Cour d'appel de Bordeaux, Premiere chambre sectiona, 25 février 2010, n° 08/05240

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, premiere ch. sectiona, 25 févr. 2010, n° 08/05240
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 08/05240
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 18 février 2008
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A


ARRÊT DU : 25 FEVRIER 2010

(Rédacteur : Marie-Paule LAFON, président,)

N° de rôle : 08/05240

XXX

c/

XXX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 février 2008 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1°, RG : 4339/2005) suivant déclaration d’appel du 19 août 2008

APPELANTE :

XXX, association enregistrée en Ecosse sous la forme d’une Company Limited by Gaurantee de droit écossais, représentée par son Directeur Général (Chief Executive) en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

représentée par la SCP BOYREAU & MONROUX, avoués à la Cour, et assistée de Maître Eric BORYSEWICZ, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SAS BRASSERIES KRONENBOURG, prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

représentée par la SCP GAUTIER & FONROUGE, avoués à la Cour, et assistée de Maître MONEGIER DU SORBIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 janvier 2010 en audience publique, devant la cour composée de :

Marie-Paule LAFON, président,

Jean-Paul ROUX, président,

Jean-Claude SABRON, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCEDURE ANTERIEURE :

'The Scotch Whisky Association’ est une association immatriculée en Ecosse sous la forme d’une société (Company Limited by Guarantee) qui regroupe les principaux producteurs et exportateurs de whisky écossais. Son objet est d’assurer la protection et la promotion du commerce de whisky écossais et la défense des intérêts des opérateurs de ce secteur.

La société anonyme Brasseries Kronenbourg SAS a un siège social situé à Strasbourg et appartient au groupe multinational d’origine danoise Carlsberg.

La société Brasseries Kronenbourg commercialise en France une bière Wel Scotch sous la forme d’un pack de bouteilles et d’une bouteille dont la présentation initiale a été modifiée en 2004 puis en 2008.

Cette bière fabriquée en France ne contient pas de scotch ni de whisky. Les ingrédients qui la composent sont au moins pour 95 % d’origine française.

La société Brasseries Kronenbourg est titulaire de différentes marques dénommées Wel Scotch :

— la marque dénominative Wel Scotch n°1272233 déposée initialement le 18 novembre 1958 en classe 32 et 33 et qui a fait l’objet de divers apports, transferts et renouvellement dont le dernier est en date du 26 juin 2003

— la marque semi figurative Wel Scotch n°1318588 déposée initialement par la Brasserie de la Meuse le 20 août 1965 et qui a fait l’objet des mêmes apports et transferts que la marque n°1272233

— la marque semi-figurative Wel Scotch n°987500896 déposée initialement par la société Brasseries Kronenbourg le 18 septembre 1998

Elle a déposé également la marque dénominative Excelsior Excel Scotch n°1603807.

Sous sa présentation utilisée jusqu’en 2004 la bière fabriquée en France par la société Brasseries Kronenbourg qui ne contenait ni whisky ni scotch whisky faisait apparaître sur toutes les faces des cartons d’emballage des packs de bouteille outre la marque Wel Scotch en caractères très importants, la mention 'bière au malt à whisky des Highlands’ et en plus petits caractères 'Highland whisky malt beer'.

Au dos du carton figurait le texte suivant :

'Quoi de commun entre Wel Scotch bière ambrée aux reflets roux et cuivrés et les meilleurs whiskies écossais '

Le malt à whisky, bien sûr, ce malt rare provenant des Highlands et fumé à la tourbe dans le plus pur respect de la tradition écossaise.

Ce malt qui donne à Wel Scotch, lors de son brassage, la richesse et la force de son arôme, est en effet utilisé également par les plus prestigieuses distilleries de whisky des Highlands'.

La représentation d’un chardon, symbole de l’Ecosse figurait en outre sur toutes les faces du carton.

Le nom des brasseries Kronenbourg ne figurait plus que sur l’étiquetage et sur le carton d’emballage qu’en qualité de distributeur.

Au cours de l’été 2004 à la suite de nombreux échanges de courriers intervenus entre la société Brasseries Kronenbourg et The Scotch Whisky Association qui contestait le caractère déceptif de la présentation de la bière Wel Scotch, une modification de la présentation de la bière est intervenue dans le cadre d’un nouveau 'packaging'.

L’utilisation du mot whisky a été supprimée.

Au cours de l’année 2008 une ultime modification était opérée de telle sorte que en dessous du carton d’emballage figure une liste d’ingrédients indiquant notamment 'arôme naturel de malt et de whisky'.

Sur l’une des faces principales du carton figure désormais l’inscription :

' Si Wel Scotch a su conserver au fil du temps toute la richesse et la force de son arôme c’est parce qu’elle est élaborée dans le plus pur respect de la tradition : Wel Scotch est brassée à partir d’un malt provenant des Highlands fumé à la tourbe, ce malt lui confère sa robe ambrée aux reflets roux et cuivrés ainsi que son goût fumé si caractéristique'.

Sur les deux faces principales du carton figure l’inscription :

' la proximité de la mer, la nature des cours d’eau et une certaine sécheresse donnent au Highland un malt corsé et très équilibré qui ont fait sa réputation'.

Estimant que les marques précitées étaient de nature à induire en erreur le consommateur et devaient être annulées en raison de leur caractère trompeur résultant d’une fausse indication de provenance, d’une publicité mensongère et de leur caractère déceptif portant atteinte à une appellation d’origine protégée, The Scotch Whisky Association arguant de sa qualité d’organisation professionnelle disposant de la qualité à agir au regard des dispositions de l’article L470-7 du code du commerce, pour la défense des intérêts des producteurs et exportateurs de whisky écossais a, suivant acte d’huissier en date du 15 avril 2005 fait assigner la société Brasseries Kronenbourg SAS au visa des article L470-1 du code du commerce, 1382 du code civil, du règlement CEE 1576/89 du 29 mai 1989, des articles L115-1 et suivants, L121-1 et suivants, L217-6 et suivants du code de la consommation, des articles 3 et 9 de la loi du 31 décembre 1964, L711-3, L714-3, L711-4, L712-9, L714-5, L714-6 et R712-24 et suivants du code de la propriété intellectuelle, d’une part d’une action tendant à voir sanctionner des comportements parasites de cette dernière, d’autre part à voir annuler les marques Wel Scotch et la marque Excelsior Excel Scotch.

