Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 28 janvier 2022, n° 19/02406

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Chronologie de l’affaire

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Derriennic & Associés · 29 avril 2022

L'Alliance française contracte avec un prestataire, la société Castelis, un contrat de conception et de réalisation d'un logiciel sur mesure associé avec un contrat de maintenance. Le logiciel a été livré en avril 2014. A partir de janvier 2015 et jusqu'au mois d'octobre 2016, des prestations de développements complémentaires au temps passé ont été mises en place à la demande du client ; les factures ont été entièrement réglées jusqu'à cette date. Mécontente des prestations proposées, le client cesse de payer les sommes dues au titre des contrats et demande la résiliation de ces …

 

www.quantic-avocats.com · 11 mars 2022

Contrats informatiques : La recette d'un logiciel peut être tacite ! Une entreprise contracte avec un prestataire pour la réalisation d'un logiciel sur mesure, ainsi que pour la maintenance sur ce même logiciel. Mécontente des prestations proposées, la société cliente cesse de payer les sommes dues au titre des contrats et demande la résiliation de ces contrats en justice. Elle indique n'avoir jamais signé de procès-verbal de recette ni n'avoir reçu de mise en demeure de le faire, comme le prévoit pourtant le contrat. Le Contrat prévoyait également une période de garantie de 6 mois à …

 

www.quantic-avocats.com · 17 février 2022

Contrats informatiques : La recette d'un logiciel peut être tacite ! Une entreprise contracte avec un prestataire pour la réalisation d'un logiciel sur mesure, ainsi que pour la maintenance sur ce même logiciel. Mécontente des prestations proposées, la société cliente cesse de payer les sommes dues au titre des contrats et demande la résiliation de ces contrats en justice. Elle indique n'avoir jamais signé de procès-verbal de recette ni n'avoir reçu de mise en demeure de le faire, comme le prévoit pourtant le contrat. Le Contrat prévoyait également une période de garantie de 6 mois à …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 11, 28 janv. 2022, n° 19/02406
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/02406
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 21 janvier 2019, N° 17/13639
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 28 JANVIER 2022

(n° , 2 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/02406 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7GKW


Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/13639

APPELANTES

Association ALLIANCE FRANCAISE PARIS ILE DE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

inscrite sous le numéro SIREN 775 664 618

représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020,

assistée de Me Fabrice DALAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0373

SAS CASTELIS

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]


Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Créteil sous le numéro 429 463 987

r e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

assistée de Me Danièle VÉRET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2272

INTIMEES

Association ALLIANCE FRANCAISE PARIS ILE DE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux […]

[…]

inscrite sous le numéro SIREN 775 664 618

représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020,

assistée de Me Fabrice DALAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0373

SAS CASTELIS

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]


Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Créteil sous le numéro 429 463 987

r e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

assistée de Me Danièle VÉRET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2272

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère.


Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du Code de procédure civile.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère

Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :


- contradictoire,


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE


L’association Alliance Française Paris Ile de France, association déclarée créée en 1883, est un établissement d’enseignement et de formation qui a pour activité la diffusion de la langue française et des cultures francophones.


La société Castelis exerce une activité de programmation informatique spécialisée dans la conception et le développement sur mesure d’outils de gestion et dispose de compétences requises pour la réalisation de projets de développements informatiques.


Le 24 septembre 2012, l’Alliance française a conclu un contrat de conception et de réalisation d’un logiciel sur mesure dénommé Phenix avec la société Castelis. Le logiciel aurait été livré en avril 2014. Le 20 janvier 2014 l’Alliance française a conclu un contrat de maintenance de l’application Phenix avec la société Castelis. A partir de janvier 2015 et jusqu’au mois d’octobre 2016, des prestations de développements complémentaires au temps passé ont été mises en place à la demande de l’Alliance française, et les factures réglées jusqu’à cette date.


A compter du mois de novembre 2016, l’Alliance française a cessé de régler les factures relevant tant du contrat de maintenance que de l’accord sur les développements complémentaires, facturés au temps passé.


