Cour d'appel de Pau, 3ème ch spéciale, 25 mars 2021, n° 20/01287

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 3e ch spéc., 25 mars 2021, n° 20/01287
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 20/01287
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

PS/CD

Numéro 21/01325

COUR D’APPEL DE PAU

EXPROPRIATIONS

ARRÊT DU 25/03/2021

Dossier : N° RG 20/01287 -

N° Portalis DBVV-V-B7E-HSD4

Nature affaire :

Demande de fixation de l’indemnité d’expropriation

Affaire :

[…]

C/

E C,

X-I C épouse Y,

X C

épouse Z,

F G

épouse A,

J K L,

M

H C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 25 Mars 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 11 Février 2021, devant :

Monsieur SERNY, Conseiller faisant fonction de Président

Madame ROSA-SCHALL, Conseiller

Madame ASSELAIN, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

En présence de Madame B Commissaire du Gouvernement représentant le Directeur départemental des Finances Publiques des Pyrénées-Atlantiques.

Assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

[…]

représentée par son maire en exercice dûment habilité

Mairie

Route de Saint-Ignace

[…]

Représentée par Maître CAMBOT de la SELARL CABINET CAMBOT, avocat au barreau de PAU

INTIMÉS :

Madame E C

[…]

[…]

[…]

Représentée par Maître HUERTA de la SCP CABINET PERSONNAZ, avocat au barreau de BAYONNE

Madame X-I C épouse Y

[…]

[…]

Représentée par Maître WATTINE, avocat au barreau de BAYONNE

Madame X C épouse Z

[…]

[…]

[…]

Madame F G épouse A

[…]

[…]

Monsieur J K L

[…]

[…]

M H C

Chez Maître Marcel D – notaire

[…]

[…]

Ni présents, ni représentés

sur appel de la décision

en date du 29 MAI 2020

r e n d u e p a r l e T R I B U N A L J U D I C I A I R E J U G E D E L ' E X P R O P R I A T I O N D E S PYRENEES-ATLANTIQUES

Vu la délibération prise par le conseil municipal de la commune d’ASCAIN le 29 novembre 2016 aux fins d’acquérir par voie d’expropriation une superficie de 5.500 m² au préjudice de l’indivision C,

Vu l’arrêté préfectoral du 24 juillet 2017 déclarant le projet d’utilité publique,

Vu la déclaration de cessibilité intervenue le 08 janvier 2018,

Vu l’ordonnance d’expropriation prise le 15 mars 2018,

Vu la notification d’une offre d’acquisition de 5.500 m² par la mairie au prix de 450.000 euros calculé sur la base de 81 euros le mètre carré, rabaissée ensuite à 418.255 euros,

Vu la décision de rétrocession de 219 mètres carrés décidée par la commune le 11 février 2020 ramenant la surface expropriée à 5.281 mètres carrés,

Vu le procès-verbal de visite des lieux établi le 06 décembre 2019 suivi de l’audience,

Vu le jugement dont appel rendu le 29 mai 2020 qui :

— retient la valeur proposée par la partie expropriée et fixe l’indemnité principale de dépossession à 1.161.820 euros et les indemnités de remploi à 117.182 euros,

— rejette l’indemnité de dépossession du surplus,

— ordonne la consignation entre les mains de Maître D, notaire, et la répartition des fonds au prorata des droits indivis.

Vu l’acte d’appel initial du 8 juin 2020 ayant donné lieu à l’attribution du présent numéro de rôle interjeté par la commune d’ASCAIN.

Vu le mémoire du commissaire du gouvernement reçu le 03 décembre 2020 et notifié par le greffe aux parties le lendemain qui conclut à la confirmation du jugement pour le cas où la cour retiendrait qu’il y a eu fraude et qui à défaut conclut à une évaluation à opérer sur la base d’un prix de 110 euros par mètre carré.

Vu le mémoire reçu le 08 décembre 2020 transmis par X-I C qui conclut :

— à la confirmation du jugement dans son évaluation du bien exproprié après avoir retenu la fraude,

— à son infirmation en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation de la dépréciation du surplus non exproprié de la parcelle d’origine et au paiement d’une indemnité complémentaire de 165.000 euros de ce chef,

— à l’allocation de 2.500 euros en compensation de frais irrépétibles.

