Cour d'appel d'Angers, 5 décembre 2017, n° 17/00151

  • Collecte·
  • Collectivités territoriales·
  • Traitement des déchets·
  • Déchet ménager·
  • Service public·
  • Environnement·
  • Titre exécutoire·
  • Contrat administratif·
  • Droit commun·
  • Titre

Chronologie de l’affaire

Commentaires3

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Christine Emlek · Actualités du Droit · 16 juillet 2019

blog.landot-avocats.net · 11 juillet 2019

En matière de déchets : les conventions entre une collectivité territoriale avec les éco-organismes (Eco-emballage, Citéo, etc.) relèvent-elles du juge administratif ou du juge judiciaire ? Réponse antérieure de nombreuses juridictions : ces conventions relevaient du juge judiciaire. Exemples : CA Bordeaux, 29 mai 2018, n° 16/00396 CA Angers, 5 décembre 2017, n° 17/00151 CA Nîmes, 1e civ., 15 février 2018, n°16/01755 Réponse donnée il y a quelques jours par le Tribunal des conflits (TC) : idem, c'est une compétence judiciaire (bien qu'il y ait tout de même un sacré lien avec …

 

www.kebir-avocat-paris.fr

Public - Droit public des affaires 16/07/2019 Dans une décision rendue le 1er juillet 2019, le Tribunal des conflits a jugé que les conventions conclues par les collectivités territoriales avec des éco-organismes n'étaient pas des contrats publics et relevaient donc de la compétence du juge judiciaire. Dans cette décision était en cause une convention conclue pour la collecte des déchets ménagers de produits chimiques dangereux entre l'éco-organisme chargé de leur gestion et une collectivité chargée de la collecte et du traitement des déchets ménagers. Le problème soulevé était celui de …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Angers, 5 déc. 2017, n° 17/00151
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 17/00151
Décision précédente : Tribunal d'instance d'Angers, 3 janvier 2017, N° 11-16-0944

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ANGERS CHAMBRE A – CIVILE

CP/AS ARRET N: AFFAIRE N : 17/00151

Jugement du 04 Janvier 2017 Tribunal d’Instance d’ANGERS n° d’inscription au RG de première instance 11-16-0944

ARRET DU 05 DECEMBRE 2017

APPELANTE :

La société EcoDDS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège […]

Représentée par Me Daniel CHATTELEYN de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 171711 et Me Laurent GRINFOGEL, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEE :

Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE COLLECTE ET DE TRAITEMENT DES ORDURES MENAGERES LOIR & SARTHE (SICTOM) représenté par son Président en exercice […]

Représenté par Me Alexandre SOLER, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 141031 et Me Caroline GERARD, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 03 Octobre 2017 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame PORTMANN, Conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :


Madame X, Président de chambre Madame PORTMANN, Conseiller Mme LE BRAS, Conseiller Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 05 décembre 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monique X, Président de chambre et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

FAITS ET PROCÉDURE :

Par convention conclue le 26 juillet 2013, le Syndicat intercommunal de collecte et traitement des ordures ménagères (SICTOM) Loir et Sarthe a confié à la S.A.S. EcoDDS la prise en charge de déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers en vue de leur traitement.

Un désaccord est apparu entre les parties à la suite de plusieurs refus de prise en charge de certains déchets par la société EcoDDS comme n’entrant pas dans le champ d’application de la convention.

Dans ce cadre, la S.A.S. EcoDDS a notamment déduit du montant de son soutien financier dû au SICTOM le coût de traitement des déchets refusés et non repris par le SICTOM. Ce dernier a alors émis, les 14 et 25 mars 2016, trois titres exécutoires n°97, 111 et 112 pour des montants respectifs de 4.759,22 euros, 2.726,99 euros et 2.032,23 euros.

Par acte d’huissier du 12 mai 2016, la S.A.S. EcoDDS a fait assigner le SICTOM Loir et Sarthe devant le tribunal d’instance d’Angers aux fins d’obtenir notamment l’annulation des titres exécutoires émis.

Le SICTOM Loir et Sarthe a soulevé in limine litis l’incompétence du tribunal au profit du tribunal administratif de Nantes.

