moment de celle-ci DISTRIMEX détenait 100% des parts de DELTA BLAU ; qu’elle a consenti par son directeur général des deux sociétés, Joachim G.

Ils exposent qu’après la cession des parts sociales le 25 mai 2009 DELTA BLAU a tout naturellement continué à exploiter les visuels qui étaient les siens avant la cession notamment le visuel litigieux exploité dès sa création depuis 2003 comme cela est établi par de nombreuses attestations ; que DISTRIMEX reconnaît l’autorisation implicite de cette utilisation et sa connaissance de cette utilisation ; que ce n’est qu’un an après la cession qu’elle a mis DELTA BLAU en demeure de cesser d’utiliser ce visuel.

Ils précisent que DELTA BLAU a acheté en l’état et donc avec les actifs existants les parts sociales dans lesquels figuraient notamment les droits sur les visuels et qu’à minima on doit considérer qu’elle bénéficiait d’une licence sur le dessin lui permettant de commercialiser ses produits avec des emballages sur lesquels ces derniers étaient apposés.

Ils font valoir que même si le contrat aurait été conclu intuitu personae la cession des parts sociales de la société DELTA BLAU n’entraîne aucun changement de la personne morale bénéficiaire du contrat.

Ils poursuivent en soutenant sur le fondement de l’article 1626 du code civil qu’ensuite de la cession de ses actions, la SAS DISTRIMEX devait garantir le repreneurs de toute éviction dans les droits que détenait la société DELTA BLAU ;

La société DISTRIMEX fait valoir que le dessin exploité par la société DELTA BLAU reprend les caractéristiques essentielles de la combinaison de son dessin :

- ce dessin est découpé en colonnes de dimensions différentes,
- ces colonnes sont elles-mêmes découpées en formes rectangulaires, et séparées d’une ligne de couleur foncée,
- ces rectangles sont déclinés en bleu marine (fond de couleur bleu marine par référence au bleu de la marque Bel’Pom), en jaune, en vert et en rouge,

— la composition de chaque rabat est inversement symétrique au rabat qui lui fait face,
- sur la face centrale du carton apparaît un rectangle de couleur blanche au sein duquel est inscrit le nom 'Delta Blau',

Que DELTA BLAU n’avait nullement contesté cette similitude, en première instance; que DELTA BLAU, dans d’autres procédures parallèles, a considéré que les deux dessins étaient quasiment identiques ; que l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Industrielle a reconnu à plusieurs reprises le caractère quasi-identique des deux dessins.

La société DISTRIMEX fait valoir que Monsieur G qui n’a été nommé directeur général de DISTRIMEX qu’en 2005 n’a pu, intervenir en cette qualité en 2003 pour autoriser sa filiale à concevoir et exploiter une déclinaison du dessin pour identifier les marchandises DELTA BLAU et qu’il a au contraire eu la volonté préméditée de s’approprier frauduleusement les actifs de la société DISTRIMEX ; qu’il résulte de l’attestation de la société ITALIENNE INTERNATIONAL PAPER que l’utilisation en 2003 de ce visuel litigieux n’avait pu être autorisée par la société DISTRIMEX car Monsieur Joaquim G n’était pas à l’époque directeur général ; qu’il en est de même concernant la fourniture en 2004 par la société CAFA des emballages reproduisant ce dessin contrefaisant.

Que DELTA BLAU n’était pas autorisée à utiliser le dessin contrefaisant en France.

Elle ajoute que les droits d’auteur sur le dessin, ne figurent pas parmi les actifs de DELTA BLAU au jour de la cession de parts et qu’elle a

manifesté son opposition à l’exploitation de ce dessin contrefaisant par son ancienne filiale, dès qu’elle en eu connaissance.

La société DISTRIMEX expose également concernant la garantie d’éviction invoquée, que DELTA BLAU n’apporte pas la preuve ni qu’elle a été cessionnaire de droits d’auteur sur le dessin, ni que la cession perdure.

