Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 17 octobre 2007, 07-81.038, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Revue Générale du Droit

L'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 20141, prise sur le fondement de l'article 1 er de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014, vient de créer, dans notre Code monétaire et financier, un cadre juridique relatif à un nouveau mode de financement : le financement participatif2 (dit aussi crowdfunding3). Celui-ci peut se définir comme un financement opéré sans l'aide des acteurs traditionnels du financement, notamment bancaires, reposant sur l'appel à un grand nombre de personnes pour financer un projet. Ce financement peut prendre la forme d'un don (crowd sponsoring), mais aussi d'un prêt (crowd …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 17 oct. 2007, n° 07-81.038
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 07-81.038
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 21 janvier 2007
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007632366
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Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept octobre deux mille sept, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

— X… Eric,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 9e chambre, en date du 22 janvier 2007, qui, pour exercice illégal de la profession de banquier et abus de biens sociaux, l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 511-5, L. 571-3, L. 311-1, L. 311-3, L. 520-1 du code monétaire et financier, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que la cour d’appel a déclaré Eric X… coupable du délit d’exercice illégal de la profession de banquier s’agissant des opérations au profit de la société Sentrax Trading International et de Jean-Louis Z… et Patrick A… (cabinet A… et » société financière des deux Ponts ") et l’a en conséquence condamné à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et de 20 000 euros d’amende ;

« aux motifs qu’au cours de l’année 1998, la société Nikigold avait, en contrepartie d’encaissement de chèques ou d’espèces en francs ou en devises, émis un chèque d’un montant de 98 000 francs (14 940 euros) à l’ordre de la société Sentrax Trading International qui exerçait une activité de négoce avec l’Algérie et effectué plusieurs virements sur les comptes de cette dernière à la Barclays Bank pour 51 000 dollars, 110 000 dollars et 58 538 DM ;

qu’Eric X… a expliqué que des clients algériens de la société Sentrax Trading International remettaient à sa société Nikigold des espèces en francs ou en devises étrangères en échange du dépôt de chèques tirés à partir des comptes de Nikigold ou de transferts de fonds de ces mêmes comptes au bénéfice du compte bancaire de la société Sentrax Trading International ( ) ; que Kheir Allab, gérant de cette société, a quant à lui affirmé qu’il ne s’agissait pas d’opérations de change de devises mais bien du règlement de factures de vente à ses clients algériens par l’intermédiaire de la société Nikigold ce qui était confirmé par M. Y…, expert-comptable de la société Sentrax, qui a indiqué que les chèques tirés sur le compte de la société Nikigold et remis à Sentrax avaient bien été émis en règlement de marchandises vendues par Sentrax à des clients algériens, ces derniers ayant versé à Nikigold les sommes correspondantes en espèces ( ) ; qu’il n’est pas contestable que les espèces, en francs ou en devises, ont été remises au bureau de change par des clients non identifiés de Sentrax tandis que les chèques ou transferts ont crédité, non pas les comptes de ces clients, mais les comptes bancaires de la société Sentrax Trading International ; que, dans ces circonstances, la société Nikigold a bien géré des moyens de paiement, jouant le rôle de compensateur entre la France et l’Algérie, ce qui n’entrait pas dans le cadre de son activité de bureaux de change manuel, étant précisé qu’aux termes de l’article 520-1 du code monétaire et financier que les changeurs manuels ne doivent remettre à leurs clients que des espèces, la possibilité de remettre un autre moyen de paiement que des espèces n’étant accordée qu’aux clients ; qu’il est encore reproché au prévenu d’avoir encaissé deux chèques courant mars 1998 de 90 000 francs (13 721 euros) et de 215 000 francs (32 852,76 euros), émis par Jean-Louis Z…, en échange de la remise d’espèces intervenues quelques jours auparavant, pour un montant de 29 000 francs (44 210,21 euros), sous couvert d’opérations d’achat/vente de devises et de s’être fait remettre plusieurs chèques, courant mars 1998, tirés sur le compte de Patrick A…, du cabinet A… ou de la société financière des deux ponts, lesquels ont crédité les comptes de la société Nikigold en échange de la remise d’espèces par cette dernière, soit les sommes de 40 631 francs, 29 646 francs (4 519,50 euros) au profit du cabinet A…, et 30 347 francs (4 626,37 euros) au profit de la société financière des deux ponts, sous couvert d’opérations de devises ;

qu’Eric X… a toujours contesté ces faits, indiquant qu’il s’agissait bien d’opérations de change ( ) ; que ces dénégations sont contredites par les déclarations de Jean-Louis Z… et Patrick A… qui ont indiqué devant les agents de douanes : Jean-Louis Z… : « concernant les deux chèques de 90 000 francs et 215 000 francs, je les ai remis à un changeur manuel, en contrepartie d’une somme de 290 000 francs français en espèce, le solde constituant la commission du bureau de change ( ) », Patrick A… :