Par jugement en date du 19 février 2008, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— déclaré The Scotch Whisky Association recevable et partiellement fondée en sa demande

— constaté le caractère parasitaire des agissements de la société Kronenbourg durant la période 1994 à 2004 par l’utilisation répétée des termes whisky et des références associées à l’Ecosse dans ses étiquetages et ses conditionnements de bière vendus sous la marque 'Wel Scotch'

— condamné la société Kronenbourg à verser à The Scotch Whisky Association la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice supporté du fait de ces agissements

— constaté que ces agissements ont cessé depuis la mise en circulation de nouveaux conditionnements et étiquetages

— débouté The Scotch Whisky Association de ses demandes tendant à l’annulation des marques 'Wel Scotch’ ou à leur déchéance

— constaté le renouvellement régulier des marques 'Wel Scotch'

— dit n’y avoir lieu d’interdire à la société Kronenbourg de faire usage des termes Wel Scotch dès lors qu’ils ne sont pas associés au terme whisky

— dit n’y avoir lieu à pubication du présent jugement

— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement

— condamné la société Brasseries Kronenbourg à payer à 'The Scotch Whisky Association’ la somme de 15.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné la société Brasseries Kronenbourg aux dépens.

PROCEDURE D’APPEL :

Par déclaration en date du 19 août 2008 The Scotch Whisky Association a relevé appel de ce jugement.

A l’appui de son appel, elle soutient que :

— l’usage du terme 'Scotch’ qu’il soit incorporé à une marque ou non est prohibé pour commercialiser une bière en vertu des règles impératives de protection des indications géographiques et des appellations d’origine

— cette prohibition résulte du règlement CE 110/2008 du Parlement et du Conseil qui prévoit en son article 15 :

'Une indication qui identifie une boisson spiritueuse comme étant originaire du territoire d’un pays, d’une région ou d’une localité située sur ce territoire lorsqu’une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée de la boisson spiritueuse peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique'

— cette prohibition s’applique en application de l’article 10 du même règlement, sauf si l’alcool est issu exclusivement de la / des boissons spiritueuse (s) concernée (s)

— il ne peut être contesté que l’utilisation du terme 'Scotch’ synonyme de 'Scotch whisky’ dans la présentation de la bière de marque 'Wel Scotch’ constitue une utilisation d’une indication géographique enregistrée à l’annexe III ou à tout le moins une allusion à 'Scotch Whisky'

— l’alcool contenu dans la bière Wel Scotch n’est pas 'issu exclusivement’ d’un 'Scotch Whisky'

— la prohibition de l’utilisation du terme 'Scotch’ résulte également de l’article 16 du règlement précité en ses paragraphes a et b dont les dispositions sont transcrites dans l’article L643-1 du code rural relatif à la protection des appellations d’origine

— la jurisprudence française protège d’ailleurs expressément le terme 'Scotch’ pris isolément

— la société Brasseries Kronenbourg présente sa bière comme comparable au scotch whisky

— cette utilisation commerciale exploite la réputation de l’indication géographique 'scotch whisky'

— la société Brasseries Kronenbourg multiplie sur les présentations et les étiquetages successifs de sa bière des indications trompeuses de nature à créer une impression erronée sur la véritable origine de son produit notamment sur son site internet (évocation de la cornemuse – des Highlands)

— l’interdiction d’utiliser le terme 'scotch’ pour la commercialisation de la bière 'Wel Scotch’ résulte également des dispositions des articles L115-5 ancien du code de la consommation et L643-1 du code rural dès lors que l’appellation 'Scotch Whisky’ constitue en France une appellation d’origine au sens de ces textes

— l’appellation 'Scotch’ et 'Scotch Whisky’ fait également l’objet d’une protection par l’accord bilatéral du 12 novembre 1975 au même titre que le Cognac, l’Armagnac et le Calvados

— l’admission de l’existence d’une appellation d’origine résultait d’ailleurs des écritures même de l’intimée en première instance

— les dispositions de l’article L643-1 du code rural ne sont pas exclusivement applicables aux appellations d’origine contrôlée mais à toute appellation d’origine reconnue en France

— le terme 'scotch’ seul revêt un caractère distinctif permettant l’application du texte précité

— l’utilisation du terme 'scotch’ pour la commercialisation de la bière 'Wel Scotch’ affaiblit la notoriété de l’appellation d’origine 'Scotch Whisky’ et tend à faire croire qu’elle est aromatisée au whisky

— il n’existe aucune justification à l’utilisation du terme scotch même si la bière est composée à 5 % de malt provenant d’Ecosse

— la société Brasseries Kronenbourg ne peut se prévaloir de l’application des articles L711-4 du code de la propriété intellectuelle et 24 paragraphe 5 de l’accord ADPIC qui fixe des niveaux minimaux de protection des droits de la propriété intellectuelle que chaque gouvernement doit assurer aux autres membres de L’OMC

— les marques 'Wel Scotch’ dont la société Brasseries Kronenbourg est titulaire sont nulles en application du règlement 110/2008 articles 16 et 23 et de la législation française quelles que soit leur ancienneté dès lors qu’elles ne peuvent être considérées comme ayant été déposées de bonne foi et qu’elle revêtent un caractère trompeur à l’égard du public en contravention avec les dispositions de l’article L711-3 du code de la propriété intellectuelle

— le tribunal ne peut être suivi en ce qu’il a considéré qu’il n’existait pas de risque de déceptivité

— le terme 'scotch’ est venu remplacer dans le langage courant les termes 'whisky écossais'