Ceci rappelé, l’examen comparatif des deux dessins fait apparaître que celui exploité par la société DELTA BLAU reprend les caractéristiques essentielles de celui de la société DISTRIMEX telles que listées ci-dessus selon la même composition, que les deux dessins sont composés de carrés et rectangles de différentes tailles assemblés de façon quasi identique avec des couleurs vives, les deux dessins se différenciant par des détails ne détruisant pas l’impression d’ensemble identique en résultant.

La présence d’un logo différent sur chacun des cartons étant sans effet sur l’appréciation de la contrefaçon résultant de cette reproduction illicite du dessin en lui-même.

Il est par ailleurs établi et non contesté que les cartons de la société DELTA BLAU sur lesquels est apposé le dessin sont distribués dans le commerce pour son exploitation.

La société DELTA BLAU qui s’en prévaut, ne justifie d’aucune autorisation donnée par DISTRIMEX pour exploiter ce visuel, DELTA BLAU n’étant à l’époque de sa création que la filiale de distribution de DISTRIMEX l’autorisation implicite qui a pu en résulter pendant la durée de leur collaboration a, en toute hypothèse, cessé lors de la mise en demeure d’avoir à cesser de l’utiliser.

En effet, si l’exploitation de ce visuel contrefaisant a pu sans opposition de DISTRIMEX l’être alors que la société DELTA BALU faisait partie du groupe DISTRIMEX et ne contrevenait pas ainsi à ses droits, rien dans l’acte de cession de parts sociales ne fait état d’une cession de droits d’auteur sur ce dessin de sorte que la société DELTA BLAU ne justifie d’aucun droit d’exploitation de celui-ci.

A défaut de justifier de droits sur le dessin litigieux, la société DELTA BLAU est infondée à invoquer la garantie d’éviction de la société DISTRIMEX en sa qualité de cédante des actions.

À défaut d’une exploitation non équivoque mais au contraire contestée et contrefaisante, sans autorisation, la société DELTA BLAU n’est également pas fondée à se prévaloir de la présomption de titularité sur ce dessin.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le tribunal a dit que la société DELTA BLAU a commis des actes de contrefaçon du dessin de la société DISTRIMEX.

Sur la concurrence déloyale,

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard de la liberté du commerce ce qui implique l’existence d’un comportement fautif ayant pour origine la volonté manifeste de créer, un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée.

La société DELTA BLAU, Monsieur Joachim G, Monsieur G et Madame P, contestent l’existence de faits distincts à ceux de la contrefaçon alléguée et ajoutent qu’il n’existe aucun risque de confusion dans la mesure où la clientèle de DISTRIMEX et celle de DELTA BLAU avant 2009, sont différentes puisque DELTA BLAU opère principalement sur les territoires espagnols et portugais et DISTRIMEX sur d’autres pays européens et que les ventes effectuées par DELTA BLAU en France après la cession ne concernent que des fruits à noyaux et d’agrumes et non des pommes ; qu’elle agit dans la continuité de ses activités commerciales antérieures et que la clientèle n’opérait pas de confusion entre les deux sociétés.

Ils dénient tout caractère probants aux pièces communiquées par la société DISTRIMEX pour partie non datées et contestent tout actes de dénigrement en faisant valoir qu’ils ne font que démontrer le besoin pour la société DELTA BLAU qui était titulaire à l’époque d’un dessin communautaire, de se défendre contre les attaques répétées de DISTRIMEX auprès des cartonniers.

Ils précisent que la société DISTRIMEX n’établit pas l’existence d’un préjudice résultant d’actes de concurrence déloyale, distincts.

La société DISTRIMEX fait valoir que Delta Blau, ancienne filiale de Distrimex et société concurrente de celle-ci, a volontairement, par un comportement déloyal , créé un risque de confusion au détriment de la société Distrimex, notamment en utilisant les codes de communication de son ancienne société mère sur ses emballages, cartes de visite, plaquettes commerciales’ et en installant sa succursale à quelques kilomètres du siège de Distrimex de façon à profiter de l’image de marque dont bénéficie Distrimex implantée en France depuis plus de trente ans.

Elle ajoute qu’elle a repris le bleu du dessin associé à la marque Bel’Pom, le même emplacement sur le dessin litigieux pour y apposer sa marque sans impératifs techniques générant un risque de confusion d’autant plus important compte tenu de l’historique des relations entre les parties.