Par jugement du 04 janvier 2017, le tribunal d’instance d’Angers a :

- dit que la convention conclue le 26 juillet 2013 entre la S.A.S. EcoDDS et le SICTOM Loir et Sarthe est un contrat administratif,

- rejeté la demande de la S.A.S. EcoDDS visant à voir poser deux questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union Européenne,

- s’est déclaré incompétent au profit du tribunal administratif de Nantes pour connaître du litige opposant la S.A.S. EcoDDS au SICTOM Loir et Sarthe relativement à l’exécution de la convention du 26 juillet 2013,



- renvoyé en conséquence les parties à mieux se pourvoir,

- condamné la S.A.S. EcoDDS à payer au SICTOM Loir et Sarthe la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.S. EcoDDS aux entiers dépens de l’instance,

- dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour se déclarer incompétent, le tribunal a jugé que le litige lié à la convention du 26 juillet 2013 relève de la compétence du juge administratif, cette convention devant être qualifiée de contrat administratif dans la mesure où elle remplit les conditions alternatives prévues à cet effet :

- le critère organique : elle a été conclue entre une personne publique (SICTOM) et une personne privée (la S.A.S. EcoDDS) ;

- l’objet (article 5) : le premier juge a en effet retenu que cette convention a pour objet de faire participer directement la S.A. EcoDDS à l’exécution de la mission de service public de collecte et de traitement des déchets ménagers confiée au SICTOM ;

- la soumission à un régime exorbitant de droit commun.

La S.A.S. EcoDDS a interjeté appel de cette décision par déclaration du 20 janvier 2017.

La S.A.S. EcoDDS et le SICTOM Loir et Sarthe ont régulièrement conclu et l’ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2017.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :

- du 11 septembre 2017 pour la S.A.S. EcoDDS,

- du 06 septembre 2017 pour le SICTOM Loir et Sarthe, qui peuvent se résumer comme suit.

La S.A.S. EcoDDS demande à la cour, au vu des articles 102, 106 et 267 du TFUE, de l’article 4 du Traité sur l’Union Européenne, des articles 8 et 18 de la directive n°2008/98, des articles 1193, 1231-1 et 1301-5 du code civil, des articles L.2224-13, L.2224-14 du CGCT, L. 541-10-4 du code de l’environnement, L.252-A du livre des procédures fiscales, de :

- la recevoir en son appel et en ses contestations et demandes, l’y déclarer fondée et y faire droit,

- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

* sur la compétence,

- à titre principal, dire et juger que le juge judiciaire est compétent pour connaître du présent litige,

- à titre subsidiaire, surseoir à statuer et saisir la CJUE des questions préjudicielles suivantes : 1- Au regard des articles 102 et 106 TFUE, dès lors qu’un Etat membre a décidé d’introduire un régime de responsabilité élargie des


producteurs confiant la gestion matérielle et financière de déchets aux fabricants des produits en application de l’article 8 de la directive n

°2008/98, l’Etat membre peut-il accorder aux services d’intérêt économique général de gestion des déchets gérés par des autorités locales des droits spéciaux ou exclusifs pour la collecte et le traitement des déchets pris en charge au titre de la responsabilité élargie des producteurs,

2- La réponse à la question précédente dépend-t-elle de prérogatives exorbitantes de droit commun dont disposeraient les autorités locales, leur permettant d’abuser automatiquement ou d’affecter négativement un organisme chargé de la mise en oeuvre de la responsabilité élargie des producteurs et de gérer des déchets dangereux,

3- Le fait qu’un service économique d’intérêt général disposant d’un droit exclusif ou spécial, lorsqu’il exécute de manière fautive un contrat relatif à la mise en oeuvre de la responsabilité élargie des producteurs, par exemple par des mélanges de déchets dangereux contraires aux articles 8 et 18 de la directive n°2008/98, puisse bénéficier d’un régime lui conférant des privilèges exorbitants du droit privé, tels que la possibilité d’émettre un titre exécutoire ou de réclamer l’exécution d’un contrat, est- il conforme aux articles 102 et 106 §2 TFUE,

* sur le fond,

- à titre principal, réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

- annuler le titre exécutoire émis au bénéfice du SICTOM,

- à titre subsidiaire, réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

- condamner le SICTOM à lui verser la somme de 2.032,23 euros au titre de son préjudice contractuel, à compenser avec la créance du même montant qui est réclamée par le SICTOM,

* en tout état de cause,

- condamner le SICTOM à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

Tout d’abord, la S.A.S. EcoDDS conclut au rejet de l’exception d’incompétence soulevée par le SICTOM, prétendant que le litige relève du juge judiciaire.