Les parties n’ayant pas réussi à trouver un accord, l’Alliance française a procédé le 18 juillet 2017 à la résiliation de son contrat de maintenance auprès de la société Castelis, à effet au 30 septembre 2017 en reprochant des anomalies dans le logiciel et l’absence de justificatif des prestations effectuées.


Suivant exploit du 11 septembre 2017, la société Castelis a fait assigner l’association Alliance Française Paris Île de France devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de la somme de 49.140 euros TTC au titre des factures impayées relatives au contrat de maintenance et de la somme de 71.175 euros TTC au titre de l’accord entre les parties concernant les développements complémentaires.


Par jugement du 22 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

condamné l’association Alliance Française Paris Île de France à payer à la société Castelis la somme de 49.140 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2017 sur la somme de 5.460 euros (facture de janvier 2017), du 19 juin 2017 sur la somme de 5.460 euros (facture de février 2017), du 29 juin 2017 sur la somme de 5.460 euros (facture de mars 2017) et du présent jugement sur la somme de 32.760 euros,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

condamné l’association Alliance Française Paris Île de France à payer à la société Castelis la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné l’association Alliance Française Paris Île de France aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire du jugement.


La société Castelis a formé appel du jugement par déclaration du 31 janvier 2019 enregistrée le 1er février 2019 sous le n° de RG 19/02406.


L’association Alliance Française Paris Île de France a formé appel du jugement par déclaration du 20 février 2019 enregistrée le 26 février 2019 sous le n° 19/03983.


Suivant ordonnance du 13 juin 2019, le magistrat en charge de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures sous le seul n° de RG 19/02406.


Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 13 octobre 2021, l’association Alliance Française Paris Ile de France demande à la cour, au visa des articles 1134, 1184 et 1234 (anciens) du code civil :

de déclarer l’association Alliance Française Paris Île de France recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 22 janvier 2019 ainsi qu’en l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions ;


Y faire droit :

de confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 22 janvier 2019 en ce qu’il a débouté la société Castelis de ses demandes de condamnation au titre des factures afférentes aux contrats de réalisation de logiciel et de maintenance ;

d’infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 22 janvier 2019 en ce qu’il a condamné l’association Alliance Française Paris Île de France à payer une somme de 49 140 euros TTC à la société Castelis au titre des factures de maintenance ;


Statuant à nouveau :

de condamner la société Castelis à communiquer à l’association Alliance Française Paris Île de France une explication détaillée et précise des prestations effectuées au titre des contrats de réalisation du logiciel ainsi qu’au titre du contrat de maintenance applicative figurant sur les factures, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

de juger que la responsabilité de la Société Castelis dans l’échec du projet informatique est entière et exclusive ;

de prononcer la résolution du contrat de réalisation de logiciel du 24 septembre 2012 aux torts exclusifs de la société Castelis, d’une part, et du contrat de maintenance du 20 janvier 2014, d’autre part,

de condamner, en conséquence, la société Castelis à rembourser à l’association Alliance Française Paris Île de France la somme totale de 716.785,45 euros TTC ;

de juger que l’association Alliance Française Paris Île de France n’est pas redevable du solde des factures émises d’un montant de 71.175 euros TTC ;

de condamner la société Castelis à payer à l’association Alliance Française Paris Île de France une indemnité de 120.000 euros à titre de dommages intérêts décomposé en 30.000 euros versés par cette dernière à la CNIL, 70 000 euros pour atteinte à son image du fait de la publication de sa condamnation sur le site de la CNIL et 20 000 euros pour le temps passé à relancer une nouvelle consultation pour l’acquisition d’un nouveau logiciel ;


