Cour d'appel de Rennes, 1re chambre, 22 septembre 2015, n° 13/08681

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Me Ganaelle Soussens · consultation.avocat.fr · 10 juillet 2017

Nuisances de chantier, perte d'ensoleillement : le sort des voisins Aucun propriétaire ne voit évidemment d'un bon œil le démarrage d'un chantier de construction à proximité de son bien. Outre le bruit que ne manqueront pas de provoquer les travaux, les immeubles avoisinants peuvent également craindre des dommages mécaniques, des phénomènes de fissuration par exemple. En outre, lorsque le bâtiment neuf est enfin achevé, les voisins constatent parfois, fort dépités, une perte d'ensoleillement qui, non seulement, dégrade leurs conditions de vie, mais encore fait perdre au bien une partie …

 

www.ganaellesoussensavocat.com · 6 juin 2017

Aucun propriétaire ne voit évidemment d'un bon œil le démarrage d'un chantier de construction à proximité de son bien. Outre le bruit que ne manqueront pas de provoquer les travaux, les immeubles avoisinants peuvent également craindre des dommages mécaniques, des phénomènes de fissuration par exemple. En outre, lorsque le bâtiment neuf est enfin achevé, les voisins constatent parfois, fort dépités, une perte d'ensoleillement qui, non seulement, dégrade leurs conditions de vie, mais encore fait perdre au bien une partie de sa valeur vénale. Nuisances de chantier L'existence d'un chantier …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1re ch., 22 sept. 2015, n° 13/08681
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 13/08681
Importance : Inédit
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

1ère Chambre

ARRÊT N°313/2015

R.G : 13/08681

M. [P] [Z]

Mme [R] [W] épouse [Z]

C/

SAS DUTLES INVEST

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Marlène ANGER, lors des débats, et Madame Marie-Claude COURQUIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 Juin 2015

devant Monsieur Xavier BEUZIT, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Septembre 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [P] [Z]

né le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Jacques MORIN, avocat au barreau de LORIENT

Madame [R] [W] épouse [Z]

née le [Date naissance 2] 1932 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Jacques MORIN, avocat au barreau de LORIENT

INTIMÉE :

SAS DUTLES INVEST, agissant en la personne de son représentant légal demeurant de droit audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Pierre-Yves MATEL, avocat au barreau de VANNES

FAITS ET PROCÉDURE

M. et Mme [Z] sont propriétaires à [Adresse 1], d’une propriété comprenant une maison, une cour et un jardin.

La SAS Dutles Invest a acquis la parcelle voisine le 29 décembre 2009 et y a construit un immeuble collectif de cinq appartements.

Se plaignant de nuisances provisoires pendant la durée des travaux qui se sont échelonnés sur 21 mois, et d’une perte durable d’ensoleillement, ils ont sollicité des dommages et intérêts.

Par jugement du 5 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Lorient a :

condamné la SAS Dutles Invest à verser à M. [P] [Z] et Mme [R] [W] épouse [Z] une somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour nuisances provisoires ;

débouté M. [P] [Z] et Mme [R] [W] épouse [Z] de leur demande au titre de la perte de la valeur vénale de la maison ;

dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SAS Dutless Invest aux dépens.

M. et Mme [Z] ont, par déclaration au greffe du 5 décembre 2013, interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 24 mars 2014, le conseiller de la mise en état a ordonné une expertise et désigné M. [L] pour y procéder.

Mme [N] désignée en remplacement de M. [L] a déposé son rapport le 22 octobre 2014.

Dans leurs conclusions remises au greffe le 16 décembre 2014, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, M. et Mme [Z] demandent à la cour de :

condamner la société Dutles Invest à payer à M. et Mme [Z] les sommes de :

60.000 € au titre de la perte de valeur vénale de leur immeuble ;

3.150 € au titre de leur préjudice de jouissance du fait des dommages causés à leur cour et à leur jardin durant les travaux ;

20.000 € au titre du préjudice de jouissance permanent ;

5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

condamner la SA Dutles Invest aux entiers dépens.

