Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 juin 2020, n° 18/06903

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  • Licenciement·
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  • Demande·
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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. c, 25 juin 2020, n° 18/06903
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 18/06903
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montbrison, 12 septembre 2018, N° F17/00144;2020-304
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

N° RG 18/06903 – N° Portalis DBVX-V-B7C-L6MS

F EPOUSE X

C/

SAS G H TRAITEUR

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTBRISON

du 13 Septembre 2018

RG : F17/00144

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 JUIN 2020

APPELANTE :

E F épouse X

[…]

[…]

représentée par Me Géraldine VILLAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SAS G H TRAITEUR

[…]

[…]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Stéphane CHAUTARD, avocat au barreau de SAINT ETIENNE

DÉCISION RENDUE SANS AUDIENCE

Vu l’état d’urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience suite à l’accord des parties et en application de l’article 8 de

l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;

La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l’article 10 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l’article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 – C3/DP/202030000319/FC.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— S T-U, président

— Laurence BERTHIER, conseiller

— Bénédicte LECHARNY, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Juin 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen ;

Signé par S T-U, Président et par Q R, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCEDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS G H TRAITEUR a une activité de fabrication de plats cuisinés.

Madame E X a été embauchée le 21 mars 2011 par cette société en contrat à durée déterminée en qualité d’agent de production pour une durée de deux mois. A l’issue de cette période, un contrat à durée indéterminée a été signé entre les deux parties le 23 mai 2011 en qualité d’agent de production employée niveau 2 coefficient 165.

A partir du 1er septembre 2012, Madame X a été promue responsable de production, position agent de maîtrise, niveau 5 coefficient 230, puis à partir du 1er janvier 2013 responsable de site niveau 8, position cadre.

Madame X avait en charge l’une des trois unités de la société dédiée à la fabrication des pâtisseries Traiteur (FOREZ TRAITEUR).

Le 22 juillet 2017, Madame X a été placée en arrêt de travail jusqu’au 29 juillet. L’arrêt de travail a ensuite été prolongé jusqu’au 16 septembre 2017.

Par courrier du 2 août 2017, la SAS G H TRAITEUR a convoqué Madame X à un entretien préalable le 17 août 2017 en vue d’un éventuel licenciement pour faute grave.

Madame E X ne s’est pas rendue à cet entretien et par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 août 2017, la SAS G H TRAITEUR lui a notifié son licenciement pour faute grave aux motifs suivants :

'Le 20 juillet 2017, nous avons été alertés par un salarié de votre équipe, choqué par l’attitude agressive que vous aviez eue le 11 juillet 2017, au moment de la prise de poste, à l’encontre d’une de vos collègues qui vous interrogeait sur le travail à réaliser.

L’enquête menée auprès des membres de votre équipe a révélé qu’il ne s’agissait pas d’un fait isolé mais que vous aviez eu de façon répétée, des propos agressifs, injurieux ou humiliants vis-à-vis de plusieurs membres de votre équipe.

Ce constat survient alors que :

- nous vous avons rappelé à plusieurs reprises, notamment lors des entretiens professionnels, que l’emploi de manager nécessite impérativement d’avoir un comportement exemplaire et respectueux des salariés placés sous votre autorité, et vous avons demandé d’améliorer le management du personnel.

- vous avez suivi une formation au management d’une durée de 4 jours.

Votre comportement agressif et humiliant, vos propos insultants et méprisants répétés portent atteinte à la santé des membres du service dont vous êtes responsable et rendent immédiatement impossible la poursuite de votre contrat de travail…'.

Madame X a saisi le Conseil de Prud’hommes de Montbrison par requête enregistrée le 12 septembre 2017 afin de contester son licenciement et obtenir réparation pour le harcèlement moral qu’elle prétendait avoir subi au sein de la société.

Selon un dernier état soutenu oralement à la barre, Madame E X a demandé au Conseil de Prud’hommes notamment de :

— Dire que son licenciement ne repose sur aucun élément,

— Condamner la SAS G H TRAITEUR à lui verser les sommes suivantes :

5 399,97 Euros au titre indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

64 799,64 Euros au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

16 199,91 Euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis soit 3 mois de salaire,

1 619,99 Euros au titre des congés payés y afférent,

7 694,96 Euros au titre d’indemnité de licenciement conventionnelle,

20 000,00 Euros au titre de harcèlement moral,

62 332,93 Euros au titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

6 233,29 Euros au titre des congés payés y afférent,

32 399,88 Euros au titre d’indemnité pour travail dissimulé,

2 500,00 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— Dire que son salaire mensuel incluant les heures supplémentaires est de 5 399,97 Euros.