— dès lors le jugement sera infirmé en ce qu’il a refusé d’annuler les marques 'Wel Scotch'

— à titre subsidiaire, en ce qui concerne la marque 1272233, pour le cas où la cour considérerait qu’elle a été valablement renouvelée elle prononcerait néanmoins sa nullité partielle pour tout spiritueux autre que du scotch whisky ainsi que l’interdiction d’utiliser le nom 'Wel Scotch’ ou tout autre nom incorporant le terme 'scotch’ pour commercialiser une boisson autre qu’un 'scotch whisky'

— la marque dénominative 'Wel Scotch’ n°1272233 n’a pas été valablement renouvelée le 26 juin 2003, dès lors que la société ayant déposé la demande de renouvellement n’était pas le titulaire inscrit de la marque ou subsidiairement la cour prononcerait la déchéance des droits sur la marque pour défaut d’usage sérieux en application de l’article L714-5 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle dès lors que cette marque a été restreinte depuis 1983 aux seuls alcools de la classe 33 couvrant l’ensemble des boissons alcooliques à l’exception des bières

— à titre subsidiaire la déchéance des droits relatifs à ces marques pourra être prononcée à raison de leur caractère déceptif en faisant croire aux consommateurs que cette bière serait d’origine écossaise ou contiendrait du 'scotch whisky'

— par ailleurs la société Brasseries Kronenbourg détourne la notoriété du scotch whisky à son profit pour la promotion des bières distribuées sous la marque Wel Scotch

— la notoriété du 'scotch’ en France est le résultat d’efforts et d’investissements consentis depuis plus d’un siècle par les producteurs et exportateurs et le détournement commis par l’intimée crée une banalisation de cet alcool

— la cour ne pourra que confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté le comportement parasitaire de la société Brasseries Kronenbourg tant sur les emballages de bière que sur son site internet tant antérieurement à 2004 que postérieurement

— la bière 'Wel Scotch’ étant produite en France à partir d’au moins 95 % d’ingrédients d’origine française et ne contenant ni de 'scotch whisky’ in de 'whisky', il n’existe pas de justification à l’utilisation de l’appellation d’origine 'Scotch’ pour promouvoir ce produit même s’il contient 5 % de malt en provenance des Highlands

— les indications 'bière au malt à whisky des Highlands’ et 'bière au malt des Highlands’ ne sont pas en l’espèce purement descriptives et revêtent même un caractère trompeur compte tenu de la faiblesse de la quantité de malt utilisé

— en matière de parasitisme la preuve de l’affaiblissement ou de la dilution du signe distinctif n’est pas exigée par la jurisprudence mais il est caractérisé en l’espèce par l’affaiblissement et la dilution de la réputation du scotch whisky et le bénéfice d’un avantage commercial sans contrepartie tiré par l’intimée de l’utilisation de la marque 'Wel Scotch'

— elle est donc fondée en application de l’article 1382 du code civil à solliciter l’interdiction d’utilisation du terme 'scotch’ pour commercialisation de la bière ainsi que toutes références au whisky écossais, aux Highlands, à la tradition écossaise à tout sigle faisant référence à l’Ecosse tel que chardon, cornemuse, personnage vêtu d’un tartan écossais

— les agissements des brasseries Kronenbourg constituent en outre une violation des dispositions du code de la consommation au titre de l’étiquetage, et de la publicité sur le site internet de nature à induire en erreur le consommateur, mais également relativement à l’indication fausse d’une origine

— ces violations entraînent pour elle un trouble commercial qui devra être compensé par l’allocation d’une somme de 100.000 € avec publication de l’arrêt dans cinq journaux ou magazines pour un montant maximum global de 60.000 € HT ainsi que l’allocation d’une somme de 100.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Brasseries Kronenbourg réplique que :

— l’appelante tente d’introduire une confusion concernant la signification du terme 'scotch’ en essayant de faire croire que ce terme se traduirait par 'écossais'

— 'scotch’ et 'scotch whisky’ ne sont pas assimilables et interchangeables en français

— la prétention de la violation du règlement CE n°110/2008 repose sur une dénaturation délibéré des textes

— le règlement définit des règles générales et cite l’indication géographique 'scotch whisky’ ce qui démontre que le terme 'scotch’ seul ne bénéficie d’aucune protection et que la dénomination 'Wel Scotch’ n’est pas répréhensible

— l’appelante procède par manipulations rédactionnelles en isolant des mots de leur contexte et en utilisant les emballages antérieurs à 2004 qui n’ont plus cours

— les décisions de juridictions françaises invoquées comme protégeant expressément le terme 'scotch’ ne peuvent être transposées à la présente instance dès lors qu’elles visaient un produit imitant le whisky sous la dénomination scotch whisky

— l’appelante ne démontre pas qu’à partir de mai 2008 ses prétentions seraient fondées

— le terme 'scotch’ ne constitue pas une appellation d’origine, aucune réglementation ne protégeant la dénomination 'scotch’ seule mais uniquement celle de 'scotch whisky’ qui bénéficie d’une simple reconnaissance 'sui generis'

— l’accord bilatéral ayant fait l’objet d’une publication par décret du 12 novembre 1975 ne contient aucune disposition relative au terme 'scotch’ pris isolément

— la loi n’interdit pas qu’une marque contienne un nom géographique, l’article L711-1 du code de la propriété intellectuelle prévoyant au contraire cette possibilité

— l’utilisation du terme 'scotch’ revêt un caractère légitime et de bonne foi au sens de l’article 24 paragraphe 5 de l’accord ADPIC ratifié par la France

— il n’existe aucun risque de confusion entre un 'whisky', écossais ou non, et une bière

— au moment du dépôt de la marque Wel Scotch l’expression 'scotch whisky’ ne jouissait d’aucune renommée en France et elles ont cohabité pendant 50 ans sans difficulté, ni confusion