Vu le mémoire reçue le 09 février 2021 transmis par E C, agissant pour le compte de toute l’indivision qui conclut :

— à la confirmation du jugement dans son évaluation du bien exproprié après avoir retenu la fraude, et en ce qu’il a fixé l’indemnité principale à 1.161.820 euros,

— à sa réformation dans le montant de l’indemnité de remploi pour la porter à 135.832 euros au lieu de 117.182 euros,

— à l’indemnisation d’un préjudice de 211.500 euros,

— demande le classement en zone UB du terrain rétrocédé représentant une surface de 219 m²,

— à l’allocation de 5.000 euros en compensation de frais irrépétibles.

Vu le mémoire reçu le 29 janvier 2021 transmis par la commune d’ASCAIN qui :

— demande qu’il soit pris acte de la rétrocession partielle d’une partie du terrain exproprié,

— conteste le fraude retenue par le premier juge,

— estime que l’évaluation du bien exproprié doit se faire sur la base du zonage actuel sur la base d’une valeur de 79,20 euros/m² pour aboutir à une indemnité principale de 418.255 euros outre une indemnité de remploi de 42.825 euros,

— propose à titre subsidiaire des indemnisations sur les bases de 96 et 100 euros le mètre carré,

— conclut au rejet des appels incidents formés individuellement par E C et X I C.

Le rapport ayant été fait oralement à l’audience.

MOTIFS

Préalable

Prises par deux coïndivisaires comparants seulement en l’absence des autres, les écritures valent formellement :

— pour l’ensemble de l’indivision pour ce qui est de la valeur du terrain exproprié,

— mais seulement pour chacun des coïndivisaires concluant pour ce qui est de la déprécation de l’existant puisqu’il est fait état des restrictions d’utilisation affectant une partie du terrain non expropriée qui serait promise à ces deux coïndivisaires comparants.

Or, il n’est fait état d’aucun partage sous-seing privé contenant promesses d’attributions en nature aux deux héritiers comparants des portions du terrain conservé par l’indivision au titre de laquelle ils réclament une indemnité à titre personnel ; or, l’effet déclaratif du partage ainsi que son caractère contentieux, confirmé par la désignation judiciaire d’un notaire, rendent ces attributions aléatoires.

Devant cette difficulté expressément soulevée en début d’audience et les deux coïndivisaires comparants ont accepté de considérer que leurs demandes formées à titre personnels l’étaient en réalité pour le compte de l’indivision et accroissaient à la demande indubitablement formulée pour le compte de tous.

Sur la fixation de l’indemnité de dépossession de la surface expropriée

A) La situation d’urbanisme et objet du litige

Jusqu’en 2014, toute la parcelle AO 104 était classée en zone UB.

La zone UE est une zone de constructibilité affectée à l’éducation ; ce classement ne fait donc que matérialiser l’intention d’exproprier pour créer un établissement d’enseignement. A donc été déclassée de zone UB en zone UE la superficie de 5.500 euros prise sur la parcelle AO 104 ; aucune autre parcelle n’est expropriée ; la surface expropriée correspond strictement au projet d’école que la commune avait en préparation depuis longtemps et qu’elle veut aujourd’hui concrétiser ; la surface expropriée correspond aussi strictement à la surface classée en zone UE pour réaliser l’école ; ce projet transcende les clivages politiques puisque la majorité au pouvoir jusqu’en 2014 envisageait déjà le recours à l’expropriation.

L’indivision C conserve donc la partie Sud Est de la parcelle AO 104 c’est-à-dire la partie bâtie, toujours classée en zone UB.

Postérieurement à l’ordonnance d’expropriation, la commune a consenti à une rétrocession partielle en limite Sud de la parcelle, de sorte que l’expropriation ne porte pas sur la totalité de la surface concernée par l’ordonnance d’expropriation mais sur une surface moindre ; les parties sont renvoyées à faire le nécessaire, si ce n’est déjà fait, pour transcrire la rétrocession au fichier immobilier. Il appartient à la commune de redéfinir le zonage sous le contrôle du juge administratif.