Elle précise que DELTA BLAU a choisi de s’implanter en France à quelques kilomètres du siège avignonnais de DISTRIMEX de sorte que les sociétés sont en concurrence, s’adressent à la même clientèle et que ses agissements avaient pour objectif de créer une confusion auprès de celle-ci afin d’amener les acteurs du marché à croire qu’elle faisait encore partie du groupe DISTRIMEX et de capter ainsi sa clientèle.

Elle fait également valoir que la société DELTA BLAU a adressé de nombreux courriers comminatoires aux fournisseurs de cartons de DISTRIMEX en leur enjoignant de cesser tout commerce avec cette dernière et certains d’entre eux ont demandé le retrait des stocks des produits litigieux.

En apposant sa propre marque sur les cartons au même emplacement que celui de la société DISTRIMEX avec le même code couleur, en diffusant des plaquettes publicitaires et des cartes de visite reproduisant le visuel contrefaisant, en s’implantant à proximité géographique de son ancienne maison mère, en adressant des lettres comminatoires à ses fournisseur, c’est à juste titre que le tribunal a jugé que la société DELTA BLAU a commis des actes distincts de concurrence déloyale générant un risque de confusion entre les deux sociétés.

Sur les mesures réparatrices,

Aux termes de L.331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle :

' Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement: 1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée,

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.'

Pour contester le préjudice allégué la société DELTA BLAU, Monsieur Joachim G, Monsieur G et Madame P

, font valoir que le visuel n’est qu’un décor de carton d’emballage et qu’il ne constitue qu’un accessoire du produit vendu qui est négligeable par rapport à la plus-value du produit.

Ils exposent que la provision allouée par le tribunal a été établie en fonction des cartons saisis dans les entrepôts avant leur commercialisation et ne pouvait constituer un manque à gagner et ajoutent que la société DISTRIMEX n’est pas en mesure de justifier du mode de calcul de la marge qu’elle invoque.

Ils précisent qu’entre professionnels la négociation se fait en amont et non pas à la livraison des produits en provenance d’une entreprise déterminée.

Ils poursuivent en faisant valoir qu’il n’y a aucune étude de notoriété permettant de prouver une réelle connaissance de la société DISTRIMEX alors que DELTA BRAU vend 80% de ses marchandises en vrac ;

Que DISTRIMEX reconnaît devant l’expert judiciaire que les causes de ses difficultés sont la baisse de la demande et le manque de débouchés dans le marché des fruits et légumes ; qu’il ressort des documents comptables que l’année 2009 a été une année extrêmement difficile pour DISTRIMEX, bien avant la cession et qu’elle a connu une baisse de chiffre d’affaires massive.

Ils évoquent le mauvais climat social de la société à cette époque qui a entraîné un départ massif de nombreux commerciaux et qui a perdu la clientèle de la société DELTA BLAU après la cession.

Ils exposent également qu’il n’est pas démontré que le visuel serait un signe de reconnaissance de la société sur le marché des fruits et légumes alors qu’aucun investissement de communication n’a été fait.

Ils contestent l’existence d’un quelconque préjudice moral, aucune dépréciation d’image n’étant démontrée, ni l’existence d’un préjudice résultant d’une concurrence déloyale, la baisse de chiffres d’affaires résultant d’une crise économique et alors que les sociétés n’œuvraient pas sur le même marché, alors que la progression de DELTA BLAU est due à l’expérience, la compétence de ses dirigeants et leurs investissements promotionnels.

Ils indiquent que c’est ma marque Bel’Pom qui assure la fonction distinctive des produits DISTRIMEX et non les rectangles de couleur de style M qui sont communs.