Par jugement du 13 septembre 2018, le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de Madame E X pour faute grave est justifié, a débouté les parties de leurs demandes et a laissé à chacune la charge de ses propres dépens.

Madame X a régulièrement interjeté appel du jugement le 4 octobre 2018.

Par ses dernières conclusions, elle demande à la Cour, au visa des articles 1er de l’ordonnance n°45-259 du 2 novembre 1945 et 6 alinéa 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, de :

— Dire l’appel interjeté par Mme X recevable et bien fondé,

— Dire que le licenciement pour faute grave de Mme X ne repose sur aucun élément,

— Condamner la Société H TRAITEUR à régler à Mme X les sommes suivantes :

—  5 399.97 Euros d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

—  64 799,64 Euros de dommages et intérêts pour rupture abusive

-16 199,91 Euros d’indemnité compensatrice de préavis soit 3 mois

-1 619,99 Euros de congés payés sur préavis,

—  7 694,96 Euros d’indemnité de licenciement conventionnelle

—  20 000 Euros au titre du harcèlement moral

—  62 332,93 Euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires

—  6 233,29 Euros de congés payés sur les heures supplémentaires

—  32 399,88 Euros d’indemnité pour travail dissimulé

—  5 000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— Dire et juger que le salaire mensuel de Mme X est de 5 399.97 Euros, heures supplémentaires incluses.

— Condamner la Société SAS G H TRAITEUR aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, la SAS G H TRAITEUR demande à la Cour au visa des articles L.1232-1, L.1232-2, L.1232-6, L.4121-1, L.1234-1 et 9 du code du travail et 1358 du code civil, L.1154-1 et L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail, 70 du code de procédure civile, de :

— Confirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Montbrison du 13 septembre 2018 en ce qu’il a:

— Dit que le licenciement de Madame E X pour faute grave est justifié,

— En conséquence, débouté Madame E X de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive, d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférent, ainsi que de sa demande d’indemnité de licenciement conventionnel,

— Dit qu’il n’y a pas harcèlement moral de son employeur à son égard,

— En conséquence, l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

— Rejeté les demandes additionnelles de Madame E X pour heures supplémentaires et travail dissimulé et renvoyé le demandeur à mieux se pourvoir,

— Débouté Madame E X de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que toutes demandes plus amples,

En conséquence,

Débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes,

Condamner Madame X à payer à la SAS G H TRAITEUR la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

Vu l’article 218 du code de procédure civile,

Vu les articles L 8221-5 et L8223-1 du code du travail,

— Ordonner l’audition des membres de l’équipe placée sous la responsabilité de Madame X;

— Débouter Madame X de ses demandes de rémunération d’heures supplémentaires et congés payés sur heures supplémentaires;

— Débouter Madame X de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé ;

Vu les articles L1235-1 à 3 du code du travail,

— Dire et juger que son salaire mensuel est de 3238.92 Euros brut pour 164,67 heures mensualisées, heures supplémentaires majorées et prime d’ancienneté comprises, outre 246,86 Euros brut de prime annuelle versée mensuellement et que le montant des éventuelles indemnités doit être calculé sur cette base, à savoir :

— indemnité compensatrice de préavis (3 mois de salaire) : 10.457,34 Euros,

— indemnité de congés payés sur préavis : 1.045,73 Euros,

— indemnité conventionnelle de licenciement : 5.232,16 Euros.

— non respect de la procédure de licenciement : plafonné à un mois de salaire, conformément à L1235-2, soit 3.485,78 Euros,

— dommages et intérêts en fonction du préjudice subi : minimum de 6 mois de salaire à partir de deux ans d’ancienneté dans les entreprises de plus de dix salariés en application de L1235-3, soit 20.914,68 Euros.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2020.