A titre subsidiaire,

de prononcer la résiliation du contrat de réalisation de logiciels et du contrat de maintenance,

de condamner, en conséquence, la société Castelis à restituer la somme de 49.140 euros TTC majorée des intérêts de retard, qu’elle a été contrainte de payer, ensuite du jugement du 22 janvier 2019, outre intérêts au taux légal ainsi que la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

de condamner la société Castelis à payer à l’association Alliance Française Paris Île de France, à titre de dommages intérêts, une indemnité de 202.590 euros, correspondant au prix du nouveau logiciel commandé par l’Alliance Française Paris IDF (183 270,00) et une année de maintenance (19.320 euros), plus 30.000 euros versés par cette dernière à la CNIL, plus 70.000 euros pour atteinte à son image du fait de la publication de sa condamnation sur le site de la CNIL ;


En tout état de cause :

de débouter la société Castelis de l’intégralité de ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

de condamner la société Castelis à verser à l’association Alliance Française Paris Île de France la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles, autres que les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

de condamner la société Castelis à payer les entiers dépens de première instance et d’appel.


Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 27 octobre 2021, la société Castelis demande à la cour, sur le fondement des articles 1101, 1134, 1147 et 1153 ancien du code civil, 2224 du code civil, 122, 564 et 566 du code de procédure civile :


A titre liminaire,

de déclarer irrecevable l’association Alliance Française Paris Ile de France de ses demandes nouvelles en cause d’appel,

de déclarer irrecevable l’association Alliance Française Paris Ile de France de ses demandes comme prescrites


A titre principal,


- de confirmer le Jugement du Tribunal de Grande Instance du 22 janvier 2019 en ce qu’il a :

' Condamné l’association Alliance Française Paris Ile de France à payer à la SAS Castelis la somme de 49.140 euros TTC, avec intérêts au taux légal :


- à compter du 2 juin 2017 sur la somme de 5 460 euros (facture de janvier 2017),


- à compter du 19 juin 2017 sur la somme de 5 460 euros (facture de février 2017) ,


- à compter du 29 juin 2017 sur la somme de 5 460 euros (facture de mars 2017),


- à compter du présent jugement sur la somme de 32 760 euros ;

' Condamné l’association Alliance Française Paris Ile de France aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;

' Débouté l’association Alliance Française Paris Ile de France de l’ensemble de ses demandes,


- d’infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance du 22 janvier 2019 en ce qu’il a débouté la Société Castelis du surplus de ses demandes et statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de :
- de condamner l’association Alliance Française Paris IDF au paiement de la somme de 71.175 euros TTC, au titre des factures impayées attachées aux développements complémentaires, avec intérêts au taux légal à compter de l’envoi des mises en demeure, décomposés et calculés de la manière suivante :

o La somme de 9.360 euros, avec intérêts au taux légal calculé à compter de la date de mise en demeure du 1er janvier 2017,

o La somme de 19.110 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 31 mars 2017,

o La somme de 17.160 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 2 juin 2017,

o La somme de 14.430 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 19 juin 2017,

o La somme de 11.115 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 29 juin 2017,


- de condamner l’association Alliance Française au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,


En Tout état de cause :

de débouter l’association Alliance Française Paris Île de France de l’ensemble de ses demandes,

de condamner l’association Alliance Française au paiement des dépens à la Selarl Lexavoué au titre de l’article 699 du code de procédure civile ;

de condamner l’association Alliance Française au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

*


La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 28 octobre 2021.

SUR CE, LA COUR,

Sur la recevabilité des demandes de l’Alliance Française


Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile : « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. ».


En vertu de l’article 565 du même code : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. ».


La société Castelis soulève l’irrecevabilité de la demande de résolution et de la demande subsidiaire de résiliation des contrats en cause d’appel. Elle soutient qu’en tout état de cause la prescription quinquennale, issue de l’application de l’article 2224 du code civil, est acquise dans la mesure où ces demandes ont été émises pour la première fois par conclusions d’appel du 16 mai 2019 alors que l’association Alliance Française Paris IDF avait connaissance des prétendus dysfonctionnements depuis le 28 février 2014.