En premier lieu, elle soutient que la clause d’attribution de juridiction au juge judiciaire (article 8) a été approuvée tacitement par l’administration. Or, selon elle, l’approbation de la convention constitue un acte administratif qui ne peut être annulé par le juge judiciaire.

En deuxième lieu, elle prétend que la clause de résiliation unilatérale de plein droit en faveur de l’administration (article 2.2 de la convention) n’est pas en tant que telle une clause exorbitante de droit commun. Elle fait valoir que l’article 2 est équilibré prévoyant une résiliation sans indemnité pour les deux parties et qu’il se justifie par le droit commun ainsi que par une décision de la Commission Européenne sans rapport avec l’exercice de prérogatives de puissance publique par les


collectivités territoriales (décision COMP/34.950 du 15 juin 2001).

En troisième lieu, elle affirme que la convention litigieuse ne la fait pas participer à l’exécution d’un service public qui serait géré par le SICTOM puisque ce dernier n’exerce aucun contrôle sur son activité, qu’il n’y a aucun transfert même partiel de la mission de service public du SICTOM à son égard. Elle soutient que c’est elle qui, après s’être assurée de la compétence de la collectivité pour collecter les DDS ménagers, lui reprend la gestion desdits déchets en la réorganisant suivant ses propres exigences techniques, le SICTOM devenant, sous sa direction technique, un prestataire qu’elle rémunère, sans qu’il ne définisse ou ne contrôle son financement. Elle soutient qu’il y a ainsi une forme de contrat de louage de service et non un contrat de coordination, ni même une convention de délégation de service public.

En quatrième lieu, la S.A.S. EcoDDS argue que la convention ne relève pas d’un régime exorbitant de droit commun, sauf à en déduire en application de l’arrêt du Conseil d’Etat “Aprei” (n°264541) du 22 février 2007qu’elle serait un service public industriel et commercial dont le SICTOM serait l’usager lorsqu’elle gère les déchets. A le supposer alors, elle rappelle alors que le litige opposant un SPIC et ses usagers relève des juridictions judiciaires même lorsque le contrat comporte des clauses exorbitantes de droit privé.

En cinquième lieu, elle prétend que le droit communautaire de la concurrence (articles 102 et 106 TFUE) s’oppose à l’exercice de prérogatives de puissance publique dans la convention litigieuse, un régime exorbitant ou des clauses exorbitantes de droit commun étant par essence même des pratiques non équitables et abusives, qui ne doivent pas être appliquées.

A titre subsidiaire, si la cour estimait nécessaire de confirmer l’incompatibilité des articles L.2224-13 et L.2224-14 du CGCT, et L. 252 A du LPF dont découle sa prétendue participation au service public des déchets ménagers et les prérogatives exorbitantes de droit commun des collectivités avec les articles 8 et 18 de la directive n°2008/98 et les articles 102 et 106 TFUE, elle lui demande de saisir la CJUE des 3 questions préjudicielles qu’elle formule.

Ensuite, au fond, elle prend acte de l’annulation du titre exécutoire n°97 par le SICTOM. Elle maintient ses demandes d’annulation pour les titres exécutoires n

°111 et 112. Elle fait valoir que la réfaction de la somme de 2.032,23 euros qu’elle a effectuée est justifiée sur le fondement de l’article 1193, de l’article 1231-1 du code civil, au titre du préjudice contractuel causé par la mauvaise exécution de la convention par le SICTOM (dépôts dans les contenants mis à disposition par l’appelante de déchets hors champ d’application de la convention, abandon de déchets) justifiant ses refus de prises en charge (article 5.5) ; ainsi que de l’article 1301-5 du code


civil dès lors qu’elle n’a eu d’autres choix que de traiter les déchets abandonnés par le SICTOM (article L.541-2 du code de l’environnement).