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, en application de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, les parties ont déclaré ne pas s’opposer au recours à la procédure sans audience.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions aux conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité du licenciement

Madame X soutient que le licenciement est nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse puisque la lettre qui lui a notifié ce licenciement est signé de 'La Direction’ sans qu’il soit permis de déterminer qui est le signataire puisque le signature ne correspond ni à celle de Monsieur G H, ni à celle de Monsieur I H.

Elle ajoute qu’elle a été convoqué à l’entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement durant son arrêt de travail, ce qui vicie la procédure.

La SAS G H TRAITEUR réplique que Madame X a été régulièrement convoquée à l’entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement durant ses horaires de travail et ce alors qu’elle bénéficiait d’un arrêt de travail de travail avec sortie libre. La lettre de licenciement a été signée par Monsieur Z, directeur adjoint en charge des ressources humaines, représentant de la société et titulaire d’une délégation de pouvoir l’autorisant à user du pouvoir disciplinaire jusqu’à la rupture du contrat de travail et sur sa signature était apposée le tampon de la société.

*

Si la notification du licenciement incombe en principe à l’employeur, il est constant qu’elle peut aussi être établie par un représentant de celui-ci appartenant à l’entreprise, habilité pour ce faire.

Il ressort des pièces du dossier (n°17 et 27 de la société), que Monsieur Z, adjoint de direction et cadre dirigeant, a signé la lettre de licenciement alors qu’il disposait d’une délégation depuis le 24 janvier 2015 lui permettant d’y procéder, ainsi que l’ont justement relevé les premiers juges.

Le moyen n’est donc pas fondé, ni plus que celui tenant à la convocation à l’entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement durant l’arrêt de travail de Madame X, la suspension du contrat de travail pour maladie ne faisant pas obstacle à la procédure de licenciement.

Sur le bien fondé du licenciement

Il résulte des dispositions de l’article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié. Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

La mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la SAS G H TRAITEUR a licencié Madame X pour faute grave en

invoquant :

— Son attitude agressive à l’encontre d’un salarié le 11 juillet 2017.

— Des propos agressifs, injurieux et humiliants, répétés, vis-à-vis de plusieurs membres de son équipe, portant atteinte à leur santé, qui ont été révélés à la suite d’une enquête diligentée par l’employeur, alors que Madame X avait été invitée à plusieurs reprises à améliorer son management du personnel et avait suivi une formation pour ce faire.

Madame X conteste la réalité de ces griefs estimant que le 'verbiage’ de la lettre de licenciement ne permet pas d’isoler les faits qui constitueraient une faute grave pouvant justifier son licenciement, en dehors du fait du 11 juillet 2017.

Elle demande que les sept sommations interpellatives établies par huissier de justice le 28 juillet 2017 soient écartées des débats, en application de l’article 1er de l’ordonnance n°45-259 du 2 novembre 1945 et de l’article 6 de la CESDH, dès lors que l’huissier de justice a procédé à des auditions, à la façon d’une véritable enquête de police, par le biais de questions fermées qui n’autorisaient les salariés qu’à une seule réponse. Elle ajoute que les attestations produites ensuite sont pour la plupart sans aucune cohérence avec les sommations interpellatives.

Elle conteste avoir reçu par ailleurs la moindre mise en gare s’agissant de son management.

S’agissant de l’incident du 11 juillet 2017, elle prétend que les témoignages sont incohérents puisque les seuls salariés soutenant avoir assisté à l’incident n’étaient pas présents dans le local de production, à l’exception d’une personne et que dans leur ensemble les attestations sont construites à l’identique et sont manifestement de complaisance.

Elle soutient qu’elle établit au contraire la relation professionnelle normale et même amicale qu’elle entretenait au sein de la SAS G H TRAITEUR avec certains salariés.

La SAS G H TRAITEUR soutient que les sommations interpellatives établies par huissier de justice sont parfaitement régulières et motivées par sa volonté de constater les déclarations des personnes placées sous l’autorité de Madame X et volontaires pour témoigner, sur la base d’un questionnaire neutre et formulé en des termes identiques qu’elle avait communiqué à l’huissier. Elle fait valoir que ces sommations répondent aux exigences de l’article 1 de l’ordonnance n°2016-728 du 2 juin 2016 régissant la profession d’huissier de justice, qu’en tout état de cause la preuve est libre en droit du travail et que la cour est libre d’apprécier la sincérité des témoignages recueillis par l’huissier de justice, au même titre que les autres éléments de preuve fournis et notamment les attestations. Elle fait valoir que la lecture des témoignages tous rédigés dans des termes différents et ne traduisant aucune influence de l’employeur sont valables. A titre subsidiaire, elle sollicite l’audition des membres de l’équipe de Madame X dont elle fournit les coordonnées.