L’Alliance Française indique avoir été alertée le 4 décembre 2017 par la CNIL de l’existence de failles de sécurité affectant ses programmes informatiques. Elle a ensuite été condamnée à une sanction pécuniaire de 30.000 euros et à la publication de la délibération le 6 septembre 2018. Elle fait donc valoir qu’en première instance, après la clôture du 20 juin 2018 est intervenue cette délibération de la formation restreinte de la CNIL du 6 septembre 2018 et que le président du tribunal de grande instance de Paris avait refusé de faire droit à sa demande de rabat de clôture fondée sur une cause grave. Elle soutient que cette faille de sécurité élémentaire justifie pleinement la résolution des contrats de réalisation du logiciel, d’une part, et de maintenance, d’autre part, qu’elle aurait immanquablement demandée s’il avait été fait droit à sa demande de rabat de clôture.


Cette demande de résolution et subsidiairement de résiliation invoquée par voie d’action mais également par voie d’exception en défense tend aux mêmes fins que les prétentions soutenues par l’association Alliance Française en première instance et prétendant au rejet des demandes en paiement formées par la société Castelis, en sorte qu’elle est recevable de ce chef.


Par ailleurs, la prescription de cette action régie par l’article 2224 du code civil, dépend de l’appréciation, au fond, des circonstances de fait auxquelles l’Alliance Française attache la découverte des causes de la résolution, de sorte que le moyen sera discuté ci-dessous.

Sur la demande de résolution ou de résiliation des contrats


L’Alliance Française demande la résolution du contrat de réalisation de logiciel du 24 septembre 2012 d’une part et du contrat de maintenance du 20 janvier 2014 d’autre part aux torts exclusifs de la société Castelis. A titre subsidiaire elle sollicite leur résiliation. Elle soutient avoir signifié toutes les anomalies du logiciel Phenix à la société Castelis entre 2014 et 2017 et fait valoir que les lots n’ont pas été recettés, n’ayant pour sa part signé aucun procès-verbal de recette ni été mise en demeure de le faire. Préalablement, elle souhaite voir condamner la société Castelis à lui communiquer sous astreinte « une explication détaillée et précise des prestations effectuées au titre des contrats de réalisation du logiciel ainsi qu’au titre du contrat de maintenance applicative figurant sur les factures ». L’Alliance Française fait valoir que les anomalies concernent le planning des salles de cours, les listes d’étudiants accessibles aux professeurs, le nombre d’heures de cours par étudiant, l’impossibilité d’affecter des étudiants par familles devant les héberger, la gestion des ventes de livres et de cours aux étudiants et le non-respect des conventions passées par les tiers (entreprise finançant les cours pour leurs personnels). Les anomalies étaient corrigées au cas par cas par la société Castelis e t c e r t a i n e s é t a i e n t r é c u r r e n t e s c o m m e l e s a v o i r s . E l l e p r o d u i t d e s i l l u s t r a t i o n s d e s dysfonctionnements constatés sur le logiciel sur la période 2014 à février 2017.


La société Castelis soutient en revanche avoir respecté les délais de livraison du logiciel prévus au contrat, son obligation de délivrance conforme et son obligation de conseil. Elle fait valoir qu’elle s’est acquittée de la maintenance prévue au contrat du 20 janvier 2014 et que les factures impayées restent dues à ce titre.


Aux termes de l’article 1134 ancien du code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.


Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.


Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».


Aux termes de l’article 1184 ancien du code civil : « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.


Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.


La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. ».


Le contrat de réalisation de logiciel conclu le 24 septembre 2012 entre la société Castelis, « le Prestataire », et l’association Alliance Française Paris Île de France, « le Client », prévoit les dispositions suivantes :

« 4.00 Entrée en vigueur ' Durée

Ce contrat prend effet à sa date de signature par les deux parties.

Ce contrat est conclu pour une durée égale à la durée prévue pour la réalisation du logiciel, stipulée dans l’article 5.00 ci-après.