« j’ai émis ces chèques parce que j’avais besoin de liquidités et que je n’en disposais pas auprès de mes banques, j’ai donc remis ces chèques sans indiquer le bénéficiaire à Eric X… en échange de quoi il m’a remis des espèces moyennant une commission d’environ 4% ( ) » ; que, si aux termes de l’article 520-1 du code monétaire et financier, "les changeurs manuels peuvent accepter en échange des espèces qu’ils délivrent aux clients un règlement par un autre moyen de paiement, sous réserve que celui-ci soit libellé dans une devise différente, ils peuvent également remettre des francs en espèces en contrepartie de chèques de voyage libellés en francs ;

qu’en l’espèce, ces conditions ne sont pas remplies, les chèques remis par Jean-Louis Z… et Patrick A… n’étant pas des chèques de voyages mais de simples chèques émis à partir de leurs comptes bancaires et libellés en francs, en contrepartie desquelles ils n’ont pas reçu des devises mais des francs ; que dès lors, les opérations effectuées avec Jean-Louis Z… et Patrick A… ne constituaient en aucune façon des opérations de change s’agissant en fait d’opérations de gestion de moyens de paiement remis par des tiers, lesquelles opérations ont été volontairement masquées par le prévenu sous couvert d’opérations de change en apparence régulières ; qu’il est incontestable que monsieur X… a, de manière habituelle, effectué des opérations de banque, les fonds remis provenant de plusieurs clients au moins huit ; qu’en conséquence le délit d’exercice illégal de la profession de banquier est établi en tous ses éléments à l’égard de Eric X… concernant les opérations réalisées au profit de la société Sentrax Trading International et de Jean-Louis Z… et Patrick A… ;

« 1 ) alors que la gestion de moyens de paiement, constitutive d’une opération de banque qu’il est interdit à un tiers, autre qu’un établissement de crédit, d’effectuer à titre habituel, suppose l’existence d’opérations passées au débit ou au crédit de comptes ouverts à des tiers et permettant le transfert de fonds ;

qu’en se bornant, pour juger que le prévenu avait géré des moyens de paiement, à constater que ce dernier avait crédité les comptes bancaires de la société Sentrax en contrepartie de la remise par des clients non identifiés de cette société, d’espèces en francs ou en devises et à en déduire que ces opérations ne constituaient pas des opérations de change, sans caractériser l’existence d’opérations passées au débit ou au crédit de comptes que le prévenu aurait ouverts à cette société et qui seuls auraient permis le transfert de fonds au sens des articles L. 311-1 et L. 311-3 du code monétaire et financier, la cour n’a pas donné de base légale à sa décision ;

« 2 ) alors qu’en se bornant, pour qualifier encore les opérations réalisées au profit de Jean-Louis Z… et Patrick A… d’opérations de gestion de moyens de paiement, à constater qu’Eric X… encaissait les chèques émis par ces derniers en échange de la remise d’espèces et à écarter la qualification d’opérations de change, sans caractériser, par ailleurs, l’existence d’opérations passées au débit ou au crédit de comptes que le prévenu aurait ouverts à ces personnes et qui seuls auraient permis le transfert de fonds au sens des articles L. 311-1 et L. 311-3 du code monétaire et financier, la cour n’a pas donné de base légale à sa décision ;