*

Aux termes de l’article 1er de l’ordonnance n°45-259 du 2 novembre 1945, les huissiers de justice peuvent être commis en justice pour effectuer des constatations matérielles purement exclusives de tout avis sur les conséquences de fait et de droit qui peuvent en résulter.

Il en résulte que les huissiers ne peuvent être commis pour procéder à des auditions de témoins qui relèvent de la procédure d’enquête de l’article 204 du code de procédure civile (procédure prévoyant notamment que les parties sont présentes ou appelées lors des auditions de témoins et que ceux-ci prêtent serment) et qu’ils ne peuvent dés lors recueillir des témoignages qu’aux seules fins d’éclairer leurs constatations matérielles. Ainsi, un huissier ne peut procéder à des auditions qui n’ont pas pour

seule fin d’éclairer ses constatations.

En l’espèce, la SAS G H TRAITEUR a, ainsi qu’elle le reconnaît elle-même dans ses écritures, fait procéder par la SELARL HUISSIERS VERTS, titulaire d’un office d’huissier de justice à Saint-Etienne, aux auditions de plusieurs salariés de l’entreprise placées sous la responsabilité de Madame X 'afin de comprendre les événements du 11 juillet 2017 ainsi que le comportement relationnel de Madame X avec son équipe'.

Ce faisant l’huissier de justice a été mandaté, non pour procéder à des constatations matérielles mais uniquement à des auditions, en violation de l’article précité.

Les sommations interpellatives litigieuses ne peuvent donc pas être retenues pour faire la preuve des faits litigieux allégués.

La SAS G H TRAITEUR produit par ailleurs les attestations de dix neuf salariés, placés sous la responsabilité de Madame X ou ayant travaillé avec cette dernière, qui témoignent, de manière circonstanciée et concordante, de l’attitude agressive, insultante, humiliante et harcelante de Madame X envers ses collègues, et notamment les travailleurs handicapés ainsi que d’un incident survenu le 11 juillet 2017.

Peuvent être cités ainsi, les témoignages suivants :

— 'Le mardi 11 juillet 2017, à mon arrivée… j’ai demandé comme à mon habitude où je devais me mettre pour travailler. Celle-ci m’a répondu de façon très agressive et sec devant plusieurs collègues : 'Mets toi là… qu’est ce que tu veux faire d’autre'… les larmes me sont vite montées aux yeux… elle faisait des réflexions et remarques désagréables aux personnes de son équipe, notamment Mr J K déjà lourdement handicapé, le mettant à des postes qui n’aurait pas dû être… j’ai assisté à la scène en lui criant dessus qu’il fallait qu’elle [ndr : Mme A] se mette les doigts dans la prise pour aller plus vite. Mme X nous considérait comme des incapables…' (Pièce 23-1 Mme B).

— 'J’atteste le 11 juillet avoir vu Madame B pleurer suite à une humiliation de Madame X, cette dernière était régulièrement très dure avec nous. Janvier 2017, Monsieur L M et moi-même avons été traités de 'con’ par E X' (pièce 23-2 M. GUADAGNO).

— 'Mme X nous faisait des remarques blessantes et humiliantes. Elle répétait sans cesse qu’elle en avait marre des handicapés et qu’elle ne pouvait pas travailler avec ces personnes… je me suis fait insulter de 'con’ dans un de ses innombrables excès de colère… mettait constamment la pression de façon agressive, méprisante et injuste. Elle considérait d’ailleurs son équipe comme des 'BONS A RIEN’ et le disait ouvertement…'(pièce 23-3 M. L).

— 'Mme X exerçait une forte pression et un harcèlement moral contre M. N O que j’ai vu pleurer sur son lieu de travail. J’ai entendu dire par Mme X 'qu’est ce qu’il a encore l’autre à pleurer comme une gonzesse'… comportement humiliant de façon continue avec l’ensemble de l’équipe' (pièce 23-4 M. GRANGER).