5.00 Délais d’exécution

5.1 Les délais d’exécution sont spécifiés dans le calendrier d’exécution figurant en annexe.

(…)

7.00 Livraison -Installation

7.1 La mise à disposition du logiciel à l’adresse du client, par le prestataire constitue la livraison, indépendamment de toute installation ou de recette.

7.2 Le prestataire procédera à l’installation du logiciel sur le site du client, dans les huit (8) jours civils suivant la date de livraison, afin de permettre la réalisation des tests nécessaires. Le client prendra toutes les mesures nécessaires pour que le prestataire puisse procéder à ladite installation.

8.00 Recette

8.1 La recette du logiciel sera prononcée dès que la conformité du logiciel aux spécifications décrites dans le cahier des charges, aura été vérifiée par le client au plus tard trente (30) jours civils après la date de livraison.

8.2 A défaut de recette effectuée par le client dans le délai ci-dessus, la recette sera réputée prononcée après mise en demeure restée infructueuse dans le délai de quinze (15) jours, adressée par le prestataire au client d’avoir à se prononcer sur la recette.

(…)

13.0 Période de garantie

13.1 La période de garantie prend effet à la date de la recette du logiciel et est effective pendant une période de 6 mois.

(…) 15.0 Maintenance

Il est vivement recommandé au Client de bénéficier, au terme de la période de garantie, des services maintenance et à cet effet de souscrire avec le Prestataire un contrat de maintenance distinct du présent contrat, comprenant la correction des défauts. ».


L’objet du contrat de maintenance applicative conclu le 20 janvier 2014 entre la société Castelis et l’association Alliance Française Paris IDF est défini ainsi en son article 1 : « Le prestataire s’engage à fournir au client, qui accepte, le service de maintenance de l’application PHENIX répertoriés en Annexe 2 dans les conditions prévues au présent contrat. ». L’annexe 2 « Sites concernés » mentionne https://phenix.alliancefr.org/.


L’article 10 « Durée » prévoit les dispositions suivantes :

« 10.1. Le présent contrat est conclu pour une durée d’un an qui commencera à courir à partir du 01/10/2014.

10.2. Il sera ensuite reconduit tacitement par périodes d’un an, à défaut de dénonciation par l’une ou l’autre des parties 30 jours au moins avant la fin de la période en cours. ».


Il est manifeste qu’aucun procès-verbal de recette n’a été signé par les parties ni aucune mise en demeure de ce faire adressée par la société Castelis à l’association Alliance Française. Nonobstant cette absence de recette expresse, les faits de l’espèce peuvent conduire à admettre une recette tacite. La société Castelis soutient que logiciel a été livré en avril 2014. Le contrat de maintenance prévoit une date d’effet au 1er octobre 2014 ce qui est cohérent avec les articles 13.1 et 15 du contrat de réalisation de logiciel qui prévoient d’une part une période de garantie de 6 mois à compter de la recette et d’autre part la conclusion d’un contrat de maintenance prenant effet à l’issue de cette période de garantie. D’ailleurs, par courriel du 29 septembre 2014, l’Alliance Française écrit « Cette première rentrée c’est très bien passée dans l’ensemble. ». Le 1er octobre 2014 elle évoque les « tests en prod », correspondant donc à la phase de garantie. L’existence d’anomalies dénoncées postérieurement au mois d’avril 2014 relève de cette période de garantie de 6 mois pendant laquelle aucune facturation supplémentaire n’est appliquée pour leur correction puis, au-delà des 6 mois, de l’objet même du contrat de maintenance applicative qui vise notamment « à corriger toutes anomalies de fonctionnement des logiciels maintenus ». Il se déduit donc de l’ensemble de ces éléments que la recette du logiciel a eu lieu de façon tacite au mois d’avril 2014. La période de garantie prenant fin au mois d’octobre 2014, c’est à compter de cette dernière date que la prescription quinquennale a commencé à courir concernant la demande de résolution ou de résiliation formée par l’association Alliance Française dans ses premières conclusions en appel du 16 mai 2019. Sa demande à cette fin n’est donc pas prescrite et la société Castelis sera donc déboutée de sa fin de non-recevoir. Il en est de même des failles de sécurité dont l’association a été alertée par la CNIL à compter du 4 décembre 2017 et au titre desquelles elle ne pouvait pas former de demande avant cette date.


