Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 12 juillet 2018, n° 17/03768

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 2 sect. 1, 12 juill. 2018, n° 17/03768
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 17/03768
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

[…]

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 12/07/2018

***

N° de MINUTE : 18/

N° RG : 17/03768

Jugement (N° 16/01313) rendu le 27 vril 2017 par le tribunal de grande instance de Valenciennes

APPELANTE

SCI Cacharline agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social

ayant son siège […]

[…]

représentée par Me Franz Hisbergues, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉS

M. Y X

né le […] à […]

de nationalité française

Mme Z A épouse X

née le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

représentés et assistés par Me Isabelle Mervaille-Guemghar, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 16 Mai 2018 tenue par F-Laure Aldigé magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :B C

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

F-G H, président de chambre

Elisabeth Vercruysse, conseiller

F-Laure Aldigé, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2018 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par F-G H, président et B C, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 avril 2018

***

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 06 novembre 2001, M. D E a donné à bail commercial à M. Y X et son épouse Mme Z A ( ci-après les époux X) un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie située […] à […] les Eaux (Nord) pour une durée de 9 années commençant à courir le 1er novembre 2001.

Le 14 janvier 2007, M. D E a vendu à la SCI Cacharline l’immeuble objet du fond de commerce.

Par acte notarié en date du 20 juillet 2011, la SCI Cacharline a renouvellé le bail commercial aux époux X d’une durée de 9 années entières et consécutives commençant à courir rétroactivement le 1er novembre 2001.

Par acte du 20 juillet 2011, les époux X ont procédé à une cession de leur fonds de commerce et droit au bail au bénéfice de la SARL Boulangerie Pâtisserie Oudelet. Par courrier en date du 23 août 2011, la SARL Oudelet a informé la gérante de la SCI Cacharline de désordres rencontrés au sein de l’immeuble.

Par acte en date du 11 septembre 2014, la SCI Cacharline a fait assigner les époux X devant le tribunal de commerce de Valenciennes en paiement au titre de réparations locatives. Par jugement en date du 22 mars 2016, le tribunal de commerce de Valenciennes s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Valenciennes.

Par jugement contradictoire en date du 27 avril 2017, le tribunal de grande instance de Valenciennes, après avoir, d’une part estimé que la bailleresse sollicitait le remboursement de différents travaux en ne produisant que des devis et sans justifier ni de la nécessité, ni de la réalité de ces travaux, ni du paiement, et d’autre part considéré que la bailleresse ne justifiait pas avoir effectué la procédure propre a l’augmentation de loyers, a débouté la SCI Cacharline de l’intégralité de ses demandes, et l’a condamnée à payer aux époux X la somme de 1 068 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 02 février 2015, outre la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 15 juin 2017, la SCI Cacharline a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 18 avril 2018, la SCI Cacharline demande à la cour d’appel au visa des articles L145-1 et suivants du code de commerce, 1134 et suivants et 1240 du code civil et 700 du code de procédure civile de réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré, et statuant à nouveau, de : – condamner les époux X à lui payer solidairement la somme globale de 9 697,54 euros au titre du remboursement des charges affectées au bail commercial litigieux et ce avec intérêts légaux à compter de l’assignation du 11 septembre 2014,

— débouter les époux X de toutes leurs demandes,

— les condamner in solidum au paiement des sommes de:

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 11 avril 2018, les époux X demandent à la cour d’appel au visa des articles L145-1 et suivants du code de commerce, 1134 et suivants, 1235 et 1719 du code civil de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* débouté la SCI Cacharline de l’intégralité de ses demandes,

* condamné la SCI Cacharline à leur payer la somme de 1 068 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 02 février 2015, la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;

— y ajoutant, débouter la SCI Cacharline de l’ensemble de ses demandes,

— en tout les cas, condamner la SCI Cacharline au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et aux entiers dépens d’appel.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.

MOTIVATION

Sur les demandes en paiement de l’appelante

En application de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. Par ailleurs selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès.

L’article 1719 du code civil édicte une obligation de délivrance et d’entretien de la chose louée à la charge du bailleur. L’article 1720 du code civil met à la charge du bailleur l’obligation de faire pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives. L’article 1755 prévoit qu’aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.

Néanmoins, tant les dispositions de l’article 1720 que celles de l’article 1755 ne sont d’ordre public et il peut y être dérogé par des conventions particulières.