Le SICTOM Loir et Sarthe demande à la cour, au visa des articles 73 et suivants du code de procédure civile, des articles L.2224-13 et suivants du CGCT, des articles R.543-230 du code de l’environnement, des articles 1134, 1147, 1289, 1371 et 1372 anciens du code civil, et de l’arrêté du 15 juin 2012 relatif à la procédure d’agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets ménagers issus de produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l’environnement conformément à l’article R. 543-234 du code de l’environnement et le cahier des charges annexé, de : à titre principal,

- débouter la S.A.S. EcoDDS de ses demandes et de constater que la convention du 26 juillet 2013 et la créance en cause sont de nature administrative,

- déclarer le juge judiciaire incompétent au profit du juge administratif et du tribunal administratif de Nantes, et renvoyer la S.A.S. EcoDDS à mieux se pourvoir,

- débouter la S.A.S. EcoDDS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamner la S.A.S. EcoDDS à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,

- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours, à titre subsidiaire, si la cour se reconnaissait compétente,

- constater que les demandes de la S.A.S. EcoDDS relatives au titre exécutoire n°97 sont devenues sans objet,

- déclarer bien fondées les créances faisant l’objet des titres exécutoires n°111 et 112 qu’il a émis le 25 mars 2016,

- débouter la S.A.S. EcoDDS de ses demandes d’annulation des titres exécutoires n°111 et 112 qu’il a émis le 25 mars 2016 ainsi que de ses demandes à titre subsidiaire tendant à sa condamnation à verser la somme de 2.032,23 euros à la S.A.S. EcoDDS au titre de son préjudice contractuel,

- débouter la S.A.S. EcoDDS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamner la S.A.S. EcoDDS à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,

- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours.

A titre principal, sur la compétence, le SICTOM maintient son exception d’incompétence, concluant à la confirmation du jugement.

En premier lieu, il approuve le tribunal d’instance d’avoir écarté la clause attributive de juridiction figurant dans la convention du 26 juillet 2013


(article 8), rappelant que le caractère d’un contrat ne peut dépendre de la qualification que les parties lui ont donné, ni d’une clause d’attribution de juridiction qu’elles y auraient insérée ou qu’elles auraient acceptée lors de la signature du contrat, dès lors qu’elle aurait pour effet de déroger à une règle de compétence d’ordre public. Elle ajoute que cette clause n’a pas fait l’objet d’une approbation de l’administration, et que la décision d’agrément d’EcoDDS n’est en rien soumise au juge judiciaire.

En deuxième lieu, l’intimé fait valoir que l’existence d’une éventuelle incompatibilité entre le régime exorbitant de droit commun auquel est soumis la convention et le droit communautaire de la concurrence est sans lien avec le litige, ces questions relevant du fond, ce qui rend inutile, en vertu de l’article 267 du TFUE, la saisine de la CJUE en vue de lui poser des questions préjudicielles. A cet égard, il relève que l’appelante conteste en fait le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et de dualité des ordres de juridiction, alors qu’il n’appartient pas au juge judiciaire statuant sur sa compétence de tenir compte des règles que le juge administratif appliquerait s’il était saisi du différend. L’intimé considère en outre que même si la cour estimait nécessaire de statuer sur la question de l’inconventionnalité des règles générales applicables aux contrats administratifs, elle devrait l’écarter, aucun abus de position dominante n’étant caractérisé.

En troisième lieu, le SICTOM prétend que la convention litigieuse comporte une, voire même plusieurs clauses exorbitantes de droit commun, non contestées par l’appelante, en particulier, l’article 2.2 de la convention prévoyant une faculté de résiliation unilatérale, sans indemnité, au profit de la collectivité, et sans qu’il soit nécessaire de justifier de la cause de cette résiliation.

En quatrième lieu, il affirme que la convention litigieuse est un contrat administratif en ce qu’outre le fait qu’elle satisfait au critère organique puisqu’il est signé d’une personne publique, elle a pour objet l’exécution et l’organisation d’une partie de la mission de service public de traitement des déchets ménagers, de régler les modalités d’intervention communes de la collectivité et de la S.A.S. EcoDDS en vue de respecter leurs engagements aux titres des articles R.543-20 et suivants du code de l’environnement, et de faire participer la société EcoDDS à une partie de la mission de service public de collecte.

Il soutient que la mise en place d’une responsabilité élargie et la création d’éco-organismes n’ont pas dessaisi même partiellement, les collectivités de leur mission générale et de leur responsabilité de gestion des DDS, et que la S.A.S. EcoDDS ne fait qu’agir dans ce cadre, avec une mission d’appui.