Le logiciel objet du contrat de conception et de réalisation ayant été recetté et la période de garantie expirée, l’Alliance Française n’est pas fondée à solliciter la résolution ou la résiliation dudit contrat, qui a pris fin.


De la même façon, sa demande tendant à voir ordonner la communication par la société Castelis du détail des prestations effectuées au titre du contrat de réalisation du logiciel ne sera pas accueillie, la recette du logiciel Phenix ayant été prononcée ' tacitement ' et les factures relatives à ce contrat initial réglées. Le jugement sera confirmé sur ce point.


S’agissant du contrat de maintenance du 20 janvier 2014, l’article 3 prévoit les prestations suivantes :

maintenir en bon état de fonctionnement les logiciels couverts par ce contrat, assister le client dans l’utilisation dudit logiciel,

corriger toutes les anomalies de fonctionnement des logiciels maintenus,

assister le client pour remettre dans de bonnes conditions d’exploitation les logiciels et fichiers à la suite d’un accident causé par un mauvais fonctionnement des logiciels,

informer le client de toutes évolutions apportées aux logiciels maintenus.


Le coût de cette maintenance s’élève à la somme mensuelle forfaitaire de 4.550 euros HT par mois, outre la TVA en vigueur, soit un montant de 5.460 euros TTC par mois.


L’Alliance Française a régulièrement acquitté les factures de maintenance entre octobre 2014 et octobre 2016. Après relance, les factures des mois de novembre à décembre 2016 ont finalement été réglées mais les factures forfaitaires mensuelles des mois de janvier à septembre 2017 sont demeurées en souffrance, pour un montant total de 49.140 euros TTC. La cour relève que s’il est justifié de nombreux courriels adressés par l’Alliance Française à la société Castelis entre décembre

2016 et mai 2017 et que l’association fournit également des tableaux récapitulatifs d’anomalies signalées en 2014 et 2015, il n’est pas démontré qu’il n’y ait pas été remédié, ne serait-ce que ponctuellement, sachant que les premières véritables doléances sur le fonctionnement du logiciel Phenix ne datent que de la fin du mois d’avril 2017, lorsqu’une réunion sur les facturations et l’état du projet a été organisée. Les griefs ont été formalisés dans une lettre de l’Alliance Française du 10 mai

2017 notamment sur la facturation des développements supplémentaires. Si l’absence d’entente entre les parties a conduit l’Alliance Française à dénoncer le contrat de maintenance par lettre recommandée du 18 juillet 2017, les prestations dues se sont bien poursuivies jusqu’au 30 septembre 2017, date de la résiliation effective du contrat. L’Alliance Française échoue à rapporter la preuve de manquements de la société Castelis justifiant le non-paiement du forfait mensuel dû. Elle sera déboutée de sa demande de résolution ou de prononcé de la résiliation du contrat de maintenance ainsi que de sa demande en remboursement des sommes versées à hauteur de 716.785,45 euros TTC.


Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’association Alliance Française Paris Île de France à payer à la société Castelis la somme de 49.140 euros TTC correspondant aux neuf factures de 5.460 euros de janvier à septembre 2017 avec intérêts au taux légal :

à compter de la mise en demeure du 2 juin 2017 pour la facture de janvier 2017 de 5.460 euros,

à compter de la mise en demeure du 19 juin 2017 pour la facture de février 2017 de 5.460 euros,

à compter de la mise en demeure du 29 juin 2017 pour la facture de mars 2017 de 5.460 euros,

à compter du jugement pour les factures d’avril à septembre 2017 soit 32.760 euros.