— la bière Wel Scotch n’est pas présentée comme étant 'au whisky’ mais fabriquée à partir du malt des Highlands de sorte que le consommateur ne peut se tromper et il n’existe pas de tentative de sa part d’assimiler de manière abusive le mode de production de sa bière à celui des 'scotch whisky'

— l’association SWA abandonne le moyen tiré de la contrariété à l’ordre public des marques Wel Scotch et la demande de déchéance des droits de la société Kronenbourg sur la marque Wel Scotch n°1318588

— la validité du renouvellement de la marque n°1272233 ne peut être contestée sur la base de l’erreur de droit commise par l’appelante dès lors que le renouvellement par le propriétaire non encore inscrit n’affecte pas la validité de l’acte mais le rend seulement inopposable jusqu’à la régularisation

— le renouvellement de la marque respectait les dispositions de l’article R712-24 du code de la propriété intellectuelle dans sa version antérieure au décret du 25 février 2004

— les marques 'Wel Scotch’ sont également valides au regard des dispositions des articles 16 et 23 du règlement CE 110/2008 dès lors que l’indication géographique enregistrée à l’annexe III dudit règlement est 'Scotch Whisky’ et non pas 'Scotch'

— les marques Wel Scotch n°1318588 et n°98750896 ne revêtent aucun caractère trompeur pour désigner des bières ainsi que l’a retenu le tribunal, étant souligné que la validité d’une marque doit être appréciée au jour de son dépôt

— une décision du tribunal de grande instance de Paris du 28 mai 1997 l’avait déjà retenu

— le dictionnaire Larousse de 1949 ne définit pas le terme 'scotch’ et ne fait pas davantage mention du 'scotch whisky'

— la jurisprudence invoquée par l’appelante comme sanctionnant l’emploi du mot 'scotch’ est inapplicable à l’espèce

— il n’existe pas de tromperie quant à la composition, la qualité ou l’origine du produit susceptible d’induire en erreur le consommateur, la mention fabriquée en France apparaît de manière visible sur le produit et au surplus il apparaît clairement que le produit vendu est uniquement de la bière

— l’évocation de l’Ecosse pour désigner de la bière est usuelle

— il existe une contradiction dans les prétentions de l’association SWA qui ne peut tout à la fois incriminer l’usage de la dénomination Wel Scotch et soutenir que les marques incluses dans cette dénomination ne seraient pas exploitées

— la société Kronenbourg utilisant de manière constante la marque semi figurative n°98750896 dont l’élément principal est constitué par la dénomination Wel Scotch cette utilisation vaut exploitation de la marque n°272-233 ainsi que l’a jugé à bon droit le tribunal

— la demande en déchéance de la marque Excelsior Excel Scotch n’est pas motivée

— les marques n°1272233 et 98750896 ne présentent aucun caractère de déceptivité apparu postérieurement à leur dépôt au sens de l’article L714-6 du code de la propriété intellectuelle ni sur le fondement contradictoire de l’article L741-3 du même code dès l’origine

— la preuve du caractère déceptif ne peut être rapportée par les deux sondages invoqués par l’association SWA qui orientent les questions habilement, portent sur le conditionnement de la bière et non le signe et procèdent à l’interrogatoire de personnes qui n’étaient pas en position de consommateurs

— le tribunal a parfaitement statué sur l’absence de caractère déceptif de la marque en dépit des allégations de l’appelante

— le grief de parasitisme invoqué à son encontre ne repose pas sur des agissements répréhensibles mais sur des déformations de la réalité

— la seule notion de 'scotch whisky’ ne revêt pas de caractère notoire, la réputation de celui-ci ne pouvant être considérée comme acquise que si lui sont adjointes les mentions 'pure malt’ ou 'single malt’ par opposition aux whiskys 'blended'

— à l’époque où la bière Wel Scotch a été mise sur le marché le 'whisky’ ne présentait pas de notoriété particulière en France

— le terme 'scotch’ pris isolément ne peut en tout état de cause profiter de la notoriété de 'scotch whisky'

— le terme 'scotch’ n’est en tout état de cause pas utilisé isolément dans la marque mais associé à celui de 'Wel’ et celle -ci est donc licite

— la présentation de 1994 de la bière a été abandonnée en 2004 par souci de bonnes relations avec l’association SWA et en tout état de cause elle ne revêtait pas de caractère trompeur dès lors que la proportion de malt de 5 % incluse dans la bière résulte non pas du symbole mais d’un dosage spécifique pour conférer à la bière un goût particulier qu’il n’est pas interdit de citer

— de nombreuses bières multiplient les références à l’Ecosse

— la présentation en vigueur depuis 2004 n’est en rien fautive l’association SWA ne pouvant se prévaloir d’un monopole sur la représentation des cornemuses, des paysages de landes et sur tout ce qui évoque l’Ecosse

— il ne peut lui être reproché d’utiliser des références à l’odeur et à l’arôme du whisky de la bière Wel Scotch sur son site internet dès lors que ces indications sont exactes du fait de l’utilisation du malt écossais

— il n’est justifié d’aucune dilution de la notoriété de l’appellation 'scotch’ preuve nécessaire pour agir en responsabilité à son encontre

— il n’est pas davantage établi à son encontre l’existence des délits de publicité mensongère et de fausse indication de provenance sanctionnés par les articles L121-1 et L217-6 et 7 du code de la consommation

— les demandes de l’association SWA seront donc toutes rejetées comme infondées

— le jugement entrepris sera donc confirmé dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a admis l’existence d’agissements parasitaires commis par ses soins entre 1994 et 2004 et l’a condamnée de ces chefs à payer à l’association SWA la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts outre 15.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

— la procédure abusive introduite et poursuivie en appel par l’association SWA justifiera l’allocation à son profit d’une somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts outre 100.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— il sera ordonné la publication d’extraits de l’arrêt dans cinq journaux ou revues à son choix aux frais de l’appelante pour un coût global d’insertion plafonné à 50.000 €.