Dans ses conclusions remises au greffe le 15 décembre 2014, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société Dutles Invest demande à la cour de :

dire que les faits évoqués par M. et Mme [Z] ne sont pas de nature à caractériser un trouble anormal de voisinage imputable à la SAS Dutles Invest ;

confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient le 5 décembre 2012 ;

condamner les époux [Z] à payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

— Sur le dommage subi pendant la durée des travaux :

M. et Mme [Z] soutiennent avoir subi des gênes et nuisances pendant les travaux et en demandent réparation.

En tant que demandeurs, il leur revient de rapporter la preuve des dommages occasionnés à leur immeuble ou dont ils ont eux-mêmes subi les conséquences du fait des travaux de construction menés pendant vingt et un mois sur la parcelle contiguë de la leur, en ce que ces travaux ont excédé les troubles normaux de voisinage générés dans ce cas.

Les photographies que versent les époux [Z] aux débats établissent sans aucune contestation qu’un échafaudage a été posé dans la cour de leur immeuble pour permettre l’édification du mur de pignon de l’immeuble en construction sur le fonds voisin.

Comme la SAS Dutles Invest ne conteste pas cette emprise temporaire sur le fonds voisin et n’invoque pas l’existence d’une convention passée avec les époux [Z] assortie d’une compensation indemnitaire, il en résulte que cette présence d’un échafaudage pendant le temps nécessaire aux travaux a constitué pour les époux [Z] une privation de la jouissance paisible de leur cour et en partie de leur jardin d’agrément et a entraîné des nuisances par la présence d’ouvriers travaillant au dessus de leur cour et en ouccupant une partie de l’espace.

En outre, la preuve est également apportée par les photographies communiquées aux débats que le mur de séparation qui existait auparavant, a été supprimé pendant les travaux pour permettre la construction en limite de propriété de l’ouvrage, causant également un préjudice aux époux [Z] qui bénéficiaient jusqu’alors d’un espace clos à l’abri des regards et ne pouvaient plus dès lors jouir de l’espace d’agrément qu’ils s’étaient créés.

En conséquence, l’existence d’un préjudice dû aux travaux exécutés et aux nuisances créées par ces travaux est rapportée.

Ces nuisances, compte tenu de la configuration des lieux et de la perte partielle de jouissance qu’elles ont entraînées pour les époux [Z] ont excédé les troubles normaux du voisinage et il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu l’existence de ces nuisances provisoires.

Cependant, sur le montant de l’indemnisation, le jugement sera réformé en ce qu’il a fixé celle-ci à 1.000 €, somme insuffisante pour couvrir le préjudice subi par les époux [Z], l’indemnité étant dès lors élevée à 2.000 €.

— sur l’existence d’un trouble anormal de voisinage du fait de la présence de la nouvelle construction :

Il appartient aux époux [Z] de rapporter la preuve du caractère anormal du trouble de voisinage qu’ils invoquent en raison d’une construction, contiguë à la leur.

Ils s’appuient à la fois sur les conclusions du rapport d’expertise amiable et du rapport d’expertise judiciaire qui font état d’une perte d’ensoleillement significative de leur immeuble et plus particulièrement de sa partie arrière donnant sur cour, ainsi que sur des photographies communiquées aux débats.

Compte tenu de la configuration en longueur de la parcelle cadastrée section BZ n° [Cadastre 1] et de son bâti existant avant les travaux de construction de l’immeuble voisin, la propriété de M. et Mme [Z] en raison de la construction sur la parcelle contiguë, au sud-ouest, d’un immeuble dont la partie la plus haute culmine au niveau du faîte du toit à 16,44 mètres, alors que le garage préexistant avait une hauteur maximale de 3,60 mètres, a indéniablement subi une perte d’ensoleillement significative dans la cour intérieure, mais aussi dans la maison elle-même au niveau des ouvertures du rez-de-chaussée et du premier étage.

En effet, la largeur de la cour sur laquelle donnent les ouvertures arrières de la maison [Z] est de 2.60 mètres.

Aussi, la construction d’un immeuble dont la partie habitée est située au droit de la limite sud Ouest de cette parcelle, côté par nature ensoleillé l’après midi et l’été en fin de soirée, d’une hauteur bien plus importante que celui préexistant , a considérablement amplifié pour les époux [Z] les conséquences de l’exiguïté de leur parcelle sur la partie construite de celle-ci.