En cinquième lieu, le SICTOM affirme que la convention s’inscrit bien dans un environnement juridique exorbitant de droit commun permettant de caractériser sa nature administrative, sans que pour autant il en résulte qu’il soit usager du service public géré par la S.A.S. EcoDDS (agréments surla base d’un cahier des charges, interdiction de


poursuivre un but lucratif, de refuser de contracter avec une collectivité compétente, obligation de se conformer à un contrats type, mécanisme de compensation des coûts…).

Ensuite, le SICTOM considère qu’il n’est en aucun cas en situation d’usager vis à vis de la S.A.S. EcoDDS, seuls les metteurs sur le marché de produits générant des déchets issus de produits chimiques devant être considérés comme tels.

A titre subsidiaire, sur le fond, le SICTOM conclut au bien fondé des titres exécutoires émis, en reprenant l’argumentation développée devant le premier juge. Il demande à la cour de constater qu’il n’y a plus de contestation relativement au titre exécutoire n°97 qui a été annulé et remplacé par les titres n°111 et 112. Il observe que le titre n°111 a été mis conformément aux éléments relatifs au soutien financier dû et communiqué par l’appelante elle-même. Il en déduit que le litige porte uniquement sur le titre exécutoire n°112 d’un montant de 2.032,23 euros correspondant à la somme que l’appelante a déduit de son soutien financier au motif qu’elle correspondait au coût des déchets remis et non pris en charge au titre de la responsabilité élargie des producteurs. Il estime ne rien devoir à l’appelante dès lors qu’elle lui a, en violation des clauses de la convention (article 5.5 des conditions générales, 3.4 des clauses techniques), imposé le traitement des déchets litigieux par son propre prestataire. Enfin, contestant toute faute contractuelle ou inexécution de sa part, il prétend que l’appelante ne peut invoquer la mauvaise exécution des obligations lui incombant pour justifier le remboursement par lui des sommes facturées par son prestataire.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le principe de la responsabilité élargie des producteurs consiste désormais à faire supporter par les metteurs sur le marché de produits chimiques une responsabilité pour la gestion des déchets issus de ces produits.

C’est ainsi que l’article R543-230 du code de l’environnement, issu du décret n°2012-13 du 4 janvier 2012 dispose : “Les metteurs sur le marché, les distributeurs ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements prennent, chacun en ce qui les concerne, des mesures de prévention visant à réduire la quantité et la nocivité des déchets ménagers issus de produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l’environnement ainsi que la part de ces déchets avec les ordures ménagères non triées”.

L’article R543-231 précise :

“I.-Les metteurs sur le marché sont tenus de pourvoir à la collecte séparée, à l’enlèvement et au traitement, sans frais pour les détenteurs, des déchets ménagers issus des produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l’environnement :


1° Soit en mettant en place, pour les déchets des produits qu’ils ont mis sur le marché, un système individuel approuvé dans les conditions définies à l’article R. 543-233 ;

2° Soit en adhérant et en contribuant financièrement à un organisme agréé dans les conditions définies à l’article R. 543-234. II.-Les obligations des metteurs sur le marché sont réparties entre eux en fonction des quantités de produits qu’ils mettent sur le marché national chaque année selon les catégories figurant au III de l’article R. 543-228”.

L’arrêté du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie en date du 15 juin 2012 décrit la procédure d’agrément et porte cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets ménagers issus de produits chimiques pouvant présenter un risque pour la santé et l’environnement.

La société EcoDDS a été agréé par un arrêt du 9 avril 2013 pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2017.

I-Sur l’existence d’une clause attributive de compétence :

L’article 8 des conditions générales de la convention conclue le 26 juillet 2013 avec le SICTOM, intitulée “Règlement des litiges”, stipule : “Les litiges éventuels, qui n’auront pas pu recevoir de solution amiable, sont déférés devant la juridiction judiciaire territorialement compétente”.

Les parties à un contrat ne peuvent déroger au principe d’ordre public de séparation des pouvoirs et la qualification qu’elles ont donné à ce contrat ne lie pas le juge.

Pour s’opposer à l’application de cette règle, la société EcoDDS soutient qu’en réalité, la convention ayant été approuvée par l’administration, remettre en cause cette clause reviendrait pour le juge judiciaire à se prononcer sur une décision administrative.