MOTIFS :

En préambule il sera relevé, qu’en dépit de la portée générale de l’appel interjeté les dispositions du jugement entrepris relatives à la recevabilité de l’action introduite par 'The Scotch Whisky Association’ au regard de sa qualité à agir en qualité de représentante des intérêts collectifs de la profession ou du secteur des producteurs de whisky écossais n’est plus contestée. Elles seront donc confirmées.

L’examen du fond du litige et des prétentions respectives des parties interviendra en revanche sur la base de cinq pôles relatifs à :

— la conformité de l’usage du terme 'scotch’ incorporé ou non à une marque destinée à commercialiser de la bière au regard des règles impératives de protection des indications géographiques et des appellations d’origine

— la validité des marques Wel Scotch enregistrées par la société Brasseries Kronenbourg

— l’existence éventuelle d’actes de parasitisme imputables à la société Brasseries Kronenbourg dans le cadre de la commercialisation de la bière de marque 'Wel Scotch’ au préjudice des producteurs et exportateurs de 'scotch whisky’ à compter de l’année 1994 jusqu’à ce jour

— l’existence éventuelle de violations des dispositions du code rural et du code de la consommation au titre de la commercialisation de la bière de marque 'Wel Scotch'

— aux demandes reconventionnelles de la société Brasseries Kronenbourg.

I/ Sur la conformité de l’usage du terme 'scotch’ incorporé ou non à une marque destinée à commercialiser de la bière au regard des règles impératives de protection des indications géographiques et des appellations d’origine :

Le règlement CE n°110/2008 du Parlement et de conseil du 15 janvier 2008 qui s’est substitué au règlement CEE du Conseil en date du 29 mai 1989, est entré en vigueur le 20 mai 2008 et porte sur la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses.

A ce titre ce texte, comme d’ailleurs le précédent, précise la définition des indications géographiques dont il prévoit la protection (article 15) en mentionnant qu’il s’agit d’une 'indication qui identifie une boisson spiritueuse comme étant originaire du territoire d’un pays, d’une région ou d’une localité située sur ce territoire lorsqu’une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée de la boisson spiritueuse peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique'.

Les indications géographiques reconnues et protégées en vertu de ce règlement sont enregistrées de manière exhaustive à l’annexe III de ce texte comme elles l’étaient déjà à l’annexe II du précédent règlement. Toutefois dans ce cadre est enregistrée exclusivement comme indication géographique réservée aux whiskies originaires d’Ecosse le 'scotch whisky’ au même titre que le 'Irish wisky', le 'whisky español', le 'whisky breton’ et le 'whisky alsacien'.

A l’évidence cette liste revêt un caractère limitatif qui impose de considérer que la protection accordée dans le cadre du règlement aux indications géographiques ne peut s’appliquer au mot isolé 'scotch’ qui n’est pas prévu dans la nomenclature dès lors que ce terme adjoint à 'whisky’ est manifestement et seulement pris en tant que dérivé du mot 'écossais’ représentant le pays d’origine expressément mentionné comme étant le Royaume Uni (Ecosse).

Par ailleurs l’article 10 du règlement précité prévoit certes que sans préjudice de la Directive 200/13/CE l’utilisation d’un des termes énumérés dans les catégories 1 à 46 de l’annexe II ou d’une indication géographique enregistrée à l’annexe III dans un terme composé ou l’allusion à l’un d’entre eux dans la présentation d’une denrée alimentaire est interdite, sauf si l’alcool est issu exclusivement de la / des boisson(s) spiritueuse(s) concernée(s).

Il ne peut cependant y avoir lieu de considérer que le simple fait pour la société Brasseries Kronenbourg d’avoir fait enregistrer la marque 'Wel Scotch’ s’appliquant à une bière contrevient à cette disposition, dès lors que ces deux mots accolés ne peuvent être considérés comme constituant même une simple allusion à l’indication géographique précitée dont le terme prépondérant est 'whisky’ et ce d’autant plus que le dépôt initial de la marque a été réalisé en 1958, soit trente ans avant l’entrée en vigueur du règlement CE 110/2008 et avant même la grande vogue et l’essor de consommation qu’a connu le whisky en France.

Les dispositions de l’article L643-1 du code rural modifié par la loi du 8 décembre 2006 entrée en vigueur le 1er janvier 2007 prévoient également ainsi que l’a rappelé le tribunal que :

'L’appellation d’origine ne peut jamais être considérée comme présentant un caractère générique et tomber dans le domaine public.

Le nom qui constitue l’appellation d’origine ou toute autre mention l’évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur le 6 juillet 1990. Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et aucun autre produit ou service lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d’affaiblir la notoriété de l’appellation'.

Mais il ne peut y avoir lieu de considérer que ces dispositions apportent à l’indication géographique au sens de la directive communautaire précitée en l’érigeant en appellation d’origine, une protection plus large et divergente permettant d’inclure dans celle-ci le terme 'scotch’ utilisé isolément dès lors que celui-ci a manifestement vocation à ne désigner qu’une région dont le 'whisky', s’il en constitue une production appréciée, ne revêt pas un caractère exclusif et n’en constitue pas l’emblème.

Enfin les accords ADPIC invoqués par l’appelante, spécialement en leur article 22-1 qui renvoie à la convention de Paris aux fins de sanction de toute utilisation des indications géographiques, ne peuvent recevoir application au cas d’espèce puisque la bière vendue sous la marque 'Wel Scotch’ est composée, même s’il s’agit d’une proportion de 5 % de ses ingrédients, de malt provenant d’Ecosse qui lui confère un arôme significatif participant à son originalité.

C’est donc à bon droit que le tribunal a considéré que l’usage du terme 'scotch’ dans la marque Wel Scotch ne pouvait constituer en tant que tel une irrégularité au regard des règles impératives de protection des indications géographiques et des appellations d’origine.