Sur ce

En l’espèce, le bail commercial du 6 novembre 2001 comme celui du 20 juillet 2011 stipule que le preneur :

— fera exécuter à ses frais le curage des égouts de la fosse d’aisance chaque fois que cela sera nécessaire et obligatoirement à sa sortie d’occupation, ainsi que le nettoyage annuel de la chute des feuilles, des chéneaux et des gouttières,

— entretiendra toutes les peintures et tapisseries, y compris les peintures extérieures, il les fera refaire à ses frais chaque fois que cela sera nécessaire, et au moins une fois tous les cinq ans pour les peintures extérieures ;

— devra entretenir l’installation de chauffage central, et effectuer, à ses frais et en temps utile, toutes les réparations et remplacements de pièces qui y deviendraient nécessaires, y compris le brûleur et la chaudière, pour la maintenir en parfait état de fonctionnement même si ces réparations et ces remplacements sont provoqués par l’usure normale ou la vétusté ;

— devra assurer à ses frais l’entretien, la modification et la rénovation des réseaux d’alimentation des locaux loués en électricité, en gaz et en eau, ainsi que le réseau d’évacuation des eaux usées que ces travaux soient la conséquence de l’usure normale, de l’adaptation des réseaux aux besoins nouveaux de l’occupant ou aux nouvelles normes administratives, et aussi de la vétusté en ce qui concerne les locaux professionnels.

Ces clauses dérogatoires des articles 1720 ainsi que celles de l’article 1755 du code civil ont pleinement vocation à s’appliquer mais doivent être interprétées strictement au regard de l’obligation de délivrance du bailleur.

Par ailleurs, concernant la charge de la preuve, il incombe de distinguer les obligations d’entretien mises à la charge des preneurs de manière impérative et automatique dans un certain délai des obligations d’entretien et de réparation conditionnées à l’état des lieux. Pour les premières obligations, il incombe au époux X de justifier qu’ils ont rempli leur obligation dans les délais prescrits par le bail commercial. Pour les secondes obligations, il incombe au bailleur de prouver que les travaux dont elles réclament l’indemnisation étaient nécessaires et de justifier de leur montant, sans avoir à prouver avoir effectivement réalisé les travaux.

La SCI Cacharline réclame 8 074,70 euros au titre des travaux d’électricité ; 825,24 euros au titre des travaux de peinture et d’entretien des gouttières et des chéneaux et 797, 60 euros au titre des travaux de chauffage.

Concernant les sommes réclamées au titre des travaux de peinture et d’entretien des gouttières et des chéneaux, les époux X qui étaient tenus contractuellement de refaire au moins une fois tous les cinq ans les peintures extérieures et de nettoyer annuellement les chéneaux et les gouttières ne justifient aucunement ni même allèguent avoir satisfait à leurs obligations d’entretien. Dès lors, la bailleresse est bien fondée à réclamer l’indemnisation des frais de nettoyage des chéneaux et gouttières évaluées à 310 euros hors taxes au vu du devis en date du 2 octobre 2011 ainsi que l’indemnisation des travaux de mise en peinture de la façade arrière de la boulangerie estimée à 380 euros hors taxes au vu de ce même devis, soit la somme totale de 825,24 euros, que les époux X seront condamnés à lui payer.

En conséquence, il y a lieu de réformer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la bailleresse de

l’intégralité de ses demandes.

Concernant les sommes réclamées au vu du devis d’un montant de 797,60 euros en date du 8 octobre 2011 relatif aux travaux de remise en état d’entretien de la chaudière, c’est à raison que les époux X font valoir que seule la somme de 94,79 euros qu’ils ne contestent pas devoir dans le corps de leurs conclusions est afférente à l’entretien de la chaudière, le reste du devis concernant des travaux dans les sanitaires et dans la cuisine. Or, la SCI Cacharline qui ne produit que ce devis en l’absence de toute autre pièce relative à l’état des lieux de l’immeuble loué, ne justifie ni de la nécessité de ces travaux ni qu’ils incomberaient aux preneurs. Dans ces conditions, les époux X, qui ne justifient d’aucun entretien de la chaudière, seront condamnés à lui payer à ce titre la somme de 94,79 euros et l’appelante sera déboutée du surplus de ses demandes formulées de ce chef.

