Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 13 décembre 2018, n° 17/03540

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 2, 13 déc. 2018, n° 17/03540
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/03540
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 9 février 2017, N° 15/06493
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2018

(n°2018 – 376, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/03540 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B2VVH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Février 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/06493

APPELANTE

Madame Y X

[…]

[…]

Représentée par Me A B de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée à l’audience de Me Emmanuel WELLER, avocat au barreau de PARIS, toque : R046, substituant Me Elise FABING de la SELAS BDD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

LA SOCIETE BVA TECHNOLOGY, SAS, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège […]

[…]

Défaillante, régulièrement avisée le 07 avril 2017 par procès-verbal de remise à étude

PARTIES INTERVENANTES

LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’ORDRE DES INFIRMIERS DE HAUTS DE SEINE (CDOI 92), pris en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

ET

LE CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES INFIRMIERS (CNOI), pris en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentés par Me Antoine RICARD de la SELARL RICARD RINGUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J058

Assistés à l’audience de Me Olivier SMALLWOOD de la SELARL PAGES SMALLWOOD, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Novembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Marie-José BOU, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-José BOU conseillère dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame C-D E

ARRÊT :

— rendu par défaut

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre et par Madame C-D E, greffière présente lors du prononcé.

**************

Suivant bon de commande signé le 15 novembre 2014 à 1'occasion d’un séminaire organisé au Maroc à 1'intention des infirmières par la société BVA Technology sur le thème de l’esthétique corporelle et des méthodes anti-âge, Mme Y X, infirmière libérale à Colombes (92), a acquis trois machines fabriquées et commercialisées par cette société sous la désignation de 'iskeen', destinées au lifting fonctionnant par radiofréquence,'newshape', pour 1'amincissement par lipocavitation, et 'dermaLed', visant au rajeunissement de la peau par la lumière, le tout pour un montant total de 77 760 euros, entièrement financé au moyen d’un prêt.

Quelques jours après avoir lancé un site internet décrivant les nouveaux soins qu’elle allait prodiguer à l’aide de ces appareils, Mme X a reçu une lettre du 24 février 2015 du conseil départemental de l’ordre des infirmiers des Hauts de Seine, lui indiquant qu’elle se rendait coupable d’exercice illégal de la médecine et lui enjoignant de cesser cette activité.

Le 27 mars 2015, le conseil départemental de l’ordre des infirmiers a déposé plainte contre elle devant le président de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile de France pour pratique commerciale au sein de son cabinet infirmier, pratiques d’actes ne figurant pas sur le décret d’actes de la profession d’infirmière, publicité illégale et exercice illégal de la médecine.

C’est dans ce contexte que Mme X a, le 3 mai 2015, assigné la société BVA Technology devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité de la vente.

Par une décision rendue le 3 mars 2016, la chambre disciplinaire de première instance d’Ile de France a relevé que les activités de soins esthétiques et dermatologiques résultant de l’utilisation des machines en cause ne relevaient pas de la compétence d’une infirmière mais n’a prononcé aucune sanction à l’encontre de Mme X, considérant que celle ci n’avait pas commencé l’exercice de ces activités et qu’elle avait pleinement pris conscience du caractère prohibé des soins qu’elle souhaitait dispenser au sein de son cabinet.

Par jugement du 10 février 2017, le tribunal a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et a débouté la société BVA Technology de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 15 février 2017, Mme X a relevé appel de ce jugement.

Par acte d’huissier du 29 mai 2017, Mme X a fait assigner en intervention forcée le conseil national de l’ordre des infirmiers et le conseil départemental de l’ordre des infirmiers des Hauts-de-Seine.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 septembre 2017 par voie électronique, Mme X demande à la cour, au visa des articles 66, 331 alinéa 2 et 555 du code de procédure civile, des anciens articles 1108, 1109, 1110, 1116, 1117, 1128, 1131, 1133, 1134, 1304 et suivants et 1382 du code civil et des articles L. 4311-1 et suivants, L. 4312-1 et suivants et R. 4311-1 et suivants du code de la santé publique, de :

— déclarer l’appel recevable et bien fondé,

— déclarer Mme X recevable et bien fondée en sa demande d’intervention forcée du conseil national de l’ordre des infirmiers et du conseil départemental de l’ordre des infirmiers des Hauts-de-Seine dans la procédure,