II/ Sur la validité des marques Wel Scotch et Excelsior Excel Scotch :

— validité au regard des articles 16 et 23 du règlement CE n°110/2008 :

L’article 23 du règlement dispose :

'L’enregistrement d’une marque qui contient une indication géographique enregistrée à l’annexe III ou qui est constituée par une telle indication est refusée ou invalidée si son utilisation engendre l’une des situations visées à l’article 16".

Il convient de rappeler une nouvelle fois que l’indication géographique enregistrée à l’annexe III du règlement est exclusivement 'Scotch Whisky’ et non pas 'Scotch'. Dès lors la marque 'Wel Scotch’ qui n’inclue que le terme 'scotch', sans référence à 'whisky', ne peut provoquer une situation visée à l’article 16.

En tout état de cause l’ancienneté de l’enregistrement des marques 'Wel Scotch’ intervenue pour la première fois en 1958, avant le 1er janvier 1996, permet en application des dispositions de l’article 23-2 du règlement à la société Brasseries Kronenbourg de se prévaloir de l’usage de bonne foi sur le territoire de la communauté desdites marques dès lors que la présomption de bonne foi lors de leur dépôt n’est pas utilement remise en cause par l’association SWA comme cela va être retenu.

— validité au regard de l’article L711-3 du code de la propriété intellectuelle :

Aux termes de l’article L711-3 du code de la propriété intellectuelle il est prévu notamment que :

'Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque, un signe

(…)

c) de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service'.

En préambule il sera relevé ainsi que le soutient la société Brasseries Kronenbourg que 'la bière et le whisky ont beaucoup de points communs à commencer par les ingrédients comme le malt, de sorte que de nombreux ouvrages consacrés à la bière mentionnent le whisky et vice versa sans compter la pratique consistant à boire en même temps l’une et l’autre boisson, décrite par X Steinbeck dans l’un de ses romans. Que d’ailleurs, le processus de fabrication du whisky passe par une étape au cours de laquelle le distillateur dispose d’un moût devenu similaire à de la bière et appelé 'petite bière'.

Il s’ensuit que la référence à l’utilisation du malt dans la composition de la bière vendue sous la marque 'Wel Scotch’ ne peut être considérée comme procédant de la volonté du propriétaire de la marque de créer une confusion avec le produit plus noble que constituerait le 'scotch whisky’ dans l’esprit du consommateur.

Par ailleurs la mention de la proportion de malt provenant d’Ecosse entrant dans la composition de la bière 'Wel Scotch’ est conforme aux dispositions de l’article R112-17 du code de la consommation qui prévoient notamment que :

'sans préjudice des dispositions relatives à l’étiquetage traditionnel des denrées alimentaires, l’étiquetage d’une denrée alimentaire doit comporter l’indication de la quantité d’un ingrédient ou d’une catégorie d’ingrédients qui a été utilisé dans sa fabrication ou sa préparation dans les cas suivants :

1°) l’ingrédient ou la catégorie d’ingrédients dont il s’agit figure dans la dénomination de vente ou est généralement associé à la dénomination de vente par le consommateur.

2°) l’ingrédient ou la catégorie d’ingrédients dont il s’agit est mis en relief dans l’étiquetage par des mots, des images ou une représentation graphique.

3°) l’ingrédient ou la catégorie d’ingrédients dont il s’agit est essentiel pour caractériser la denrée alimentaire et la distinguer des produits avec lesquels elle pourrait être confondue en raison de sa dénomination ou de son aspect (…).

L’indication de la provenance géographique du malt utilisé, dont aucun élément ne permet de contester la véracité, s’inscrit certes dans la volonté de faire référence à l’Ecosse mais non pas en tant que terroir producteur de 'scotch whisky’ mais également concurremment et de manière plus ancienne de bière.

Dès lors la référence appuyée dans l’utilisation ou la dénomination même des marques litigieuses à l’Ecosse, au terme 'scotch’ ne constitue qu’une volonté de s’inscrire dans la tradition séculaire de brassage de bière propre à cette région qui constitue d’ailleurs un secteur extrêmement concurrentiel si l’on se réfère au nombre de marques de bière utilisant le terme 'scotch’ dans leur dénomination : 'Solveg 18 double scotch', 'P Royal Scotch', 'platzer Royal Scotch', 'Gordon Highland', 'Scotch ale', 'Scotch Silly'.

C’est donc à bon droit que le tribunal a considéré, tant au regard des articles 16 et 23 du règlement que de l’article L711-3 du code de la propriété intellectuelle, que si le terme scotch n’est pas appropriable en tant que dénomination d’un spiritueux du fait d’un risque de confusion avec le 'scotch whisky’ dont la demanderesse est fondée à protéger les intérêts, il n’existe pas de risque de déceptivité à l’utilisation de l’expression 'Wel Scotch’ pour une bière produit brassé à base de malt provenant d’Ecosse qui lui confère un arôme et une spécificité la distinguant d’autres bières.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes d’invalidation des marques 'Wel Scotch’ à défaut d’établir leur caractère trompeur ou déceptif.

— validité de la marque Wel Scotch au regard de son renouvellement (marque n°1272233) :

Il apparaît certes des dispositions de l’article R712-24 du code de la propriété intellectuelle que l’enregistrement d’une marque peut faire l’objet d’un renouvellement pour une nouvelle période de dix ans par déclaration du propriétaire de la marque.

A la date du renouvellement de la marque 'Wel Scotch’ n°1272233 il n’est pas contesté par les Brasseries Kronenbourg que ce n’est pas le propriétaire de la marque qui a procédé à la demande de renouvellement.

Il apparaît toutefois que les textes relatifs au renouvellement des marques n’ont pas assorti de la nullité un tel manquement.

C’est donc à bon droit que le tribunal faisant application des dispositions générales de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1964 qui prévoient que les modifications au droit portant sur une marque n’étaient opposables aux tiers qu’après mention au registre national des marques, a considéré que celles-ci prévoyaient exclusivement que soit affectée non pas la validité de la marque mais son opposabilité.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la marque précitée étant souligné par ailleurs que cette marque a fait l’objet d’un renouvellement le 26 juin 2003 par la société Kronenbourg en sa qualité de véritable titulaire de celle-ci bien que non encore inscrit et respectait donc les dispositions de l’article R712-24 du code de la propriété intellectuelle dans sa version en vigueur à l’époque.