Les constatations de l’expertise amiable apportent l’essentiel des données recueillies pour déterminer cette perte d’ensoleillement en tenant compte de deux points S et T situés l’un à une hauteur de 8,92 mètres et l’autre de 12,50 mètres.

L’ensoleillement passant par ces deux points a diminué respectivement en moyenne de 6 et 46 % dans l’immeuble [Z] avec un pic de 61 %, depuis la construction de l’immeuble de la société Dutles Invest.

Le rapport judiciaire a confirmé ces mesures et ne sont pas pour autant inopérantes comme le soutient la société Dutles Invest puisqu’il s’agit d’investigations contradictoires venant conforter une expertise qui ne l’était pas.

Le fait que l’expert ne se soit pas, comme le demandait la société Dutles Invest dans son dire du 3 septembre 2014, livré à une description de l’environnement du quartier et les caractéristiques du développement du tissu urbain ne sauraient pour autant ôter toute valeur aux données techniques retenues, la mission de l’expert étant de déterminer la perte d’ensoleillement de l’immeuble [Z] en raison de la construction de l’immeuble voisin.

La question du lieu d’implantation de l’immeuble objet de la perte d’ensoleillement en milieu urbanisé soumis à des contraintes d’urbanisme différentes de celles qui existeraient dans une zone d’habitat diffus ne doit intervenir que dans la détermination du préjudice celui-ci étant atténué dans le cas d’un immeuble situé en zone de densité d’urbanisme forte.

En revanche, l’importance de la perte d’ensoleillement subie par une partie importante de la propriété des époux [Z], résulte de la configuration particulière de cette propriété implantée sur une parcelle de faible largeur, qui subit ainsi, plus fortement la construction voisine plus haute.

— Sur le préjudice des époux [Z] :

M. et Mme [Z] invoquent deux sources de préjudice liées directement à la perte d’ensoleillement de leur immeuble : une perte de valeur vénale de 60.000 € et un préjudice de jouissance permanent de 20.000 €.

La perte de valeur vénale de 60.000 € est celle proposée par l’expert judiciaire.

Cependant, comme il a été dit plus haut, le fait que l’immeuble soit implanté en zone fortement urbanisée, en centre-ville, atténue la perte de valeur dont les époux [Z] font état.

En effet, l’emplacement d’un immeuble demeure un élément déterminant particulièrement fort lorsqu’il s’agit d’une maison individuelle de centre-ville pour fixer sa valeur vénale.

Aussi, il ne peut être considéré que la perte d’ensoleillement, aussi préjudiciable soit-elle, ait entraîné une perte de valeur de 20 % sur 300.000 € mais de 10 %, le préjudice des époux [Z] s’élevant ainsi de ce fait à 30.000 €.

Quant au préjudice de jouissance, il est plus faible que celui invoqué par les époux [Z] qui certes voient leur cour intérieure devenir plus sombre ainsi que des pièces de leur maison mais qui continuent de bénéficier à l’arrière de celle-ci d’un jardin dont il n’est pas soutenu qu’il serait lui aussi atteint par une perte d’ensoleillement et même bien au contraire puisque le mur séparatif, en fond de propriété, est inférieur à celui de l’ancien garage, qui s’élevait à 3,60 mètres et qu’en outre les nuisances liées à une activité d’atelier de réparation, sonores pour l’essentiel, ont aujourd’hui disparu en raison de l’affectation à l’habitation de l’immeuble voisin.

Aussi, le préjudice de jouissance des époux [Z] lié à la perte d’ensoleillement sera limité à 3.000 €.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il sera alloué à M. et Mme [Z] pour leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel une somme de 4.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la société Dutles Invest sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel lesquels comprendront les frais de l’expertise judiciaire de Mme [N].

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Lorient en date du 5 décembre 2012 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Dutles Invest à verser à M. et Mme [Z] les sommes suivantes :

—  2.000 € pour le préjudice subi durant les travaux ;

—  30.000 € pour la perte de valeur de l’immeuble ;

—  3.000 € pour le préjudice permanent de jouissance.

—  4.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Dutles Invest aux dépens de première instance et d’appel les quels comprendront les frais d’expertise judiciaire de Mme [N].

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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