— déclarer commun et opposable à ces conseils l’arrêt à intervenir,

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

à titre principal,

— prononcer la nullité du contrat de vente pour dol et condamner la Société BVA Technology au paiement envers Mme X d’une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts,

à titre subsidiaire,

— prononcer la nullité du contrat de vente pour erreur, à titre plus subsidiaire pour absence de cause licite et, à titre infiniment subsidiaire, pour absence d’objet licite,

en tout état de cause,

— condamner la société BVA Technology à payer à Mme X la somme de 77 760 euros, au titre des restitutions faisant suite à l’annulation du contrat de vente,

— donner acte à Mme X de ce qu’elle tient les machines à disposition de la société BVA

Technology depuis le 10 mars 2015, laquelle pourra, au titre des restitutions faisant suite à l’annulation du contrat de vente, venir les récupérer à ses frais exclusifs et à condition de prévenir sept jours à l’avance par lettre recommandée avec avis de réception,

— condamner la société BVA Technology aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître A B, en application de l’article 699 du code de procédure civile, et au paiement d’une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 26 juillet 2017 par voie électronique, le conseil national de l’ordre des infirmiers et le conseil départemental de l’ordre des infirmiers des Hauts-de-Seine demandent à la cour au visa des articles 331 et 555 du code de procédure civile, L. 4161-1 et suivants et R. 4311-1 et suivants du code de la santé publique, de :

à titre principal,

— déclarer irrecevables les assignations en intervention forcée,

à titre subsidiaire,

— débouter Mme X de sa demande tendant à leur rendre commun l’arrêt à intervenir,

— condamner Mme X à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par acte d’huissier du 7 avril 2017 déposé en l’étude de l’huissier de justice instrumentaire, Mme X a fait signifier la déclaration d’appel à la société BVA Technology. Le 15 mai 2017, elle lui a fait signifier ses conclusions par acte d’huissier de justice délivré selon les mêmes modalités. Cette société n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’intervention forcée aux fins de déclaration d’arrêt commun

Mme X fait valoir que l’intervention forcée a pour but de permettre aux conseil national de l’ordre des infirmiers et conseil départemental de l’ordre des infirmiers des Hauts-de-Seine de soutenir leur position et de ne pas laisser se développer une jurisprudence contraire aux intérêts de la profession. Elle invoque que l’évolution du litige résulte du risque de déni de justice créé par le jugement entrepris.

Le conseil national de l’ordre des infirmiers et le conseil départemental de l’ordre des infirmiers soulèvent l’absence d’intérêt à rendre l’arrêt commun à leur égard, dans la mesure où une décision commune ne leur imposera pas de modifier leur position sur les questions tranchées le 3 mars 2016 et où l’Ordre ne saurait intervenir dans le cadre d’un litige d’ordre privé entre une infirmière et une société commerciale. Ils contestent l’évolution du litige alléguée, affirmant que la possibilité d’une divergence d’appréciation entre le tribunal et les instances disciplinaires était envisageable dès l’introduction de l’instance.

***

Il résulte de l’article 331 alinéa 2 du code de procédure civile qu’un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

L’intérêt de Mme X à rendre commun le présent arrêt aux instances appelées n’est pas établi. D’une part, la décision à intervenir n’est pas de nature à faire grief à ces dernières, s’agissant d’un litige portant sur l’annulation d’une vente à laquelle elles ne sont pas liées. D’autre part, pour le même motif, aucune action engagée par l’une des parties et dirigée contre ces instances n’est susceptible d’être conditionnée par la solution du litige. Les interventions forcées seront déclarées irrecevables.

Sur le dol

A titre liminaire, Mme X soutient que l’utilisation des machines vendues par la société BVA Technology est illégale pour une infirmière. Elle fait valoir que la liste des soins pouvant être accomplis par une infirmière est limitative, n’incluant pas les soins esthétiques, et qu’un cumul avec une autre activité n’est possible que si la réglementation ne l’exclut pas et s’il est compatible avec la dignité et la qualité qu’exige son exercice professionnel, notions laissées à l’appréciation des juridictions disciplinaires, mais que la société BVA Technology a elle-même présenté ses machines comme relevant de l’usage exclusif des professionnels médicaux. Elle avance que la position de son ordre détermine in fine la possibilité pour elle de se servir ou non des machines et que, dans sa décision rendue le 3 mars 2016, la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France a estimé que les techniques en cause relevaient de la compétence médicale, non de celle d’une infirmière.