— validité des marques 'Wel Scotch’ enregistrée sous le numéro 1272233, et 'Excelsior Excel Scotch’ n ° 1603807 :

La demande d’invalidation de la marque Excelsior Excel Scotch n°1603807 pour défaut d’utilisation depuis plus de cinq ans est en dépit des allégations de la société Brasseries Kronenbourg suffisamment motivée au regard des dispositions de l’article L714-5 du code de la propriété intellectuelle. Il lui appartient dès lors de justifier de l’exploitation effective de cette marque dont la dénomination diffère de celle de la marque 'Wel Scotch’ avec laquelle elle ne peut être confondue. N’apportant aucun élément de preuve à ce titre, la cour ne peut qu’accueillir 'The Scotch Whisky Associaation’ en sa demande et prononcer la déchéance des droits de la société Brasseries Kronenbourg à l’égard de cette dernière.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

En revanche le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a considéré que la marque Wel Scotch n°272233, si elle n’avait pas été exploitée en tant que telle, devait néanmoins échapper à la déchéance prévue par l’article L714-5 du code de la propriété intellectuelle dès lors que l’usage du signe 'Wel Scotch’ déposé dans son cadre se retrouvait légèrement modifié dans celui de la marque réellement exploitée et qui ne supportait aucune contestation au regard du texte précité.

III/ Sur l’existence éventuelle d’actes de parasitismes imputables à la société Brasseries Kronenbourg dans le cadre de la commercialisation de la bière de marque Wel Scotch au préjudice des producteurs et exportateurs de 'Scotch Whisky’ à compter de l’année 1994 jusqu’à ce jour :

Sans se fonder exclusivement sur les 'scotch whiskies’ d’exception cités par l’appelante qui peuvent se négocier à des prix considérables lors de ventes aux enchères, il n’en demeure pas moins que ces spiritueux ont acquis au fil des années et notamment depuis une trentaine d’années une vogue importante favorisée par leur vente dans les supermarchés. La prééminence de la réputation des 'scotch whiskies’ sur le marché français est d’ailleurs caractérisée par le fait qu’ils représentent plus de 90 % des whiskies commercialisés en France et particulièrement les 'scotch whiskies’ de malt.

Dès lors, si la seule utilisation du terme 'scotch’ dans les marques déposées par la société Brasseries Kronenbourg n’a pu être considérée en tant que telle comme déceptive, ou trompeuse ou fautive au regard de la législation en vigueur, il n’en demeure pas moins que le contexte de son usage doit s’apprécier, compte tenu des tentations de s’inscrire dans le sillage d’un spiritueux attractif afin d’émerger dans un marché extrêmement concurrentiel la commercialisation d’une boisson de grande consommation telle que la bière, au regard de possibles dérives de comportements parasitaires susceptibles d’affecter la notoriété des 'scotch whiskies’ en la banalisant.

En l’espèce, il apparaît ainsi que l’a relevé avec exactitude le tribunal que l’examen détaillé des mentions figurant sur l’emballage des bières commercialisées par Kronenbourg entre 1994 et 2004 avant qu’elle ne procède à la modification de ce dernier, montre une référence appuyée et constante non seulement à l’Ecosse, aux Highlands mais surtout au whisky.

Cette référence se concrétise particulièrement ainsi que l’a retenu de manière exhaustive le tribunal par diverses mentions figurant sur l’étiquette des bouteilles dans les termes suivants :

'Wel Scotch, bière à malt à whisky des Highlands’ outre la mention 'Highlands whisky malt beer'

et à plusieurs reprises sur l’emballage des packs 'Quoi de commun entre Wel Scotch bière ambrée aux reflets roux et cuivrés et les meilleurs whisky écossais ' Le malt à whisky bien sur, ce malt rare provenant des Highlands et fumé à la tourbe dans le plus pur respect de la tradition écossaise.

Ce malt qui donne à 'Wel Scotch’ lors de son brassage, la richesse et la force de son arôme est en effet utilisé également par les plus prestigieuses distilleries de whisky des Highlands'.

Si postérieurement à 2004, la modification des emballages sous la pression manifeste de 'The Scotch Whisky Assocation’ a mis un terme à ces références constantes au 'whisky écossais', il n’en demeure pas moins que ces dernières se sont poursuivies sur le site internet www.brasseries-kronenbourg.com, certes de manière plus insidieuse mais néanmoins toujours en direction des clients potentiels consultant ce dernier.

La référence au whisky écossais demeure constante dans la présentation de la bière 'Wel Scotch’ présentée dans les termes suivants :

'Bière au malt à whisky des Highlands fumé à la tourbe dans le plus pur respect de la tradition écossaise. Grâce à ce savoir faire Wel Scotch est une bière ambrée aux reflets roux et cuivrés qui consommée bien fraîche, libère des arômes subtils de whisky et sa saveur fumée'. (procès verbal de constat sur le site internet page 12).

Par ailleurs la page appelée 'apprendre à parler de 'Wel Scotch’ sur le même site internet précise :

'- odeur : dominance du rhum et du 'whisky'

— arôme : renforcement des notes de 'whisky’ et de rhum

— arrière goût : persistance de la saveur sucrée du 'whisky’ et du fumé’ (procès verbal de constat sur le site internet de Brasseries Kronenbourg pages 12, 13 et 16)

La référence constante au whisky qui perdure dans les éléments précités ne peut se justifier par le fait du dénominateur commun de composition liant ce spiritueux à la bière, le malt qui intervient dans des proportions nécessairement différentes de quantité et d’utilisation dans les deux breuvages.