Concernant les sommes réclamées au titre des travaux sur l’installation électrique à hauteur de 8.074,70 euros toutes taxes comprises, la SCI Cacharline se fonde exclusivement sur un devis en date du 15 octobre 2011. Or, aux termes du contrat de bail, les preneurs n’ont l’obligation de prendre à leur charge que les frais d’entretien, de modification et de rénovation des réseaux d’alimentation des locaux loués en électricité lorsqu’ils sont rendus nécessaires par l’usure normale, par l’adaptation des réseaux aux besoins nouveaux de l’occupant ou aux nouvelles normes administratives ou par la vétusté en ce qui concerne les locaux professionnels.

Ce simple devis produit, établi unilatéralement à la demande de la bailleresse après le départ des époux X, ne permet nullement d’établir que l’état du réseau d’alimentation en électricité était atteint d’usure ou de vétusté ou nécessitait une modification ou une rénovation au vu de nouvelles normes administratives, pas plus que le contenu imprécis de la lettre de réclamation en date du 23 août des repreneurs.

Dans ces conditions, la SCI Cacharline échoue à démontrer l’existence d’une obligation des époux X à prendre à leur charge les frais réclamés à ce titre. Elle sera donc déboutée de sa demande formulée de ce chef.

Au final, les époux X seront condamnés solidairement à payer à la SCI Cacharline la somme de 920,03 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt d’appel conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 1154 du code civil.

Sur la demande reconventionnelle des époux en remboursement de loyers

Les époux X soutiennent avoir indûment payé la somme de 1 068 euros au titre de l’augmentation de loyer de novembre 2010 à juin 2011 dont ils demandent le remboursement au motif que le bail en date du 6 novembre 2001 ne prévoyait aucune clause d’indexation et que la société Cacharline ne justifie pas avoir respecté les dispositions d’ordre public relatives au renouvellement du contrat de bail et à la fixation du prix du bail renouvelé.

En application de l’article 145-15 du code de commerce, sont réputés non écrites les seules clauses qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le chapitre afférent au bail commercial ou aux dispositions des articles L 145-4, L 145-37 à L 145-41, au premier alinéa de l’article L 145-42, et aux articles L 145-47 à L 145-54.

L’article L 145-11 du code de commerce prévoit que le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l’article L.145-9 ou dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l’article L.145-10, faire connaître le loyer qu’il propose, faute de quoi le nouveau prix n’est dû qu’à compter de la demande qui en est faite ultérieurement suivant des modalités définies par décret en Conseil d’Etat.

Cet article qui permet au preneur de s’opposer à toute demande de modification du prix du bail faite

par son bailleur sans respecter ces modalités ne lui interdit pas pour autant de renoncer à ces formalités et d’accepter une modification du prix du bail, acceptation qui ne fait pas échec à son droit au renouvellement.

En l’espèce, aux termes de l’acte notarié en date du 20 juillet 2011, les parties ont renouvellé le précédent bail commercial et ont expressément prévu que le nouveau bail prendrait effet au 1er novembre 2001, terme du précédent bail, pour une durée de 9 années et pour un loyer de 9 744 euros par an soit 812 euros par mois. Dès lors, les époux X, qui n’allèguent nullement d’un vice de consentement, ont consenti en toute connaissance de cause à la modification du loyer du bail commercial renouvelé, et ont ainsi renoncé à se prévaloir du cadre de l’action en fixation du loyer. En conséquence, leur paiement du prix du loyer contractuellement fixé n’était pas indû. Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef, et statuant à nouveau, les époux X seront déboutés de leur demande reconventionnelle en paiement de l’indu.

Sur la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive

Il résulte des articles 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.

En l’espèce, l’appréciation inexacte de la portée de leurs obligation par les preneurs qui avaient d’ailleurs obtenu gain de cause au premier degré n’a pas dégénéré en abus.

En conséquence, il y a lieu de débouter l’appelante de sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l’équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l’autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il y a lieu de réformer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles.

Les époux X seront condamnés in solidum au paiement des entiers dépens du premier degré et d’appel et à payer à la SCI Cacharline la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Infime le jugement déféré en l’ensemble de ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Condamne solidairement M. Y X et Mme Z A, épouse X, à payer à la SCI Cacharline la somme de 920,03 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute la SCI Cacharline du surplus de ses demandes ;

Déboute M. Y X et Mme Z A, épouse X, de leur demande reconventionnelle en paiement formée à l’encontre de la SCI Cacharline ;

Condamne M. Y X et Mme Z A, épouse X, in solidum au paiement des entiers dépens du premier degré et d’appel et à payer à la SCI Cacharline la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Le greffier Le président

B C F-G H

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