— 'elle a dit que j’étais un incapable… elle l’a jeté comme un malpropre en l’insultant… j’ai assisté à des scènes très violentes et injustifiées à l’encontre de M. N jusqu’à le voir partir en pleurs…' (pièce 23-5 M. MICHALET)

— 'j’étais choqué de la façon dont Mme X parlait des gens et notamment des handicapés qu’elle dénigrait sans cesse' (pièce 23-6 M. PAILLEUX).

— 'J’hésitais à lui poser certaines questions… de peur de sa réaction qui était souvent excessive… Je trouvais que l’ambiance devenait pesante au quotidien car personne n’osait parler' (pièce 23-7 M. BROUILLAT)

— 'J’étais pour elle, une 'tire au flanc'… alors que j’ai une ancienneté de 10 ans dans l’entreprise… elle m’a traité de trisomique…'(pièce 23-8 Mme C).

— 'Le 11 juillet 2017, j’ai croisé ma collègue P B en pleurs… je n’étais pas surpris… lorsque nous demandions nos tâches nous étions remis en place ! Chaque jour les membres de l’équipe étaient très tendus à leur arrivée, ils ne savaient jamais trop à quelle sauce ils allaient être mangés…'(pièce 23-10 M. GAREL)

— 'Mme X… avait un management très dur avec le personnel allant jusqu’au harcèlement… malgré mes 25 ans d’ancienneté, Mme X me rabaissait régulièrement et critiquait mon travail ouvertement devant les autres… lorsque j’ai obtenu ma reconnaissance de travailleur handicapé, elle m’a dit clairement 'je n’ai pas besoin d’un autre handicapé… ce qui m’a profondément perturbé' (pièce 24-1 M. BAROUX).

— 'Jusqu’en 2013, aucun problème… j’étais responsable emballage… petit à petit j’ai été démis de mes responsabilitéselle nous a insulté, nous a dit qu’on était des incapables… des insultes, des moqueries, c’était horrible… bref elle nous terrorisait et personne ne disait rien de peur de subir… j’ai craqué, j’ai pris un traitementMme X était vraiment à double facette. Mielleuse avec la direction et dictatrice avec nous'(pièce 24-5 Mme D).

— '…Elle ne voulait plus de moi. Personnellement ma santé s’est détériorée. Je vomissais devant l’entreprise avant de rentrer, je pleurais en travaillant… tout le monde se taisait par peur d’elle' (Pièce 24-6 M. N).

Madame X produit aux débats les attestations de quelques collègues avec lesquels elle a travaillé dans d’autres sociétés et à des périodes au demeurant non précisées, qui attestent de relations de travail normales entretenues avec celle-ci, ce qui n’est pas de nature à remettre en cause les attestations concordantes et circonstanciées, émanant des salariés de la SAS G H TRAITEUR.

Il en est de même de la production par l’appelante des photographies de la fête privée organisée en janvier 2014 par ses soins à laquelle participait Madame D ou des textos adressés de manière cordiale par Mme X à des membres de son équipes essentiellement pour leur faire part de changement d’horaire de dernière minute.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les faits reprochés à Madame X dans la lettre de licenciement et qui ont été portés à la connaissance de l’employeur courant juillet 2017, sont établis.

Ces faits caractérisent une faute qui rendait impossible le maintien de cette salariée dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis. La faute grave est donc établie. Il s’ensuit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a dit le licenciement justifié et a débouté Madame X de ses demandes de dommages et intérêts, d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité de licenciement.

Sur la demande au titre du harcèlement moral

Madame X prétend avoir subi une pression extrêmement importante de la part de son employeur qui lui aurait imposé des cadences infernales en enlevant du personnel, lui aurait demandé en outre de faire le ménage des locaux et l’aurait menacée de prendre la porte lorsqu’elle se plaignait des cadences. Elle assure que l’employeur n’a pas jugé utile dans ce contexte d’organiser des

élections du personnel. Elle sollicite l’octroi d’une somme de 20 000 Euros à titre de dommages et intérêts.