Le présent litige ne concerne pas l’utilité publique du projet ; la juridiction de l’expropriation ne tient pas de la loi le pouvoir d’apprécier le bien-fondé de la nécessité public invoquée pour justifier

l’expropriation ; elle tient cet intérêt public pour acquis et ce débat relève de la compétence de l’ordre des juridictions administratives. Le litige est donc limité à la fixation de la juste et préalable indemnité voulue par le droit positif : il convient d’apprécier si, pour réaliser l’opération dont l’intérêt public est incontestable, l’autorité expropriante a usé ou non de moyens réguliers pour payer ce qu’elle doit.

B) L’appréciation

En droit, c’est du zonage administrativement décidé que dépend le prix du bien exproprié sauf à corriger par la reconnaissance du caractère privilégié du bien exproprié, la reconnaissance de ce caractère privilégié ne pouvant cependant pas s’affranchir totalement des conséquences du zonage applicable à la date de référence.

Toutefois, l’article L 322-4 du code de l’expropriation la loi prévoit elle-même une exception à cette règle lorsque les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l’expropriant, une intention dolosive afin ne payer qu’un prix anormalement bas. Dans cette hypothèse, le juge de l’expropriation chargé de fixer la juste et préalable indemnité dispose alors du pouvoir légal d’indemniser l’exproprié en faisant abstraction des restrictions et de le faire sur la base du prix du terrain d’une zone plus avantageuse, s’il est établi que le zonage applicable à la date de référence est issu de décisions prises pour ne pas payer le véritable prix du terrain ; l’application de cette exception ne remet pas en cause le classement d’urbanisme des terrains expropriés.

La cour adoptera en l’espèce les motifs du premier juge, qui par application de la règle légale prévoyant cette exception expressément visée dans sa décision, a caractérisé la fraude commise par la commune au préjudice des consorts C puis fixé ainsi qu’il l’a fait, les indemnités principale et de remploi fondée sur la valeur d’un terrain à bâtir situé à proximité immédiate du centre du village.

En l’état des intentions exprimées depuis une époque bien antérieure au déclassement critiqué, la procédure d’urbanisme dont la commune aurait dû user, consistait, non pas à déclasser, mais à créer un emplacement réservé ouvrant un droit de délaissement au propriétaire concerné par cette réserve, de manière à ce qu’il puisse utiliser la possibilité légale d’être indemnisé sur la base du classement d’urbanisme d’origine (le fait qu’un établissement privé vienne ensuite s’implanter ne constitue pas un argument pertinent puisque l’utilité publique a été reconnue) ; c’est cet inconvénient que la commune a voulu éviter.

La commune ne développe aucun moyen permettant d’étayer une infirmation ou une évaluation à la baisse.

Sur la dépréciation de l’existant

A) Sur les limites de la compétence

L’indemnisation de la dépréciation du surplus de la parcelle expropriée relève de la compétence du juge de l’expropriation.

Le préjudice résultant du fonctionnement futur du projet ne concerne pas l’opération d’expropriation pour ne pas découler de la perte de la propriété.

La cour ne peut statuer que sur la perte de valeur des terrains conservés par l’exproprié.

B) Sur les demandes indemnitaires pour dépréciation de l’existant

65% de la surface de la parcelle d’origine sont expropriés. Le découpage opéré montre que les

consorts C conservent approximativement le quart Sud-Est de leur propriété, c’est-à-dire sa partie bâtie sur laquelle se situe une grande maison jointive de la rue située à l’Est ; la maison n’y est cependant pas la seule construction ; les plans cadastraux en ont figurer une autre construction située à l’Ouest, qui semble être un hangar ; des certificats d’urbanisme positifs ont été délivrés pour édifier à la place deux maisons individuelles d’une superficie au sol permettant 60 mètres carrés habitables par niveau ; elles ne peuvent être édifiées que sur la partie Ouest de la superficie conservée.