Certes, l’arrêté du 15 juin 2012 prévoit (page 65) dans la cahier des charges, au titre “relations avec les acteurs de la collecte séparée” : “le titulaire contracte, aux conditions financières prévues dans le présent cahier des charges et selon un contrat type, avec les collectivités territoriales compétentes en matière de collecte séparée des DDS ménager qui en font la demande et qui s’engagent à respecter ce contrat. Ce contrat type pour la collecte séparée des DDS ménagers effectuées par les collectivités territoriales est élaboré en concertation avec des représentants des collectivités territoriales de manière à respecter les principes généraux et les objectifs définis dans le présent cahier des charges et les dispositions du code général des collectivités territoriales. Le titulaire communique ce contrat type aux ministères chargés de l’application de l’article R.543-234 du code de l’environnement”. Il en résulte tout d’abord que le contrat-type convention est bien élaboré par les parties en concertation.



Le chapitre VI intitulé “Relations avec les ministères signataires”, comprend un titre I “information des ministères signataires”, qui dispose (2. Contrats types) : “le titulaire transmet aux ministères signataires les contrats-types avec les metteurs sur le marché, les collectivités territoriales, les détenteurs ainsi que les prestataires de collecte, d’enlèvement et de traitement des déchets diffus spécifiques ménagers”.

Cependant, ni cet arrêté, ni l’article R543-234 du code de l’environnement ne prévoient d’approbation expresse ou implicite de la convention-type, dont la transmission apparaît comme étant faite à titre d’information et dans le but de vérifier le respect du cahier des charges.

Par suite, il ne peut être considéré qu’en écartant comme contraire au principe d’ordre public de la séparation des pouvoirs l’article 8 précité, le juge judiciaire se prononce sur la légalité d’une décision de l’administration.

II-Sur le contrat conclu entre le SICTOM et la société EcoDDS le 26 juillet 2013 :

Ainsi que l’a relevé le premier juge, un contrat ne peut être administratif que si l’une des parties contractantes est une personne publique (critère organique) et qu’en outre il existe un des deux critères matériels alternatifs suivants :

• l’un se réfère à l’objet du contrat : sont administratifs les contrats qui ont pour objet l’exécution d’un service public ;

• l’autre prend en considération le contenu du contrat et, plus précisément, les clauses de celui-ci. Le caractère administratif est reconnu aux contrats qui renferment des clauses exorbitantes du droit commun.

En l’espèce, le contrat est conclu entre une personne publique (SICTOM) et une personne privée. Le critère organique est donc rempli.

S’agissant de l’objet du contrat, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L.2224-13 du code général des collectivités territoriales :

“Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les régions, la collecte et le traitement des déchets des ménages. Les communes peuvent transférer à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte soit l’ensemble de la compétence de collecte et de traitement des déchets des ménages, soit la partie de cette compétence comprenant le traitement, ainsi que les opérations de transport qui s’y rapportent. Les opérations de transport, de transit ou de regroupement qui se situent à la jonction de la collecte et du traitement peuvent être intégrées à l’une ou l’autre de ces deux missions”.



La collecte et le traitement des déchets ménagers, parmi lesquels les déchets diffus spécifiques (comme les pots de peinture) est donc une mission de service public.

En application de l’article R.543-231 du code de l’environnement précité le producteur du déchet ou son dernier détenteur a la responsabilité juridique et la charge financière de son élimination selon le principe pollueur payeur et une obligation de collecte et de traitement des déchets spécifiques est mise à la charge des metteurs sur le marché, qui assument leur obligation conformément à l’article R543-232 du même code par :

“1° La mise en place, en collaboration avec les collectivités territoriales et les distributeurs, d’un dispositif de collecte desdits déchets sur des points d’apport volontaire qui couvre l’ensemble du territoire national ; 2° La prise en charge des coûts supportés par les collectivités territoriales et leurs groupements pour la collecte séparée desdits déchets. Les coûts liés à cette collecte sont, en cas d’agrément de plusieurs organismes, pris en charge pour le compte desdits organismes agréés par un organisme coordonnateur agréé dans les conditions définies à l’article R. 543-235 que les metteurs sur le marché adhérant à un organisme agréé sont tenus de mettre en place, par convention passée avec les collectivités territoriales et leurs groupements”.

Contrairement à ce que soutient la société EcoDDS, les nouvelles dispositions n’ont pas eu pour effet de transférer aux metteurs sur le marché ou aux éco-organismes le traitement et la collecte des déchets ménagers spécifiques, en faisant des collectivités locales un prestataire desdits organismes en ce qui concerne la collecte, puisque, d’une part, l’article L2224-13 du code des collectivités territoriales, texte législatif, n’a pas été modifié, et d’autre part, qu’il est prévu une collaboration des intervenants.