La société DISTRIMEX expose que l’expert judiciaire qui relève les difficultés dans l’obtention des pièces de la part de la société DELTA BLAU a déposé son rapport le 30 septembre 2017;

Qu’en conclusion de son rapport l’expert judiciaire a estimé que le préjudice subi par la société DISTRIMEX au titre du gain manqué s’inscrit dans une fourchette de 500.000 à 869.000 euros;

Qu’il ressort des investigations de l’expert judiciaire qu’au total 542.492 cartons ont été édités en France entre mai 2009 et fin 2014 reproduisant le dessin contrefaisant à la demande de DELTA BRAU ;

Que la marge utilisée par l’expert avec l’accord du juge chargé du contrôle des expertises est celle attestée par l’expert-comptable par contenant et prise en compte par le tribunal ;

Que selon cette méthode de calcul, le montant du manque à gagner sur le territoire français a été évalué par l’expert à 500.995 euros.

Concernant la détermination de la marge, elle indique qu’elle sert d’intermédiaire entre le producteur de fruits et le client professionnel qui lui commande des marchandises auxquelles sont associés des critères stricts de qualité ; que le dessin qu’elle utilise est connu depuis 1999 par les professionnels du marché et est associé à DISTRIMEX qui a procédé à des frais de communication importants ;

Que ce dessin est apposé non seulement sur les cartons d’emballage mais également sur l’étiquette dont chaque pomme est revêtue, que ce dessin constitue un gage de qualité des produits ; que toute la marge qu’elle réalise est liée au marketing réalisé par cette dernière autour du dessin.

Elle ajoute que l’expert a précisé que le calcul du gain manqué ne pouvait s’opérer que globalement sur les emballages sur la base de la première attestation de l’expert-comptable.

Elle poursuit en indiquant qu’il convient de façon traditionnelle et légitime de recourir à la marge brute comme marge de référence pour calculer le gain manqué qui doit s’apprécier au regard de la totalité de la masse contrefaisante et pas seulement de la masse contrefaisante vendue par le contrefacteur ce qui inclut les stocks de marchandises ;

Que le montant du manque à gagner sur le territoire français (nombre de cartons x marge brute) a été évalué par l’expert à la somme de 500.995 euros à titre minimum, tous les cartonniers n’ayant pas été consultés et certains consultés n’ayant pas répondu ;

Que l’expert a procédé à une méthode alternative de calcul sur la base d’une perte de chiffre d’affaires Bel-Pom de plus de 40 millions d’euros subie par DISTRIMEX depuis l’utilisation du dessin en 2009 jusqu’à la cessation des actes litigieux en 2014 ,déduction faite du chiffre d’affaires réalisé par la filiale, et a chiffré cette perte, en tenant compte des facteurs invoqués par la société DELTA BRAU dans le calcul du gain manqué à la somme de 869.000 euros.

Elle précise que seule la vente des produits Bel’Pom revêtus du dessin a subi une chute spectaculaire : 90% au lieu de 12% pour les autres produits, alors que les résultats de DELTA BLAU ont été croissants jusqu’à la fin 2014 ; que la pomme relève d’une activité saisonnière; que si le départ de quatre salariés dans le courant de l’année 2009, qui par la suite ont été remplacés, avait eu un effet sur la baisse du chiffre d’affaires, il aurait eu un impact sur l’ensemble du chiffre d’affaires et non sur celui des marchandises Bel-Pom ; que le chiffre d’affaires réalisé entre DISTRIMEX et sa filiale avant la cession de parts, est sans commune mesure avec la baisse de 90% du chiffre d’affaires et l’expert a pondéré cette perte en ajoutant le chiffre d’affaires moyen réalisé annuellement avant la cession de parts avec DELTA BLAU;

Elle précise qu’à partir de la cessation des actes de contrefaçon, le chiffre d’affaires de DISTRIMEX sur les marchandises Bel’Pom ont cessé de chuter et a recommandé à croître dans les mêmes proportions que celui réalisé avec les autres dessins alors que celui de DELTA BLAU a chuté en 2014 lorsqu’elle a cessé d’utiliser le dessin contrefaisant.

Elle demande que le gain manqué soit retenu à la somme de 869.000 euros.

Elle soutient que du fait de la reprise du dessin par DELTA BLAU elle a subi une dilution et une dépréciation de son image de marque sur le marché des fruits et légumes

La présentation identique de divers produits occasionne un effet de banalisation et un affaiblissement du pouvoir attractif entraînant une perte d’image de la société qui en est victime de sorte que la société DISTRIMEX est fondée en sa demande de réparation de préjudice moral à hauteur eu égard à l’importance de la masse contrefaisante de la somme de 25.000 euros allouée par le tribunal.