La SAS G H TRAITEUR fait valoir que Madame X n’apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations fantaisistes et qu’elle doit être déboutée de ses demandes. Elle fait valoir à toutes fins utiles que Madame X n’a jamais fait part de la moindre plainte ou demande lors de ses entretiens annuels et que si la productivité de la société a progressé, la charge de la production n’a pas pesé entièrement sur les équipes, qui avaient été renforcées puisque l’effectif a été porté de 16 à 19 permanents entre 2016 et 2017, et qu’elle a eu recours en outre à la sous-traitance.

*

L’article L.1154-1 du code du travail prévoit que 'Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.'

Il appartient donc au salarié d’établir la réalité de faits répétés, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

En l’espèce, Madame X qui allègue de divers faits ne produit aucun document à l’appui de ses allégations et prétentions qui sont au demeurant contredites par les éléments produits par l’employeur et notamment l’embauche de salariés intérimaires (pièces 22,33,55).

Rien ne permet par conséquent de laisser présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral. Le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral sera donc confirmé.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé

Madame X soutient avoir été rémunérée sur le base de 38 heures par semaine alors qu’elle en réalisait 55. Elle sollicite par conséquent le paiement des heures supplémentaires non rémunérées, soit un total de 62 332,93 Euros à titre de rappel de salaire outre les congés payés afférents. En outre, selon elle, l’employeur qui ne pouvait ignorer les dites heures supplémentaires doit être condamné au versement de l’indemnité de l’article L.8223-1 du code du travail au titre du travail dissimulé.

La SAS G H TRAITEUR soutient que les demandes additionnelles formées par Madame X en paiement d’heures supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé étant sans rapport avec ses prétentions initiales, de sorte que le conseil les a déclarées irrecevables et a renvoyé Madame X à mieux se pourvoir, ce qu’elle a fait, en saisissant le conseil de prud’hommes, le 4 octobre 2018. Le jugement doit par conséquent être confirmé.

Elle ajoute que les conclusions de Madame X portant lesdites demandes ont été écartées car déposées tardivement, le 14 mai 2018, soit 9 jours après la date limite fixée par le conseil et alors que l’audience de plaidoirie avait été fixée le 14 juin 2018.

Subsidiairement, au fond, elle prétend qu’elle s’est toujours opposée à la réalisation d’heures supplémentaires en sus de celles prévues au contrat de travail, soit 3 heures par semaine, que Madame X n’a jamais sollicité l’autorisation d’effectuer des heures supplémentaires et aucune contrainte d’organisation ne l’y obligeait d’ailleurs. La salariée s’est d’ailleurs toujours déclarée satisfaite de ses conditions et temps de travail. Elle n’a pas formulé de demande d’heures supplémentaires dans sa requête initiale ou dans ses premières écritures. Ses demandes sont donc infondées ainsi qu’en attestent plusieurs témoins.

*

L’article 70 du code de procédure civile énonce que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l’espèce, après avoir saisi le conseil de prud’hommes le12 septembre 2017 aux fins de contester le licenciement pour faute grave dont elle avait été l’objet et conclut aux mêmes fins le 12 décembre 2017 après l’audience de conciliation du 12 octobre 2017, Madame X a, par des conclusions déposées le 14 mai 2018, sollicité pour la première fois une somme de 62 332,93 Euros au titre d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires outre une indemnité pour travail dissimulé.

A juste titre, les premiers juges ont retenu que cette demande ne se rattachait pas aux prétentions originaires qui tendaient à contester la rupture du contrat de travail pour faute grave et à obtenir de dommages et intérêts pour harcèlement moral, par un lien suffisant.

Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu’il a renvoyé Madame X à mieux se pourvoir, ce qu’elle a fait au demeurant.

Sur les dépens et l’indemnité procédurale

Le jugement sera confirmé du chef des dépens et de l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Madame X qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et sera déboutée de sa demande d’indemnité procédurale. Au vu des circonstances de la cause, il n’est pas inéquitable de laisser à la SAS G H TRAITEUR la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement.

Y ajoutant,

Ecarte des débats les sommations interpellatives d’huissier de justice versées par la SAS G H TRAITEUR.

Déboute les parties de leurs demandes d’indemnité procédurale en cause d’appel.

Condamne Madame E F épouse X aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

Q R S T-U

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Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 juin 2020, n° 18/06903