En agissant de la sorte la société Brasseries Kronenbourg a délibérément recherché à créer une association dans l’esprit de sa clientèle potentielle ou acquise entre le 'scotch whisky’ et sa bière afin de faire bénéficier cette dernière du pouvoir d’attraction, de la réputation du 'scotch whisky', exploitant ainsi sans compensation financière, l’effort commercial déployé par les producteurs de ce spiritueux pour créer et entretenir l’image de leur produit.

La dilution de notoriété qui en résulte a nécessairement créé au préjudice de 'The Scotch Whisky Assocation’ un préjudice moral qui sera indemnisé sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Compte tenu du fait qu’il perdure depuis 1994 jusqu’à ce jour il sera compensé par l’allocation d’une somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.

Afin de mettre un terme aux agissements parasitaires de la société Brasseries Kronenbourg, il lui sera également fait défense d’inclure toute mention des mots 'whisky', 'whisky écossais’ et 'distillerie de whisky', tant sur les emballages et conditionnements de la bière qu’elle commercialise sous la marque 'Wel Scotch’ que sur tout site internet qu’elle est susceptible d’exploiter dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte provisoire de 150 € par infraction constatée. Le jugement sera également infirmé de ce chef.

La nature du litige ne justifie cependant pas la publication du présent arrêt par voie de presse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

IV/ Sur l’existence éventuelle de violations des dispositions du code rural et du code de la consommation au titre de la commercialisation de la bière 'Wel Scotch’ :

Ainsi que cela a été plus haut retenu aucune violation des appellations d’origine reconnues telles qu’elles sont définies et protégées par les dispositions des articles L641-6 et L643-1 du code rural ne peut être retenue à l’encontre de la société Brasseries Kronenbourg au titre des modalités de commercialisation de la bière 'Wel Scotch'.

Les agissements de la société Brasseries Kronenbourg sanctionnés dans le cadre du présent arrêt portent exclusivement sur un comportement parasitaire.

La spécificité de leur nature, dès lors que n’a pas été retenu de caractère trompeur voir déceptif interdit de considérer qu’ils ont pu constituer une publicité trompeuse au sens de l’article L121-1 du code de la consommation, une indication de fausse origine au sens des articles L217-6 et L217-7 du même code.

Il apparaît en effet qu’aucun élément en permet de considérer que la société Brasseries Kronenbourg a tenté d’accréditer la thèse d’une origine écossaise de la bière 'Wel Scotch’ qu’elle commercialise dès lors au surplus qu’il a toujours été mentionné qu’elle était fabriquée en France et que 95 % des ingrédients entrant dans sa composition étaient français à l’exception de 5 % de malt des Highlands.

Il y a donc lieu de rejeter l’ensemble des demandes de The Scotch Whisky Association tendant à voir sanctionner au titre de réparations civiles des manquements délictueux au regard des prescriptions précitées édictées par le code de la consommation.

Il sera ajouté de ce chef au jugement entrepris qui n’a pas statué sur ces demandes.

V/ Sur les demandes reconventionnelles de la société Brasseries Kronenbourg :

L’action introduite par 'The Scotch Whisky Association’ ne peut être considérée comme revêtant un caractère abusif et pas davantage l’appel interjeté par cette dernière qui apparaît partiellement fondé.

Dès lors il ne saurait y avoir lieu d’allouer à la société Brasseries Kronenbourg de quelconques dommages et intérêts.

La nature du litige et surtout l’absence de comportement abusif de 'The Scotch Whisky Association’ dans le cadre de l’introduction et de la poursuite de la présente procédure, ne justifie nullement qu’il soit ordonné la publication du présent arrêt. Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Brasseries Kronenbourg à ce titre.

VI/ Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

L’attitude de la société Brasseries Kronenbourg qui persiste dans ses comportements parasitaires en tentant de détourner leurs modalités justifie que les dépens d’appel en sus de ceux d’instance soient laissés à sa charge.

Enfin la nature du litige justifie qu’il soit alloué à The Scotch Whisky Association une somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris au titre de ses dispositions relatives à la reconnaissance et à la sanction des comportements parasitaires de la société Brasseries Kronenbourg et en ce qu’il a rejeté la demande de déchéance de droit de cette dernière à l’égard de la marque 'Excelsior Excel Scotch'.

Statuant à nouveau

Constate le caractère parasitaire des agissements de la société Brasseries Kronenbourg à compter de l’année 1994 jusqu’au jour de l’ouverture des débats du fait de l’utilisation des termes whisky, whisky écossais et distillerie de whisky adjointe à la marque 'Wel Scotch’ tant sur les emballages et conditionnement de la bière qu’elle commercialise sous la marque Wel Scotch que sur son site internet www.brasseries-kronenbourg.com.

Condamne la société Brasseries Kronenbourg à payer à The Scotch Whisky Association la somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant du comportement parasitaire.

Fait défense à la société Brasseries Kronenbourg d’inclure toute mention des mots 'whisky', 'whisky écossais’ et 'distillerie de whisky’ tant sur les emballages et conditionnement de la bière qu’elle commercialise sous la marque 'Wel Scotch’ que sur tout site internet qu’elle est susceptible d’exploiter en évoquant ladite bière dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte provisoire de 150 € par infraction constatée.

Prononce la déchéance de la marque Excelsior Excel Scotch enregistrée sous le numéro 1603807 en application de l’article L714-5 du code de la propriété intellectuelle.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Y ajoutant

Rejette les demandes présentées par The Scotch Whisky Association au titre de la violation des dispositions du code de la consommation.

Rejette la demande de dommages et intérêts et d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile présentée par la société Brasseries Kronenbourg.

Condamne la société Brasseries Kronenbourg à payer à 'The Scotch Whisky Association’ la somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Brasseries Kronenbourg aux dépens d’appel et en accorde distraction à la SCP Boyreau – Monroux en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Marie-Paule Lafon, président, et par Madame Annick Boulvais, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Bordeaux, Premiere chambre sectiona, 25 février 2010, n° 08/05240