Au soutien du dol, Mme X invoque que la société BVA Technology a employé tous les moyens pour donner à cette manifestation promotionnelle l’aspect d’un séminaire de formation prestigieux et sérieux, qu’elle a soumis les participants à des entretiens individuels pour achever de les convaincre d’acquérir l’une des machines et qu’elle a menti en affirmant que la pratique était légale sans émettre la moindre réserve, tout en lui promettant une augmentation considérable de son chiffre d’affaires. Elle reproche ce faisant à la société BVA Technology un manquement à son obligation de loyauté et d’information précontractuelle et soutient que l’élément intentionnel des manoeuvres est incontestable s’agissant de faits susceptibles d’être qualifiés pénalement de pratiques commerciales trompeuses au sens de l’article L. 12l-1 du code de la consommation. Elle fait valoir que ces manoeuvres ont déterminé son consentement et que l’erreur provoquée par un dol ou une réticence dolosive est toujours excusable. Elle prétend avoir en tout état de cause été trompée par la société BVA Technology qui lui a fait croire que ces machines pouvaient seulement être utilisées par des professions médicales.

Elle argue avoir subi du fait du dol une perte de chance puisqu’il lui avait été promis une augmentation de son chiffre d’affaires, un préjudice financier du fait du remboursement anticipé du prêt souscrit pour l’achat des machines, un préjudice moral consécutif aux désagréments personnels et au stress éprouvés ainsi qu’une atteinte à sa réputation du fait des poursuites disciplinaires.

***

Selon l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.

Comme l’a relevé le tribunal, le cadre luxueux du séminaire à l’issue duquel la vente a eu lieu, soit un hôtel 5 étoiles à Marrakech, et la présence sur place d’un comité 'scientifique', tous éléments dont Mme X était parfaitement informée avant son départ par la brochure publicitaire dédiée, ne constituent pas en eux-mêmes des manoeuvres au sens de l’article 1116 du code civil, alors qu’il s’agissait d’un congrès destiné aux infirmières de telle sorte que Mme X était entourée d’autres professionnelles de la même spécialité. Le fait de se voir proposer des appareils en entretien individuel n’est pas davantage caractéristique d’une manoeuvre dolosive.

La brochure publicitaire fournie mentionne 'générez un chiffre d’affaires dans un secteur qui ne connaît pas la crise', ce qui ne relève pas d’une manoeuvre dolosive, et Mme X ne justifie pas d’une marge de progression qui lui aurait été annoncée, le prévisionnel d’exploitation qu’elle produit ne comportant aucun élément établissant qu’il émanerait de la société BVA Technology.

En revanche, il résulte des attestations d’autres infirmières versées aux débats par Mme X que lors du séminaire, les représentants de la société BVA Technology ont affirmé aux participantes que le matériel vendu par elle pouvait être utilisé en toute légalité par des infirmières.

Si Mme X soutient que cette affirmation est inexacte et contredite par l’appréciation portée par la chambre disciplinaire dans sa décision du 3 mars 2016, il convient de constater en toute hypothèse que celle-ci est postérieure à la date de conclusion du contrat, qu’il n’est pas fait état d’avis de l’ordre ou de décisions de juridictions antérieurs en ce sens et que le tribunal, selon le jugement entrepris, a quant à lui estimé, après avoir examiné les dispositions applicables aux infirmiers ainsi qu’aux actes médicaux et au terme d’une longue motivation, qu’ 'en l’état actuel du droit, il n’existe aucun texte interdisant la pratique de la radiofréquence multipolaire, de la lipocavitation et de la photomodulation aux infirmiers libéraux'. Il en résulte qu’à tout le moins, la société BVA Technology a pu légitimement croire en la licéité de l’utilisation des machines litigieuses par des infirmières si bien que Mme X n’est pas fondée à lui reprocher d’avoir commis un mensonge ou un manquement intentionnel à ses obligations de loyauté et d’information pré-contractuelle. Dans ces conditions, l’absence de réserve émise par la société BVA Technology sur ce point ne peut davantage être regardée comme dolosive.