En revanche, la réclamation de la société Castelis à hauteur de 71.175 euros TTC au titre des développements complémentaires s’appuie un « accord » de développement de modules complémentaires au logiciel Phenix » du 24 février 2015. La possibilité en était envisagée dans le contrat de maintenance en son article 5 pour répondre à des besoins spécifiques exclus du contrat de maintenance. L’article 5 « Prestations supplémentaires » est ainsi libellé : « Les prestations qui ne sont pas expressément prévues dans la liste des prestations fournies pourront être assurées par le prestataire à titre de prestations supplémentaires et factures en sus en appliquant le tarif en vigueur. Un projet « OnDemand » a été créé afin de répondre à ce besoin. ». En application de l’article 12, le tarif applicable pouvait être révisé ou modifié par le prestataire en respectant un préavis d’un mois. Cependant, sur ces prétendus développements complémentaires qui auraient été commandés et acceptés, la société Castelis ne produit que deux courriels successifs du 23 février 2015 et du 24 février 2015, le premier de la société Castelis et le second de l’association Alliance Française, avec un tableau récapitulatif des différents lots et de leur contenu, sur le projet initial Phenix. Ce dialogue entre le responsable des systèmes d’informations d’Alliance Française et le Directeur de Production de Castelis ne manifeste à lui seul aucun consentement de l’association sur une facturation supplémentaire. Aucune notification avec préavis d’un mois n’est d’ailleurs mise en évidence par le prestataire. Au regard de ces éléments parcellaires, insuffisants à caractériser un accord des parties sur une facturation supplémentaire, la société Castelis sera déboutée de sa demande à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que que sur le rejet de la demande de précision formée par l’association Alliance Française quant aux prestations du contrat de maintenance applicative.


Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté la société Castelis de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.


S’agissant des demandes de dommages-intérêts liées aux sanctions prononcées par la CNIL, il a été rappelé supra que l’Alliance Française avait été sanctionnée par cette instance suivant délibération du 6 septembre 2018 et ce après plusieurs avertissements restés sans effet quant à une faille de sécurité. L’association a reconnu avoir été alertée par courriel du 4 décembre 2017 de la CNIL qui avait procédé à une mission de vérification des traitements accessibles à partir du domaine « alliancefr.org ». Il n’est cependant pas démontré qu’elle en ait informé la société Castelis, dont le contrat de maintenance avait cessé depuis le 30 septembre 2017, et alors qu’un nouveau prestataire, Aurega, était en place. D’autre part, la CNIL relève dans sa décision que malgré les signalements antérieurs, rien n’a été fait pour tenter de remédier à la faille de sécurité dénoncée. Par conséquent, l’association Alliance Française sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de la société Castelis de ce chef.


Enfin l’association Alliance Française sera déboutée de sa demande d’indemnité au titre de l’acquisition d’un nouveau logiciel, outre celle correspondant au temps passé à relancer une nouvelle consultation pour l’acquisition d’un nouveau logiciel, le lien de causalité avec de prétendus manquements de la société Castelis n’étant pas caractérisé.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile


L’Alliance Française succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, mais il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des partie la charge de ses propres frais sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

DEBOUTE la société Castelis de ses demandes tendant à voir déclarer irrecevables comme étant nouvelles en cause d’appel et prescrites les demandes de l’association Alliance Française Paris Île de France de résolution et subsidiairement de résiliation des contrats ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE l’association Alliance Française Paris Île de France de ses demandes tendant à voir prononcer la résolution et subsidiairement la résiliation des contrats de réalisation de logiciel du 24 septembre 2012 et du contrat de maintenance du 20 janvier 2014 ainsi que de remboursement des sommes versées ;

DEBOUTE l’association Alliance Française Paris Île de France de ses demandes de dommages-intérêts liées aux sanctions prononcées par la CNIL à son encontre et à l’acquisition d’un nouveau logiciel ;
CONDAMNE l’association Alliance Française Paris Île de France aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué ;

LAISSE à chacune des parties, la charge de ses propres frais engagés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 28 janvier 2022, n° 19/02406