La société DISTRIMEX faisant valoir que la société DELTA BLAU ayant refusé de communiquer sa marge il convient d’apprécier le bénéfice qu’elle a réalisé grâce à la contrefaçon par rapport aux marges de sa concurrente et au calcul du manque à gagner que l’expert chiffre à 500.995 euros.

Elle ajoute que DELTA BLAU en s’appropriant le dessin qui constitue également un signe de reconnaissance de la société DISTRIMEX sur le marché des fruits et légumes, celle-ci a fait l’économie des coûts de création du dessin et de tous les efforts de communication réalisés depuis 1999 pour aboutir à la notoriété du dessin Bel’Pom qui se sont élevés à la somme de 75.483 euros dont elle demande réparation déduction à faire de la provision de 20.000 euros d’ores et déjà réglée à ce titre.

Elle demande également la condamnation de la société DELTA BLAU à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice commercial subi en raison des actes de concurrence déloyale.

À titre de mesure complémentaire, elle sollicite la publication de l’arrêt aux frais de DELTA BLAU dans cinq journaux du choix de DISTRIMEX sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 8.000 euros.

Le tribunal n’ayant pas statué sur le préjudice définitif de la société DISTRIMEX, il n’y a pas lieu d’évoquer l’affaire.

En revanche, au regard des investigations de l’expert judiciaire il convient de réformer le jugement sur ce point et d’allouer à la société DISTRIMEX une provision de 650.000 euros à valoir sur son préjudice définitif au titre de la contrefaçon et celle de 30.000 euros au titre des actes distincts de concurrence déloyale et de confirmer à titre de réparations complémentaires, les mesures d’interdiction sous astreinte et de publication.

Sur la demande reconventionnelle des appelants,

La société DELTA BLAU, Monsieur Joachim G, Monsieur G et Madame P, font valoir que la SAS DISTRIMEX est intervenue à de multiples reprises à l’encontre des fournisseurs et cartonniers de la société DELTA BLAU afin de leur interdire définitivement toute production de carton à son attention en arguant de ses droits sur le visuel DELTA BLAU et de la contrefaçon que représente l’utilisation et la reproduction de ce visuel et ce, avant toute décision définitive.

Ils ajoutent qu’elle ne peut invoquer pour la première fois en cause d’appel l’existence d’un modèle communautaire qui n’a été déposé que postérieurement à la cession des parts et ce pour la concurrencer à posteriori.

La société DELTA BLAU sollicite la condamnation de la société DISTRIMEX à lui payer la somme de 70.000 euros à ce titre pour ce comportement déloyal, en réparation de son préjudice commercial et moral.

La société DISTRIMEX fait valoir que ces courriers reposent sur des titres de propriété intellectuelle notamment sur le droit d’auteur dont elle est titulaire ainsi que sur un modèle français et communautaire en vigueur au moment de l’envoi des courriers contestés.

Les mises en garde adressées par la société DISTRIMEX par rapport à l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle dont elle est titulaire ne

sont pas de nature à constituer des actes de dénigrement et ce d’autant que l’auteur des atteintes procède à des mises en garde identiques et non fondées.

Il convient en conséquence de rejeter les demandes de la société DELTA BLAU à ce titre. Sur les autres demandes, L’équité commande d’allouer à la société intimée la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par les appelants.

Les dépens resteront à la charge in solidum des appelants qui succombent et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Rejette l’ensemble des demandes des appelants,

Dit n’y avoir lieu à évoquer l’affaire au titre du préjudice définitif subi par la société DISTRIMEX,

Réforme le jugement sur le montant des sommes allouées à titre de provision, Condamne la société DELTA BLAU SL à payer à la société DISTRIMEX une provision de 650.000 euros au titre des actes de contrefaçon et une provision de 30.000 euros au titre des actes distincts de concurrence déloyale,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la société DELTA BLAU SL à payer à la société DISTRIMEX la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les appelants aux entiers dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 22 novembre 2018, n° 15/14346