Le séminaire auquel s’est rendu Mme X était exclusivement destiné aux infirmières et les documents émanant de la société BVA Technology, notamment les plaquettes descriptives de ses matériels, présentent ses utilisateurs comme du personnel soignant alors qu’en première instance, celle-ci a affirmé qu’ils pouvaient l’être également par des esthéticiennes. Mais, à supposer cette affirmation exacte, il n’est pas établi, ni même invoqué par Mme X que l’usage exclusif des machines par des professionnels de santé a été déterminant de son consentement.

Le dol n’est pas constitué, justifiant le rejet de la demande en nullité et de la demande de dommages et intérêts fondées sur ce moyen.

Sur l’erreur

A titre subsidiaire, Mme X invoque avoir été victime d’une erreur de droit, portant sur la substance de la chose, faisant valoir que la conformité des machines à la réglementation en vigueur était essentielle pour elle et que cette caractéristique, connue de son cocontractant, est entrée dans le champ contractuel. Elle ajoute que s’il devait être considéré que l’utilisation des machines n’est pas réservée aux professionnels de santé, son erreur porterait tout autant sur les qualités substantielles puisqu’il lui a été affirmé que seuls des médecins ou infirmiers pouvaient utiliser les machines.

***

Il résulte de l’article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 que l’erreur viciant le consentement est celle qui tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet, entendue comme les qualités substantielles de la chose.

Il est de principe que l’erreur sur le motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci n’est pas une cause de nullité de la convention quand bien même ce motif aurait été déterminant à moins qu’une stipulation expresse ne l’ait fait entrer dans le champ contractuel en l’érigeant en condition du contrat.

En l’espèce, Mme X n’explicite pas 'la non conformité des machines à la réglementation’ alléguée. En outre, en faisant valoir qu’elle n’est pas en droit d’utiliser les machines comme le démontre la

décision prise à son encontre le 3 mars 2016 par son Ordre, Mme X ne remet pas en cause les qualités substantielles des machines achetées mais argue d’une erreur portant sur le motif de leur acquisition, lequel n’est pas mentionné, ni évoqué dans le contrat conclu par les parties. De même, l’erreur consistant pour Mme X à avoir procédé à l’achat en pensant que l’utilisation des machines était réservée aux professionnels de santé est une erreur non sur les qualités substantielles des machines, mais sur le motif de leur acquisition qui n’a fait l’objet d’aucune stipulation expresse. Les erreurs alléguées ne sont donc pas une cause de nullité de la convention.

Sur la cause

A titre plus subsidiaire, Mme X fait valoir l’absence de cause du contrat, faute pour elle de pouvoir utiliser les machines vendues dont les finalités sont entrées dans le champ contractuel, et l’illicéité de celle-ci, puisqu’elle ne peut se servir des machines sans contrevenir aux règles qui s’imposent à sa profession.

***

Aux termes de l’article 1131 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet.

En l’espèce, l’obligation souscrite par Mme X a une contrepartie, soit les machines qui lui ont été livrées, si bien que le moyen tiré du défaut de cause n’est pas fondé.

Selon l’article 1133 du code civil dans sa version également antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l’ordre public.

La violation des règles déontologiques, dont l’objet est de fixer les devoirs des membres de la profession et qui sont assorties de sanctions disciplinaires, ne saurait entraîner à elle seule la nullité d’un contrat pour cause illicite sauf si le contrat est contraire à l’ordre public.

Mme X prétend d’abord que les soins esthétiques ne relèvent pas des actes et soins qu’un infirmier est autorisé à accomplir en vertu des articles R. 4311-1 et suivants du code de la santé publique et qu’en application de l’article R. 4312-20 du même code, l’infirmier ne peut exercer en dehors d’activités de soins de prévention, d’éducation de la santé, de formation ou de recherche une autre activité lui permettant de tirer profit des compétences qui lui sont reconnues par la réglementation. Si ces affirmations sont exactes et si, notamment, l’énumération figurant à l’article R. 4311-5 est limitative, sans qu’un soin esthétique puisse être assimilé à l’un des actes ou soins relevant du rôle propre de l’infirmier, il ne s’en déduit pas et il n’est pas invoqué d’ailleurs que la réalisation d’un soin d’esthétique corporelle par une infirmière constituerait une violation d’une règle d’ordre public, ce d’autant moins que l’article R. 4312-20 prévoit que l’infirmier peut exercer une autre activité professionnelle si un tel cumul est compatible avec la dignité et la qualité qu’exige son exercice professionnel et n’est pas exclu par la réglementation en vigueur.