L’arrêté du 15 juin 2012 rappelle d’ailleurs la compétence des collectivités territoriales (page 65: “le titulaire contracte, aux conditions financières prévues dans le présent cahier des charges et selon un contrat type, avec les collectivités territoriales compétentes en matière de collecte séparée des DDS ménagers qui en font la demande et qui s’engagent à respecter ce contrat”), et n’impose pas cette adhésion.

D’ailleurs l’article 1er de la convention du 26 juillet 2013 stipule qu’elle a pour objet de régir “les conditions selon lesquelles les collectivités territoriales, ou tout groupement de collectivités territoriales compétent en matière de collecte de déchets diffus spécifiques ménagers, remettent séparément des déchets diffus spécifiques ménagers (ci- après “DDS ménagers”) à l’éco-organisme de la filière, en contrepartie d’un soutien financier de ce dernier”. Elle fait (article 1.1 des conditions générales), de la compétence de la collectivité territoriale en matière de collecte séparée des DDS ménagers “une condition déterminante pour la conclusion” de la convention.



C’est d’autant plus vrai, que dans on avis du 27 décembre 2016, l’Autorité de la concurrence indique que la filière de traitement des déchets ménagers retenue en France est une filière dite financière (points 4 et 7), de sorte que les collectivités territoriales ont la charge de l’organisation des marchés de la collecte sélective, du tri et du traitement des déchets et sont financées par un éco-organisme pour effectuer ou faire effectuer ces missions de service public, et non une filière opérationnelle où l’éco-organisme intervient comme prestataire de services.

L’objet de la convention du 26 juillet 2013 est précisément de fixer les conditions de la participation de l’appelante à la collecte des déchets ménagers diffus spécifiques, étant rappelé que son rôle ne consiste pas seulement à se charger de leur enlèvement et de leur traitement, mais aussi à former le personnel des déchetteries. Ce contrat organise donc les conditions par lesquelles la société EcoDDS participe à la mission de service public de collecte et traitement de certains déchets ménagers spécifiques.

Il s’agit par suite d’un contrat administratif.

A supposer même que le service du traitement des déchets puisse être considéré comme industriel et commercial, les collectivités territoriales, qui non seulement ne versent pas de contribution mais en perçoivent une, ne peuvent être considérées comme usagers de ce service. Les usagers sont en réalité les metteurs sur le marché qui doivent payer l’éco-organisme.

Il n’y a pas lieu, pour déterminer la compétence de l’ordre juridictionnel, de rechercher la qualification du contrat administratif litigieux, ni de se prononcer sur l’existence ou non de clauses ou d’un régime exorbitants de droit commun, condition alternative à la reconnaissance d’une mission de service public.

S’agissant de la demande de question préjudicielle, il convient de rappeler que cette faculté est prévue par l’article 267 du TFUE, dans le cas où une juridiction nationale “estime qu’une décision sur ce point est nécessaire”.

Or, les questions qu’entend poser la société EcoDDS, qui relèvent du fond du droit, ne sont pas pertinentes quant à l’appréciation de la juridiction compétente.

Il résulte de ce qui précède, que le litige, qui a pour objet une difficulté d’exécution d’un contrat administratif, relève de la compétence des juridictions administratives.

Il convient donc de confirmer la décision entreprise, sauf à préciser qu’elle n’avait pas à indiquer la juridiction administrative qu’elle estimait compétente.



Il n’apparaît pas inéquitable de condamner la société EcoDDS à payer au SICTOM Loir et Sarthe la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. Partie succombante, elle supportera également les dépens de la présente instance.

La demande tendant au prononcé de l’exécution provisoire est, en cause d’appel, sans objet.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement rendu le 4 janvier 2017 par le tribunal d’instance d’Angers, sauf à préciser qu’il ne lui appartenait pas de désigner la juridiction administrative qu’il estimait compétente ;

CONDAMNE la société EcoDDS à payer au SICTOM Loir et Sarthe une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a exposés en cause d’appel ;

CONDAMNE la société EcoDDS aux dépens de l’instance d’appel ;

REJETTE les demandes pour le surplus.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. LEVEUF M. X

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Angers, 5 décembre 2017, n° 17/00151