L’argument des expropriés consiste à soutenir que l’utilisation du terrain rétrocédé pour permettre de leur maintenir un accès réduirait la surface utile de deux futures constructions envisagées.

Par cette rétrocession, la commune accepte de réduire l’emprise expropriée afin de rendre aux consorts C de desservir la propriété par eux conservée depuis la voie publique située à l’Ouest et ceci en remplacement de l’accès dont ils disposaient jusqu’ici et qui débouchait sur cette voie. Pour desservir la parcelle AO 104, les consorts C disposaient en effet d’un passage débouchant sur la voie publique située à l’Ouest (voie publique orientée Nord Sud). Ce passage se situe aujourd’hui, pour sa plus grande partie, dans le périmètre exproprié délimité par les ordonnances d’expropriation, contraignant l’ensemble des expropriés à pénétrer sur le terrain par eux conservé par l’autre voie publique située à l’Est (orientée aussi Nord Sud) où existe un second passage présentant l’inconvénient d’être malcommode pour déboucher sur une rue étroite proche du centre du village ; la surface rétrocédée permet un accès d’une largeur de 6 mètres depuis l’Ouest.

Le nouvel accès ne diminue pas les possibilités d’utilisation du terrain conservé par l’indivision et les projets des coïndivisaires n’en sont pas affectés ; les implantations envisagées n’auront qu’à être légèrement déplacées vers le Nord selon les projets et de leurs modifications éventuelles. Aucune limitation de la constructibilité des terrains indivis non expropriés n’est caractérisée.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ces prétentions.

Sur la consignation et le paiement de l’indemnité

L’indivision C est litigieuse depuis plusieurs années et la justice a été saisie.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il ordonne la répartition des fonds au prorata des droits indivis ; une telle décision excède en effet les pouvoirs de la juridiction de l’expropriation pour constituer une opération de partage, quand bien même elle ne serait que provisionnelle. Rapports ou réduction de libéralités ayant déjà pu remplir partiellement des copartageants de leurs droits et restant à faire soit au nominal soit selon le principe de la dette de valeur en se plaçant dans ce cas à la date future et incertaine du partage final, sont en effets incompatibles avec une répartition du prix au prorata des droits successoraux.

Il est par ailleurs de l’intérêt de la commune de procéder le plus rapidement possible à une consignation libératoire ; les fonds seront remis en CARPA pour le compte de l’indivision et, sur première demande de l’un quelconque des coïndivisaires, devront être reversées entre les mains du notaire Maître D, chargé de régler la M par ordonnance judiciaire.

Les présents motifs ne font cependant pas obstacle à ce que dans le cadre des opérations du partage, tous les coïndivisaires acceptent un partage provisionnel de l’indemnité.

Sur les autres demandes

La cour n’a pas le pouvoir légal de fixer le classement d’urbanisme de la parcelle rétrocédée. Il appartient seulement à la commune d’apprécier sous le contrôle du juge administratif si ce déclassement doit résulter ou non de la décision elle-même.

Sur les frais irrépétibles

Ils peuvent être alloués non à l’indivision mais personnellement aux deux indivisaires qui ont mandaté des avocats dans l’intérêt de tous.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,

* confirme le jugement dans ses dispositions sauf en ce qu’il prévoit une répartition de leur montant au prorata des droits des coïndivisaires dans la M,

* dit que les indemnités allouées seront consignées en CARPA pour le compte de l’indivision pour être reversées, à première demande de l’un quelconque des coïndivisaires, entre les mains du notaire judiciairement désigné (aujourd’hui Maître D) pour surveiller les opérations de partage et de liquidation de l’indivision,

* rejette les demandes tendant à ce que la cour décide du classement d’urbanisme du terrain rétrocédé,

* enjoint à la commune d’ASCAIN de supporter les dépens d’appel,

* lui enjoint aussi de payer à chacune des deux co-indivisaires comparantes la somme de 2.500 euros en compensation de frais irrépétibles exposés en appel.

Arrêt signé par Monsieur SERNY, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame DEBON, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

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