Mme X prétend ensuite que selon le conseil de l’ordre, les techniques utilisées par les machines commercialisées par la société BVA Technology relèvent exclusivement de la compétence médicale. Toutefois, la décision du 3 mars 2016 mentionne simplement que les activités en cause ne relèvent pas de la compétence d’une infirmière, seule la plainte initiale évoquant des faits d’exercice illégal de la médecine. En outre, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte et qui ne sont pas sérieusement discutés que le tribunal a considéré que les soins pratiqués au moyen des machines litigieuses, utilisant la radiofréquence, la lipocavitation et la photomodulation par LED, ne relèvent pas expressément de l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux. Mme X n’établit pas ainsi que l’usage de ces machines serait réservé aux seuls médecins, à peine

d’exercice illégal de la médecine.

En conséquence, il n’est pas justifié que le contrat violerait des dispositions d’ordre public, ce dont il suit que la demande de nullité pour cause illicite ne peut qu’être rejetée.

Sur l’objet illicite

Mme X soutient enfin l’illicéité de l’objet du contrat en ce que les certificats communiqués n’attestent pas de la conformité des machines commercialisées à la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 modifiée par la directive 2007/47/CE du 5 septembre 2007 prise en matière de dispositifs médicaux, que les déclarations de conformité ne sont pas signées, qu’il n’est pas justifié de leur communication à l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et qu’aucune indication n’est fournie sur l’organisme ayant apposé la marque CE.

***

Selon l’article 1128 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions.

Constitue un dispositif médical au sens de l’article L. 5211-1 du code de la santé publique, tout instrument, appareil, matière, produit, à l’exception des produits d’origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens.

En l’espèce, la documentation de la société BVA Technology indique que les matériels en cause sont des outils de médecine esthétique. Ils sont, ce faisant, destinés par le fabricant à des fins médicales, c’est-à-dire relevant de la médecine. Leur action principale voulue utilise la radiofréquence, l’émission d’ondes et l’utilisation de lumière LED et n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques, immunologiques ou par métabolisme. Mme X revendique ainsi à juste titre qu’ils relèvent de la définition des dispositifs médicaux.

Selon l’article L. 5211-3 alinéa 1 du même code, les dispositifs médicaux ne peuvent être importés, mis sur le marché, mis en service ou utilisés, s’ils n’ont reçu au préalable, un certificat attestant leurs performances ainsi que leur conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers.

En l’occurrence, chacune des machines a fait l’objet d’une déclaration 'CE’ de conformité indiquant que l’appareil est conforme aux exigences des directives dir2006-95-CE basse tension et dir2004-108-CE compatibilité électromagnétique.

Il n’est pas justifié en quoi ces déclarations ne justifieraient pas de la conformité des machines aux exigences essentielles concernant la sécurité des patients, utilisateurs et tiers, la circonstance qu’elles ne soient pas signées étant indifférente à cet égard dès lors qu’il n’est pas contesté qu’elles émanent bien de la société BVA Technology elle-même, dont le logo, l’adresse et le numéro de Siret figurent sur les déclarations. Il résulte en outre de l’article L. 5211-3 alinéa 2 que la certification peut émaner, suivant le type de dispositif, du fabricant et Mme X ne démontre qu’une telle faculté n’existait pas pour les appareils concernés.

Elle ne rapporte donc pas la preuve que les choses vendues étaient hors du commerce de sorte que la demande de nullité pour objet illicite sera également rejetée.

Le jugement doit ainsi être confirmé.

Mme X sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. En équité, il n’y pas lieu de la condamner au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, par défaut :

Déclare irrecevables les interventions forcées du conseil national de l’ordre des infirmiers et du conseil départemental de l’ordre des infirmiers des Hauts-de-Seine ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles ;

Condamne Mme X aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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