« 3 ) alors qu’en tout état de cause, seule la personne, autre qu’un établissement de crédit, qui effectue à titre habituel des opérations de banque est punissable pour exercice illégal de la profession de banquier ; qu’en déduisant du seul fait que les fonds remis à M. X… provenaient d’au moins huit clients l’exercice habituel de la profession de banquier, la cour d’appel qui s’est ainsi prononcée par des motifs insuffisants à caractériser le caractère habituel des opérations de banque, n’a pas donné de base légale à sa décision" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Niki gold, gérée par Eric X…, exploitant des bureaux de change, a reçu des espèces de clients non identifiés de la société Sentrax trading international (Sentrax), commerçant des matériels informatiques entre la France et l’Algérie ; qu’en échange de ces versements, la société Sentrax a reçu des chèques et virements bancaires débités des comptes ouverts par la société Niki gold dans les livres des sociétés Union de banques à Paris et Banque parisienne de crédit ; que, par ailleurs, la société Niki gold a, moyennant rémunération, délivré des espèces en contrepartie de chèques bancaires émis par Jean- Louis Z…, n’exerçant aucune activité déclarée, par Patrick A…, conseil en redressement d’entreprises, et par une société financière gérée par ce dernier, qui n’avait plus la confiance de ses banquiers ; que ces paiements ont été dissimulés sous le couvert de transactions fictives d’achats et ventes de devises ;

Attendu que, pour déclarer Eric X… coupable d’exercice illégal de la profession de banquier, l’arrêt retient, notamment, que la société Niki gold a géré les moyens de paiement de la société Sentrax en jouant un rôle de compensateur entre celle-ci et ses clients algériens ;

que les juges relèvent que Jean-Louis Z… et Patrick A… n’auraient pas dû recevoir des espèces en francs en compensation de chèques bancaires libellés dans cette monnaie ; qu’ils ajoutent que la gestion de moyens de paiement remis par des tiers a été sciemment dissimulée sous le couvert d’opérations de change apparemment régulières ; qu’ils déduisent l’habitude du nombre de clients concernés ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que la cour d’appel a déclaré Eric X… coupable du délit d’abus de biens sociaux et l’a en conséquence condamné à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et de 20 000 euros d’amende ;

« aux motifs qu’il est établi par la procédure qu’Eric X… a émis un chèque de 553 346 francs soit 84 357,05 euros, remis au régisseur du tribunal de grande instance de Paris, en février 1998, aux fins de payer la caution de 550 000 francs mise à la charge de Farad B… à la suite d’une ordonnance de mise en liberté avec caution préalable rendue par un magistrat instructeur ;

qu’il n’est pas contesté par le prévenu que cette somme, qualifiée de prêt par ce dernier, a été prélevée sur les fonds de la société Nikigold, les espèces remises à la banque provenant de la caisse d’un des bureaux de change de la société ; qu’il est établi, à la lecture des comptes annuels de 1998 de la société, qu’une somme de 553 346 francs a été portée à la rubrique « débiteurs divers » et que cette somme soi-disant prêtée n’a fait l’objet d’aucun contrat, ni échéancier de remboursement, ni bien entendu de la moindre perception d’intérêts au moment de l’enquête ; que, par ailleurs le prévenu n’a pu rapporter le moindre commencement de preuve du remboursement de cette somme ; qu’il est incontestable que le prévenu en octroyant, sur la trésorerie de sa société, un prêt sans intérêt et non remboursé, pour faire plaisir à un ami, prêt pour lequel la société a fait l’objet d’un redressement fiscal, a bien commis un abus de biens sociaux au préjudice de la société Nikigold ;

« 1 ) alors que l’usage fait par un dirigeant social du crédit de la société est contraire aux intérêts de la société, et constitutif d’un abus de biens sociaux, dès lors que, sans contrepartie, il expose l’actif à un risque de perte ; qu’en se bornant, pour déclarer Eric X… coupable d’abus de biens sociaux, à relever qu’il avait octroyé, sur la trésorerie de la société Nikigold, un prêt sans intérêt et non remboursé à un ami, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait pour le dirigeant d’avoir par ailleurs renoncé à percevoir tous dividendes de la société, dont la situation financière était prospère, n’impliquait pas l’absence de tout appauvrissement de celle-ci et donc de tout risque de perte, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

« 2 ) alors que l’abus de biens sociaux suppose, pour être constitué, que le dirigeant ait agi de mauvaise foi en faisant des biens ou du crédit de la société un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci ; qu’en déclarant Eric X… coupable d’abus de biens sociaux sans rechercher si ce dernier avait agi de mauvaise foi en ayant eu conscience du fait que le prêt octroyé à son ami était contraire à l’intérêt de la société, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour déclarer Eric X…, gérant de la société Niki gold, coupable d’abus des biens de cette société, en lui faisant prendre en charge le cautionnement judiciaire assortissant la mise en liberté de Farad B…, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui établissent le risque anormal auquel la société a été exposée dans le seul intérêt, fût-il moral, de son gérant, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme qu’Erik X… devra payer à la Commission bancaire au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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